Les Achats et exploitations de bois

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Le commerce du bois

  • En dehors des ventes à l'amiable, il y avait autrefois comme aujourd'hui des adjudications. Ainsi au mois d'octobre 1780, le seigneur de Marignye, de présent en son château, paroisse de Jaugenay, fait procéder par le notaire Darvoux à le vente et adjudication au plus haut metteur ci dernier enchérisseur de quelques bois taillis et bois futaies qui lui appartiennent. D’abord il fait adjuger deux cantons de bois taillis, de l'âge de 20 ans ou environ et d'une superficie de 30 arpents. La coupe commencera au jour de la St Martin d'hiver prochaine. L'adjudicataire aura deux ans et demi pour enlever ses bois. Il devra laisser par arpent 20 baliveaux anciens et 4 modernes. Le préposé du seigneur marquera les troncs. Si les chênes ne suffisent pas, il marquera aussi d'autres espèces d'arbres. L'adjudication est poussée par des marchands de Nevers et de la région. C'est un marchand de Luthenay qui est preneur à 121 liards l'arpent, ce qui fait une augmentation sérieuse sur le siècle précédent. Le saigneur de Marigny fait aussi adjuger une pièce de bois futaie, appelée la Garenne d'Aglan, d'une superficie de 5 arpents, située en la paroisse de Lucenay les Aix. L'adjudicataire ser tenu de rendre la place nette dans un délai de 18 mois à partir de la St Martin. Le seigneur se réserve 100 pieds d'arbres au choix de l'acquéreur, et le branchage de 50 autres. Un marchand de Decize est preneur à 1 200 liards ce qui fait près de 250 liards l'arpent.
  • L'adjudication est un procédé très employé au 18e siècle. L'Hôtel-Dieu, les Jésuites et les communautés religieuses ne procèdent pas autrement. Ils font annoncer et afficher leurs adjudications non seulement à Nevers, mais dans les paroisses et villes voisines, à la Charité, à Bourges et à Moulins; Certaines grandes adjudications se font en vertu d'arrêts du Conseil d’État, et sous la direction de la maîtrise royale des Eaux et Forêts.
  • Quelquefois, les coupes ne sont que partielles et se limitent à certaines espèces d'arbres. Le 23 juin 1688, François Gudin, licencié-ès-lois, agent du couvent de la Fermeté sur l'Ixeure, vent à Jean Pichenel, marchand de Nevers, moyennant 300 liards tous les vieux arbres, chênes et anciens baliveaux d'un bois situé en la paroisse de Monceau sur Azy. Pichenel laissera les baliveaux des deux dernières coupes. Il aura un délai de 3 ans pour enlever ses arbres et les convertir en telles marchandises qu'il voudra. Le 12 juin de la même année, Pichenet passe un contrat encore plus limité avec Jacques Sebault, laboureur à Luthenay, maître et chef de sa communauté. Il achète 21 pieds de gros chênes, à choisir dans un buisson appelé le Bois des Jours, paroisse de Luthenay, moyennant 90 liards, avec un délai d'exploitation de deux ans. Tant que les arbres seront debout, la glandée appartiendra à Sebault. Les conditions peuvent être encore plus précises. Le 21 février 1681, François Dhoreau, écuyer, seigneur de Travan, paroisse de Savigny sur Sardolle, vend 200 pieds de chênes, dont la moitié auront deux pieds de tour, et le reste deux pieds et demi, à prendre la dite rondeur jusqu'à hauteur du col d'un homme, au taux de 8 sols par arbres.
  • Quand les marchands achètent le bois sur pied, ils font eux mêmes l'exploitation. Le petit bois est assemblé en fagots ou se transforme en charbon. Les grosses pièces sont débitées comme bois de fente ou de charnier à l'usage des vignerons, bois de merrain, traversin ou ganivelle à l'usage des tonneliers, bois de sciage pour les menuisiers, ou d'équarrissage pour les charpentiers. Le reste sert à faire du bois de moule ou bois à brûler.
