Première rentrée

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Je m'appelle Christiane Seillé. A l'été 1954, je viens d'obtenir mon bac sciences-ex, j'étais pensionnaire au lycée Raymond Naves de Toulouse.
Je rentre dans ma famille pour les grandes vacances.
En 1949, mon père est décédé à 39 ans. Ma mère reste seule avec quatre enfants et sa mère. Pendant l'été, me rendant compte des difficultés financières de la famille, je décide de renoncer à des études supérieures et de travailler.

Travailler

A cette époque là, on pouvait entrer à l'Education Nationale en tant que remplaçante. Il suffisait d'avoir obtenu le baccalauréat. Je me renseigne pour savoir quels sont les départements déficitaires en personnel enseignant. Les départements les plus proches de Toulouse : le Rhône, la Nièvre, le Loir-et-Cher.
Par courrier, je fais acte de candidature auprès des inspecteurs d'académie des 3 départements cités.

Sans réponse début septembre, je décide de faire les vendanges à Gaillac dans le Tarn afin de gagner de l'argent. C'était très fatiguant mais bien payé.
Le 2 octobre, je suis toujours dans les vignes. En début d'après-midi, nous voyons arriver un télégraphiste à vélo. Il demande Mlle Seillé et me remet un télégramme.
L'académie de la Nièvre accepte de m'intégrer et me notifie de rejoindre immédiatement Château Chinon pour remplacer Mme Mantin en congé de maladie.
Adieu vendanges et soleil du sud-ouest.

Le long trajet et le dépaysement

Dès le lendemain, chargée de deux valises, sans roulettes évidemment, je prends le train de Toulouse, puis direction Paris, changement à Vierzon pour Nevers.
Le 4, au petit matin je débarque à la gare de Nevers encore en partie détruite par les bombardements. Il en est de même pour l'avenue de la gare où de nombreuses maisons ont souffert de la guerre. Et pas de soleil !
Et après m'être renseignée, je me présente dans un bureau de l'inspection académique.
Accueil glacial de la part d'une secrétaire qui me dit que ma place n'est pas là, mais dans un autocar pour Château Chinon.
Toujours avec mes deux valises extrêmement lourdes, je refais le chemin inverse pour rejoindre la gare routière.
Après 4 heures de bus inconfortable, qui s'arrête dans chaque village, me voici à Château Chinon.

Premiers contacts avec le métier

A l'école primaire où je devais « enseigner », je me présente à la Directrice avec mon ordre de mission.
Aussitôt direction la classe où une trentaine de fillettes m'attendent.

Je découvre alors l'univers d'une classe : un bureau perché sur une estrade qui domine les tables des élèves.
La directrice me présente, puis me montre l'emploi du temps affiché au mur derrière le bureau et me désigne le cahier journal laissé par Mme Mantin.: « Voilà, vous pouvez vous mettre au travail tout de suite ».
Panique à bord !
Je commence par faire l'appel. C'est une classe de CM1...

Le temps a passé, l'après-midi étant très avancée, je décide de contrôler le niveau de lecture de mes nouvelles élèves. Puis je dicte quelques phrases. Je ne suis pas surprise des résultats, il y a du bon et du mauvais. Et c'est l'heure de la sortie. Ouf !...
Voilà ma première expérience d'institutrice.
Je ne suis pas enthousiasmée. Demain est un autre jour. Je vais m'accrocher.
Je termine cette première journée nivernaise en reprenant mes deux valises à la recherche d'un hôtel pour mon séjour dans le Morvan.

Avec le recul

Et aujourd'hui après tant d'années, je m'étonne d'avoir résisté à l'éloignement de ma famille, au fait d'être seule, avec très peu d'argent et aucune connaissance.
J'étais décidé de résister et de persister. Heureusement, car sans le savoir j'allais effectuer 13 autres remplacements dans cette première année scolaire 1954-1955 qui me mèneraient d'Arquian à Chantenay Saint Imbert et de Larochemillay à La Charité sur Loire, en passant par Nevers, Saint Parize le Châtel, Saint Martin sur Nohain, Montenoison, Bazoches, Cosne sur Loire, Mont et Marré etLuthenay Uxeloup.


--Patrick Raynal 25 juillet 2014 à 17:42 (CEST)