Lichy

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Premier article

Tout d’abord, précisons qu’il y a effectivement un lien évident entre le nom de la rivière, l’Ixeure, et celui du village Lichy, le « x » s’est prononcé de différentes façons depuis l’époque romaine. Il a d’abord représenté le son actuel « ks/gz ». Mais les scribes médiévaux l’utilisent fréquemment, entre Loire et Lot surtout pour représenter le son « ch » qui n’existait pas en latin, et qui se dégrade souvent en « s ». Cette évolution se retrouve aujourd’hui dans certains noms de famille ou de lieu : Le nom de famille « Tixier » est habituellement prononcé « tissié » ; en Bourbonnais, on trouve « Tessier », « Texier », « Tixier », « Tissier », et « Tichit » qui sont de la même famille ; et ne dit-on pas « Brussel » alors qu’on écrit « Bruxelles » (en flamand « Brussel ») de la même façon qu’on dit « Osserre » en écrivant « Auxerre » ? Mais cela ne donne pas la signification des noms !

En 1097, le village de Saint Jean aux Amognes est appelé « De Luxiaco » ; en 1232, « Parrochia Beati Johannis » ; en 1466, « Saint Jean de Lichi ». Nous avons donc là une relation évidente entre le nom de la paroisse, celui de la rivière et celui du village de la commune de Bona. Mais il faut d’abord savoir si ce nom est unique ou bien représenté dans la région :

Le Dictionnaire topographique de la Nièvre nous donne les formes anciennes du nom du village de Lichy (commune de Bona) : « Villa lucciaco » en 859, « Luchiacum » en 1120, « Lyssiacum » en 1297, « Lichiacum » en 1478 et « Lischy » en 1540. Mais il nous précise qu’il existe un autre Lichy, sur la commune de Cossaye, au sud de Decize, mentionné en 1599, dont les formes anciennes sont « Lissy » en 1463 et « Lixy » en 1469. De plus, pas très loin vers l’est, sur la commune de Gannay sur Loire (03), on trouve un domaine appelé lui aussi « Lichy », mais dont l’ancienneté est inconnue.

D’autre part, les formes anciennes du nom de la rivière sont : « Surra » en 1342, « Lixurre » en 1450, « Lixura » en 1478, et « Lixeure » en 1565.

Nous avons bien là des formes apparentées.

A partir de ces éléments, plusieurs interprétations sont possibles:

Le Dictionnaire étymologique des Noms de Lieux en France[1], nous explique le nom du XIe siècle par un nom de personne gallo-romain « Lucius ».

M.G.Taverdet, dans les Noms de Lieux de la Nièvre[2] suggère une autre possibilité : Le mot latin « Lucus », bois sans doute sacré, ou tout au moins assez important aux yeux des populations pour conserver un nom d’origine latine et non porter le nom germanique « bosk » dont la descendance toponymique est innombrable.

M . Taverdet compare avec le nom de lieu Lucy (Lucy-sur-Yonne, Yonne), dont le DNLF[not 1] donne une quinzaine d’avatars [3], quelques uns se rapprochent phonétiquement de notre Lichy: Luchy (Oise, « Luciacus », 869), Lucy (Marne, « Lucheyum », 1235). L’explication de Dauzat et Rostaing appelle un nom d’homme gallo-romain « Lucius ». Cela ne semble guère satisfaisant.

L’explication par le « bois », sacré ou non, ne me semble pas non plus très satisfaisante dans la mesure où, à quelques kilomètres de là, c’est à dire dans le même milieu linguistique, on trouve un lieu dit Lucy (commune de Montapas). Un autre existe à Neuvy sur Loire. On peut voir d’autres avatars de « lucus » dans la Nièvre : à Beaumont Sardolles, « Lugues », (Le Grand et Le Petit) ; à Savigny Poil Fol « Lucudre », sans doute le « bois (remarquable) des noisetiers ».

Il est une autre possibilité venant de l’ancien français qui n’est pas à négliger : « Lice » désigne un obstacle, un empêchement, une cour close, une frontière [4]. Or, nous nous trouvons dans une région où la prononciation du son « s » hésite entre le « s » actuel et le son « ch ». La preuve en est donnée par l’évolution du nom mais aussi par certains noms de lieux actuels [not 2]. On pourrait alors se trouver devant la désignation d’un lieu ceint d’une clôture dont nous ignorons la nature.

Résumons les hypothèses présentées:

Selon Dauzat et Rostaing il s’agit d’un lieu fondé ou nommé en l’honneur d’un gallo-romain « Lucius ». Selon M. Taverdet, soit « Lucius », soit la désignation d’un bois particulier, du latin « Lucus ». D’après une évolution phonétique de l’ancien français « Lice », un espace clos de nature inconnue (terre cultivée et protégée ? Lieu fortifié?)

Il semble que les interprétations par le latin « Lucus » et par le vieux français « Lice » soient les plus crédibles. D’ailleurs, leurs évolutions phonétiques sont très proches les unes des autres, ce qui autorise à penser que les deux termes auraient pu s’attirer mutuellement : Le « lucus » pouvait être entouré d’une « lice ». L’existence d’un hameau appelé « Prélichy », sur la commune de Pazy, donne à penser que l’idée de la « lice » est sans doute la bonne : Il s’agirait là d’un pré clos.