  • Ils doivent s'entendre avec diverses catégories d'ouvriers. Ils recrutent des équipes de bûcherons, qui abattent les arbres, préparent les fagots et les bois de moule. Le 27 octobre 1688, un coupeur de bois, Edmé Delhomme, demeurant à Challuy, s'engage à travailler pour le compte des sieurs Antoine Chambodu et Gervais Andrinet dans un bois de 10 arpents qu'ils ont acheté à l'abbé de Saint Martin. Il devra couper, façonner et convertir en bois de moule tout ce qui y sera propre, et à l'égard du branchage sera tenu le mettre en fagots à un lien de longueur et grosseur ordinaire, à raison de 20 sols par chacun millier de bois et 7 sols par chacun cent des dits fagots.
  • Les fendeurs de bois et les scieurs de long apprêtent le bois de fente, sciage ou équarrissage. Le 29 mai 1666, Eugène Evrat et Jacques Bonnot, fendeurs de bois au faubourg de Mouesse, se mettent au service de Jacques Coquille, marchand de Nevers. Ils convertiront en charnier, traversin ou ganivelle, moyennant 13 liards par cent de charnier et par millier de traversin ou ganivelle, certains bois que Coquille a achetés à Sancoins. Ils se mettront à l'ouvrage à partir du 1er juin avec deux ateliers. Après la moisson, ils auront 3 ateliers et même davantage. Ils travailleront sans discontinuer jusqu'à ce qu'ils aient épuisé les bois de Jacques Coquille. Le 5 novembre 1685, Jean Raslu et Charles Durin, marchands à Nevers, embauchent deux scieurs de long du payas de Fores, qui travailleront de leur métier dans un bois du prieuré de la Fermeté sur l'Ixeure, dont la coupe et superficie appartiennent au dit Raslu et Durin. Ils convertiront tous les bois en ouvrages de sciage et d'équarrissage et commenceront dès le 15 de ce mois avec une équipe de 7 hommes sans discontinuation. Ils recevront 13 liards par chacun cent solives et 11 liards par cent de planches et de poteaux.
  • Les négociants de Nevers achètent aussi le bois tout préparé. Sur les divers ports de Loire et dans toutes les localités forestières voisines, un grand nombre de marchands plus ou moins campagnards exploitent les forêts. A leur défaut, les paysans occupent leurs loisirs d'hiver à faire des coupes de bois. Ce trafic est surtout intense dans certaines localités comme Decize, ou plus exactement au port de Charbonnière. C'est là que se réunissent tous les bois de moule de la région. Les contrats entre marchands de Nevers et marchands des ports de Loire sont nombreux et importants. Au 17e siècle, les sieurs Jean Couasnon père et fils, contemporains de Jean Thomas, dit Malsin, font d'énormes achats de bois, et l'on retrouve quelquefois dans leurs contrats le caractère exclusif de certaines conventions métallurgiques. Le 2 juin 1684, les sieurs François Collas et Jacques Boizeau, de St Léger des Vignes, promettent de leur réserver tous les bois de moule, qu'il couperont dans les bois de Champvert, à raison de 150 milliers par an, et 5 liards 3 sols par millier. Le 4 août 1688 marché analogue. Collas et Boizeau s'engagent à livrer au même pris tous les bois qu'ils couperont dans les terres du seigneur de Montigny, à raison de 200 milliers par an, et sans qu'il puissent les céder à d'autres marchands sous aucun prétexte. Le 12 août 1684, deux autres marchands de St Léger des Vignes, Gaspard Garnier et Nicolas Dugué, réservent aux sieurs Couasnon 300 milliers de bois de moule, qu'ils vont couper dans les terres du même seigneur. La coupe commencera le 1er septembre prochain ; ils livreront 100 milliers à la Noël, 200 au début du mois d'août 1683 et le reste à la St Jean Baptiste de l'année 1686. Le 10 décembre 1689, Nicolas Dugué passe encore avec ses clients de Nevers un contrat particulier. Il fournira 200 milliers de bois de moule. Les prix ne varient pas. Tous ces bois sont livrables sur le port de la Charbonnière. C'est l'un des principaux centres d'approvisionnement du commerce nivernais.
