Carnet de route de Jean Petitjean (suite)
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Mardi 1er juin 1915 :
- Voilà que nous commençons le 11ème mois de guerre !
C’est effrayant de penser que nous sommes encore vivants après 10 mois passés sous les balles, bouteilles et obus, bien peu nombreux hélas !
Car pour ceux qui comme moi en sont sortis indemnes, que de camarades morts ! Tués au champ d’honneur, blessés grièvement et qui resteront estropiés ! C’est affreux la guerre !
Nous avons eu durant le dernier mois une joie. La participation de l’Italie qui nous fera raccourcir la guerre de quelques mois. Mais hélas nous qui pensions, qui croyions à une offensive du Printemps, nous avons été déçus ! L’offensive a raté. Dans notre secteur, l’offensive a été mal organisée ; l’entrain de l’offensive a pris des caractères spéciaux, c’est-à-dire de la continuité dans l’offensive mais, comme nous n’attaquons maintenant que dans ce secteur, les Boches ont emmené des renforts considérables et la percée tant escomptée restera comme toutes les autres.
Il nous faudrait attaquer sur tous les fronts à la fois. L’ennemi serait sûrement culbuté mais pour cela il faut sacrifier beaucoup d’hommes.
Mais le sacrifice serait moins grand que dans les attaques partielles comme nous les faisons depuis 8 mois.
Enfin, il faut se résoudre à la tactique de notre Joffre, car il a vaincu dans la Marne alors que beaucoup désespèrent. Il doit attendre encore quelque chose peut-être, l’intervention pour le mois de juin et en Transylvanie. La Grèce, la Bulgarie suivront certainement mais il faut compter plusieurs mois pour fêter ce digne événement.
Peut-être alors, verrons-nous la décadence de ces Germains qui, si on veut bien être franc, sont merveilleux.
Napoléon n’eût pas fait mieux. Ils sont malgré les actes de barbarie commis certainement par une bande de saoûlots, héroïques et sortiront de cette guerre battus, c’est certain. Aucune puissance n’eût pu vaincre contre pareille coalition.
Ils ont commis des fautes comme tous les gens qui se croient impossibles à battre. Ils seront battus d’ici quelques mois par leur faute.
L’organisation est leur force mais ce sont des soldats et non des guerriers, comme nous autres. Notre histoire est là pour le prouver. Ils se sont crus imbattables et ils ont commis des fautes d’étourdis dont heureusement nous avons profité.
Nul soldat allié ne doute maintenant de la victoire. Nous avons pour nous le Droit et la Force.
Notre victoire sera peut-être moins belle que leur défaite mais ce sera la cause de la Justice et de la Liberté qui triompheront. Ce sera une plus belle victoire pour nous autres Français Républicains qui aurons su nous mettre à la tête de ce grand mouvement d’émancipation des peuples, asservis sous le joug du Germanisme.
Allons, saluons encore une fois ce mois de juin qui sera un des derniers de cette terrible guerre où les peuples se massacrent pour la cause du Droit et de la Liberté.
Vive la République qui par sa loyauté sa franchise diplomatique a su s’attirer l’Italie, qui avec la Roumanie feront triompher des idées du Latinisme, qui sont les idées de civilisation et les idées du Droit.
Jeudi 10 juin 1915 :
- Journée calme. Nous recevons une lettre de notre ancien Capitaine, le Capitaine Dupont, que nous avons tous regretté au mois de septembre lorsqu’il est tombé près de nous grièvement blessé. Le pauvre ami a quitté définitivement le Commandement de la 2ème batterie. Que de souvenirs nous évoque cette belle lettre que je copie sur mon carnet de route les larmes aux yeux.
LETTRE DU CAPITAINE DUPONT
- Bourges le 2 juin 1915
- A ma Chère Batterie,
- Je n’avais qu’un espoir depuis de long mois. C’était de me remettre suffisamment pour aller vous retrouver et terminer la campagne que nous avions commencée ensemble pendant les dures journées d’Août et de Septembre.
- Nous avions été ensemble à la peine. J’aurais voulu que nous soyons ensemble à l’honneur.
- Malheureusement, les médecins me déclarent inapte à faire campagne dans une batterie montée pendant des mois encore. J’ai donc demandé le commandement d’une batterie d’auto-canons contre avions-poste qui ne demande ni équitation, ni marche, ni terrain varié.
- Je pourrai ainsi continuer à faire ce que vous faites tous : servir la France qui a besoin de toutes nos bonnes volontés.
- Je vous ai vus à l’œuvre pendant des semaines et des mois et je n’oublierai jamais les dates du 20 et 26 septembre qui peuvent être inscrites en lettres d’or dans l’histoire de la 2ème batterie.
- Vous aviez montré ces jours-là ce que vous étiez capables de faire. Je sais que sous la conduite d’un Capitaine en qui vous aviez justement confiance, vous avez continué depuis.
- J’étais fier de vous commander. J’en étais heureux aussi car vous m’avez donné la plus grande joie qui puisse avoir un chef, celle de sentir les cœurs de tous ses hommes vibrer à l’unisson avec le sien dans un commun amour de la Patrie.
- Vous avez toujours fait votre devoir et vous l’avez fait gaiement, vaillamment à la française. Je n’oublierai jamais non plus la confiance, le dévouement, l’attachement dont vous m’avez donné tant de preuves.
- De tout cela, Officiers, Sous-Officiers, brigadiers et canonniers de la 2ème batterie, mes bons compagnons d’armes, je vous remercie du fond du cœur. J’emporte votre souvenir à jamais gravé dans ma mémoire.
- Continuons tous, chacun de notre côté, à servir de toutes nos forces, notre Chère Patrie et crions, une dernière fois ensemble « Vive la France ».
- Votre Capitaine et ami.
- DUPONT
- Bourges le 2 juin 1915
- Cette magnifique lettre est lue devant tous les hommes de la deuxième batterie et arrache des larmes à ceux qui on connu ce héros.
La deuxième batterie a répondu par l’intermédiaire de notre Capitaine Bellingard, une lettre de remerciement et lui annonçant que la deuxième batterie, le nommait :
- CAPITAINE COMMANDANT D’HONNEUR DE LA DEUXIEME BATTERIE.
- CAPITAINE COMMANDANT D’HONNEUR DE LA DEUXIEME BATTERIE.
Texte de Pierre Volut http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/index.htm et http://lesbleuetsdecizois.blogspot.fr/ mis en page par --Mnoel 5 juin 2015 à 14:53 (CEST)