Prisons de Decize à la Révolution

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Des prisonniers de droit commun.

  • Les dix années de la Révolution ont été marquées par l’emprisonnement, la déportation et l’exécution de nombreux prisonniers d’opinion. A Decize, il y a eu environ 200 personnes internées, dont une trentaine originaires de la ville, entre 1792 et 1796. Mais les prisons ont aussi hébergé leur lot habituel d’ivrognes, de petits voleurs, d’infanticides et de débiteurs en faillite. Les archives judiciaires des années 1792 à 1796 ne diffèrent guère des archives du tribunal royal ou des affaires de police municipale avant 1789.
  • En 1789, Decize avait deux prisons : l’ancienne prison du duc de Nevers située sur une petite place du faubourg de la Madeleine, et une salle de garde dans l’hôtel de ville. Cette dernière prison était en mauvais état. La maréchaussée avait arrêté en septembre 1786 un nommé Morizot, laboureur à Brain, devenu subitement fou furieux. Pendant sa détention, l’énergumène a mené un vacarme du diable et proféré d’horribles menaces ; qui plus est, il a détruit les latrines et saccagé les murs de sa cellule ; le concierge Gilbert Nachard a réclamé à la municipalité que la prison soit réparée ou transférée ailleurs…
  • Le 2 septembre 1791, le brigadier Charles Sallé et le gendarme Philibert Journet arrêtent Honoré Martin. L’homme porte sur lui une bourse de peau contenant 3 livres, 11 sols et 3 deniers, un jeton et une clef de montre, un coquillage, une petite lime, une « cocarde à la nation », un couteau à manche de bois avec son étui. Ledit Martin est accusé d’avoir dérobé une barre de fer d’environ 20 pieds et 39 livres de poids. Il est écroué en attendant son jugement.
  • Le 13 Ventôse An III, les geôliers doivent accueillir une délinquante d’un autre type. Marie Perriot, native de Montaron, est accusée d’infanticide ; le cadavre d’un enfant a été trouvé enveloppé d’un mauvais jupon de femme ; la jeune fille a avoué au greffier de justice qu’elle avait voulu se débarrasser d’un enfant naturel.

Des détenus étrangers à Decize.

  • Les délinquants et les prisonniers politiques sont parfois rejoints par des groupes de prisonniers de guerre autrichiens, dont les convois traversent Decize. Un groupe de 12 déserteurs arrêtés par la gendarmerie passe aussi quelques nuits à la maison d’arrêt de Decize, avant d’être conduit à Luzy et Autun.
  • La Révolution Française se voulait pacifiste à ses débuts. Mais la Grande Nation n’a pu exporter son idéal sans avoir recours aux armes. Elle dut dès 1792 se défendre contre des coalitions de souverains étrangers ; les armées françaises prirent l’initiative d’envahir les pays voisins : Belgique, Luxembourg, Rhénanie, Suisse, Piémont, Lombardie… Des milliers de soldats étrangers furent faits prisonniers et l’armée française eut soin de les évacuer loin des zones de front ; ils étaient emprisonnés ou assignés à résidence. Decize a reçu plusieurs contingents de prisonniers allemands et austro-hongrois. L’état-civil de la ville témoigne de cette immigration forcée qui, dans plusieurs cas, aboutit à un métissage.
  • « Le 1er jour des sans-culottes de l’An II de la République Française une et indivisible (18 septembre 1794), est inhumé le prisonnier de guerre Konrad Mitter, 28 ans, du régiment de Mayence, interné aux Minimes et hospitalisé de la veille. »
  • D’autres prisonniers eurent plus de chance. Le 30 Brumaire An VIII (novembre 1799), François Nagy, 32 ans, né en Transilvanie, caporal au régiment de Benisky, qui a décidé de vivre en France, épouse Claudine Rhé, 20 ans, demeurant à Saint-Privé. Les deux témoins du jeune marié sont Antoine Lang, 28 ans, sergent, et Thomas Kindian, 30 ans, capitaine ; tous les deux ont décidé également de s’établir en France ; ils sont alors en résidence surveillée à Decize. La même année a lieu le mariage d’Antoine André, 23 ans, journalier, né en Hongrie dans la ville d’Agard (Arad ?) ; il épouse Anne Godignon. Parmi les témoins se trouve le marchand Antoine Kekinger. Toutefois, rien ne prouve que cet Antoine André soit un prisonnier autrichien ; né lui aussi en Hongrie, c’est peut-être le fils d’un commerçant ou d’un mercenaire des anciennes armées royales.

Les prisonniers de guerre victimes d’une escroquerie.

  • Le 6 Floréal An II, les responsables de la Société Populaire de Decize écrivent au secrétaire du directoire du district : « Citoyen, chaque jour aux portes de la société populaire de cette cittée [sic] parviennent des plaintes sur la conduite des prisonniers de guerre actuellement dans votre arrondissement. Jusqu’à présent vous avez dormi sur les excès en tout genre auxquels ils se sont livrés. Rappelez-vous que, chargés de la confiance de vos concitoyens, il est de votre devoir de veiller à leur tranquillité, à la sûreté de leurs propriétés, et que la moindre négligence de votre part vous rend condamnables à leurs yeux. Quoy ! La société populaire a été instruite que plusieurs d’entre eux se permettaient de voler des comestibles de différentes espèces telles que volailles, moutons et jambons […] qu’ils se rassemblaient souvent en grand nombre dans une même commune et vous, magistrats du peuple […], vous gardez le silence et les laissez abandonnés à de pareils excès sans user des moyens que la loy vous prescrit pour les réprimer ! »
  • Cette missive comminatoire reçoit réponse dès le lendemain. Depuis le 1er Germinal, les prisonniers mayençais et autrichiens n’ont reçu aucune aide pécuniaire, contrairement à ce qui était prévu par les autorités. Ils n’ont aucune ressource et se transforment en vagabonds, à cause d’un individu malhonnête, l’interprète Proaska, chargé de « faire leur revue » et de leur fournir la somme qui leur est destinée. Cet interprète a disparu de la circulation et le tribunal du district a lancé un mandat d’arrêt contre lui.
  • Le désordre continue pendant les jours suivants. Non seulement, les prisonniers volent, mais ils répandent une propagande malsaine ; à Saint-Léger, ils auraient abordé des jeunes gens et leur auraient fait jurer qu’ils désiraient le retour des tyrans…

Pierre Volut, CD-ROM Histoire de Decize, REV 425