  • Un peu en aval de Decize, les petits ports du Rozier, de Teinte et de Béard font aussi un commerce de bois très actif. Certains marchands de Sougy, comme Achille et Gilbert Robin, ou de Druy, comme Nicolas Clerc, ne son guère que des commis aux ordres des Couasnon. Le 18 février 1680, Gilbert Robin devait leur amener sur le port de Teinte, en lieu chargeable à bateaux, la quantité de 100 milliers de bois de moule à raison de 6 liards le millier. Le contrat ajoutait même que Robin recevrait un chapeau pour son usage personnel et une paire de souliers pour son fils. Le 27 mars 1684, Nicolas Clerc livre sur les port du Rozier 21 milliers de bois de moule à 100 sols le millier, en comptant 21 milliers pour 20. En 1682 et 1683, il faisait des livraisons analogues sur les ports de Mortier et de Béard à raison de 4 liards 10 sols le millier. Un peu plus loin, le port des Bois et celui des Plauts sont fréquentés par les marchands de St Ouen et de Sardolles, les ports d'Imphy et de Thiol par ceux des Amognes. Sur la rive gauche de la Loire, les bois s'embarquent à Avril, à Fleury, à Uxeloup, à Chevenon. Cuffy, au confluent de l'Allier, est encore un centre important à proximité des forêts qui s'étendent jusqu'à la Guerche et Sancoins. Avec les sieurs Couasnon, d'autres marchands comme Gervais Andrinet, Jean Raslu, Jean Regnier, Martin Boulet, Antoine Chambodu ou Jean Pichenet, participent à ce commerce.
  • Les négociants de Nevers achètent aussi du bois détaillé, bois de fente, sciage ou équarrissage. Tous les scieurs de long et fendeurs de bois ne sont pas réduits à la condition de manœuvres. Quelques-uns travaillent à leur compte, achètent des coupes ou certaines quantités de bois et vendent aux marchands le produit de leur travail. Le 29 juin 1686, Louis Millien, fendeur à Nevers, livre 2 000 toises de solives à raison de 40 liards les cent toises, en comptant 104 pour 100. Le 18 janvier 1727, Léonard Picard, fendeur de bois au Gravier, dépose sur le port du Bec d'Allier, en lieu chargeable à bateaux, la quantité de 4 cents de charnier futaie et moderne, composé de 208 javelles par cent, de grosseur et longueur convenables de marchand à marchands, à raison de 72 liards le cent. Le 27 décembre de la même année, Pierre et André Derry, fendeurs en traversin, demeurant le premier à Luthenay, l'autre à Chantenay, promettent de livrer sur le port d'Avril avant le printemps prochain 2 milliers de traversin, bois marchand de 4 pouces la doille et 3 pouces le fond, le millier composé de 21 cents, savoir 14 cents de doilles et 7 cents de fonds, sans aucun bois piqué, dans lequel nombre de 21 cents entrera un cent de bois rouge par chaque millier. Le prix et de 133 liards le millier. Avec tous ces achats de bois de moule ou de bois travaillé, les marchands de Nevers n'ont pas l'embarras d'avoir des ouvriers à leur service, mais ils paient plus cher et font de moindres bénéfices. Il arrive aussi que des ouvriers finissent par s'improviser marchands. Louis Millien par exemple est à la fin du 17e siècle qualifié de marchand.
  • Le Nivernais produit en abondance les espèces de bois dur et de bois tendre qui se rattachent au groupe des arbres à feuilles caduques. Mais les sapins et les conifères ne sont pas très répandus. D'ordinaire les marchands font venir ces bois d'Auvergne et les achètent sciés et débités en planches.