Mauvais traitements
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1702
16 janvier, prison de Nevers.
- « Monseigneur,
- Les Pauvres Prisonniers détenus dans les Prisons de vostre ville de Nevers supplient très humblement vostre Excellence de prendre lecture des justes plaintes qu'il font contre le nommé Gannet et sa femme concierges des prisons de ladite ville au sujet des volleries, exactions, concussions et mauvais traittemens qu'ils font journellement auxdits prisonniers, et qui sont contenus au mémoire cy-bas [ci-dessous], et apprès examen que votre Grandeur en aura faict, ordonnez à Messieurs les Lieutenant et Procureur Généraux de vostre Duché et Paierie de Nevers en dresseront leurs procez verbaux et entendront les plaintes desdits prisonniers affin que sur ce quy vous sera justiffié il plaira à vostre Excellence d'un autre concierge au lieu et place dudit Gannet et sa femme.
- Premièrement.
- Ils se sont toujours approprié le Sel que le Roy donne tous les ans aux prisonniers sans leur en avoir jamais voulu donner un grain pour saler les cochons qu'il tue dans la Conciergerie qu'il fait servir de boucherie.
- 2. Ils prennent leur portion tant le pain, vin, viande et argent des charités que l'on apporte auxdits prisonniers, s'en attribuant le plus souvent des deux ou trois portions pour en frustrer induement les prisonniers nonobstant les deffenses que Monsieur le Lieutenant Général leur a faites plusieurs fois.
- 3. Lors que Messieurs les Chanoines de Saint-Martin de Nevers font distribuer auxdits prisonniers les bois des coches et fagots que Madame le Baronne de Giry a ordonné être délivrés auxdits prisonniers suivant le contrat de fondation annuelle que la ditte dame en a faite led concierge en prend une portion pour luy, une portion pour sa servante, s'empare des portions pour les criminels renfermés sous prétexte de leur donner dans leurs besoins, cependant il ne leur en délivre pas le quart, s'en appropriant la plus grande partie au préjudice de ces pauvres malheureux, s'appropriant aussy cent fais de paille de laditte fondation qu'il fait servir à brûler les cochons qu'il tue dans laditte Conciergerie.
- 4. Il oblige les pauvres criminels par force et violence à luy délivrer à deux sols que le Roy leur donne sur le pied de quatre pour le revendre dans son cabaret, proffitant de deux sols par jour sur chacun de ces pauvres malheureux et lorsqu'il y a quelqu'un qui reffuse, ils le renferment dans un cachot, le battans, maltraittans à coups de pieds, de poings et arrachans les cheveux.
- 5. Les Charités qui se font en argent et qui se donnent au guichet tant entre les mains du Concierge que de sa femme sont perdues à moins qu'un prisonnier ne s'en aperçoive et c'est pour cette raison qu'elle les tient enfermés sans leur vouloir seulement promettre d'estre dans la basse court et y passer quelques heures de la journée.
- 6. Ledit Ganet va chercher luy-mesme les alimens des prisonniers pour debtes, se les appropriant et ne les remettant point auxd prisonniers ainsy qu'il y est tenu selon l'ordonnance du Roy, y en ayant actuellement qui y sont depuis un an qui n'en ont jamais touché un sol.
- 7. La basse court de la Conciergerie sert à tenir des poulles, poullets, dindes, oyes et cochons qui sont parfois en si grand nombre qu'ils infectent la prison par la puanteur de leurs immondices dont la plus part du temps les prisonniers s'en trouvent incommodés.
- 8. Ils fouillent tous les prisonniers en entrant dans la Conciergerie, leur prenans tout l'argent, monnoye qu'ils peuvent avoir, qu'ils s'approprient aussy bien que tout ce qu'ils ont de plus précieux, et lorsqu'il y a quelqu'un qui en demande la restitution ils les battent et maltraittent rudement, les enfermans dans de profonds cachots remplis d'ordures et de vilainies comme ils ont faict depuis deux jours, et par la personne d'un nommé Tourangeau qu'il fit descendre dans le fond d'un cachot noir en forme de puy par une échelle et duquel il n'auroit pas été retiré sans l'authorité de Monsieur le Lieutenant Criminel de Saint-Pierre-le-Moustier.
- Article contre les intérez de vostre Excellence.
- 9. Ledit Ganet et sa femme ont faict détacher de leur authorité des barraux de fer qui servoient de treillis aux fenestres de la grande salle basse de la Conciergerie ayant vüe du costé du jardin et l'ont vendue à un serrurier et remise avec une partie de la chesne du puy la somme de vingt et quelques livres. Le Sieur Sincere qui a eu l'honneur d'estre à votre Service vous certifiera la vérité de ce que nous prenons la liberté de vous escrire dans ce mémoire.
- Nous vous demandons, Monseigneur, au nom de tous les prisonniers la grace d'y faire réflexion et nous espérons que votre Excellence y pourvoira et donnera ses ordres pour remédier à de tels désordres et que vous croierez que nous sommes d'un très profond respect, Monseigneur, vos très humbles, très obéissans et très soumis serviteurs.
- Signatures : Tévenard et Bourdeau »
- Le désordre concerne également plusieurs prisonniers qui bénéficient de traitements de faveur : Gabriel Mougnon un criminel a obtenu de François Gannet que sa fille aille en ville quérir du vin (il est défendu de laisser boire les prisonniers par excès…) ; Mougnon a bombardé Gannet de pierres et l’a blessé ; il a souvent blasphémé.
- Un certain Tourangeau, condamné à avoir les fers aux pieds, ne les a pas, mais il a reçu de Gannet des souliers et bas tous neufs et un bonnet et prépare une évasion.
- A.D.N. Cote 1B 95/1. Texte communiqué par Pierre Volut
- Transcripteur Martine NOËL (discussion) 10 mars 2023 à 18:53 (CET)
Notes et références
Notes