Commerce du vin

De Wiki58
Aller à la navigationAller à la recherche

Retour
Retour Le commerce


  • Parmi les autres commerces d'alimentation, celui des vins présente au contraire des caractères d'abondance, car aux alentours de Nevers, la vigne occupe des territoires beaucoup plus étendus que les céréales.
  • Ces vignobles, aujourd'hui conservés seulement dans la région des Montapins et de Notre Dame de l'Orme, couvrent aux 17e et 18e siècles d'immenses surfaces, divisées en climats. En 1768, un état déclaratif des vignes du détroit de la bannie de Nevers donne un total de 8 221 œuvrées, sans compter le vignoble de St Lazare. Les vignes de Nevers se relient par celle de Marzy à celle de Garchizy, Germigny, Tronsanges, Pouilly, et forment une chaine à peu près ininterrompue le long des coteaux du Val de Loire. Ces exploitations se partagent entre le duc, les communautés religieuses, les hôpitaux et les particuliers. A cette époque il est peu de Nivernais, même parmi les artisans, qui n'aient pas leur vigne, soit en propriété soit en accense. Le morcellement est extrême aux abords immédiats de la ville. Les terres les plus éloignées ou les plus étendues ont une loge ou vinée, qui abrite le matériel vinaire et les outils de culture. Les petits propriétaires ou les artisans, qui accensent quelque lopin de vigne, le cultivent eux-même. Les exploitations plus vastes occupent une population nombreuse de vignerons, qui tantôt reçoivent un prix fixe à l'année, et tantôt jouent le rôle de métayers. C'est ce qu'on appelle des baux à moitié. Propriétaire et vigneron prennent la moitié des frais, fourniture des échalas, glui en osier, pressurage et cuvée. Ils se partagent le vin, les fruits des arbres et les fagots. Les vigne sont quelquefois cultivées en treilles, mais la méthode la plus ordinaire est la méthode actuelle.
  • Ce vignoble nivernais doit être protégé contre la maraude. Les voleurs vont chercher de jour et de nuit les raisins, les pêches et les autres fruits, même les échalas et les fagots. Le règlement de 1655 (art. 36) donnait aux échevins la surveillance des vignes. Tous les ans au mois d'août, ils devaient nommer jusqu'à l'ouverture des vendanges des gardes-vignes. Cette coutume, tombée en désuétude au début du 18e siècle, est reprise en 1768 sur les instances des habitants. Le pouvoir municipal nomme alors une dizaine de 'vigniers' sous la direction d'un chef ou conducteur. Ils porteront une bandoulière aux armes de la ville avec un bâton de la longueur d'une toise, armé d'une pique de fer de la longueur de 8 pouces. Ils auront aussi un sifflet pour s'avertir les uns les autres. Ils recevront 40 sols par jour, les propriétaires payant les frais à raison de 2 sols par œuvrée de vigne. Les années suivantes les échevins procèdent par adjudication. Celui qui réclame le plus faible salaire devient chef-vigner, recrute les autres gardes, et leur partage la surveillance des différents climats. Les vignerons de St Lazare, qui sont en dehors du vignoble de Nevers, s'organisent à part. Ils ont aussi deux gardes vigniers.
  • Quand le temps de la récolte approche, les échevins désignent des experts vignerons, qui visitent les terres, vérifient la maturité du raisin et proclament le ban des vendanges. Le premier jour est accordé au duc. A tout seigneur tout honneur. Les différents climats viennent ensuite. Ces ordonnances des bannies, d'ailleurs très mal appliquées, ont pour but de faciliter le partage entre les divers propriétaires de la main d’œuvre nécessaire au travail, vendangeurs qui se louent sur la place St Sébastien comme tous les ouvriers agricoles, charretiers et voituriers par terre, embauchés pour le transport des grappes. La vendange est un événement local. Quand l'année est heureuse, une animation extraordinaire se manifeste dans tous les chemins des environs et dans les faubourgs, avec la gaité qui caractérise ce genre de récoltes. Ce n'est partout que marc et grappes répandus dans les rues. Les propriétaires aisés louent vinées et pressoirs à ceux qui manquent de matériel. Les tonneliers se hâtent de mettre les fûts en état. Les Nivernais font du vin et du demi-vin. Ils distillent aussi le marc. Quand les années sont mauvaises, ils utilisent tous les résidus en piquettes variées ou boivent du cidre et du poiré.
  • Par suite de l'instabilité des calamités et sans doute aussi des inconvénients que provoque l'usage out tout au moins l'abus du vin, les détracteurs de la vigne sont nombreux sous l'ancien régime. Dans les périodes heureuses et même trop heureuses, des arrêts du Conseil, comme celui du 5 juin 1731, interdisent de nouvelles plantations et s'efforcent de restreindre l'étendue des vignobles au profit des céréales. Autour de Nevers, les surfaces augmentent dans la première moitié du 18e siècle et diminuent ensuite.
