Verneuil église

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L'ÉGLISE SAINT LAURENT Musique en Voûtes, Camosine, dimanche 7 septembre 2003.

Verneuil église1.jpg
  • L'église Saint-Laurent de Verneuil est l'une des plus intéressantes églises romanes du Sud-Nivernais. Elle a été bâtie au XIIe siècle.

1 - Le portail occidental.

Fronton triangulaire à décoration de billettes.
Quatre colonnes soutiennent deux arcades. Les colonnes extérieures sont surmontées de chapiteaux historiés.
Le chapiteau nord (à gauche de l'entrée) est composé d'un joueur de harpe, puis de deux groupes dans lesquels un homme affronte un animal ; la scène de droite montre l'homme apeuré qui semble fuir un monstre ; dans la scène centrale, l'homme a été renversé, il est surmonté par une sorte de taureau.
Le chapiteau sud (à droite de l'entrée), représente l'Adoration des Mages, selon une composition traditionnelle : de gauche à droite, défilé des trois mages, apportant leurs présents dans les mains, or, encens et myrrhe, puis la Vierge Marie tenant l'Enfant Jésus sur ses genoux (personnages inscrits dans un cadre), enfin à l'extrême-droite, presque caché par le retour du mur, un homme, peut-être Saint- Joseph, ou un témoin.

2 - Dans la nef.

Au-dessus de la porte, une toile datée de 1775 évoque Saint Laurent, le saint titulaire de l'église paroissiale de Verneuil. Laurent était diacre, c'est-à-dire responsable de l'administration des intérêts temporels de l'Église de Rome. Le 6 août 258, au cimetière de Calliste, le Pape Sixte II et plusieurs de ses adjoints sont décapités alors qu'ils célébraient une assemblée liturgique. Laurent est soumis, deux jours plus tard, à un autre supplice. Il est torturé, afin de livrer les trésors de l'Église et peut-être ses archives. On le fait asseoir sur une chaise métallique rougie par le feu. La cruauté de ce supplice a rendu Saint Laurent très populaire, il est devenu, dans le culte du Moyen-Age, le modèle des martyrs, prêt à suivre son maître dans la mort.
Le peintre a représenté Saint Laurent vêtu d'ornements sacerdotaux. À sa gauche, un jeune homme tient la chaise - ou le gril - qui servira pour la torture. Un ange lui tend les mains pour l'élever au Ciel.
Les fonts baptismaux sont composés d'un fût cylindrique en pierre orné de bandes obliques et d'un couvercle en bois surmonté d'une croix.
Les deux côtés de la nef ont été décorés de peintures murales du XVe siècle. Elles ont été classées à l'Inventaire des Monuments Historiques en 1970. Elles constituent l'un des intérêts principaux de cette église.
Au nord, trois compositions se suivent, sur un même fond d'étoiles :
- L'Annonciation : le donateur (un religieux) et l'Archange Gabriel tiennent chacun un phylactère ; ils font face à la Vierge Marie.
- La plus belle composition représente le Dit des Trois Morts et des Trois Vifs, un thème important au XVe siècle, période où la confrontation avec la mort devient obsédante. C'est l'époque de la Guerre de Cent Ans et des grandes pestes. Tout au long de ce siècle, l'historien local François Tresvaux de Berteux signale dans les environs de Decize plusieurs passages de gens de guerre, l'occupation du château de Druy par les Anglo-Bourguignons, la destruction du village de Teinte, des disettes et deux épidémies de peste en 1456 et en 1498.
Le Dit des Trois Morts et les Trois Vifs est contemporain des Danses des Morts. Mais ici, les vifs et les morts ne sont pas encore mêlés. Ils se rencontrent. Trois cavaliers se suivent. Le premier est couronné, il tient un faucon à la main, il regarde en arrière ses deux compagnons ; le second a les mains levées pour implorer, le troisième les mains jointes pour prier. Tous trois vont à la chasse, ou en reviennent. Ils symbolisent les plaisirs de la vie, les loisirs. Ils sont surpris par le groupe qu'ils découvrent. Une croix les sépare des trois morts. Chacun de ceux-ci a la bouche bâillonnée et les yeux vides, le premier mort est une femme, revêtue d'un linceul ou d'une robe déchirée, les autres réduits au squelette. Ils se tiennent devant une forêt. Les morts préviennent les vifs : "ce que vous êtes, nous l'étions, ce que nous sommes, vous le serez."
- Un peu décalée, la troisième peinture murale très abîmée à l’époque était difficile à interpréter. Jacques Esterlé pense que c'est Saint Antoine face au démon.
Sur le mur sud, on peut voir une scène de lapidation, certainement celle de Saint Étienne, un autre saint martyr très populaire. Le fond est décoré de lis rouge ocre. Quatre personnages sont représentés : un chevalier coiffé d'un heaume, Saint Étienne agenouillé devant lui, déjà atteint par une pierre, un bourreau vêtu d'une tunique à bandes alternées et brandissant une pierre, puis le donateur, un prêtre. Au-dessus de Saint Étienne, une main divine envoie des rayons célestes.
Avant d'aborder le transept et le chœur, il convient de remarquer deux statues en bois placées symétriquement : à droite Sainte Agathe, tenant la palme des martyrs, à gauche Saint Antoine accompagné de son cochon.
Les droits de l'église Saint-Laurent étaient partagés entre l'abbesse de Notre-Dame de Nevers et les seigneurs de Verneuil. Le château, construit par la famille de La Perrière, a été transmis successivement par alliance aux familles de La Rivière, de Digoine, de Fontenay, de Babuste, de Bonnay, de Maumigny et de Cordon. Le banc seigneurial, au premier rang à gauche, est orné du blason de la famille de Bonnay, qui a possédé le château à la fin du XVIIe siècle ; dans le transept, on peut voir le blason de la famille de Fontenay et celui de la famille de Grandy, d'azur à trois trèfles d'or.
Un petit bas-relief du XVIe siècle est inclus dans le mur nord (près du passage vers le transept). Il représente Saint Hubert face au cerf miraculeux.

