« Discussion:Bac à sable » : différence entre les versions

De Wiki58
Aller à la navigationAller à la recherche
Aucun résumé des modifications
(a)
Ligne 1 : Ligne 1 :
===Lettre de Colbert au Cardinal Mancini - 1662===
===Lettre de Colbert au Cardinal Mancini - Octobre 1662===


* Philippe Julien Masarini-Mancini<br>
Philippe Julien Masarini-Mancini<br>


" Votre Eminence aura appris par la lettre que je me suis donné l'honneur de luy écrire en dernier lieu, la mauvaise conduite de M. Le Duc de Nevers, et que, quelque application que j'aye apportée pour luy faire changer, il m'a esté impossible impossible de luy oster la pensée de se démettre de sa charge'''*''', et par conséquent de courir à sa ruine entière.<br>
Ce n'a pas esté beaucoup de douleur, que je suis vu contraint d'informer Vostre Eminence, de la mauvaise conduite de M. le Duc de Nevers, tant pour la mortification que j'en ay en mon particulier que par celle que je sçavois bien que Vostre Eminence, en recroit.<br>
Après avoir fait inutilement ce qui étoit de mon devoir et m'estre servy sans aucun fruit de toute industrie que son zèle et la passion que j'ay d'empscher sa pete m'ont pu suggérer, j'ay estimé qu'il falloit se cautionner du costé du Roy pour éviter qu'estant degousté d'un procédé si irrégulier, il se perdist à la fin les sentimens de bonté qu'il a eus jusqu'icy pour luy ; à quoy la mémoire des grands services que feu Monseigneur le Cardinal a rendus l'estat, qui est toujours présente devant les yeux de Sa Majesté, a entièrement contribué ; car je dois dire à Vostre Eminenece que, sans cette considération, l'on eust exécuté la réolution qui avaoit esté prise de licencier la Maison de M. le Duc de Nevers et, en l'abandonnant à sa conduite, ne luy donner pas un sol, pour voir si l'on pourroit le réduie par cette sévérité.<br>
La pensée ue vous avez qu'il le faudroit marier pour réformer une manière de vivre si irrégulière est un effet de vostre jugement et le remède le plus spécifique pour un mal de cette nature ; sur quoy, j'avois déjà aussy fait diverses réfexions. Mais, je dois vous dire, Monseigneur, qu'il est impossible d'exécuter cette pensée avant que mondit sieur le Duc de Nevers soit pourvu des gouvernemens que feu Monseigneur le Cardinal avoit supplié le Roy de luy accorder lorsqu'il auroit le bien de luy plaire et régleroit ses actions, en sorte qu'elles fussent agréables à Sa Majesté.<br>
Cependant, luy ayant fait parler par tout ce qu'il y a de gens à la cour que je croyais avoir quelque crédit sur son esprit ou qui estoient liés d'amitié avec luy, et ayant ensemble diverses conversations particulières de deux et trois heures chhacune, tous ces efforts, dis-je, bien loin de le remettre dans le bon chemin, n'ont fait, à mon extême contraint d'avouer à Vostre Eminenence, que je n'ay jamais entendu raisonner si pitoyablement pour une personne comme luy qui a infiniment de l'esprit.<br>
Comme le chemin qu'il a tenu jusqu'à présent et celuy qu'il tient encore y sont directement opposés, je ne vois rien qui puisse disposer le Roy à le mettre en possession desdits gouvernements.<br>
Enfin, le voyant ferme à entreprendre un voyage, j'ay estimé qu'il falloit luy donner le moyen de le faire avec avec quelque honnesteté, et que peut-estre, à son retour, il rentreroit en luy-mesme le reconnoistroit mieux son erreur, dont néanmoins, je n'en ay qu'une faible espérance qui seroit encore moindre si je n'estois assuré que Vostre Eminence, pour l'autorité qu'elle a sur luy, le pouura persuader de ce quui est de son bien et de son avantage, en luy faisant la différence d'estat où il se trouvera par la suite du temps en tenant bonne ou mauvaise conduite.<br>
Vostre Eminence connoistra aysément par ce que j'ay l'honneur de luy mender qu'il n'y a qu'elle qui puiise le relever du penchant de sa ruine où il semble qu'il se précipite de gaieté de coeur, et qu'ayant fait tous mes efforts pour luy, dessiller les yeux et luy faire comprendre ce qui estoit de son service et de son véritable interest sans l'avoir persuader, je ne trouve plus que Vostre Eminence qui soit capable de le faire changer de sentimens, soit par l'autorité et le crédit qu'elle a sur son esprit, soit par le respect et la déférence qu'il doit avoir pour elle.<br>
Du reste, Monseigneur, je manquerois à mon devoir et à ma propre inclination, si je n'embrassois avec chaleur, comme je feroy toujours, les occasions de vous témoigner qu'il n'y a personne au monde qui soit plus passionnément que moy.<br>


