Affaires religieuses

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Sébastien Tridon, curé de Poussignol - 1638

Tiré d'un arrêt du Parlement en date du 24 Août 1640

Au début du 17ème siècle, vivait à Château Chinon l'illustre famille Tridon : Trois des quatre frères avaient choisi la magistrature, le quatrième était entré dans les ordres.
Il était chargé de la cure de Poussignol, et par son "inconduite et son libertinage, il fut la désolation de sa famille".

Il avait séduit la jeune Marie Bruandet, ce qui lui valut la prison. Amendé, renvoyé de sa cure, il continua ses débordements, vivant plus licencieusement que jamais. Le couple d'amoureux, attendant un heureux évènement, se vit menacé. C'est alors que Sébastien Tridon, voulant régulariser sa liaison, prit la décision d'épouser Marie et, pour cela, une seule solution : abandonner sa charge et embrasser la religion protestante qui permet aux pasteurs de se marier.
Ses frères, non contents de s'opposer au mariage, assignent Sébastien, Marie et ses parents par devant le bailli de Saint Pierre le Moûtier. Sentence : Le pasteur de Coulon se voit interdire la célébration du mariage sous peine de 1 000 livres d'amende, et les jeunes gens auront la même peine, accompagnée de châtiments corporels. Sébastien se défendit invoquant l'Edit de Nantes qui donne "liberté de conscience sans crainte d'inquisition" ajoutant qu'une quantité de prêtres et de religieux avaient déjà été célébrés. Mais ses frères, magistrats, n'avaient pas la même version de l'Edit de Nantes et demandent que le recours du jeune abbé soit déclaré irréversible.
L'avocat général conclut, après avoir rappelé "la dissolution, la débauche, le scandale" du prévenu, qu'on ne peut satisfaire impunément aux inclinaisons de la débauche, de l'ordure et du pêché", et croire qu'en changeant de religion, on peut changer de consience. Et, afin que "préjudice ne soit pas fait à l'Eglise, à la Religion et à l'Etat", la demande du curé est rejetée.

  • Source : Bibliothèque du Morvan, patrimoine du Morvan
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 5 mai 2020 à 16:47 (CEST)

1727 - Charles et Balthazar Dougny, les curés blasphémateurs

Le jour de la Saint-Victor, 5 septembre 1727, c’est la fête paroissiale à Devay ; le curé Pierre Boyau reçoit à dîner, après la grand-messe, plusieurs de ses confrères :
- le curé de Charrin Philbert Dusserf,
- celui de Saint-Hilaire,
- Charles Dougny, curé de Cossaye,
- Balthazar Dougny, oncle du précédent et curé de Champvert,
- le Révérend Père Louis Guyot, confesseur des Dames Religieuses de Sainte-Claire de Decize.
Il y a aussi des invités laïcs : le chirurgien Jean Bernard, accompagné de son jeune neveu ; Marie Tilliat, veuve de François Lepage, a aidé au service à table ; le boulanger-pâtissier François Robinot, a été « entrepris pour apprêter le dîner [qui] se fit sobrement et modestement ».
Le repas est fini ; le curé de Saint-Hilaire, un homme très âgé, éprouve le désir de rentrer chez lui. Comme il possède un cheval assez fougueux, Jean Bernard se propose pour le raccompagner. Mais le chirurgien est venu à pied et le cheval du curé de Devay est au pâturage. Qu’à cela ne tienne ! Le curé Boyau crie à son valet de seller le premier des chevaux qu’il trouvera dans l’écurie. Jean Bernard part sur le cheval de Charles Dougny. Selon plusieurs témoins, « le curé de Cossaye n’en marqua aucun chagrin ». Quelque temps plus tard, Marie Tilliat entend les deux curés Dougny qui discutent ; Balthazar dit à son neveu : « Comment ? Ce bougre de gueux a emmené ton cheval ? Mon Dieu, si c’était le mien, je le moudrais… Et il proféra plusieurs blasphèmes, à quoi le curé de Cossaye répondit par un grand nombre de pareils blasphèmes : Sacredieu ! Un cheval de vingt-cinq pistoles ! » François Robinot rapportera au juge qu’il a entendu Balthazar Dougny dire au curé de Devay : « Mordieu, on n’en fait jamais d’autres chez vous ! Il y a toujours vingt bougres de gueux, vingt foutues canailles et des fripons. L’an passé, on m’y vola déjà le licol de mon cheval. Sacredieu ! Si je le tenais, je le moudrais, je le batterais [sic] comme un bougre de chien… »
Ces paroles semblent déjà bien déplacées dans la bouche de deux prêtres. Au retour de Jean Bernard, les deux Dougny montrent qu’ils savent joindre le geste à la parole. Le neveu du chirurgien, alerté par les menaces qu’il a entendues, vient prévenir Bernard qui n’est pas homme à s’émouvoir.
La cour du presbytère est séparée de l’église et du cimetière par une haie ; à peine Jean Bernard est-il descendu de cheval que deux hommes, tapis derrière cette haie, bondissent soudain et lui assènent de violents coups de poings et de pieds. Anne Dumont, 55 ans, veuve d’Antoine Narquin, sort de l’église à ce bruit et n’en croit pas ses yeux : deux prêtres, semblables à des diables, frappent un homme à terre et profèrent les plus horribles jurons. Les curés de Devay et de Charrin, aidés du boulanger Robinot, viennent au secours de Bernard. L’un d’entre eux essaie de calmer les deux Dougny et parle même de les dénoncer à l’évêque. Charles Dougny rétorque alors : « Sacredié ! Morguié ! Je me fous autant de l’évêque que du pape et que de celui qui est au-dessus ! »
Charles et Balthazar Dougny réalisent alors l’énormité de leurs paroles et de leurs actes ; ils déguerpissent avec leurs chevaux. Jean Bernard est tout meurtri. Marie Pillon, femme de confiance et épouse du marguillier de Saint-Aré, vient le « visiter pour voir s’il n’avait pas quelques costes enfoncées » : il a justement une côte enfoncée. Son collègue Jean Cabaille va le soigner. Son frère Denis Bernard le trouve chez lui en compagnie d’un Charles Dougny tout penaud, venu lui proposer 50 pistoles en dédommagement, à condition qu’il ne porte pas plainte… Jean Bernard raconte alors en pleurant à son frère la bagarre de la Saint-Victor.

