Thuriault Julien

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"Curieusement, jusqu’en 2014, le nom de Julien Thuriault ne figurait pas sur le monument aux morts de la commune d'Aunay-en-Bazois, situé devant l'entrée du cimetière.
Une requête avait pourtant été effectuée à de multiples reprises auprès de la mairie, elle a enfin été entendue, et le centième anniversaire de sa disparition s’est déroulé le 22 mai 2015 dans « ma plus stricte intimité » devant le monument ; c’était bien le minimum que cet hommage qui lui est dû lui soit ainsi rendu.
" Voilà ce qu'écrit en préambule, Jean-Michel Thuriault, son petit-fils.
Nous publions ici quelques extraits de son travail que vous pouvez retrouver dans : jmt-généalogie

Julien Thuriault

Les grandes étapes de sa vie

  • 16/01/1886 : naissance à Aunay-en-Bazois (Nièvre), à une heure du matin, de Philippe THURIAULT, 39 ans, sabotier, et Berthe DEVOUCOUX, 36 ans, aubergiste
  • 29/12/1903 (17 ans) : apprenti-ouvrier charpentier chez Jean MERLIN, à l'Etang, hameau d'Aunay-en-Bazois, jusqu'au 15 janvier 1904
  • 01/03/1904 (18 ans) : charpentier chez Mr Thevenin, à Corbigny (Nièvre), jusqu'au 30 novembre 1904
  • 27/04/1905 (19 ans) : ouvrier charpentier chez Mr H.Ravet, à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne), jusqu'au 1er octobre 1907
  • 08/10/1907 (21 ans) : incorporation au 3ème Régiment de Zouaves
  • 11/11/1911 (25 ans) : mariage à Guérigny (Nièvre) à 15h30, avec Elisabeth ROUSSELET
  • 16/08/1913 (27 ans) : naissance de son fils unique, Elie, à Sathonay-Camp (Ain, puis Rhône de nos jours)
  • 22/05/1915 (29 ans) : tué à l'ennemi à La Redoute Bouchet, près de Seddul-Bahr, presqu'ile de Gallipoli (Turquie)
  • 23/06/1921 : décoré à titre posthume de la Croix de Guerre avec palme.

Avant la guerre

  • Le 29 décembre 1903, il ne va pas tarder à prendre ses 18 ans, et entre comme apprenti-ouvrier au service de Jean MERLIN, un parent de la famille, qui demeure au lieu-dit l'Etang, à Aunay-en-Bazois, situé à environ 4 km d'Egreuil où demeure la famille de Julien. Il faut un quart d'heure en bicyclette pour rallier ces deux points, mais l'histoire ne dit pas si Julien utilisait ce moyen de locomotion, ou se contentait de ses sabots (fabriqués par son père !).
    Son apprentissage ne dure qu'un peu plus de 2 semaines, puisqu'il arrête le 15 janvier 1904.
  • 3 mois plus tard, le 1er mars 1904, il s'en va un peu plus loin, à Corbigny, toujours dans la Nièvre, distant de 16 km d'Egreuil. Il sera là aussi ouvrier charpentier chez Mr THEVENIN jusqu'à la fin du mois de novembre 1904.
    Pourquoi cet arrêt ?
    On ne le sait précisément, mais son père Philippe devait être gravement malade à ce moment-là, car il décéda quelques jours après la fin du travail de Julien à Corbigny, le 4 décembre 1904.
  • Il partira ensuite beaucoup plus loin, à 85 km de chez lui, dans l'Yonne, à Saint-Sauveur en Puisaye, où il devient ouvrier charpentier chez Mr H.RAVET à compter du 27 avril 1905. Il logera sur place compte tenu de la distance.
  • Jeune soldat appelé de la classe 1906 service armé de la subdivision de Nevers, canton de Châtillon Rt 1860 n° matricule 25670, il quitte son emploi d'ouvrier charpentier le 1er octobre 1907, pour entrer dans la vie militaire, et incorporer le 3ème Régiment de Zouaves la semaine suivante.

Ses états de service entre 1907 et 1915

  • Service effectif :
    Jeune soldat appelé de la classe 1906 service armé de la subdivision de Nevers, canton de Châtillon Rt 1860 n° matricule 25670
08/10/1907 : 3ème Régiment de Zouaves - incorporation, arrivée au corps, et zouave de 2ème classe
14/05/1908 : Caporal
15/10/1908 : Sergent
01/05/1909 : Sergent-fourrier
04/09/1909 : Signature de rengagement pour 2 ans et 7 jours
24/09/1909 : Certificat de bonne conduite
01/10/1909 : Caporal rengagé
16/12/1909 : Sergent rengagé
21/08/1911 : Signature de rengagement pour 2 ans
08/10/1911 : Date de rengagement effectif
06/02/1912 : Sergent-fourrier
07/10/1913 : Rengagé pour 1 an en vertu de la loi du 21 mars 1906
08/10/1913 : Rengagé pour 2 ans
01/12/1913 : Incorporation au 1er Régiment de Zouaves par suite de rengagement
13/12/1913 : Arrivée au corps et sergent rengagé
03/08/1914 : Sergent-major
01/02/1915 : Adjudant
09/05/1915 : Passé au 3ème Régiment de Zouaves, matricule 6664
22/05/1915 : Mort pour la France
23/05/1915 : Rayé des Contrôles
  • Campagnes :
Du 16/05/1912 au 17/01/1913 : Tunisie
Du 12/12/1913 au 01/08/1914 : Algérie
Du 02/08/1914 au 08/05/1915 : Contre l’Allemagne
Du 09/05/1915 au 22/05/1915 : Campagne d’Orient
Tué à l’ennemi à La Redoute Bouchet (Gallipoli) le 22 mai 1915.
Avis 4780 CJ du 9 juillet 1915.

