Deslignères André

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André Deslignères
  • André Deslignères est né le 25 septembre 1880 à Nevers. Il est le fils de Henri Joseph Deslignères, voyageur de commerce, demeurant 14 rue du Commerce, et de Jeanne Talon.
  • Il passe ses journées dans le quartier des Pâtis, entre la Nièvre et la Loire, près de la chapelle de Saint-Nicolas. Inscrit au cours du soir à l'École municipale des arts (place Carnot), il suit l'enseignement de Léon Legendre, professeur de dessin et directeur de l'établissement. En 1889, sa famille quitte Nevers pour Paris, ce qui lui permet d'intégrer l'école Germain Pilon, qui deviendra plus tard l'École Supérieure des Arts Appliqués. Il y passe trois années et obtient son certificat d'études en 1892. À sa sortie, il démarre sa carrière professionnelle en étant dessinateur dans une manufacture de passementeries établie au Nord de la France où il crée des modèles de tulles et de dentelles. Il revient à Paris et travaille dans l'atelier d'un joailler pour élaborer des projets de bijoux. Parallèlement à ces activités, il commence à graver et débute par la gravure sur cuivre en 1898. Il signe ses premières créations sous le pseudonyme Deling. Vers 1903, il s'installe dans un atelier parisien, en compagnie de René Pirola, artiste peintre, Léon John Wasley, sculpteur, et André Raveaud, critique d'art. Ils retrouvent régulièrement Utrillo, Carco, Mac Orlan, Dorgelès et d'autres chez Adèle au Gutenberg, à la taverne Zut ou chez Frédéric Gérard (le père Frédé) au Lapin Agile dans le quartier de Montmartre. Pour sa première participation au Salon des Artistes Français en 1905, il présente une eau-forte(1) : Le Sabotier Nivernais. Peu après il réalise six eaux-fortes(1) pour le Salon des Artistes Indépendants en 1906. C'est ensuite une aquarelle, une marine de Bretagne, qu'il présente en 1909 à la Société Nationale des Beaux-arts. En 1910, il réalise ses premiers bois gravés. Il expose avec Fernand Chalandre en 1912, à la première exposition de la Société de la gravure sur bois originale, qui s'était tenue au pavillon de Marsan. Les deux graveurs neversois présentent ensuite une exposition commune en novembre 1913 dans une galerie parisienne.
La maison d'Epiais-Rhus où il demeurait
  • Lorsque la première guerre mondiale débute, André Deslignères est intégré au 267e régiment d'infanterie. Pendant le conflit, il grave des scènes de guerre et des images humoristiques pour le journal de son régiment La Marmita, revue littéraire anecdotique et humoristique. Cette expérience militaire le marque profondément comme d'autres artistes de sa génération. En 1917, il effectue un premier travail d'illustrateur pour un texte de Paul Eluard. Un frontispice gravé sur bois représentant un soldat assoupi dans une tranchée accompagne le troisème recueil d'Eluard : Le Devoir et l'Inquiétude. Le livre est imprimé en 1917 par Alphonse-Jules Gonon, bibliophile et relieur renommé. Revenu à Paris en 1918, il entre au service d'un architecte, mais cesse rapidement cette activité. Il s'installe alors dans un atelier boulevard de Clichy. Deslignères ne manque pas, chaque mardi soir, de se rendre au Sans Rat un café situé rue des Abbesses, lieu de rendez-vous des nivernais de passage dans la capitale.
  • La carrière d'illustrateur de Deslignères prend son envol en même temps que l’édition de luxe. La vogue dont jouissent ces livres auprès des éditeurs et du public n’a pas seulement attiré les artistes ; elle a entraîné une spécialisation et des perfectionnements dont on ne trouve d’équivalents qu’à l’âge d’or du livre au 18e siècle. Amorcé au début du 20e siècle par les sociétés de bibliophiles qui développèrent une activité comparable à celle des éditeurs professionnels, le livre illustré devient un produit de luxe tiré à peu d'exemplaires, suivant les préceptes de l'éditeur Edouard Pelletan qui dans ses deux Lettre aux bibliophiles (1896), énonce les principes suivants : pas de bons livres sans un bon texte ; la typographie est l'élément fondamental du livre ; illustrer un livre, c'est interpréter un texte et décorer une page, et la gravure sur bois doit être employée de préférence. Le nombre des éditeurs d'art augmente de façon importante, dépassant la centaine au début des années 1920. Parmi eux, l'éditeur-imprimeur Léon Pichon eut une influence prépondérante après la première guerre mondiale. Suivant les principes de Pelletan, il recourait fréquemment à des graveurs membres ou exposants de la Société de la Gravure sur Bois Originale. En 1920, il fit appel à André Deslignères pour illustrer les poèmes d'Armor de Tristan Corbière. Appréciée par la critique, cette édition connaît une reconnaissance publique en étant présentée à l'exposition des Arts Décoratifs de 1925 à Paris, dans la section de l'édition contemporaine.
Illustration du livre de Maurice Genevoix
