Dupin André dit l'Aîné

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André Marie Jean Jacques DUPIN dit DUPIN l'aîné (1783-1865)

André Marie Jean Jacques DUPIN dit l'Aîné
  • Fils de Charles-André Dupin (1758-1843), il naît à Varzy le 1er février 1783 et fait ses premières études sous la direction de l'abbé Pougon et de sa mère, qui, plus tard réclamera pour elle cette simple épitaphe : « Ci-gît la mère des trois Dupin. ». Il est le frère de Pierre Charles François Dupin (1784-1873) et de Philippe Simon Dupin (1795-1846). Son père l'envoie à l'École de droit de Paris, et il est longtemps maitre-clerc chez un avoué de la rue Bourbon-Villeneuve.
  • Après avoir conquis (1806) le grade de docteur en droit, avec une thèse qui fut la première depuis la réorganisation de la Faculté de Paris, il échoue dans le concours ouvert en 1810 pour une chaire à cette Faculté, mais fait paraître, dès cette époque, plusieurs opuscules de jurisprudence qui contribuent à sa réputation. Ces petits traités ne sont guère que des compilations de science commune, brefs, concis, judicieux, mais sans originalité. »
  • Il entre alors au barreau. En 1812, le procureur général Merlin le propose, avec plus d'insistance que de succès, pour une place d'avocat général à la Cour de cassation. Peu de temps après il est adjoint à la commission nommée par le grand juge (duc de Massa) pour procéder au triage et à la classification des lois de l'Empire. A l'époque de la chute de Napoléon, il est déjà en possession d'une solide renommée de jurisconsulte.
  • Après s'être tenu à l'écart de la politique pendant la première Restauration, il prend rang parmi les représentants nommés, en mai 1815, à la Chambre des Cent-Jours : l'arrondissement de Château-Chinon l'a élu par 51 voix sur 61 votants. Il prend une part importante aux travaux de l'Assemblée, où il se prononce tantôt pour, tantôt contre Napoléon. C'est d'après sa motion qu'est nommée la commission chargée de présenter un projet de constitution destiné à remplacer l'acte additionnel.
  • Félix Lepeletier ayant demandé qu'on élève une statue à Napoléon sur les bords du golfe Juan avec cette inscription : Au sauveur de la patrie, Dupin s'y oppose vivement. Le 6 juin, il demande qu'aucun serment ne soit exigé qu'en vertu d'une loi, et non en vertu du décret du 26 mai qui ne renfermait que la volonté unilatérale du prince : la motion, combattue par Boulay de la Meurthe, est rejetée. Le 22 juin, il demande que l'abdication de l'empereur soit acceptée, « au nom du peuple français, » et propose que la Chambre des représentants se déclare «Assemblée nationale ».
  • Après la seconde Restauration, il est nommé par le roi président du collège électoral de Château-Chinon et se porte candidat dans cet arrondissement ainsi que dans celui de Clamecy : ayant échoué dans les deux, il met sa plume et sa parole au service de l'opinion libérale.
  • La disposition législative qui exige quarante ans d'âge pour l'éligibilité l'écarte des sessions suivantes de la Chambre : il se livre donc, de 1815 à 1827, exclusivement aux travaux de sa profession, publie, à la fin de 1815, le fameux mémoire intitulé : Libre défense des accusés, et se fait une réputation des plus brillantes par ses plaidoyers pour les hommes poursuivis par les parquets de la Restauration.
  • Plus tard il énumère lui-même (septembre 1830) ses titres à la reconnaissance des « patriotes » dans un factum apologétique :
« Pendant ces quinze ans de lutte commune en faveur de la liberté, quel a été mon contingent, dit-il ? Qu'ai-je fait autre chose que de défendre autrui, moi si indignement attaqué ? Avez-vous oublié les noms de mes clients ?
Nos généraux accusés ou proscrits, Ney, Brune, Gilly, Alix, Boyer, Rovigo ! et les trois Anglais, généreux sauveurs de La Valette ! et les victimes des troubles de Lyon en 1817 !
et ces hommes politiques injustement accusés : Isambert, pour la liberté individuelle ; Bavoux, pour les droits du professorat ; de Pradt, en matière d'élection ; Mérilhou, dans l'affaire de la souscription nationale ; Montlosier, soutenu par moi dans toute sa querelle avec un parti qui, comme Protée, sait revêtir mille formes diverses, et parler les langages les plus opposés !...
et vous, gens de lettres, défenseurs de la presse, à qui je ne demandais pour récompense que votre amitié ! »
  • Mais la presse répondit alors par de malicieuses allusions au taux des honoraires habituellement exigés par l'illustre avocat ; elle rappelle que M. de Pradt lui ayant offert 3.000 fr. avec son amitié pour prix d'un plaidoyer, les trois billets furent refusés en disant qu'il en fallait six. Quoi qu'il en soit, un des plus beaux succès de l'orateur sera sa défense du Journal des Débats, traduit en police correctionnelle pour le célèbre article : Malheureuse France ! Malheureux roi !
