Laurent François Guillaume Barthélemy

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François Guillaume Barthélemy LAURENT (1750-1825), jeune poyaudin, Général de la République

Tous les poyaudins étaient potiers et en particulier la famille LAURENT (1). Eh bien, non : certains étaient drapiers comme François LAURENT et son épouse Françoise BERGERY. Ils s’étaient mariés le 17 avril 1742 à Saint Amand en Puisaye (2) et ils ont eu beaucoup d’enfants : au moins onze, à notre connaissance. L’entretien de cette famille nombreuse exigeait de gros moyens, c’est pourquoi le père de famille s’est reconverti ensuite comme cabaretier et aubergiste.
Leur fils aîné François Guillaume Barthélemy est né le 24 août 1750 et il fut baptisé à l’église Saint-Amand (3). A l’école du village il a appris à lire et à écrire. A 12 ans, il signe le registre comme parrain d’une petite sœur Marguerite. Mais, le 27 novembre de la même année il assiste aussi à l’enterrement d’un de ses frères décédé à l’âge de 11 ans.
François ne gardera pas un souvenir attachant de son enfance à Saint-Amand. En effet, peut-être pour s’en sortir, à 16 ans, il va s’engager dans les soldats du roi.

Le Royal-Infanterie

Bien des garçons s’engageaient ainsi dès leur plus jeune âge et le régiment assurait complètement l’éducation de ces enfants de troupe, qui formaient ensuite des soldats de confiance. En échange, le gamin quittait sa terre natale, n’était plus à la charge de ses parents et partait courir le monde, au gré des garnisons de son régiment.
François s’est engagé le 10 mai 1767 dans le Régiment Royal-Infanterie, stationné à Metz (Moselle) et qui était composé de quatre bataillons (4), sous la houlette de son colonel, le marquis du Tillet. On peut se demander pourquoi un régiment lorrain vient recruter chez nous, en Puisaye : peut-être un des bataillons est passé dans le Nivernois à cette date, à moins qu’il ne s’agisse d’une tournée d’un sergent recruteur.
Dès septembre, le régiment s’en va à Saarlouis, puis à Thionville (5). Les soldats écrivent de temps en temps à leurs familles. C’est peut-être de cette façon que François apprend la naissance dans l’auberge de ses parents, d’un autre petit-frère, Edme-Ambroise, venu au monde le 16 août 1768.
La formation que reçoit François lui plaît et dès le 4 octobre 1768, il devient caporal. Mais les garnisons se succèdent, François voit du pays : Longwy, Montmédy. En 1771, il deviendra sergent, puis en 1773, fourrier. Il part aussi pour des destinations plus lointaines, à l’été 1770 le Royal est à Brest (Finistère) et revient en décembre à Givet (Ardennes). En dehors de ses voyages, le régiment est toujours stationné aux frontières de L’Empire ou des Pays-Bas autrichiens.

Le drapeau du Régiment de Brie (1775)

Le 26 avril 1775, le nouveau roi Louis XVI prescrit de dédoubler tous les régiments d’infanterie à quatre bataillons. C’est ainsi que fut créé à Strasbourg le Régiment de Brie à partir des 2ème et 4ème bataillons du Royal-Infanterie, où François était employé. Le colonel Jean-Gabriel de la Roque, comte de Podenas, en prenait le commandement.

