Compagnie St-Charles

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La Compagnie de Saint Charles

A côté de la milice bourgeoise, la compagnie de Saint Charles prétend compléter la préparation militaire des habitants. Cette société, plus ou moins analogue à nos sociétés de tir, n'était à l'origine qu'un groupement d'archers, qui s'appelaient chevaliers de l'arc de Saint Sébastien. Avec le progrès des armes à feu, les archers adoptèrent l'arquebuse. Au XVIIe siècle, ils s'organisent sous la tutelle des ducs et de la ville de Nevers.
Charles de Gonzague les groupe en une confrérie, de caractère à la fois religieux et militaire, sous le nom de compagnie de Saint Charles ou de Saint Charlemagne, titre choisi sans doute en l'honneur du duc de Nivernais. Les confrères s'appellent aussi chevaliers de la Butte, et cette expression se conservera jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Les statuts de la compagnie, approuvés par Charles de Gonzague sont enregistrés à la ville le 31 mars 1622, confirmés en 1641 par les princesses de Mantoue, en 1690 et 1734 par les Mancini. Ils restent en vigueur jusqu'à la Révolution. Ils sont aujourd'hui perdus.

Le contrôle municipal et ducal se retrouve dans toute la vie intérieure de la société, dans son recrutement et dans ses assemblées. Au XVIIe siècle et au début du siècle suivant, la compagnie semble nombreuse et prospère. Elle se réunit périodiquement et délibère sur diverses questions militaires ou sur la gestion de ses biens. Tous ses principaux actes sont enregistrés à la ville, et ses principales négociations conduites par l’intermédiaire des échevins. Ses membres, qui s'octroient le titre flatteur de chevaliers, se recrutent dans toutes les classes de la population. La plupart des métiers nivernais ont des représentants parmi les arquebusiers. La société accepte tous ceux qui sont en état de payer les cotisations. Les nouveaux chevaliers, admis sur avis favorable de la compagnie, prêtent serment devant les échevins.

La compagnie est administrée par des conseillers : receveurs, chargés de réunir les cotisations, secrétaire, chargé des affaires administratives et des archives. Des commissaires sont aussi nommés à l'occasion de certains procès. Le commandement est calqué sur la milice bourgeoise : colonel, lieutenant-colonel, major, aide-major, capitaines, lieutenants, sous-lieutenants, prote enseigne. Conseillers et officiers sont élus. En 1703, Jacques Panseron, sieur de la Moussière, est élu capitaine. Le duc, aussitôt avisé, lui écrit de Paris qu'il approuve « avec plaisir » le choix que l'on a fait de lui, et que cette lettre lui servira de consécration.
Le 8 octobre 1704, avec quelques-uns de ses collègues, il se rend à l'hôtel de ville et prête serment. Il promet fidélité au roi, au duc, aux échevins. IL jure « d'observer et entretenir » les statuts de la compagnie. Le commandement est aristocratique. Les officiers se recrutent parmi les nobles (Jacques Panseron, sieur de la Moussière, Rémy Pernin, sieur de Villebource, André Micault, sieur de St Léger, Louis Claude de Raffigne, chevalier, seigneur comte d'Apremont, Jacques Dominique Chaillot, écuyer, François Pinet de Tronsin, François Leblanc de la Passière) ou les riches marchands (Charles Fayot, Jean Baptiste Liard, Étienne Prou). Certains chefs sont communs à la milice bourgeoise et à la compagnie. Les deux organisations sont solidaires. Les arquebusiers ont leur drapeau, mais leur musique est très incomplète, surtout à a fin du XVIIe siècle. Avec la permission des échevins et moyennant rétribution, ils empruntent les tambours et les fifres de la milice. Les sergents de quartier remplissent les même fonctions chez les arquebusiers. En 1713, deux sergents seulement des arquebusiers, Pierre Laurent et André Flipault, n'ont pas le même grade à la milice.

De même que la milice, la compagnie de St Charles participe aux fête, aux processions, aux feux de joie. En 1731, son rôle est très actif dans le renouvellement du vœu de St Sébastien, qui l'intéresse particulièrement à cause de ses origines. Les chevaliers, étendard déployé, portent la grande bougie de 1720 toises à St Cyr et à la chapelle du saint. En 1719, aux obsèques de l'évêque de Nevers, ils défilent « armes renversées, tambours couverts de noir, leurs affres ayant chacun un crespe sur leur chapeau ».