  • Quant à la qualité des vins, nous savons, quoi qu'en dise l'intendant Le Vayer, que le Nivernais produisait seulement des vins ordinaires, très inférieurs à ceux de Bourgogne. Il n'y a pas alors de crus réputés; on distingue seulement le vin nouveau et le vin vieux. Encore ce vin vieux est-il peu abondant, car il semble que les vignerons du pays n'aient pas su donner à leurs vendanges tous les soins nécessaires. Le vin est mal préparé et se corrompt facilement, même dans les années communes, ce qui gêne beaucoup les opérations commerciales. En 1719, les échevins de Nevers eux-même reconnaissent que les vins du pays ne supportent pas le transport et doivent se consommer sur place. En 1728, ils conviennent encore que ces liquides ne sont pas de garde dans cette province, et qu'ils se gâtent dans les caves lors des gelées ou des grandes chaleurs. Le commerce des vins est donc essentiellement local. Si la ville de Nevers draine ou s'efforce de drainer la récolte des vignobles nivernais, ce n'est pas un centre d'expédition vers les provinces étrangères.
  • D'abord une grande partie de la production est absorbée sur place, sans déterminer la moindre transaction commerciale. Ceux des habitants qui possèdent ou louent une vigne ne récoltent que leur vin. Mais les autres habitants, nobles ou bourgeois, les hôpitaux, les Jésuites et autres communautés religieuses produisent beaucoup plus qu'ils ne consomment. Dans la vente divers procédés sont employés. D'abord chaque année aux vendanges habitants et revendeuses amènent à la Revenderie de grandes quantités de raisins et de verjus. Les plants précoces apparaissent dès le mois d'août, les autres se débitent pendant tout l'automne.
  • Les récoltes se vendent également sur pied. C'est ce que les notaires appellent des contrats de déblures de vigne. Le procédé est souvent employé au 17e et 18e siècles chez les petits comme chez les grands propriétaires. Il dispense le vendeur de tous les frais, de tous les ennuis de la vendange.
  • Toutefois le mode le plus usité est la vente du vin cuvé et mis en poinçon. Certains habitant vendent au détail, car les bénéfices sont plus considérables. Tous les Nivernais, quels qu'ils soient, ont le droit d'écouler ainsi leur récolte et de concurrencer les cabaretiers. Les petits propriétaires vendent leu vin eux-mêmes et chez eux; les autres producteurs prennent des préposés.
  • La vente au poinçon est moins lucrative, mais elle donne moins d'embarras. C'est la plus ordinaire. Elle se fait à des particuliers pour leur consommation personnelle, ou à des cabaretiers qui revendent ensuite au détail.
  • En dehors du Nivernais, le commerce des vins ne s'étend qu'aux régions immédiatement voisines, comme le Sancerrois, dont les produits sont déjà très goûtés à Nevers. La distance est faible entre Nevers et Sancerre, et les communications par la Loire faciles.
  • Le Nivernais est aussi en relations avec la Bourgogne. Des marchands bourguignons amènent des vins à Nevers. Dès le 17e siècle, les vins de Bourgogne arrivent par les routes de Luzy et s'embarquent à Decize. Le 2 mars 1698, l'intendant Le Vayer demande au Contrôleur la suppression de certains droits d'octrois, que le maire de Luzy a fait établir, et qui troublent ce commerce avec la Bourgogne. Il y a aussi des négociations sur le port avec les marchands qui conduisent à Paris les vins du Beaujolais ou du Languedoc, mais les achats de vin ordinaire sont peu importants. Le Nivernais, sauf dans les années trop mauvaise, se suffit largement; ce qu'il achètent surtout, ce sont des vins fins de France et de l'étranger : Nuits et autres crus bourguignons, Champagne, muscat de Frontignan ou d'Alicante, vin de Hongrie, que dégustent nobles et bourgeois, ou que les échevins offrent en cadeau au duc, à l'intendant, aux voyageurs de qualité.
  • Quant à l'exportation, elle est faible et se réduit à quelques expéditions vers les régions immédiatement voisines ou sur Paris. Encore s'agit-il le plus souvent de Nivernais, qui sont allés s'établir dans la capitale et qui font venir le produit de leurs récoltes.
  • Toutefois, certains crus du Nivernais, comme celui de Pouilly, commencent à être connus des marchands étrangers.
  • En somme, ce commerce est surtout une affaire de production et de consommation locale. 44 700 poinçons passent sous les ponts de Loire, mais ils sont destinés à la provision de Paris et ne s'arrêtent pas à Nevers. Dans tout ce trafic, il n'y a pas de centre véritable, pas de marché aux vins. Les innombrables transactions se font n'importe où, chez les particuliers, à Nevers ou dans les environs. Toutefois ici, comme le commerce des grains, certaines communautés religieuses sont très utiles au public. Le Chapitre de Nevers et le prieuré de St Étienne ont de grands vignobles et de vastes locaux. La cave de St Étienne et surtout celle du Chapitre servent de magasins et de halles aux vins. Les religieux les accensent. Marchands et particuliers, qui manquent de place, mettent là en dépôt les vins qu'ils ont à vendre. Aux 17e et 18e siècles, c'est là que se font les marchés les plus considérables. De même, on ne voit pas alors à Nevers de marchands vraiment spécialisés dans le trafic des vins comme dans celui des grains, des fers ou des bois. Toutefois, les cabaretiers et hôteliers, intéressés à ce commerce plus directement que les autres métiers, jouent le rôle le plus important.