Meurtres et tentatives de meurtres
1695 - Un meurtre au prieuré de Saint-Révérien
« Bougres de chiens de prieurs ! »
Sous l'Ancien Régime, il y avait plusieurs dizaines de prieurés dans la province du Nivernais, dépendant d'abbayes puissantes comme celles de Cluny, de La Charité, d'Autun ou d'Auxerre, dépendant aussi du chapitre des chanoines de Nevers. La plupart ne rassemblaient qu'un tout petit nombre de moines, dirigés par un prieur claustral, qui demeurait avec eux, menant un train de vie modeste, et qui était parfois chargé d'une paroisse. Le prieur claustral était placé sous l'autorité d'un prieur commendataire, issu d'une puissante famille noble, résidant à Nevers ou dans un château, et ne séjournant au prieuré que quelques semaines par an.
Des rivalités fréquentes opposaient ces prieurs, absentéistes ou résidants, aux prêtres des paroisses, aux seigneurs de villages, aux villageois. Dans les dossiers des affaires criminelles du bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier, on trouve plusieurs traces de ces conflits, dont certains se sont terminés par des meurtres sanglants(1).
Le 21 janvier 1707, une procédure est ouverte par le procureur fiscal du bailliage de Vaux, Bazolles et dépendances contre Pierre Charondier, soldat de la paroisse de Guipy. Ce dernier est accusé d'avoir tué d'un coup de fusil maître Étienne Deloque, prieur et curé de Bazolles(2).
Deux ans plus tard, le procureur du roi au présidial de Saint-Pierre-le-Moûtier et le procureur fiscal de Lormes poursuivent un certain Jourdan, habitant de Lormes, coupable d'avoir tué d'un coup de fusil à la métairie de Chevigny le prieur du Val-Saint-Georges. Certains officiers de justice et notables de Lormes auraient eu intérêt à étouffer l'affaire : le greffier de Lormes est sommé de remettre le plus rapidement possible à la maréchaussée toutes les pièces du dossier(3).
Pourquoi ces deux prieurs ont-ils été tués ? A l'origine des meurtres, on trouve de solides inimitiés alimentées par la levée - forcément impopulaire - des dîmes. Une autre affaire, qui ne s'est heureusement pas terminée tragiquement, révèle l'origine fiscale de ces disputes(4).
En juillet 1712, Dom Michel Panseron, prieur de Saint-Sylvestre de Jailly, et Claude Chauve, son agent d'affaires, portent plainte contre Louis du Verne, seigneur de Jailly, capitaine d'infanterie au régiment de Noailles, contre dame Anne des Manchins, son épouse, et contre Thomas du Verne, lieutenant de cavalerie, son frère. Le receveur Claude Chauve dépose : « Le jour d'hier, 16 du présent mois de juillet 1712, environ l'heure de six à sept du matin, estant de retour audit prioré, venant de levé [sic] quelques dixmes appartenant audit sieur prieur, le nommé Benoist Vérat, un des dixmeurs du sieur prieur, luy dit : « Je vient [sic] du château de Jailly ; madame de Jailly m'a dit de vous dire de luy aller parler. » Ce qu'il voulut bien faire. Y estant allé, il trouva ladite dame de Jailly à qui il dit : « Madame, on m'a dit que vous me demandiez. Que souhaitez-vous de moi ? » Elle luy repartit : « Je ne veult rien, c'est mon beau-frère qui te veult parler. » Lequel beau-frère, qui s'appelle Thomas du Verne, autrement du Montot, entra dans la chambre où estoient ladite dame et le suppliant, qui dit : « Te voilà don, monsieur le bougre. Qui te fait si hardy de chercher des dixmeurs pour ton prieur ? » Le suppliant lui répliqua : « Je fais mon debvoir. Si j'estois avec vous, je le ferois de mesme. » Sur-le-champ, ledit sieur du Montot prit le suppliant par les cheveux et le terrassa, et, l'ayant mis soubs luy, luy donna plusieurs coups de poinds [sic] sur la teste, et de coups de pieds au ventre, et ensuitte sauta à une canne et luy en donna plusieurs coups sur la teste et au corps, jurant et blasphémant le saint nom de Dieu, disant : « Mordieu ! Teste Dieu ! Je veult que tu sortes de chez ton bougre de chien de prieur, et si tu n'en sçaures [sic] pas incontinent la moisson finie, je te batteray tant que j'auray le plaisir de te tuer. »
- Un crime beaucoup plus complexe, exécuté par des hommes de main, met en jeu des gens influents, proches de l'évêque, apparentés à des dirigeants d'ordres religieux, à des nobles, à des notables.