Il est trop tard pour étouffer l’affaire. D’ailleurs un grand nombre de témoins ont des comptes à régler avec les curés Dougny, surtout avec celui de Champvert. Pierre Alixand, lieutenant criminel au bailliage et siège présidial de Saint-Pierre-le-Moûtier, arrive à Devay. Il est assisté de maître Philippe Michel, avocat à Decize, faisant office de greffier. Tous deux établissent l’hôtel de justice provisoire en la maison du vigneron Jean Arbelat et font quérir les témoins par les huissiers de Decize. Chacun y va de son récit, en variant les « Sacrebleu ! Mordieu ! Sanguieu ! » et autres jurons…
L’enquêteur apprend alors des épisodes peu édifiants de la vie de Balthazar Dougny. Gabrielle Joug, épouse de Pierre Lagondolle, manœuvre à Marcy, paroisse de Champvert, raconte qu’un soir elle rentrait au village avec son mari et un groupe de personnes lorsqu’elle « ouït le curé de Champvert qui criait Mordieu ! Morel, on maltraite votre femme ! Il faudrait saccager ce coquin-là ! » Puis il a abordé la compagnie et leur dit : « Nous avons bien talé Barbotte. Je ne crois pas que les bras ny les jambes luy démangeront de longtemps. Voilà de son sang en montrant sa culotte qui en était teinte. » Un autre témoin se présente à propos de cette affaire : François de Mareschet de Bastide, seigneur du village, 38 ans, a entendu le vacarme ; de sa fenêtre, il a vu le nommé Barbotte qui lui criait : « Monsieur de la Bastide ! Retirez-moy ! Ouvrez-moy la porte ! Je suis mort ! » Mareschet a recueilli le malheureux Barbotte qui avait le nez en sang. Et, dehors, le curé Dougny tournait autour de la maison en maugréant.
L’affaire Barbotte est alors racontée en détails. Ce Barbotte est un ivrogne, mais un bon bougre. Ce soir-là, il est entré chez le cabaretier Morel pour étancher sa soif. Morel n’était pas là ; sa femme a refusé de servir Barbotte. Celui-ci lui a pris le bras. C’est alors que la femme Morel a appelé au secours et… c’est le curé qui est arrivé. Pierre Lagondolle et Antoine Carry (frotteur de chanvre) confirment que Barbotte a été très sérieusement blessé. Pierre Dubas l’a trouvé le lendemain, se traînant lamentablement près de la croix de la route et il l’a hébergé dans sa grange. Tous conviennent que Balthazar Dougny est violent, blasphémateur et accoutumé à jurer. Un seul témoin ne sait rien et ne dit rien : c’est Noël Roche, le domestique du curé (qui craint des représailles).
Après une journée et demie d’interrogatoires, Pierre Alixand requiert que les deux curés Dougny soient « pris au corps et conduits dans les prisons de ce siège pour estre ouÿs et interrogés sur les faits résultants des charges et informations » . Ils sont conduits à Saint-Pierre-le-Moûtier. Leurs biens seront « saisis et placés sous le contrôle de commissaires établis à la régie d’iceulx. » Les 16 et 17 septembre suivants, ont lieu les perquisitions et inventaires de leurs biens. Le 19, la justice du bailliage transmet le dossier au vice-promoteur du diocèse, procureur de la justice ecclésiastique.
Le 25 octobre, le vice-promoteur Fity établit ses conclusions. Les deux accusés lui adressent une longue supplique où ils nient toutes les charges et prétendent qu’ils sont victimes de la jalousie de leurs paroissiens. Enfin, le 10 décembre, maître Jérôme de Paris, docteur en théologie, official du diocèse de Nevers, assisté de maître Jean Estienne Michel, seigneur des Préfays, procède à un nouvel interrogatoire des deux prévenus. Charles Dougny nie presque tout ; il aurait seulement dit une seule fois « Mordié ! » Balthazar Dougny n’a pas frappé Bernard, « il a seulement eu du bruit avec lui [sic]. »