  • Les procès politiques n'empêchent pas Dupin de plaider ou de consulter dans les affaires civiles les plus importantes. En 1817, il devient l'un des conseils judiciaires du duc d'Orléans ; en 1820, il est membre du « conseil d'apanage » du prince.
  • Les dernières années du règne de Charles X le voient rentrer à la Chambre. N'ayant obtenu le 25 février 1824, dans le 1er arrondissement de la Nièvre (Nevers), que 41 voix contre 201 à M. Chabrol de Chaméane, il fut plus heureux le 21 mai 1827 ; la 2e circonscription de la Sarthe (Mamers) le nomme député, par 148 voix sur 195 votants et 270 inscrits, en remplacement de Regnoust du Chesnay, décédé.
  • Le 17 novembre de la même année, deux arrondissements de la Nièvre lui donnent aussi la majorité: celui de Nevers, avec 174 voix sur 304 votants et 381 inscrits, contre 93 à M. de Bouillé, légitimiste: et celui de la Charité, avec 129 voix sur 215 votants et 313 inscrits, contre 84 à M. Hyde de Neuville, légitimiste. Il opte pour la Charité, siège au centre gauche et prend souvent la parole pour appuyer ou pour combattre certaines dispositions des projets de loi ministériels. Dans la discussion sur la presse périodique, il se sépare de la plupart de ses collègues de la gauche, et se montre partisan du système des gros cautionnements. En 1829, il se prononce contre la motion de Labbey de Pompières pour la mise en accusation du ministère Villèle. En d'autres circonstances, il se déclare contre le gouvernement, notamment en mars 1830, lorsqu'il est le rapporteur de la célèbre adresse des 221. Il devient, la même année, vice-président de la Chambre.
  • Réélu député, le 23 juin 1830, par 160 voix sur 211 votants et 265 inscrits, contre 43 à M. de Couëssin, il déclare le 26 juillet, dans son cabinet où plusieurs journalistes sont venus le consulter, que « dans son opinion les ordonnances étaient illégales ». Toutefois on ne voit pas son nom au bas de la protestation imprimée dans les journaux ; « le 28, lit-on dans la Biographie des hommes du jour, il prend un bain et rentre chez lui, non sans danger, parce qu'on commence à se battre dans le quartier qu il habite » ; le 29, il se rend chez Lafitte et s'informe de la tournure des événements ; enfin, le 30, il se rend à la Chambre en revenant de Neuilly où il est allé avec son ami, M. Persil, pour engager le duc d'Orléans à accepter la lieutenance générale du royaume ; le soir du même jour, dans le comité secret de la Chambre, il opine pour que, sans désemparer, la question du gouvernement soit décidée. Le lieutenant général est institué. Sous sa dictée, il écrit, le 31, la proclamation bien connue qui finit pas ces mots : « La Charte sera désormais une vérité. » La commission municipale l'a nommé commissaire provisoire au département de la justice ; mais son nom est effacé presque aussitôt et remplacé par celui de Dupont (de l'Eure). En revanche, il reçoit (août 1830) le poste de procureur général près la cour de cassation, et est en même temps appelé, comme ministre d'Etat, à faire partie du conseil des ministres de Louis-Philippe avec voix délibérative. C'est grâce à lui que la magistrature est alors déclarée inamovible.
  • La longue session de 1830-31 le voit paraître très fréquemment à la tribune : il y opine toujours dans le sens le plus conservateur. Quand la discussion s'échauffe, Casimir Perier, qui aurait souhaité l'avoir dans son ministère, lui dit : « Parlez, parlez, Dupin ! » et il apporte alors à la tribune son éloquence brutale, commune, mordante, pleine de boutades. Il essaye de s'opposer à l'attribution du droit d'enquête à la commission d'accusation des ex-ministres; il appuie la nomination par le roi des maires et adjoints, le cens d'éligibilité et le rejet des adjonctions ; parle contre le droit illimité d'association ; contre les secours aux réfugiés ou condamnés politiques ; contre l'intervention en Pologne, contre la guerre de propagande : « Point de propagande, s'écrie-t-il le 6 décembre 1830 ; chacun chez soi, chacun son droit ! » Il est alors pour la seconde fois vice-président de la Chambre, à partir du 7 novembre ; sa nomination de procureur général l'ayant obligé à solliciter le renouvellement de son mandat, il l'avait obtenu, le 21 octobre, par 203 voix sur 206 votants et 294 inscrits.