  • La même année, Deslignères s'installe à Epiais-Rhus près de Pontoise. Retiré de l'agitation montmartroise, c'est dans ce cadre qu'il opte définitivement pour la gravure sur bois. Il se lie d'amitié avec l'éditeur Marcel Seheur qui habite également dans ce petit village du Vexin. Ils publieront ensemble Le Jardinier de Samos en 1920 et surtout, en 1926, Rémi des Rauches de Maurice Genevoix. Utilisant l’univers ligérien décrit par l’auteur et les souvenirs de son enfance, Deslignères propose des gravures en deux tons et une multitude de lettrines. Il illustre l’année suivante, en 1927, La Maison de Claudine de Colette aux éditions Rouffé. Une édition rare et recherchée pour la qualité de ses gravures en couleurs qui restituent fidèlement la maison et le jardin de Saint-Sauveur-en-Puisaye. Les livres illustrés par Deslignères se caractérisent par l’emploi de bandeaux, fleurons, lettrines historiées, encadrements, culs de lampe, tous gravés, proposant des décors floraux ou des feuillages de vignes en harmonie avec les textes. La créativité de Deslignères prend sa source ce dans le monde des artisans, un monde qu’il connaît depuis son plus jeune âge, ayant fréquenté assidûment l'atelier de son grand-père maternel, rémouleur et sabotier. Il sait le geste, l'effort des gens de la terre. Son rémouleur, son potier, ses vignerons, ses moissonneurs, la laveuse sont remarqués. Il a également le goût pour les voyages, propices à des croquis et des aquarelles. Il effectue quelques séjours en Corse, en Belgique et en Hollande. Il évoque également avec succès la Grèce. André Deslignères apprécie également la Bretagne. Cette région tient une place à part dans l’œuvre de l’artiste avec des scènes de la vie populaire, le grouillement des ports, des scènes d'intérieurs bretons, figures recherchées pour leur pittoresque de vêtement, de physique ou d'attitude. Le musée Frédéric-Blandin à Nevers possède de lui quelques bois bretons (Calfats, 1911 ; Bateaux aux ports, 1910-1915) et une aquarelle (Maisons bretonnes, 1937). Un Marché Breton, à Saint-Pol-de-Léon (Finistère), figure parmi les quatre bois qu’il expose à la Société de la Gravure sur Bois Originale en 1922.
Nu dans le poème de la rose
Le monologue du bon vigneron
  • Autre source d’inspiration pour Deslignères, les nus, traités avec beaucoup de relief et parfois une certaine audace. On peut citer Le Poème de la rose publié en 1922 avec neuf nus féminins gravés sur bois, à pleine page, quelques bandeaux floraux, tous coloriés par Ferrariello. Une des plus séduisantes productions de Deslignères, illustrant avec grâce et mystère les poèmes décadents d’Octave Charpentier. En 1930, il entreprend pour la première fois l’édition complète d’un livre, La Luciade ou l’âne, traduit de Lucius de Patras, sous son propre label, les Editions de l’Ours, avec deux presses installées dans sa maison à Epiais, marquant ainsi son indépendance artistique. Il renouvelle l'expérience en 1938 avec Le Monologue du Bon Vigneron, précédé du Discours Joyeux en Façon de Sermon par Maistre Jean Pinard, profitant de ce texte pour évoquer toutes les facettes du métier de vigneron par ses bois gravés et par une mise en page élégante. Il s’essaye même à la décoration de la faïence en 1928. La municipalité de Nevers, ayant invité Romain Rolland, commande au faïencier Émile Georges deux plats pour marquer ainsi la réception de l’illustre écrivain : le premier Colas Breugnon avec un décor conçu par Deslignères et le second est décoré par le dessinateur Louis Bouziat reprenant pou thème Mon Oncle Benjamin.
  • André Deslignères meurt le 18 décembre 1968 à Marines, dans le Val-d’Oise où il est enterré. Il laisse derrière lui une œuvre gravée qui est des plus caractéristiques et des plus abondantes, occupant dans cette spécialité un des premiers rangs de l'illustration française, surtout pour la période de l'entre-deux-guerres. À la fois graveur, illustrateur, éditeur, imprimeur, typographe et concepteur d'une dizaines d'ouvrages dont la qualité et la rareté font aujourd'hui le bonheur des bibliophiles.
  • Tout au long de sa vie, André Deslignères est resté fidèle à la Nièvre. Il rendait régulièrement visite à ses amis, séjournait à Nevers chez son ami Fanchy dans une maison bâtie au milieu des vignes sur le coteau des Montapins ou bien dormait à l'hôtel de la Croix de Vernuche à Varennes-Vauzelles en compagnie de Raphaël Diligent. Membre du Groupe d’Émulation Artistique du Nivernais en 1912, il en avait pris la présidence en 1926 jusqu'en 1964. Grâce à ces rapports privilégiés avec le milieu artistique parisien, il avait attiré dans son sillage des peintres comme Jean Arnavielle ou Louis Charlot. Il retrouva un peu l’ambiance de Montmartre au café des Fontaines à Nevers, lieu de rendez-vous des artistes nivernais, où Deslignères et ses chansons de mariniers, et tant d’autres sont chaleureusement applaudis... Ses œuvres étaient exposées à l’Hôtel de la Paix, à l’Hostellerie de la Dame Blanche ou encore à la galerie Contencin.

Le faucheur gravure de 1905

(1) Procédé de gravure en creux sur une plaque métallique à l'aide d'un acide qui « mord » le métal. À l'origine, l'eau-forte était le nom donné à l'acide nitrique.

Source : Nevers ça me botte n° 163
Images : Biblio mab, Topic-Topos, Cinepiais, Arcadja, Nevers ça me botte