Et les garnisons se succèdent encore, de Phalsbourg (Moselle) à la Rochelle (Charente-inférieure), puis à Antibes et Monaco (novembre 1777), avant de rentrer à Phalsbourg. François, sergent-major depuis le 27 juillet 1780, acquiert une connaissance précise des places militaires des frontières du royaume. Mais ces frontières sont calmes et malgré la guerre avec l’Angleterre, François n’a pas reçu le baptême du feu.
En 1781, le régiment de Brie repart en Bretagne (Saint-Pol de Léon) et après le traité de Versailles (3 septembre 1783), revient s’établir à Lille. Le colonel Jean-Gabriel René François de Fouquet, marquis d'Auvillars devient le nouveau père du régiment et François est fait adjudant-sous-officier. Les deux bataillons se déplacent dans les garnisons du Nord : Bergues, Gravelines, etc. François est porte-drapeau, sommet de la carrière des sous-officiers. A l’été 1788, des troubles surgissent qui font rentrer le régiment à Lille. Les privilèges de la noblesse ayant disparu, François Laurent est nommé sous-lieutenant, le 2 mai 1790.
Cela lui vaut une permission dont il va profiter pour assister à Saint-Amand, le 5 octobre 1790, au mariage de sa petite-sœur Madeleine avec François Labrot. Il en profite aussi pour raconter à sa famille les joies de la vie militaire. Du coup, son jeune frère Edme-Ambroise s’engage comme soldat au 1er bataillon du Loiret (6).
A son retour, toujours apprécié et aimé de ses supérieurs, François va être fait chevalier de Saint-Louis (19 juin 1791). Le régiment passe sous le commandement de Jean-Baptiste Symon de Solémy, mais celui-ci va émigrer bientôt avec les officiers du régiment, pour gagner l’armée des princes à Ath (Hainaut). Il sera remplacé par le colonel Delaage. Le régiment de Brie devient alors le 24ème régiment d’Infanterie.
La guerre menace, les alliés se coalisent. Au début le 2ème bataillon seul restera à Lille et François y sera nommé capitaine (1er avril 1792). Le 29 avril 1792 eut lieu à Baisieux (Nord) une révolte des soldats de l'armée royale, qui avaient été trompés par un ordre de retraite mal expliqué du général Dumouriez, s'étaient mutinés et avaient tué le général Dillon. Le 24ème participait au rétablissement de l’ordre. Après cette affaire le colonel Pierre Antoine Dupont-Chaumont prit la tête du 24ème et l’emmena, sous les ordres du général Kellermann, participer à la victoire de Valmy (20 septembre 1792). Après la bataille, le 1er bataillon du 24e poursuivit les Prussiens jusqu’à la frontière et prit ses quartiers d’hiver à Metz.

La campagne du Rhin

Les soldats de la République (1793)

Durant l’hiver 1792-1793, avec l’armée des Vosges, le bataillon de François a fait la campagne sur le Rhin. François eût les jambes gelées devant Trèves (Sarre). Vingt-trois ans plus tard il souffrira encore de ces gelures qui vont l’empêcher de se battre aussi bien qu’il le voudrait (7). Mais il prend sur lui, d’autant plus que les officiers étant rares, on lui confie par intérim le commandement du 1er bataillon de campagne pour être employé à la défense de la rive gauche du fleuve. On le trouve dans toutes les affaires du moment dans les départements de la Sarre ou du Mont-Tonnerre. Par exemple à Limbach (Sarre) où il commandoit quatre compagnies pour protéger la retraite, qui en imposèrent à la cavalerie ennemie par un feu très vif, lui firent abandonner une pièce de 8, et un obus dont ils s’étoient emparés et dégagèrent les hussards et chasseurs qui étoient pêle-mêle avec eux, mais aussi à Saint-Ingbert et à Keiderick en Sarre, puis à Pirmasens (Mont-Tonnerre) où il fut blessé à l’épaule gauche, et enfin à la bataille de Wissembourg (Bas-Rhin). Tous ces actes de bravoure lui valent les compliments de ses supérieurs, qui le proposent pour prendre un commandement (8). Le 29 ventôse de l’an II (19 mars 1794) François Laurent est élevé au grade de général de brigade et employé dans la division du général Moreau (9). Pour un roturier, issu du rang, sous-officier en 1791, devenir chevalier de Saint-Louis puis général à 43 ans est une carrière inespérée.