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3 - Ornements des absidioles et du chœur.

Les absidioles et l'abside ont été peintes, sans doute à la même époque que les murs de la nef. Mais les personnages sont en partie effacés et il est difficile de les identifier.
Sur le cul de four de l'absidiole nord, on distingue quatre anges. En-dessous, seuls deux cadres sur huit sont visibles. Ils représentent l'Annonciation et la Visitation. Une statue de la Vierge en bois sculpté polychrome a été placée sur l'autel. On a daté cette statue du XVIIIe siècle.
Les huit panneaux de l'absidiole sud ont été répartis entre plusieurs saints martyrs : Saint Barthélemy (tenant le couteau qui a servi à le tuer), Saint Philippe, Saint Laurent ; la mort de Saint Jean-Baptiste occupe deux panneaux : le repas d'Hérode et d'Hérodiade et la décollation ; d'autres personnages féminins sont impossibles à identifier.
Le Christ en majesté a été placé dans l'abside. Il est entouré de quatre personnages, qui ne sont pas les évangélistes, mais Saint André, Saint Paul, Saint Pierre et un autre apôtre…
De part et d'autre de l'abside, les murs présentent deux inscriptions. L'une, tracée à la peinture noire, est encore une énigme, personne n'ayant pu la déchiffrer. De l'autre côté est fixée une pierre rappelant la sépulture de Catherine Michèle de Maumigny, fille de noble Paul de Maumigny, seigneur de Verneuil, et de dame Claude Delas son épouse. Catherine Michèle est morte le 12 avril 1727 et elle a été inhumée le lendemain dans le chœur de l'église. Par-devant maître Decray, notaire à Decize, une fondation a été enregistrée assurant quatre messes annuelles pour le repos de son âme ; les revenus d'une pièce de terre et deux demi-pièces de prés ont été consacrés au financement perpétuel de ces messes.

4 - Souvenir de deux prêtres, d'un mariage et de martyrs de la barbarie moderne.

