Maurice Cahour témoignages

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Vendredi 4 novembre 2011.

Maurice Cahour a été appelé dans l'Armée de l'Air en novembre 1956. Après trois mois de classes à la Base de Transit Air de Marseille, il a passé 13 mois à la Base Aérienne du Bourget. Puis il a été affecté au 16e Bataillon de Chasseurs à Pied à Arras et, pour de courtes périodes, à différentes autres unités, avant de se retrouver « tringlot » et d'être envoyé en Algérie.

Le 1er juillet 1958, Maurice Cahour embarque à Marseille sur le Kairouan. Il appartiendra désormais au 586e Bataillon du Train. D'Alger, il est conduit en camion à Marceau (actuel village de Ménaceur), à vingt kilomètres de Cherchell. Il y reste jusqu'au 31 janvier 1960.

Le village de Marceau abrite dans un bordj le commandement du 586e BT et un Centre de Transit et de Tri (prison provisoire pour les rebelles arrêtés dans le secteur). Les quatre compagnies du 586e BT doivent contrôler une vaste zone de djebel. Elles sont dispersées dans des villages et des fermes isolées ; de nombreuses opérations de ratissage et escarmouches les opposent aux rebelles.

Le caporal Maurice Cahour est secrétaire de l'officier de renseignement ; il a donc la tâche d'enregistrer les interrogatoires, les entrées et sorties des prisonniers, de surveiller les visites. Cela lui a permis de rassembler de nombreux documents et de tenir un journal, qu'il a recopié quelques années plus tard. Son journal de 264 pages (Algérie 58 – LY 55 L 50)[not 1] , complété par des croquis, des cartes, des plans et un album de photos, est très précis et intéressant. Voici quelques extraits.

1° Arrivée à Alger : « Le matin [2 juillet 1958], vers 5 h 45, après avoir avalé un café et deux croissants, je montai sur le pont. La baie d'Alger était en vue et les côtes apparaissaient encore plus escarpées et plus montagneuses que celles de Provence. Peu à peu, Alger la blanche (crème et verte) se précisa sur son flanc de colline. A 6 h 30, le Kairouan pénétrait dans le port et vingt minutes plus tard il était immobilisé au quai.

Une longue attente, puis nous débarquons. On nous rassemble et des militaires du service d'accueil distribuent des tracts et des petits livrets destinés à éclairer notre ignorance de la réalité algérienne. Nous traînons ensuite sur cinq cents mètres paquetages et valises, vers un autre coin du port. Nous regardons hébétés cette ville nouvelle pour presque tous, des yaouleds nous accostent pour cirer les chaussures et vendre des journaux... »

2° Présentation de Marceau. « Marceau, 150 âmes, est un petit bled situé à 24 km de route au sud de Cherchell, et à 100 bornes à l'ouest d'Alger. L'agglomération se dresse au fond d'une vallée réputée par sa lourde chaleur en été. Entre les pitons, l'Oued Zaouia, simple filet d'eau, récupère le trop plein des sources qui font de Marceau un pays florissant. La route départementale goudronnée s'arrête là et celui qui veut s'enfoncer dans le djebel doit se véhiculer de ses propres moyens sur des pistes de viabilité incertaine.

Les fellahs cultivent leurs lopins de terre aux bords de l'oued ou dans le flanc des pitons à faible pente. Les gosses gardent les troupeaux dans la montagne : bœufs maigres, moutons et chèvres et, le soir venu, les gamins en criant rentrent leurs bêtes à la démarche nonchalante. Aux alentours du village des gourbis en terre ou des mechtas de roseaux abritent leurs constructions au milieu des jardins. Ces pauvres bâtisses contrastent avec les solides maisons de pierres de Marceau. Le village par lui-même n'a rien d'exceptionnel : une rue goudronnée bordée de platanes dispensateurs d'ombre et formée d'habitations sans relief peintes en blanc crémeux. Au milieu de cette artère principale, un petit square avec le monument aux morts sert de place publique. Deux rues sableuses se profilent parallèles à la route et se terminent dans l'allée qui descend de l'enceinte fortifiée qu'est le bordj au marché... »

3° Le souk. « Le marché à Marceau, c'est l'événement de la semaine. Dans les douars des djebels, l'armée a eu l'heureuse initiative de créer des « souks ».

Tous les dimanches les indigènes d'El Gourine affluent de tous côtés par les pistes, les routes, les sentiers, vers Marceau. Légèrement en contre-bas de la route, sur un terrain en pente douce, le marché est délimité par une clôture de fil de fer et largement ombré par des oliviers millénaires.

De 8 à 11 heures les affaires battent leur plein, à ce moment plus de trois cents personnes se pressent à qui mieux mieux. Alignés près de la piste, les vendeurs offrent aux acheteurs éventuels leurs hottes remplies de fruits ou de légumes : énormes tomates rouges, melons jaunes ouverts, poivrons d'un beau vert foncé, amandes, pommes de terre, salades, haricots verts, oignons, pastèques, pommes. Et puis, lorsque l'été sera fini, les oranges, mandarines, citrons, pamplemousses remplaceront les grenades, figues fraîches, raisins.

Un peu plus bas, des camelots venus de Cherchell et de Marengo étalent pour le plaisir des yeux les multiples coloris de leurs couvertures, tapis, étoffes, vêtements, sacs, chaussures, tout cela arrangé en un désordre bien étudié.

– Eh ! Mon zami ti veux une couverture, rigarde, ci pas cher.
– Sahha, sahha, je n'ai besoin de rien.

Ah ! Ces commerçants, que n'ont-ils pas dans leur bazar ambulant : robes, chemises, culottes, ceintures, matelas, buffets, bibelots de toutes sortes, briquets, montres, bracelets, souvenirs.

[...] De temps en temps, des Européens et des soldats viennent remplir leurs sacs de provisions. Parfois, une fatma voilée fait son apparition au milieu de la masse compacte des hommes. Le mouvement ondulant des hanches et la finesse des chevilles permettent seuls de distinguer l'âge de cette femme dont les voiles blancs laissent un orifice d'un centimètre carré pour l'un de ses yeux.

C'est pourquoi l'on voit fréquemment les hommes tâter et choisir des robes pour leurs compagnes restées devant l'entrée du marché, ou tout simplement à la maison.

Dans un coin, le café en plein air l'été attire toujours beaucoup de monde. Assis nonchalamment par terre, les habitués dégustent le kaoua en mâchonnant leur affreux tabac à chiquer.

Tout à côté mais en-dehors de l'enceinte du marché, la vente des animaux de tous calibres bat son plein : bœufs, moutons, chèvres, ânes, mulets, tout cela forme une bruyante cacophonie. La volaille, elle, a sa place avec les légumes. »

Notes et références

Notes

  1. LY 55 L 50 correspond aux coordonnées du village de Marceau sur les cartes d'Etat-Major.

References