Le roi de l'oiseau
Mais le véritable but de la société est militaire et patriotique. Les confrères s'exercent « à tirer de l'arquebuse, afin de s'en rendre expérimentés pour la défense de la ville et du pays ». En dehors des exercices ordinaires, qui se pratiquent le dimanche, un grand concours annuel désigne un champion de tir, le roi de l'oiseau. Certains règlements, comme celui du 14 août 1645 consacrant « l'ancien usance », précisent les conditions de ce concours, qui est un gros événement local.
Un dimanche d'été, d'ordinaire à la fin d'août, les échevins, réunis à l'hôtel commun, attendent les officiers et arquebusiers de St Charles, qui pour honorer la municipalité, sont tenus de prendre à l'hôtel de ville l'oiseau ou papegai, servant de cible. D'ordinaire, vers les 3 heures, la compagnie arrive. Alors, musique en tête, étendards déployés, les échevins, les arquebusiers et divers éléments de la milice bourgeoise se rendent au cortège à la porte de Nièvre.
L'oiseau est planté au dessus du corps de garde et le tournoi commence. Les échevins tirent les premiers ; celui qui, l'année précédente, était devenu roi de l'oiseau prend ensuite l'arquebuse, puis les officiers et les chevaliers de la confrérie.
Le concours est ouvert aussi à tous les habitants, quand l'oiseau n'est pas atteint à la première volée, mais ceux qui ne sont pas sociétaires doivent se faire inscrire et payer 5 soles pour coup d'arquebuse.
Les étrangers, qui deviennent rois de l'oiseau, sont tenus d'entrer dans la société en payant les droits ordinaires. Quand l'oiseau a été décapité, le cortège se reforme et va chanter un Te Deum. Le dimanche suivant, l'heureux vainqueur du tournoi, accompagné de plusieurs officiers et chevaliers de la butte, « sous les armes, tambours battant », se présent à l'hôtel de ville. Il affirme avoir tiré et abattu l'oiseau. Comme preuve, il apporte la tête au bout de son épée nue. Il requiert les échevins de recevoir son serment.

Parmi les rois de l'oiseau se rencontrent quelques spécialistes de l'arquebuse et de l'épée, mais aussi et surtout des gens de métiers. Le titre n'est pas seulement honorifique, il s'accompagne de précieux avantages. Le roi de l'oiseau, son père ou le chef de sa famille et communauté, s'il est fils de famille ou commun personnier, est exempt des impositions, du droit de petite mesure pour le vin de son cru qu'il vendra au détail, « et, s'il n'a vignes, lui sera loisible d'en acheter pour revendre, jusqu'à la quantité de 10 tonneaux, sans payer de droit ». Il est encore exempt du logement des gens de guerre. Enfin, il reçoit une certaine somme d'argent, 30 liards d'abord, puis 60, en raison de dépenses qu'il est tenu de faire, car il offre un banquet en l'honneur de sa royauté, et l'année suivante il fournit un nouvel oiseau. Quelquefois même, il profite de gratifications extraordinaires. Le total est jours appréciable. Celui qui, trois années de suite, est roi de l'oiseau, prend le titre d'empereur de l'arquebuse. Il doit jouir, sa vie durant, de l'exemption de guet et garde, de la taille et généralement de toute imposition. Il peut vendre et débiter chaque année, outre le vin provenant de son cru, la quantité de 42 poinçons de vin sans payer aucun droit. Il reçoit chaque année 60 liards comme les rois de l'oiseau. Pareille action d'éclat ne devait être réalisée qu'une fois au XVIIIe siècle. Le marchand Philippe Mantrand décapite l'oiseau trois ans de suite, de 1736 à 1738. Mais la ville n'est pas toujours en état de tenir ses engagements. L'intendant et le subdélégué doivent intervenir souvent en faveur des rois de l'oiseau. A plus forte raison, les privilèges de Philippe Mantrand, après 1738, semblent-ils exagérés. Bien que plusieurs ordonnances de l'intendant, notamment en 1741, l'aient confirmé dans ses droits, il est douteux qu'il ait bénéficié longtemps de ses avantages.
Le concours annuel provoque parfois des incidents. En 1719, lors du conflit entre la ville et le duc, la Compagnie prend parti pour le duc. Le 24 août, dans la marche à l'oiseau, aucun officier ne paraît à l'hôtel de ville au devant des échevins. Les arquebusiers, très embarrassés, reconnaissent que l'attitude de leurs chefs est contraires à l'usage. Toutefois, en temps ordinaire, l'attitude de la compagnie à l'égard du pouvoir municipal est toujours correcte.
Après 1740, la confrérie ayant subi des coups rudes suite à des accidents et des multiples ordonnances, elle est considérée comme à peu près dissoute. Elle ne fait plus d'exercice : le tir à l'oiseau est supprimé. Toutefois, la société conservera son domaine du Ravelin jusqu'à la Révolution.
La compagnie est en décadence. La réaction féodale profite de cette faiblesse. Les arrérages aux Mancini étant très mal payés ou ne l'étant plus du tout, le procureur général au domaine, qui n'est autre que Parmentier, ne tarde pas à considérer le Ravelin « comme un bien abandonné et sans détempteur ».
Le 8 juillet 1773, une sentence du bailliage ordonne « l'envoi en possession ».
Mais la ville intervient en faveur des arquebusiers, dans la crainte que le Ravelin ne soit confisqué et fermé au public.
Après diverses discussions et échanges de mémoires, le différend est clos par la voie amiable le 5 juillet 1784. Le duc promet de ne pas déposséder la compagnie et lui avance même de l'argent. Mais de son côté, la compagnie reconnaît la suprématie féodale et s'engage à payer exactement ses redevances. Dès lors, les derniers jours de la confrérie ne seront plus troublés.

Ainsi la décadence de la compagnie de St Charles est encore plus rapide et plus complète à la fin de l'ancien régime que celle de la milice bourgeoise. Quand les institutions officielles et obligatoires se maintiennent avec peine contre l'affaiblissement de l'esprit militaire, il est naturel que les associations libres soient encore moins prospères.

Source : Écrits de Louis Gueneau