Nous allons terminer la présentation de l'église de Verneuil par l'évocation de deux prêtres qui ont exercé ici leur ministère et celles de deux événements importants qui se sont déroulés dans l'église et à ses abords.
Le 7 septembre 1771 a été inhumé dans la chapelle de la Sainte Vierge, c'est-à-dire dans l'absidiole nord, Antoine Robinot, curé de Saint-Laurent de Verneuil et archiprêtre de Decize. Antoine Robinot était né le premier septembre 1696 à Decize. C'était le fils de Léonard Robinot, maître-boulanger dans la paroisse Saint-Aré, et de dame Anne Bernard, elle-même fille d'un chirurgien. La famille Robinot était alors en plein milieu d'une ascension sociale qui la faisait passer du statut d'artisans à celui de riches propriétaires terriens. Le frère d'Antoine, prénommé Léonard comme son père, a été notaire royal, échevin et procureur de la ville de Decize, responsable du grenier à sel et propriétaire de plusieurs fermes et vignes.
Antoine Robinot est devenu prêtre et, en 1731, il a remplacé son oncle Gabriel à la cure de Verneuil. La famille Robinot comptait un autre prêtre, Edmond, curé de Saint-Aré de Decize ; elle était apparentée à Charles Dougny, curé de Champvert. Et c'est ce groupe de prêtres qui a favorisé en 1766 un mariage difficile. Marie-Anne Robinot, fille majeure du notaire Léonard, s'était éprise d'un capitaine de cavalerie hébergé par son père, Louis-Jean Saint-Just de Richebourg. Après avoir essuyé plusieurs refus de son père et l'avoir soumis aux trois sommations respectueuses requises par la loi, elle a fait établir le contrat de mariage au presbytère de Champvert par les notaires Decray et Grenot, confrères de son père. Puis, le 30 mai 1766, la cérémonie de mariage a été célébrée en l'église de Verneuil par le curé Antoine Robinot. Les deux époux avaient été dispensés de la publication des bans par le sieur Gallier, vicaire général du diocèse de Clermont, où résidait alors l'époux (le régiment des Gendarmes du Berry était attaché à la garnison de Cusset). Les témoins sont peu nombreux : le vicaire de Verneuil Pierre Baudouin, le menuisier Jacques Lemaître, le cabaretier Jean Chapelain et le marchand Jean Martinet, les deux derniers ayant déclaré qu'ils ne savaient pas signer.
L'année suivante a été baptisé à Decize, le 25 août 1767, Louis Antoine, le futur conventionnel. Son parrain était le curé de Verneuil. Comme ses parents ont quitté Decize de 1768 à 1773, c'est le parrain qui a pris en charge l'enfant et l'a placé en nourrice dans une maison proche de l'église. Les neuf premières années du jeune Saint-Just se sont donc partagées entre Decize et Verneuil. La mort du grand-père Léonard Robinot en janvier 1776 a entraîné le partage et la vente de ses biens. Marie-Anne et Louis-Jean Saint-Just ont alors décidé de s'installer à Blérancourt, en Picardie, le bourg natal du capitaine en retraite qui est décédé l'année suivante.
Un second curé de Verneuil mérite que sa vie soit rappelée ici. Il est venu de beaucoup plus loin qu'Antoine Robinot puisqu'il est né en 1899 au château de Bebra dans l'ancien duché de Courlande (actuel territoire de Lettonie). Alexandre André de Plater-Syberg était le descendant de deux familles aristocratiques d'origine allemande qui avaient conquis les bords de la Baltique à la fin du Moyen-Age - au siècle où un peintre anonyme a réalisé les peintures murales de cette église.
Étudiant à Saint-Pétersbourg en 1917, Alexandre de Plater assiste aux premières révoltes qui vont entraîner la Révolution russe, puis il lutte contre l'Armée Rouge dans les rangs d'un régiment polonais. Il devient prêtre en 1924, voyage à travers l'Europe, accompagne des diplomates à Rome. En 1939, lorsque les nazis envahissent la Pologne, l'abbé de Plater est vicaire d'une paroisse de Varsovie, proche du ghetto. Il est arrêté plusieurs fois par des policiers de la Gestapo qui ne comprennent pas que le descendant de nobles allemands se mette au service des "sous-hommes slaves", et encore moins des Juifs.
Alexandre de Plater assiste à l'écrasement du ghetto, puis à la révolte de Varsovie et à la répression qui suit. Il est conduit dans un camp de travail de Silésie, puis il fuit les Russes jusqu'en Bavière. Après l'arrivée des Américains, il se met à leur disposition pour encadrer des camps de réfugiés et de travailleurs forcés polonais, à Cobourg et à Bayreuth. C'est ainsi qu'il est envoyé en France ; en 1947, l'abbé de Plater est nommé curé de Verneuil et aumônier des mineurs polonais de La Machine. Il est mort à Verneuil en 1981.
Notre dernière évocation est celle d'événements tragiques. L'église Saint-Laurent, dont les murs sont ornés de tant de symboles du martyre des premiers chrétiens, s'est trouvée le 5 septembre 1944 au milieu d'un véritable bombardement. Verneuil, village-martyr canonné par les Allemands en déroute, a perdu cet après-midi-là plusieurs de ses fermes et quatre habitants, exécutés en représailles : Jean Cousson, François Bouquet, François Monin et Joseph Bonnet. Quelques jours plus tôt, le 21 août, à la suite d'une embuscade au cours de laquelle les maquisards avaient tué le conducteur d'un camion allemand, deux hommes avaient été fusillés près du château de Faye : Jean-Marie Lamartine, garde particulier du château, et son neveu Claude Roy. Les noms de ces otages, victimes innocentes de la barbarie nazie, sont gravé sur une plaque commémorative, parmi les habitants de la commune morts pour la France.
Toutefois, l'église Saint-Laurent ne se résume pas à ses nombreuses représentations de la mort et du martyre. Les formes harmonieuses de son architecture, que nous pouvons admirer à l'intérieur, sont encore plus agréables quand on regarde le chevet de l'église depuis la côte qui monte à l'Usage ou quand on découvre l'église face au château depuis le pont sur l'Andarge.

  • Sources :
- Le Patrimoine des Communes de France, Nièvre, Editions Flohic, 1999, tome I, p. 378-380, texte rédigé par Mme Monique Heil.
- L'Église de Verneuil, plaquette, Jacques Esterlé, 1967.
- Yves Impens, site Internet sur les fresques et peintures murales.
- Documents collectés par la secrétaire de mairie de Verneuil.
- Registres d'État-Civil de Verneuil.
- D'un château de Courlande à un presbytère nivernais, abbé Alexandre de Plater, Éditions Subervie, Rodez, 1959.
- Saint-Just, Bernard Vinot, Fayard, Paris, 1985.

Texte du 29 août 2003 communiqué par Pierre Volut.
Mis en page par Martine NOËL (discussion) 25 avril 2018 à 10:37 (CEST).