Le volumineux dossier se conclut sur le procès-verbal de cet ultime interrogatoire. Qu’est-il advenu des curés Dougny ? Leur famille influente de commerçants et de tanneurs, établie au faubourg Saint-Privé et à Champvert, a peut-être étouffé le scandale en versant de fortes sommes aux juges, en payant des fondations aux paroisses. On retrouve ces deux curés Dougny un peu plus tard : Charles Dougny est le demi-frère de Jeanne Philberte Houdry qui épouse en 1728 à Champvert un certain Léonard Robinot (le propre frère du boulanger-pâtissier François Robinot, qui a assisté à la rixe de Devay). Lorsque Balthazar Dougny décède, c’est son neveu Charles qui lui succède au presbytère de Champvert. Et c’est le même curé Charles Dougny qui reçoit chez lui deux futurs époux, venus rédiger leur acte de mariage en compagnie des notaires Decray et Grenot : Marie Anne Robinot et Louis Jean Saint-Just de Richebourg…(1) Quant à Jean Bernard, c’est le neveu d’Anne Bernard, l’épouse d’un autre Robinot…

(1) Marie Anne Robinot et Louis Jean Saint-Just de Richebourg sont les parents de Louis Antoine Saint-Just, futur conventionnel. Cf. Decize en Loire Assise, chapitre 18, La Famille Robinot.

Mai 2013. Texte communiqué par Pierre VOLUT. http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/

1772 - L’honneur sali du curé Poulet

  • A la fin de l’Ancien Régime, la situation matérielle et morale des curés de campagne est loin d’être confortable ; leurs revenus sont souvent réduits à la portion congrue (dépassant rarement mille livres par an) ; beaucoup de ces prêtres ont été nommés pour garder le bénéfice d’un oncle ou d’un cousin, sans vocation véritable ; après une rapide formation et quelques années de vicariat dans un paroisse plus importante, ils se retrouvent face à des paroissiens envieux, bornés, routiniers et médisants. D’où le nombre important de procès qui opposent des curés et leurs paroissiens pour des insultes, des menaces, des incompréhensions de toutes sortes.
    Guillaume Poulet, curé d’Azy-le-Vif, a été accusé de tentative de séduction ; il n’a pas supporté la vie chaste et irréprochable à laquelle son sacerdoce l’avait soumis. Il a transgressé une règle morale et sociale qui, en bien des villages du Nivernais, était hypocritement détournée ; bon nombre de ses confrères ont été accusés d’avoir des maîtresses et des bâtards. Il serait injuste de l’accabler : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! » Mais, face à l’honneur d’un prêtre, il y a l’honneur d’une femme, à une époque où le sexe dit faible n’était respecté que dans quelques salons parisiens et partout ailleurs méprisé, surchargé de travaux et maltraité.