Le général Laurent est passé à l’armée du Nord pour les campagnes de 1794-1795, à commencer par le siège d’Ypres (Lys). Durant cette affaire, il s’empara du fort de Cnocke, le long du canal de Boesingue. A l’attaque du pont de Merckem, il fut blessé de trois coups de biscaïen et avait failli tomber au pouvoir des Hollandais. Le 25 août, il reprit le combat au fort de l’Ecluse (Escaut) pour achever l’occupation de l’île de Cadsandt.

Plan des fortifications de Venlo (XIXème siècle)

Pendant la maladie de Pichegru et l'absence de Moreau son remplaçant, le général Laurent fit le siège de Venlo (Meuse-inférieure). La prise de Venlo est une des plus brillantes opérations de l'art et un des plus glorieux exploits de l'armée française : 4500 hommes, commandés par le général Laurent, firent capituler en quatre jours, sans tirer un seul coup de canon et sans daigner employer le secours des traîtres, 4000 combattans renfermés dans un fort parfaitement en état et richement approvisionné (10). Le général Laurent, bien qu’il ne soit pas sorti d’une école de Guerre, s’était montré habile dans l’art des sièges, et commandait à sa brigade sans craindre de s’exposer : Dans ce moment, le général Laurent, qui s'était porté à la gauche de la tranchée pour faire une reconnaissance avec le chef de bataillon Poitevin se trouva tout à coup entouré par les cavaliers ennemis, et aurait été forcé à se rendre prisonnier, si un volontaire n'eut pas tué d'un coup de fusil l'officier hollandais qui voulait le saisir. Laurent avait offert à la garnison de Venlo, qui s’était rendue sans combattre, les honneurs de la guerre et l’avait laissé sortir avec ses armes. Lorsque la Convention reçut cette nouvelle, le général Vandamme fut nommé à la tête de cette division à la place du vainqueur ! Mais Pichegru, au retour du général Moreau, maintiendra dans sa division les brigades de Vandamme et de Laurent (11).

Pichegru souhaitait s’attacher le général Laurent. Le 24 novembre, il écrit à Moreau : Hâte, si tu le peux, la nomination de Macdonald et de Laurent au grade de général de division. Le général Laurent refit une fois de plus ses États de service, sur lesquels Pichegru écrit la note suivante : Bon officier, propre à faire un Général de Division, à Conserver en Ligne et à l’Armée. Au Quartier Général à La Haye le 18 Pluviôse L’an 3e de la République. Le Général en chef, Pichegru (12).
La situation matérielle n’est pas riante. Laurent écrit à Vandamme qu’il y avait dans sa brigade plus de 800 hommes nu-pieds ou avec des sabots. Dans une lettre Pichegru demande à Moreau d’offrir à Laurent une carte parce qu’il n’en avait pas !

La défense des Côtes

Carte des « Départements Réunis » (Directoire)

En l’an V et en l’an VI, Laurent est chargé de commander les troupes en Zélande, depuis la place de Gand (Escaut). Après le traité de Campo-Formio (17 octobre 1797), la brigade rentre à Lille, le général Laurent conservant le commandement militaire des départements de la Lys et de l’Escaut. Son frère Edme-Ambroise, qui vient d’être nommé sous-lieutenant au 23ème de ligne, est employé à ce moment à la répression des insurrections qui éclatent dans les départements réunis (13). Le 18 mai 1798 les Anglais tentent un débarquement avec 2000 hommes. La brigade Laurent n’a que quatre compagnies, cent chevaux et deux canons. Malgré cela, les anglais y ont perdu 400 soldats, les autres furent prisonniers, avec leurs généraux Moore et Cootte. Laurent saisit tous les bateaux de débarquement, sept pièces de canon et les munitions.