Journal du Centre 5 novembre 2013
  • Il est réélu constamment par le 3e collège de la Nièvre jusqu'à la fin du règne de Louis-Philippe : le 5 juillet 1831, avec 133 voix (167 votants, 193 inscrits), contre 29 à M. Bogne de Faye ; le 21 juin 1834, avec 144 voix 164 votants, 219 inscrits) ; le 4 novembre 1837, avec 196 voix (201 votants. 283 inscrits) ; le 2 mars 1839, avec 198 voix (202 votants, 281 inscrits) ; le 9 juillet 1842, avec 184 voix (188 votants, 273 inscrits) ; enfin le 1er août 1846, avec 211 voix (219 votants, 295 inscrits).
  • Conseiller général de la Seine (1832), membre du conseil des hospices de Paris, il entre, le 21 juin 1832, à l'Académie française, et en octobre, à l'Académie des sciences morales et politiques.
  • Le 21 novembre 1832, il devient président de la Chambre des députés, qui l'appelle huit fois au fauteuil. Il restera légendaire, comme président, par ce penchant marqué au sarcasme, aux reparties mordantes qu'il ne peut contenir et qui lui attirent beaucoup d'inimitiés. Il ne cesse pas d'ailleurs de se mêler personnellement aux débats parlementaires. Comme commissaire du gouvernement, il soutient le projet de loi sur la liste civile et la dotation de la couronne. Il manque rarement l'occasion de faire campagne contre le clergé. En janvier 1833, à propos de la loi sur les conseils généraux, il descend du fauteuil pour appuyer un amendement interdisant aux prêtres d'en faire partie : « Si vous laissez au prêtre, dit-il, la possibilité de rentrer par un coin quelconque dans vos affaires, il envahira tout bientôt. » A quoi le Journal du Commerce répond : « Quand un avocat vient signaler à la tribune les habitudes envahissantes du parti prêtre, un prêtre pourrait avec raison lui opposer l'ubiquité des avocats dans les fonctions administratives. » Dans la session de 1833, il demande, à propos de la discussion du budget de la justice, que le traitement des procureurs généraux soit augmenté. La presse démocratique reproche vivement au procureur général près la Cour de cassation son intervention dans cette circonstance. Le discours qu'il prononce le 6 décembre 1834, à l'occasion de la crise ministérielle, aura un certain retentissement. En 1835, il prend la parole sur les lois de septembre ; en 1836 et 1837, il appuie le maintien des lois répressives de l'usure ; défend les députés fonctionnaires du reproche de servilité ; blâme les ministres d'avoir arrêté le cours de la justice dans l'échauffourée de Strasbourg, et combat la loi de disjonction. En 1839, il déclare, dans la commission de l'adresse, le ministère Molé « insuffisant » pour couvrir la royauté ; il réclame (question d'Orient) la liberté des deux Bosphores : les Dardanelles et l'isthme de Suez. En 1840, il exprime l'opinion que l'occupation de l'Algérie doit être restreinte, et vote contre la réduction ou conversion de la rente. Dans la même session, pressé par la famille royale de soutenir à la Chambre la demande de dotation du duc de Nemours, il se dérobe habilement. En 1841, il fait d'importants discours sur la propriété littéraire, le recrutement de l'armée, la loi de finances. En 1842, il est l'auteur du rapport des projets de loi sur la régence. Partisan décidé du remplacement militaire, il en soutient l'utilité contre l'opposition de gauche (1844), et s'oppose, en 1845, à l'adoption de la proposition Rémusat relative aux députés exerçant des fonctions salariées, ainsi qu'à la proposition Duvergier de Hauranne, tendant à l'abolition du scrutin secret. En 1846, il fait partie de la commission chargée d'examiner les questions que soulève la concentration, dans les mains d'une compagnie unique, du bassin houiller de la Loire. Dans ces diverses sessions, il se mêle souvent, en outre, à la discussion du projet d'adresse ; tout en se déclarant absolument favorable à un gouvernement qui a en effet toutes ses sympathies, il ne se fait pas faute, parfois, de poursuivre les ministres de sarcasmes amers, qui ne lui seront jamais pardonnés.
  • Dans la séance du 24 février 1848, il vient d'engager ses collègues à proclamer, sans plus de délai, la régence de la duchesse d'Orléans, quand le local des séances est envahi. Le lendemain, reconnaissant le fait accompli, loin de donner sa démission de procureur général, il fait décider par la Cour de cassation que désormais la justice ne sera plus rendue « qu'au nom du peuple français ». Le gouvernement provisoire se contente de cette demi-adhésion, et le maintient en fonctions, en le dispensant de tout serment : il peut même conserver dans le conseil privé de la famille d'Orléans la position qu'il y occupe depuis 1824.