  • Marguerite Bellot, épouse de Jean Chéru, demeurant au Bruyères-Radon, paroisse de Luthenay, explique en termes précis, parfois crus, l’abus dont l’a menacée le sieur Poulet, curé d’Azy-le-Vif :
    « Supplie humblement Marguerite Bellot, disant que l’insulte qu’elle a reçue du sieur Poulet, prestre curé de la paroisse d’Azy-le-Vif, luy est trop sensible pour qu’elle puisse la passer sous silence. Les détails des faits vont vous en convaincre.
    Le vendredi 24 avril dernier [1772], la suppliante dans sa maison étant occupée à chauffer son four pour cuire du pain, le sieur Poulet, curé de ladite paroisse d’Azy-le-Vif, entra chez elle environ les dix heures du matin. En entrant, il souhaita le bonjour à la suppliante qui étoit seule dans sa maison, son mary étant absent. Après, bien sûr, des civilités de part et d’autre, le sieur curé s’assit sur une chaise et dit à la suppliante qu’il avoit bien chaud. Cette dernière luy dit que si elle avoit une bouteille de vin, elle se ferait un plaisir de luy offrir. A quoy le sieur curé la remercia, luy disant qu’il n’avoit ny faim ny soif et qu’il n’avoit besoin de rien. La suppliante ayant eu besoin de bois pour mettre dans son four, elle en fut chercher au bûcher, qui est au milieu de sa cour. Etant de retour, le sieur curé luy demanda si elle n’avoit que cela de logement, en parlant de la maison où ils étoient. Elle luy dit qu’il y avoit une autre chambre. A ces mots, le curé se leva et dit : ’’Voyons-la donc !’’ Après en avoit ouvert luy-même la porte, il y entra et elle le suivit jusqu’à la porte de sa chambre. Le curé y ayant aperçu un lit, dit ‘’Ah! Voilà donc le dit du maître.’’ La suppliante luy ayant répondu qu’oui, qu’il étoit même à son service, le curé luy dit : ‘’Est-ce tout à l’heure ?’’ A ces paroles, celle-cy tourna ses talons et s’enfuit auprès de son four, en luy disant : ’’ Ce n’est pas pour ce que vous pensez ! ’’
    On ne s’imagineroit jamais que tel étoit le but et le dessein de ce curé. On va le voir. Etant sorti de la chambre, où il avoit déjà tenu des propos indécens à la suppliante, il vint la rejoindre auprès de son four où elle étoit. Il la prit par le col et, après luy avoir témoigné toute son amitié pour elle, il luy mit la main sur la gorge en luy disant : ’’Voulez-vous me permettre de prendre un peu de plaisir avec vous ? ’’ Ensuite, il luy porta la main par derrière et le curé eut la hodace [sic] de luy trousser ses jupes et luy mit la main sur la partie honteuse. La suppliante, indignée de l’inconduite de ce curé, luy dit aussitôt de se retirer et qu’il la prenait probablement pour une autre, que cela ne luy convenoit point. Mais le curé, malgré ces remontrances, s’est encore rapproché de la suppliante et, en la caressant de nouveau, il luy demanda la permission de jouir d’elle pendant seulement deux ou trois minutes. Cette dernière, bien loin de penser à de pareilles choses, et ennuyée de tous les propos indécens, luy répliqua encore de la laisser tranquille, qu’elle n’avoit jamais eu la faiblesse de tomber dans ce péché honteux, et qu’elle ne vouloit point commencer avec luy, que si elle avoit des plaisirs à prendre, elle avoit son mary avec lequel elle pouvoit le faire. Le sieur Poulet luy a répondu qu’elle auroit plus d’agrément avec luy qu’avec son mary et que le changement de viande donnoit appétit.
    La suppliante, courroucée de ses mauvais propos, luy répliqua qu’elle n’avoit nullement besoin de sa viande, qu’elle n’en étoit point envieuse. Ces reproches devoient être sensibles au curé. Mais elles [sic] n’ont sur luy fait aucune impression. Bien loin de là, il a encore eu la hodace de la tirer malgré elle dans la chambre où, y étant, il luy a porté une de ses mains sur sa culotte, d’où il avoit fait sortir son membre viril. La suppliante, lassée de faire des reproches à ce curé, ne sçavoit plus quel party elle devoit prendre. Cependant, dans le moment où le curé faisoit tous ses efforts pour la séduire, il est entré un homme dans la maison où il les a trouvés, qui venait pour boire et mettre du bois dans le four de la suppliante, le curé ayant aussitôt changé de conversation, parlant de matière de confession avec cet homme, il a cessé par là tous ses mauvais propos
    … »