A la fin de l’an VII (1799), Laurent reçoit l’ordre de partir pour Douai (Nord) afin de prendre le commandement du département du Nord. Puis il va revenir en l’an IX à Bruges, pour reprendre le commandement du département de la Lys, où il assurera toujours la défense des Côtes contre les débarquements des Anglais.
Ces commandements successifs, qui le tiennent éloigné des campagnes de Moreau et des premières victoires des armées outre-Rhin (Stokach, Mösskirch), lui sont confiés par le ministère parce qu’il est un officier brillant certes, mais blessé et handicapé par ses anciennes brûlures et surtout âgé de 50 ans déjà ! Ses bonnes relations avec le général Pichegru, qui va pactiser avec les émigrés dès 1796, démissionner, être arrêté et déporté en 1797 puis s’enfuir à Londres, ont peut-être été remarquées au ministère. Mais, bien qu’il fasse son travail avec conscience et sans reproches de ses supérieurs, cette monotonie le touche et il pense à autre chose.

La générale Laurent : Marie-Anne MALLET (1780-1845)

Au début de janvier 1801, il fait une demande de congé de 15 jours, pour aller se marier. Le général de division transmet favorablement sa demande et voilà notre général en permission, qui part de Douai pour Neuvy-sur-Loire, chez Louis Mallet, un aubergiste comme l’étaient ses parents, afin de demander la main de sa fille Marie-Anne.

Église de Neuvy-sur-Loire (XIIIème siècle)

La demoiselle, qui n’a que 20 ans, doit être très fière d’épouser le cousin germain de sa mère, qui a trente ans de plus qu’elle, mais porte avec son uniforme toute la gloire des armées de la République ! Le mariage, le 9 février 1801, est l’affaire de la famille de Marie-Anne ; les témoins sont son père et son oncle, avec le notaire de Neuvy (14). Personne de la famille Laurent. Son frère Edme-Ambroise, qui sera bientôt nommé lieutenant, n’a pas droit à une permission.