L’explication du nom de Lichy est très délicate, mais il semble certain que le village éponyme de la commune de Bona a dû être assez important pour donner son nom à la rivière qui y prend sa source. Alors pourquoi ne pas aller plus loin et interpréter le terme dans un sens plus précis : On peut imaginer qu’il a désigné, à une certaine époque, un lieu entouré d’une petite palissade en bois, comme celles du haut Moyen-Age ; mais il est possible aussi de suspecter un lieu situé en limite de seigneurie (et pourquoi pas fortifié, même succinctement) et qui aurait servi de « poste frontière » [not 3]. Des recherches historiques sur cette région de la Nièvre pourraient sans doute apporter des informations plus précises.

Source de ce premier article

  • Article publié dans la revue Blanc Cassis
  • Saisie par Bertrand Lespagnon


Second article

A quoi correspond le nom « Lichy » rencontré dans les registres des paroisses du pays des Amognes, sachant que l’Ixeure (ou Lixeure) qui coule à 4 km de Saint Jean aux Amognes prend sa source dans l’ancienne paroisse de Lichy et que l’on trouve pour origine étymologique : Lichiacum = Lichy, St Joanis de Lichiaco = St Jean aux Amognes.

J’ai consulté le Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France[not 4], où l’on trouve page 605 le libellé suivant : St Jean aux Amognes (Nièvre) – de Luxiaco 1097, voir Lucy – parrochia Beati Johannis 1232. Je me suis reporté à Lucy (d’où dérivent Luchy, Lussac etc.) qui se rapporte à un nom d’homme latin : Lucius. Donc Lichy dérive de Lucius, de même que Montigny aux Amognes = Montiniacum 1097 dérive de Montinius, de même que Saxi Bourdon dérive de Saxius etc. La terminaison Y de Lichy, si fréquente dans les noms de lieu de la Nièvre, signifie que le territoire était le domaine, le fonds du gallo-romain Lucius.

J’ai tendance à penser que le nom de rivière Lixeure dérive aussi du même nom, car la terminaison eure correspond au mot pré-celtique ur qui signifie eau, rivière. La rivière Lixeure a reçu le nom de sa localité d’origine Lichy. Et la paroisse St Jean, pour être distinguée des multiples autres du même nom, avait reçu le nom de la rivière voisine, avant d’être qualifiée du nom du pays où elle se situe.

Lichy est une ancienne paroisse, actuellement un hameau, à 2 km au nord de Bona. En arrivant à Lichy, on passe non loin du château dont le corps de logis barlong flanqué de tours est du 16eme siècle, avec un beau colombier. J’ai voulu en savoir un peu plus sur Lichy en regardant le Folklore du Nivernais et du Morvan[not 5]. J’ai d’abord regardé Tome 1, page 54, ce qu’il dit des Amognes en général.

Donc, dans son Tome 1, Jean Drouillet parle du « jardin des Amognes » aux terrains marneux, c’est à dire argilo-calcaire. Il dit que Guy Coquille, aux environs de 1575, écrivait que le territoire était « fort fructueux en bled ». Puis les étendues cultivées en céréales diminuèrent pour laisser place aux cultures fourragères : pâturage supplanta labourage, grâce au développement de la race charolaise importée dans le Nivernais vers 1780. Plus d’industrie, bien que du 16e à la fin 18e siècle la région constituât une zone ferrifère importante avec forges et fourneaux. Une population uniquement paysanne, composée de laboureurs, d’éleveurs, de vignerons et de bûcherons, a permis aux vieilles coutumes de longtemps se maintenir, au parler de ne point mourir sans laisser de nombreuses traces.

Ensuite dans les Tomes I p. 219 et V p. 212, j’ai trouvé deux mentions particulières à Lichy :

Concernant les fêtes locales, la Saint Cancouelle se fête à Lichy le dernier dimanche d’avril, au moment où les cancouelles [not 6] font leur apparition. Ceci étant rapporté par Victor Guéneau en 1919 à la Société académique du Nivernais.

Concernant des vestiges analogues aux cairns bretons, il existe dans les campagnes nivernaises des tertres sous lesquels, selon la légende, auraient été enterrés des hommes ou des femmes ayant péri de mort violente, accident ou assassinat. Chaque passant grossit pieusement le tertre d’une pierre ou d’une branche d’arbre. Selon Morlet, « Le Nivernais, album historique et pittoresque, 1840 » il y avait naguère, dans les bois de Lichy, deux tertres funéraires appelé l’un « l’homme de pierre » l’autre «l’homme de paille », où pierres et branches faisaient des monceaux.

Source du second article

  • Article publié dans la revue Blanc Cassis
  • Saisie par Bertrand Lespagnon


Notes et références

Notes

  1. Dictionnaire des Noms de Lieu en France
  2. Par exemple « Ichard » (Saint Léger de Fougeret) : « Bois des Issards » en 1405…
  3. Cela est d’autant plus plausible qu’on se trouve à 2 km environ d’un lieu appelé « Borne des cinq Seigneurs » situé sur un plateau forestier, au point culminant de la Nièvre sédimentaire, carrefour de plusieurs chemins, dont un qu’on peut suivre de Decize à Lurcy le Bourg.
  4. de Dauzat et Rostaing Ed. 1978
  5. de Jean Drouillet, Ed. 1959
  6. hannetons

References

  1. Albert Dauzat et Charles Rostaing. Dictionnaire des Noms de Lieu en France. Librairie Guénégaud. 1984. article « Saint Jean »
  2. Gérard Taverdet. Les Noms de Lieux de la Nièvre. Dijon. CRDP. 1987
  3. DNLF. Article Licy
  4. Frédéric Godefroy. Lexique de l’ancien Français. Librairie Honoré Champion. Paris 1982 ; article « lice »