Chroniques Decize

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L'épouvantable foudre

Au cours des mois de juin et juillet 1861, les conditions climatiques sont très instables. Le 22 juin, un ouragan dévaste une grande partie du Nivernais. « Le pays est ravagé, la terre est dans le deuil, les blés sont dévastés, les laboureurs sont consternés parce qu'ils ont perdu la moisson de leurs champs », écrit Mgr Forcade, évêque de Nevers, paraphrasant le prophète Joël[1].

Quelques jours plus tard, le samedi 6 juillet, à trois heures de l'après-midi, un violent orage s'abat sur Decize. La foudre tombe d'abord sur l'ancien couvent des Minimes, devenu pensionnat de garçons. Les destructions les plus importantes frappent le clocher de l'ancienne église. La girouette est tordue, une poutre de la charpente est descellée et le tonnerre a percé dans la couverture un trou de plusieurs mètres carrés.

« Au moment où la foudre est tombée sur le couvent des Minimes, des enfants, au nombre de soixante, étaient dans une des classes du rez-de-chaussée. Ils ont tous été renversés ; leur professeur seul est resté debout, et, malgré la pluie qui s'est mise à tomber à flots quelques instants après, il n'a pu empêcher ses élèves terrifiés de prendre la fuite. C'était un spectacle curieux de voir ces enfants qui couraient éperdus par les rues de la ville, les uns poussant des cris, d'autres pleurant en appelant leurs mères : tous se bousculaient pour arriver plus vite au domicile de leurs parents. »

D'autres éclairs s'abattent sur le pont de Saint-Privé, pulvérisent une partie du parapet et affolent les passants. « Plusieurs femmes qui se trouvaient sur le pont, se voyant enveloppées de flammes, se sont trouvées mal ; elles en ont été quittes pour la peur. Un charretier a été renversé de sa voiture ; un conducteur de diligence s'est vu enlever des mains un papier qu'il n'a pu retrouver. Enfin tous les habitants ont ressenti plus ou moins les effets de ce bruyant coup de tonnerre. [...] On se souviendra long-temps, à Decize, du coup de tonnerre du 6 juillet[2].»

Pendant l’hiver de l’An VI

Les campagnes souffrent surtout de la désorganisation due au marasme économique, aux levées massives de jeunes recrues, à l’insécurité, à la réquisition des armes. Les loups profitent de cette situation pour se faire plus menaçants. En l’an VI, les habitants de Lucenay les Aix se plaignent : « Il a été fait dans toutes les communes de ce canton plusieurs chasses et battues pour la destruction des loups et autres animaux voraces. Elles n’ont produit d’autres résultats que la mort d’un renard tué à Cossaye et la blessure mortelle, à ce qu’on a pensé, de deux loups dans les deux battues faites successivement par les habitants de Toury. Ces deux animaux ont fuy et échappé à la poursuite des tireurs. »

Le 4 Frimaire de l’An VI, le danger s’approche des villages, doublé d’une seconde menace ; les loups transmettraient la rage. Le directoire du district s’inquiète : « Hier, l’administration fut prévenue qu’un loup enragé avait attaqué deux personnes dans la commune de La Machine, qu’il avait diffamée (diffamer signifie, ici dévaster, nuire)». Le citoyen Lelong part lui-même, à la tête d’un « détachement de force armée » ; il a mobilisé la garde nationale, les gendarmes, les habitants de Champvert, de Saint-Privé, de Saint-Léger, de Sougy et de La Machine. « Mais on a rien tué [sic] » Les deux blessés de La Machine sont transportés à l’hôpital de Decize où l’on « désespère de leur guérison ». Lelong fait abattre devant lui deux cochons qui ont été mordus par l’animal enragé ; il ordonne de tuer les chiens qui ont pu être contaminés, de même que « sept pièces de bêtes à cornes », dont les propriétaires seront dédommagés plus tard. Selon le citoyen Lelong, ce loup serait atteint d’hydrophobie[3]

Mobilisation des gardes champêtres pour détruire… les taupes.

Pendant ce temps-là, le Ministre de l’Intérieur s’en prend à l’inertie des gardes champêtres et il leur suggère de s’attaquer à d’autres animaux nuisibles, quoique moins féroces : ::”L’établissement des gardes champêtres ayant pour objet la police des champs et la conservation des fruits de la terre, ne trouvez-vous pas, citoyens administrateurs, que la vie oiseuse de la plupart de ces hommes ne remplit que bien stérilement les vues paternelles du législateur, et ne pensez-vous pas comme moi qu’il est d’un extrême intérêt de rendre leur existence plus utile, en leur imposant des obligations que semblent prescrites par la nature-même de leur institution ? Tout intéressé, tout avide même que soit l’homme, il ne fait néanmoins qu’une partie de ce que son intérêt exige : après avoir consacré ses sueurs à labourer et à semer, il abandonne pour ainsi dire son grain aux soins de la nature ; et, par cette incurie, expose le corps social à manquer du premier des aliments.

C’est aux administrateurs à suppléer la vigilance du cultivateur, et l’un des moyens les plus naturels d’y parvenir est celui des gardes champêtres qui, chaque jour, à toute heure, étant censés devoir parcourir les champs, peuvent surveiller attentivement les animaux nuisibles, et les détruire avec facilité, plus ou moins.
La taupe surtout demande une attention particulière, elle est infiniment préjudiciable : sa chasse est peu pénible, puisque sa présence est annoncée par son travail à soulever la terre. Et sans se reporter sur l’intérêt individuel, ny sur des mesures coercitives presque toujours impuissantes, il me semble que les administrations vraiment animées de l’amour du bien public sauront tellement choisir et encourager leurs gardes champêtres, qu’elles parviendront par là à purger leur canton des animaux de cette espèce dont ils pourraient être infestés. […] Signé : Bénézech, certifié conforme Rigodin[4]

  1. Le Journal de la Nièvre, juillet 1861, mandement de l'évêque de Nevers. Phrase reprise de la Bible (Joël, I, 10-11). - Pierre Volut, Decize et son canton au XIXe siècle et à la Belle Epoque, p. 87. et http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/
  2. Le Journal de la Nièvre, 11 juillet 1861.
  3. On croit alors que la rage s’accompagne d’une peur panique de l’eau, ou hydrophobie
  4. Copie de la lettre écrite aux administrateurs des départements, en date du 28 Prairial An V.