  • Lors des élections à la Constituante, il se met sur les rangs dans la Nièvre, et est élu représentant, le 23 avril 1848, le 8e et dernier par 24.140 voix (75.213 votants, 88.295 inscrits). Il siège à droite et s'associe aux votes des conservateurs de l'Assemblée : pour le rétablissement du cautionnement, contre les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière, contre l'amendement Grévy, contre le droit au travail, contre la réduction de l'impôt du sel, pour la proposition Rateau, pour l'interdiction des clubs, etc. Président de la commission du règlement et du comité de législation, membre de la commission de constitution, il s'oppose à la reconnaissance du « droit au travail », est de ceux qui poussent à la dissolution des ateliers nationaux, combat le projet du rétablissement du divorce, et insiste pour l'abolition des clubs.
  • Le 13 mai 1849, la Nièvre le réélit représentant à la Législative, par 24.478 voix (65.811 votants, 88.144 inscrits). Quelques jours après (1er juin), la majorité monarchiste de cette assemblée le choisit pour son président elle le confirme dans cette situation jusqu'à la fin de ses travaux. Il s'y distingue par les mêmes dualités que précédemment, et son esprit caustique se donne carrière plus d'une fois aux dépens de ses collègues, surtout de ses collègues de la Montagne.
  • Le coup d'Etat du 2 décembre 1851 met un terme à son mandat. Son attitude dans cette journée est sévèrement jugée par les républicains qui essayent de lutter contre le prince-président. « M. Dupin, a écrit Victor Hugo, est une honte incomparable. » (V. Histoire d'un crime, tome I, ch. 8, 9 et 10). Après avoir refusé de protester publiquement contre l'acte de Louis-Napoléon, et même de signer le procès-verbal de la dernière séance tenue par l'assemblée dissoute, il montre les gendarmes à ses collègues : « Nous avons le droit, c'est évident, dit-il, mais ces messieurs ont la force ; partons. » Et il part, mais il conserve jusqu'au 22 janvier 1852 son poste de procureur général à la Cour de cassation; à cette date, il donne sa démission pour ne pas s'associer aux décrets qui prononcent la confiscation des biens de la famille d Orléans : « C'est, dit-il, le premier vol de l'aigle. »
La statue de Dupin
  • Il se retire alors dans sa terre de Raffigny, en Morvan, où il passe six années consacrées principalement à l'agriculture et à la publication de ses Mémoires (4 vol. 1855-63). Puis il rentre en grâce auprès de l'Empire, est renommé procureur général à la Cour suprême, et accepte, en outre, d'entrer au Sénat, le 27 novembre 1857. Dans ce double poste, il fait encore preuve d'activité et de talent ; en juin 1863, il prononce un discours très remarqué sur le luxe, et, en 1865, un autre discours dont l'écho se retrouve dans cette lettre de Mérimée, du 26 juin :
« Dupin a fait l'autre jour au Sénat un discours très amusant à propos de la suppression de la prostitution; et nous avons voté pour ces dames à une assez grande majorité, considérant le peu d'usage que nous en faisons. »
  • Dans les questions religieuses, il défend constamment les opinions gallicanes contre l'esprit ultramontain.
  • Chevalier de la Légion d'honneur du 7 septembre 1830, il avait été promu officier le 30 septembre 1832, commandeur le 29 mars 1833, et, le 30 avril 1834, grand officier du même ordre.
  • Parmi ses publications, on peut citer :
- des Plaidoyers (1823)
- des Réquisitoires (1852)
- des Mercuriales (1846)
- ses Travaux académiques (1862)
et surtout un très grand nombre d'ouvrages juridiques, parmi lesquels :
- Traité des successions ab intestat (1804)
- Lois commerciales (1820)
- Lois de procédure, Lois criminelles (1821)
- Lois forestières (1822)
- Lois des communes (1823)
- Manuel des étudiants en droit (1824)
- Manuel du droit public ecclésiastique français (1845), etc., etc.
  • Il s'éteint à Paris le 10 novembre 1865.
  • Une rue de Nevers l'associant à ses deux frères porte son nom et une statue le représentant en pied est visible sur la place de l'église de Varzy, sa ville natale..



  • Source : Dictionnaire des parlementaires français de Robert, Bourloton et Cougny.

--m mirault 3 octobre 2012 à 09:03 (CEST)