Une permission de 15 jours pour se marier, mais pas d’ordre de retour : après la paix d’Amiens, le général Laurent se retrouve en non-activité ! Il reste à Neuvy, s’occupe de sa jeune femme et se promène sur les bords de la Loire. Le 26 mars 1802 va naître leur premier enfant, Louis François Alcindor Laurent qui sera porté sur les fonts par sa tante Félicité Laurent et son grand-père Louis Mallet (15).
Au bout d’un an, il envoie une lettre suppliante au Premier Consul, il réclame contre sa réforme, rappelle ses services, ses blessures, les promesses qu’on lui a faites et demande à être conservé en activité. Je réclame votre justice Citoyen général, et quelle que soit votre décision cela ne m’empêchera pas de faire des vœux pour la conservation de vos jours précieux à tous les amis de la patrie et de la République. Salut et Respect.
En septembre 1802, le général Laurent va être compris sur le tableau des officiers de son grade pour faire partie de l’État-major général de l’Armée, et on lui en adresse le brevet. Il demande aussitôt à réintégrer son poste et part le 22 octobre pour être employé dans la 25ème division militaire à Namur (Sambre-et-Meuse) et à Liège (Ourthe), mais il reçoit souvent des affectations provisoires auprès du Ministre directeur de l’administration de la guerre pour l’habillement des conscrits, ou autres tâches obscures. Il continue d’envoyer des lettres pour reprendre un commandement.
Enfin le 15 juin 1804, il fut nommé commandant de la Légion d’honneur et employé dans le département de Jemmapes.
Continuellement déplacé, pour prendre le commandement par intérim de divisions dont les généraux sont mutés vers la Grande Armée, comme la 25ème division à Namur, il part servir sous les ordres de Lefebvre à Mayence (septembre 1805), puis rentre à Namur, et enfin à Liège, où il reprend le commandement par intérim de la 25e (avril 1806). Edme-Ambroise Laurent, son frère, devient son aide-de-camp le 22 décembre 1805.
Marie-Anne, qui avait perdu à Neuvy leur deuxième enfant, Lucile, va ensuite suivre son mari dans ses différentes affectations ; c’est à Liège qu’elle mettra au monde le second fils du couple, Napoléon Marie Barthélemy Antonin Laurent, né le 13 octobre 1805 et le troisième, Prosper Louis Charles Laurent né le 2 février 1807.
De Liège, le général Laurent écrit au ministère qu’il a transféré le quartier général de la 25ème division dans cette ville, plus centrale, pour en assurer le commandement. Des rapports évoquent les difficultés qui existent entre le général de division Piston et le général de brigade Laurent, relativement au commandement de la 25e division, dont le général Laurent est chargé par intérim. Réponse de Napoléon : Y envoyer un général de division (16). Donc en 1808, le général de division Rivaux est nommé à sa place et Laurent doit rejoindre l’armée de réserve commandée par le maréchal Kellermann.
Il se fait bien remarquer dans ce nouveau poste et Kellermann le propose à Napoléon pour être enfin promu général de division : Le contentement que j’ai eu de la conduite du Général Laurent, la célérité qu’il a mis a l’exécution de mes ordres, la nature et l’ancienneté de ses services m’engagent à prier votre majesté impériale et royale de le nommer Général de division. Le Maréchal de l’Empire Sénateur, Kellermann (17).
En juin 1808, alors qu’il commande le département de l’Ourthe, à Liège, il se répand encore en réclamations pour obtenir un titre de baron, et une indemnité pour commandement à l’étranger : Les récompenses que sollicite le général Laurent lui seraient d’autant plus précieuses qu’il est sans aucune fortune, si ce n’est trois fils qu’il élève pour le service de Sa Majesté L’Empereur et Roi. Jointes à ces lettres, des recommandations très chaleureuses du maréchal Kellermann (18).
Sans en tenir compte, Sa Majesté le nomme en juillet 1808 pour faire partie du collège électoral du département de la Nièvre, en vue des élections aux Chambres. Tout heureux de partir vers le pays, Laurent demande aussitôt un premier congé pour faire partie d’une députation chargée de complimenter notre bien-aimé souverain au retour de ses nouvelles conquêtes,… Le Ministre de la Guerre répond aussitôt que le bien du service exige qu’en ce moment tous les officiers généraux employés soient à leur poste. Telles sont d’ailleurs les intentions de l’Empereur.
En 1809, au lieu de recevoir l’indemnité qu’il sollicite pour le commandement par intérim de la 25ème division militaire, le général Laurent reçoit l’ordre de rejoindre le nouveau corps de troupes qui se rassemble sur l’Escaut. Il part en août pour Gand, afin de prendre son poste. Son aide-de-camp, Edme-Ambroise Laurent est nommé capitaine.
Aussitôt après, de Schoenbrunn, Napoléon écrit au général Clarke, ministre de la Guerre, pour lui demander de choisir des généraux pour commander les gardes nationales : Vous avez le général Laurent dans la 25ème division militaire. Il a rejoint l’armée de Brabant à Berg-op-Zoom, où il rencontre Napoléon, toujours sourd à ses demandes. Finalement, c’est à Bruges, à nouveau, qu’il revient prendre le commandement de la 3ème cohorte de gardes nationaux. Mais il constate que de fait, ce commandement est assuré par le général Travers et qu’il se trouve à nouveau sans emploi : j’ai le désir d’être employé soit aux armées en Allemagne, soit à un commandement de Cohortes, soit enfin d’une manière plus active… Depuis la campagne de 1805 en Allemagne, j’ay eu le malheur de ne pas être employé aux grandes armées et conséquemment privé des grâces de Sa Majesté, j’ay été placé aux armées de réserve pour organiser et instruire les Bataillons destinés à les renforcer. Son frère, au contraire, reçoit l’ordre de rejoindre le 125ème de Ligne et part aussitôt pour l’Espagne. Il sera blessé au siège de Tarragone le 4 juin 1811.
Depuis quelques temps, la Générale Laurent et ses enfants se sont installés à Paris, au 34 rue Notre-Dame des Victoires. En octobre 1811, elle en profite pour demander audience au ministre de la Guerre, le général Clarke, duc de Feltre, mais l’Empereur ajourne encore cette nouvelle sollicitation.