Rome, le 1er Septembre 1662<br>
Rome, le 16 Octobre 1662
 
'''*''' ''charge de Capitaine-lieutenant de la 1ère Compagnie des Mousquetaires du Roi'' <br>


*Source : Lettres, instructions, mémoires de Colbert - Jean Baptiste Colbert - Volume 7<br>
*Source : Lettres, instructions, mémoires de Colbert - Jean Baptiste Colbert - Volume 7<br>
*Transcripteur : [[Utilisateur:Mabalivet|Mabalivet]] ([[Discussion utilisateur:Mabalivet|discussion]]) 2 juin 2020 à 17:02 (CEST)
*Transcripteur : [[Utilisateur:Mabalivet|Mabalivet]] ([[Discussion utilisateur:Mabalivet|discussion]]) 2 juin 2020 à 17:02 (CEST)

Version du 2 juin 2020 à 18:39

Lettre de Colbert au Cardinal Mancini - Octobre 1662

Philippe Julien Masarini-Mancini

Ce n'a pas esté beaucoup de douleur, que je suis vu contraint d'informer Vostre Eminence, de la mauvaise conduite de M. le Duc de Nevers, tant pour la mortification que j'en ay en mon particulier que par celle que je sçavois bien que Vostre Eminence, en recroit.
La pensée ue vous avez qu'il le faudroit marier pour réformer une manière de vivre si irrégulière est un effet de vostre jugement et le remède le plus spécifique pour un mal de cette nature ; sur quoy, j'avois déjà aussy fait diverses réfexions. Mais, je dois vous dire, Monseigneur, qu'il est impossible d'exécuter cette pensée avant que mondit sieur le Duc de Nevers soit pourvu des gouvernemens que feu Monseigneur le Cardinal avoit supplié le Roy de luy accorder lorsqu'il auroit le bien de luy plaire et régleroit ses actions, en sorte qu'elles fussent agréables à Sa Majesté.
Comme le chemin qu'il a tenu jusqu'à présent et celuy qu'il tient encore y sont directement opposés, je ne vois rien qui puisse disposer le Roy à le mettre en possession desdits gouvernements.
Vostre Eminence connoistra aysément par ce que j'ay l'honneur de luy mender qu'il n'y a qu'elle qui puiise le relever du penchant de sa ruine où il semble qu'il se précipite de gaieté de coeur, et qu'ayant fait tous mes efforts pour luy, dessiller les yeux et luy faire comprendre ce qui estoit de son service et de son véritable interest sans l'avoir persuader, je ne trouve plus que Vostre Eminence qui soit capable de le faire changer de sentimens, soit par l'autorité et le crédit qu'elle a sur son esprit, soit par le respect et la déférence qu'il doit avoir pour elle.
Du reste, Monseigneur, je manquerois à mon devoir et à ma propre inclination, si je n'embrassois avec chaleur, comme je feroy toujours, les occasions de vous témoigner qu'il n'y a personne au monde qui soit plus passionnément que moy.

Rome, le 16 Octobre 1662

  • Source : Lettres, instructions, mémoires de Colbert - Jean Baptiste Colbert - Volume 7
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 2 juin 2020 à 17:02 (CEST)