Les Dardanelles : un aller sans retour

  • Julien est affecté au 1er Régiment de Zouaves basé à Orléansville, en Algérie, en janvier 1914.
    Julien, Élisabeth et Élie habiteront alors à Alger, au 14 rue Dupetit-Thouars.
    Il obtient ses galons d’adjudant en janvier 1915, mais le destin lui joue alors un mauvais tour lorsque fut décidée la folle expédition des Dardanelles.
    Il est donc rappelé à Bizerte (Tunisie) début mai 1915, et séparé ainsi de sa famille restée à Alger.
  • Jean-Michel, son petit-fils, nous fait revivre ses derniers jours à travers les correspondances qu’il a laissées. Des correspondances qui ont une charge émotionnelle forte, puisqu’elles témoignent de la souffrance laissée par la séparation d’avec ses proches, et d’autre part, certaines n’arrivèrent à destination qu’après sa mort.
    Les premières datent en effet de son arrivée à Bizerte, puis de son embarquement à bord de « La Provence », les dernières sont écrites de l’endroit où il trouva la mort le 22 mai 1915, à l’âge de 29 ans.
    Retrouvez la totalité de ces correspondances dans Julien Thuriault, c'est l'histoire d'un zouave...

    Voici celle qu'il envoya à son épouse Élisabeth une dizaine de jours avant sa mort :
Thuriault Julien lettre.jpg
A bord de « La Provence », le 10 mai 1915
Je commence ma lettre, il est quatre heures du soir, la mer s’étant un peu calmée. Nous nous sommes embarqués hier 9 mai à 2 heures du soir, à Bizerte. Le transport sur lequel nous sommes est superbe. Il tient la mer admirablement bien. Je suis dans une cabine de 2ème classe, de 2 couchettes. Cette cabine est très bien aménagée. Lavabo superbe, armoire à glace, buffet, filets, porte bagages, etc… en un mot, tout le confort moderne et l’on sent, l’on voit, que ce navire transformé en croiseur militaire a été construit pour transporter des voyageurs à qui ce n’est pas l’argent qui fait défaut.
Le sergent major est en face de moi dans la même cabine, et au moment où j’écris il est plongé dans les multiplications. Il est en train de faire sa feuille de prêt.
Ce matin nous avons aperçu l’ile de Malte, ce soir ou plutôt cette nuit nous passerons l’Adriatique et nous pensons au Léon Gambetta, d’autant plus qu’hier nous lisions sur la Dépêche Tunisienne que le Lusitania avait été coulé.
Puis d’un autre côté nous ne sommes pas escortés, du moins c’est ce que je crois car nous ne voyons aucun navire avec nous, aussi loin que nous puissions voir. Seulement le bateau est armé et possède quelques canons, tant à l’avant qu’à l’arrière qui donnent confiance. En effet ce matin, pendant le nettoyage d’un 138 je me suis approché et fait donner quelques explications par un second maître canonnier.
Egalement j’ai passé quelques instants avec l’Aumônier du bord, qui m’a donné des renseignements sur le navire et aussi sur ce qui nous intéresse le plus, c'est-à-dire sur les Dardanelles. D’après lui nous arriverons mercredi dans la matinée et le débarquement commencera aussitôt. Donc il est très probable que le lendemain le jeudi 13 mai (heureusement que ce n’est pas un vendredi) nous nous mesurerons avec ces Turcs, qui d’après les renseignements revenus de là bas, font la guerre en sauvages, en barbares, comme les boches par qui d’ailleurs ils sont conduits et commandés. Eh bien je t’assure que moi non plus je ne ferai pas la guerre avec du sentiment, j’en prends à témoin les vieillards, femmes, et enfants tués, noyés, martyrisés par ces bandits, et je t’assure que tous ceux qui se trouveront à portée ne seront pas épargnés et paieront pour toutes les innocentes victimes de cette race infâme.
En mer, le 11 mai
Nous avons passé une très bonne nuit, une mer excellente, le bateau marche à environ 18 nœuds et on ne ressent aucun mouvement, on ne se dirait réellement pas en mer. Depuis 11 heures nous sommes en vue des côtes de l’ile de Crète dont les sommets sont couverts de neige. Au moment où j’écris il est 16h30, nous sommes toujours au sud de l’ile, nous la tournerons cette nuit et nous devons arriver (d’après les dires de l’officier de bord) demain soir mercredi vers 9 heures. Nous venons de recevoir des instructions sur la manière de combattre les Turcs, c’est très intéressant, surtout ce paragraphe :
« Dans sa musette chaque turc a une grenade et un rasoir ».
Ceci veut dire : ne tombons pas entre leurs mains et tuons avant d’être pris !
Il est l’heure d’aller à la soupe.
La compagnie est de service, il y a 60 hommes de garde plus 6 capitaines, 3 sergents et 1 lieutenant. J’ai fait 2 rondes avec l’officier du bord. Je viens d’en faire une 3ème seul, je rentre dans ma cabine, je vais me coucher, il est exactement 10 heures, la mer est toujours belle, nous voyageons tous feux éteints. Les canons ont été débarrassés des toiles qui les couvrent et les cachent pendant le jour, les canonniers sont auprès de leurs pièces. Le bateau file toujours bien. Demain à cette heure nous serons à proximité des Turco- boches et ma chérie, comme nous aurons pas mal de travail demain pour préparer le débarquement, je termine ma lettre en t’envoyant par-dessus les mers mes meilleurs baisers, mon plus tendre souvenir, et les plus douces caresses de celui qui t’aime. N’oublie pas notre petit fils chéri.
J.Thuriault


Texte de Jean-Michel Thuriault mis en page par Michel Mirault le 4 septembre 2014 à 09:05 (CEST)