Magdebourg

Cité de Magdebourg (vue actuelle)

Au début de la campagne de Russie, le général Laurent est toujours à la tête de sa cohorte de gardes nationaux, regroupés à Mons (Jemmapes) et il reçoit l’ordre de partir avec cette troupe pour Magdebourg (Saxe), dont la défense va lui être confiée. Enfin, il se rapproche du théâtre des opérations… Il part de Malines (Deux-Nèthes) avec six bataillons pour rejoindre sur l’Elbe l’armée de réserve commandée par le général Lauriston. Le 22 mars 1813, il est nommé commandant en second de la place de Magdebourg. Mais il sait qu’il reçoit cette place à cause de son âge, 62 ans, et de ses infirmités qui ne lui permettent plus de servir activement.

Son épouse restée à Paris pour la naissance de leur fille Pauline le 22 juillet 1812, continue à suivre le dossier au ministère. Son beau-père, l’aubergiste, décède en avril 1813 à Neuvy. Son frère Edme-Ambroise, parti avec la Grande Armée, est nommé Chef de bataillon le 30 juin. Lui, renouvelle ses réclamations, sans y croire : C’est avec chagrin que je renouvelle cette demande par la crainte de déplaire à Votre Majesté.
Le 13 juillet 1813, le décret impérial paraît enfin : Le général de brigade Laurent est nommé Général de division, Commandant d’armes de 1ère Classe à Magdebourg. Dix-huit ans de services, de commandements par intérim ou en second, dix-huit ans à assumer les charges des divisions sans en avoir ni le grade ni l’indemnité, dix-huit ans sans montrer plus d’impatience que des lettres suppliantes…
Mais 1814, c’est aussi la retraite de la Grande Armée. Laurent comme les autres, rentre en France. Son frère qui rentre aussi, est fait officier de la Légion d’honneur.
Et en avril, Napoléon abdique pour la première fois.

La capitulation de Montmédy

Citadelle de Montmédy (XVIe-XVIIe siècles)

Au retour de Louis XVIII, il est confirmé comme chevalier de Saint-Louis et nommé commandant militaire de Montmédy (Meuse). Comme pour les autres places il s’acquitte de ses devoirs, écrit des rapports…

Pendant les Cent-jours, il écrit à Dumonceau : qu’à Montmédy, les habitants portent processionnellement les bustes de Napoléon et de Marie-Louise. Mais la défaite est encore là. Après Waterloo, Napoléon va abdiquer pour la seconde fois.
Le 22 juin 1815, le général Dumonceau annonce, d’après un rapport du général Laurent, qu’un corps hessois se trouvait à trois lieues de Montmédy. Tout était préparé pour s’opposer à ses progrès et le général Laurent espérait beaucoup des dispositions qu’il avait prises (19). Mais durant l’été 1815, les ordres ne sont plus les mêmes, et les Alliés contraignent le général à leur livrer la place. Celui-ci veut prendre l’avis des habitants avant de capituler et exige même qu’un habitant soit désigné pour défendre les intérêts civils (20) ! Le 22 septembre 1815, Montmédy est ouverte aux Alliés.
Le général Laurent est placé en retraite à compter du 1er septembre 1815 avec une pension de 6000 frs. Il a servi 48 ans, 3 mois et 21 jours. Il se retire à Paris avec ses trois fils et deux filles. Comme beaucoup de ces militaires à la retraite, il suit avec intérêt les événements et médite sur l’évolution des temps depuis l’enthousiasme de la campagne des Pays-Bas, jusqu’à l’humiliante défaite des armées napoléoniennes.
Deux de ses fils entreront dans la carrière militaire : le chef de bataillon François Laurent (1802-1885) et le chef d’escadron Antonin Laurent (1805-1889). Son frère Edme-Ambroise prend sa retraite en 1822 et se retire à Saint-Amand où il décédera en 1841.
François Guillaume Barthélemy Laurent, lieutenant-général à la retraite, chevalier de Saint-Louis, commandant de la Légion d’honneur, décède à Paris, 37 rue d’Enfer, le 14 septembre 1825 (21). Sa veuve obtiendra une modeste pension de 1500 frs et lui survivra encore vingt ans.

