Tailleur de limes

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C'est celui qui, après avoir préparé des morceaux de fer d'une longueur, largeur et épaisseur proportionnées aux limes qu'il veut faire, en rend la surface raboteuse ou hérissée d'irrégularités, à l'aide desquelles on peut réduire en poussière les corps les plus durs . Telle est la définition donnée par le Dictionnaire raisonné universel des Arts et Métiers de cette profession, qui vit son apogée à la fin du XlXe siècle pour s'éteindre vers les années 1960 sur le canton de La Charité sur Loire .

A la réflexion, ce secteur d'activité n'a rien d'étonnant dans une région qui tirait une bonne partie de ses revenus de l'extraction du fer dès le XVIe siècle . Les forges sont alors nombreuses vers Beaumont la Ferrière, Raveau, Varennes les Narcy, Narcy... et les ateliers de métallurgie de transformation se créent et prospèrent au fil des ans. C'est au Belge Jean Dequenne, émigré en France dans les années 1810, médaille d'or à l'exposition de 1819, rappelée en 1823, 1828, 1834 et 1839, que l'on doit le démarrage à Saint Hélène de la production de limes.

Sa fabrique emploiera dix-neuf ouvriers en 1856, tandis qu'un concurrent installé à quelques mètres, Ferrand, employait vingt personnes à la même époque. Dequenne poursuit ses activités jusqu'à la guerre de 14, alors que Ferrand sera racheté en 1898 par un ingénieur lorrain : Louis Piffard, puis repris par son fils René, et ensuite par la société UMAS qui maintiendra l'activité jusqu'en 1968, date de la fermeture définitive. Le forgeage puis le dressage le meulage et le limage. L'acier arrivait en barres de 4 m. Il était coupé à la longueur voulue, puis recuit entre 720° et 750°. Venait ensuite le dressage, le meulage et le limage des ébauches à tailler. Les limes étaient taillées en commençant par la pointe.

Pour tailler, l'ouvrier s'installait sur son plot, sur lequel était fixé un tas en acier, dans lequel était coulé un bloc de métal entaille de saignées de profondeurs différentes selon les limes à tailler. Terminées, les limes étaient trempées, nettoyées et contrôlées avant d'être mises en paquets. Les deux fabriques différaient dans leur conception du travail : pour l'une à la main, chez Dequenne qui forme ses apprentis et travaille principalement pour l'Etat ; pour l'autre, en introduisant progressivement des machines chez Piffard qui fournit Renault, Citroën, les ateliers de construction de chemins de fer, etc... La main d’œuvre était exclusivement locale, composée également de saisonniers (paysans l'été, tailleurs de limes l'hiver), et de travailleurs à domicile.

Les conditions de salaire sont assez mal connues avant 1900 : en 1860, pour douze heures de travail par jour, les forgerons gagnent 3,25 F dans l'une comme dans l'autre usine ; les tailleurs : 2,50 F et les femmes à peu près la moitié .

Se considérant exploités, les travailleurs de limes —déclenchent une série de grèves entre 1903 et 1907. La plus dure pour les habitants de Raveau et de Saint Hélène sera celle de juillet 1906 à avril 1907. Le résultat ne sera pas celui escompté : 15 % d‘augmentation au lieu de 35 % demandés, des licenciements dans certaines usines et même des fermetures dont celle de l'atelier ,Even de Raveau, qui s'installe dans l'Eure .

A coté de ces "grandes" fabriques s'étaient créés de multiples petits ateliers travaillant soit pour leur propre compte, soit pour Piffard ou Dequenne. On estimait au quart de la population active masculine le nombre de personnes travaillant dans le secteur vers 1901, à la moitié de 1911 à 1921 . C'est dire l'importance que pouvait représenter ce secteur, aujourd'hui disparu.

Dans cette disparition, il faut voir l'effondrement d'une production liée à une société rurale ancienne, mais aussi à travers les grèves du début du siècle, la manifestation des transformations profondes de cette société . Pour les nostalgiques de cette époque, le musée de La Charité a consacré une salle aux tailleurs de limes, un but de promenade en cette fin de saison estivale.

Sources

  • Revue Blanc Cassis n°58
  • Dossier du musée de La Charité "tailleurs de limes au XlXe et XXe siècles". (Journal du centre 20 août 1994)