  • Telle est la version de Marguerite Bellot, rédigée par Robin et contresignée par Dollet de Chassenet. A cette supplication s’ajoutent deux dépositions : celle de Pierre Siret, journalier, âgé de 40 ans, qui est entré dans la maison pour mettre fin à cette aventure ; celle de Gilbert Coppin, un autre journalier occupé à bêcher le jardin devant la maison. Les deux témoignages sont rigoureusement identiques au récit de la plaignante : le curé est bien entré chez Marguerite Bellot et il est resté seul avec elle pendant près d’une demi-heure ; il lui a tenu des propos malhonnêtes et s’est livré à des gestes inconvenants (les deux hommes n‘en savent que ce que la plaignante a pu leur dire).
    Pour que l’enquête soit équitable, les juges écoutent la version de Guillaume Poulet. Le vendredi 24 avril, à 11 heures et demie, il rentrait à Azy-le-Vif à pied, après avoir rendu visite au curé de Luthenay, le sieur Dutartre. Traversant le hameau des Bruyères-Radon, il s’est trouvé fatigué par la marche (il venait de relever d’une maladie). Guillaume Poulet est entré chez la femme Chéru, qui avait près d’elle un enfant de trois à quatre ans. « Il n’a tenu avec elle d’autres propos que ceux que la bienséance exige et en partit une heure et demie après, pour se rendre chez luy… » Le curé Poulet accuse Chéru, sa femme et leurs voisins de grave diffamation : « Cette infâme calomnie parvenue le jour d’hier [26 avril] aux oreilles du suppliant, il en a été saisi de la plus vive horreur. Son énorme atrocité compromet au-delà de tout ce qu’on peut dire et sa personne et son caractère. »
    Les juges citent encore trois témoins. Les deux premiers accablent le curé Poulet et répètent, presque mot pour mot, le récit de Marguerite Bellot. Il s’agit de Jean Ragot, entrepreneur en bâtiment, âgé de 33 ans ; il n’a pas du tout assisté à la scène, mais il est venu trois jours plus tard aux Bruyères-Radon afin de réparer une grange appartenant à Chéru, il a simplement entendu Marguerite Bellot raconter ses déboires, et il la croit. Le maître charpentier François Meunier, employé au même chantier, confirme les dires de Jean Ragot. En revanche, maître Claude Berger de Chamilly, seigneur d’Azy-le-Vif, défend Guillaume Poulet : selon lui, le curé a toujours tenu depuis son arrivée dans la paroisse une conduite exemplaire et digne.
    Qui faut-il croire ? Marguerite Bellot, victime d’un odieux comportement ? Guillaume Poulet, victime de calomnies ? Claude Berger de Chamilly, garant de la bonne conduite de son curé ? Aucun jugement n’a été conservé dans le dossier, sans doute n’y en eut-il pas.
    Cette année-là, les juges de Saint-Pierre-le-Moûtier sont très prudents dans les autres procès pour viols ou violences exercées contre des femmes. Ils n’ont pas la même mansuétude lorsqu’ils condamnent à la pendaison Marie Louau, fille d’un fendeur de bois et servante à Luzy, convaincue d’avoir volé des effets à sa maîtresse.

  • On retrouve le curé Guillaume Poulet à Azy-le-Vif pendant la Révolution. Il prête serment plusieurs fois au nouveau régime politique. A partir de 1794, il a d’autres ennuis ; emprisonné à Paris, il est libéré après Thermidor. Il est ensuite aumônier de l’hôpital de Nevers, après le Concordat.

Sources:

  • René Surugue, Les Nivernais et la Nièvre, Besançon, 1926, Imprimerie de l’Est, tome II
  • Archives Départementales de la Nièvre, Affaires criminelles du bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier, cote B 165.
  • Pierre Volut, La Justice d'autrefois, hebdomadaire Sud-Nivernais, 1991.

1906 - Mascarade et scandale à La Machine

  • Le mercredi des Cendres, deux mineurs se sont déguisés, l'un en curé, l'autre en bonne sœur, et ils distribuaient aux passants le pamphlet Les Corbeaux. Poursuivis par le garde-champêtre et par deux gendarmes, ils ont reçu l'aide de nombreux masques. « Ils ont usé de leur droit comme tous les autres masques : les uns ridiculisent l'infirmité, d'autres la pauvreté, d'autres encore avec leurs ventres proéminents la maternité et je ne crois pas que rien soit plus sacré que la maternité. Cependant personne n'avait songé à s'en offusquer. » Le correspondant de l'Observateur du Centre s'en prend à l'hypocrisie cléricale qui se cache sous de faux arguments évangéliques.

L'Observateur du Centre, 13 mars 1906.