Notes

Cette biographie a déjà paru dans De la Nièvre au Pont-Neuf, 2, (mars 2015) pp.18-24, <https://mega.nz/#!5VFQhbqD!KegjiGB7iRq5a4NYvrppH1HrPeBCL6z3EhIn7GpBsJ4>.
(1) Marcel POULET, Les Potiers de Puisaye du XVIIe siècle à nos jours, Merry-la-Vallée, 1981, 390 p.
(2) Archives départementales de la Nièvre (AD58), registres paroissiaux de Saint-Amand-en-Puisaye = 4E227 art.5 vue 66/240
(3) AD58 = 4E227 art.6 vue 19/254
(4) MM. Liévyns, Verdot, Bégat... , Fastes de la Légion-d'honneur : biographie de tous les décorés accompagnée de l'histoire législative et réglementaire de l'ordre. tome 3, Paris 1844, p. 297. Cette référence et le dossier militaire de Laurent au Service Historique de la Défense, à Vincennes, donnent tous les états de service de Laurent : SHD Vincennes = 7YD 586
(5) Louis SUSANE, Histoire de l'ancienne infanterie française, Volume 4, p. 172
(6) Archives Nationales, base LEONORE = Edme-Ambroise LAURENT (1768-1841)
(7) État des services de 1816. SHD Vincennes = 7YD 586
(8) État des services du capitaine LAURENT (11 octobre 1793). SHD Vincennes = 7YD 586
(9) Jean Victor Marie MOREAU (1763-1813), le futur conspirateur.
(10) Pierre-François TISSOT, Trophées des armées françaises depuis 1792 jusqu'en 1815.... , t. 1er, p. 243
(11) Capitaine Louis JOUAN, La Campagne de 1794-1795 dans les Pays-Bas, I. La Conquête de la Belgique (mai-juillet 1794), Paris 1915, p. 379
(12) SHD Vincennes = 7YD 586
(13) Base LEONORE = Edme Ambroise LAURENT (1768-1841)
(14) AD58 = 5Mi20 954 vue 412/938. Témoin : Jean-Baptiste-Clair DETHOU (1748-1829)
(15) AD58 = 5Mi20 954 vue 431/938
(16) Ernest PICARD, Louis TUETEY, Correspondance inédite de Napoléon Ier, conservée aux Archives de la guerre. Tome Ier. 1804-1807, Paris 1912-1925, p. 636
(17) État des services du 14 juillet 1807 dossier SHD Vincennes = 7YD 586
(18) SHD Vincennes = 7YD 586
(19) Archives parlementaires, recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises de 1800 à 1860, faisant suite à la réimpression de l'ancien "Moniteur" et comprenant un grand nombre de documents inédits. 2e série, 1800-1860. SER2, T14, 26 juin 1815, p. 554
(20) En 1871, dans des circonstances comparables, la ville de Montmédy se souviendra de cette négociation exemplaire pour traiter avec les Prussiens. Jules CLARETIE, Histoire de la révolution de 1870-1871, p. 463
(21) AD75 = état-civil reconstitué. Plusieurs personnes s’intéresseront plus tard à son histoire : Cléophas LABROT, son petit-neveu, notaire à Cervon (Nièvre) en 1849 ; puis Toussaint COTELLE, ancien professeur de droit en 1869, qui a beaucoup fréquenté ce général, et recueilli dans son entretien les faits qui honorent sa longue carrière ; enfin, A. BERNADOU, inspecteur des douanes en 1952, pour ses recherches familiales.

Alain Raisonnier 27 avril 2020