Les Mancini

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A sa mort, le cardinal léguait ses domaines à son neveu Philippe Julien Mazarini Mancini. La dynastie des Mancini, qui apparaît ainsi par le plus grand des hasard, comptera trois représentants : Julien, puis à la mort de ce prince an 1707, Philippe Jules François, qui, brouillé avec Louis XIV, porte d'abord simplement les titres de comte de Nevers et prince de Vergagne, enfin à partir de 1730 Louis Jules Barbon, qui gardera ses titres jusqu'à la Révolution.

En 1790, il est dépossédé comme tous les seigneurs et devient le citoyen Mancini. Il est même jeté en prison en 1793 malgré son grand âge, mais il est bientôt relâché et meurt paisiblement en 1798.

Avec les Mancini, la situation semble devenir tout autre. Les nouveaux ducs sont aussi peu Nivernais que possible et, comme toute la haute noblesse de ce temps-là, ne paraissent presque jamais dans leurs terres. Ils ne résident ni à Nevers ni au château de St-Eloy, mais à Paris ou à St-Ouen. On se les représente volontiers comme de grands seigneurs qui ne se plaisent que dans l'intimité du roi; comme de beaux esprits, des dilettantes, qui recherchent avant tout les succès de salon, et s'occupent de littérature et de philosophie plutôt que de politique et d'administration.

Philippe Julien et Louis Jules Barbon appartiennent tous deux à l'Académie française. Julien conduit la cabale fameuse contre la Phèdre de Racine. L'œuvre poétique et littéraire de Louis Jules Barbon est considérable sinon de très grande valeur. Le premier Mancini recueille l'héritage de son oncle avec une indifférence qui exaspère Colbert. A la fin de sa vie, brouillé avec son fils, il semble prendre à tâche de lui transmettre un héritage amoindri. Il admet au grand étonnement de ses contemporains le transfert du présidial de St-Pierre à Nevers, c'est-à-dire la ruine du bailliage. Si le projet avait abouti, il se dépouillait lui même du plus important de ses droits.


Mais ce portrait devenu classique ne doit pas faire illusion. Sans doute les Mancini, improvisés ducs de Nevers, n'ont rien de commun avec la turbulente féodalité du moyen âge. Ils n'ont même pas l'esprit frondeur d'un Charles de Gonzague (Il s'était révolté contre Marie de Médicis et le maréchal d'Ancre en 1616). Ce sont des courtisans pénétrés de leurs devoirs à l'égard du roi (Louis Jules Barbon écrit que le service du roi doit passer avant tout autre considération), mais à qui le roi de son côté ne refuse rien. Ce sont de véritables fonctionnaires de la royauté, gouverneurs de la province de Nivernais plus encore que ducs de Nevers et seigneurs féodaux. Mais cette évolution a ses avantages aussi bien que ses inconvénients. « Les pouvoirs que les ducs ont perdus en tant que princes du pays, ils les ont largement retrouvés comme commissaires et délégués du roi. Il se produit même un résultat inattendu : n'étant plus contestée ni combattue, leur puissance est mieux assise et plus stable ». D'ailleurs, les Mancini sont plus qu'ils ne paraissent entichés de leurs droits. Julien et François, qui affectent de dédaigner leur titre féodal, défendent leurs prérogatives avec une rigueur qui les rend à juste titre impopulaires. Louis Jules Barbon se connait en administration mieux que ses prédécesseurs et plus qu'il ne veut le dire lui-même. Toutefois, il ajoute au sentiment de ses droits celui de ses devoirs. Il essaie d'appliquer à ses sujets les théories des philosophes et des économistes. Il supprime les droits de mainmorte et les restes les plus choquants du moyen âge. Il prétend faire de la popularité dans sa province.

Cette attitude lui sauva sans doute al vie en 1793. Elle lui a valu au siècle suivant des apologistes. Dupin a vanté en lui non seulement le « bel esprit du 18e siècle », mais « les vertus de l'homme et les qualités du citoyen ».

Enfin, les ducs sont représentés à Nevers par des agents, qui mettent dans leur politique plus d'âpreté que leurs maîtres, et donnent au pouvoir ducal un remarquable esprit de suite, si bien que la personne des princes importe peu, qu'ils soient Gonzagues ou Mancini.


Quelques-uns de ces fonctionnaires sont de bonne foi, comme le procureur général de la Chambre des Comptes, Parmentier, l'un des chefs du gouvernement ducal à la veille de la Révolution.

Parmentier fut non seulement un avocat, mais un érudit, auteur des Archives de Nevers et de divers autres ouvrages sur le Nivernais. Le duc Louis Jules Barbon savait apprécier les qualités et les défauts de son dévoué serviteur. « M. Parmentier est un homme de mérite, fort estimé pour sa vertu et son érudition, car c'est peut-être l'homme de France le plus savant dans nos antiquités; mais n'ayant jamais vécu qu'avec ses livres, il a contracté un peu de dureté et d'opiniâtreté dans ses principes, qui sont un peu plus féodaux que je ne voudrais. Il résulte de tout cela qu'il n'est guère aimé dans la province; mais c'est un parfait honnête homme, dont on ne doit aucunement se défier. » Cf Labot. Convocation des États Généraux, p. 309

Mais la plupart ont en vue leur intérêt personnel, plus encore que celui des ducs. Par suite de vénalité des offices, ils achètent leurs charges. Ils s'efforcent donc de se créer des revenus au moins équivalents. Ils n'hésitent pas à revenir sur des droits depuis longtemps disparus ou sur des tolérances lointaines. Les deux premiers Mancini, qui sont en somme des personnages assez peu sympathiques, ne les désavouent jamais. Ils sont toujours prêts à justifier les abus qui accroissent leur autorité. Louis Jules Barbon, esprit plus distingué et plus bienveillant, plus soucieux de sa réputation, essaie quelquefois de modérer leur zèle, mais il n'est pas toujours écouté. Ces fonctionnaires, propriétaires de leurs charges, sont très indépendants. Ils usent de la prérogative ducale même contre la volonté de leur maître. Ils opèrent ainsi aux 17e et 18e siècles avec une activité déconcertante une véritable renaissance féodale.