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=Avant-propos.=
=Avant-propos.=
==5. L'"affaire" de Corbigny (1543).==
La présence de fidèles ou même de pasteurs de la nouvelle religion était rapidement connue dans une petite ville de province comme Corbigny. Même les couvents où des religieux étaient adeptes de cette religion, comme l'abbaye Saint-Léonard de cette ville, attiraient les soupçons et les dénonciations. C'est ainsi que messire Estienne Berthin, Jehan Aubry, frère Jehan Carreaul, messire Léonard Chignard, la femme de Estienne Biniot et Marguerite Perreau, ainsi que Perrette Garderon, femme dudit Jehan Aubry, habitants de Corbigny, ont été traduits en justice comme suspects d'hérésie. La cour du Parlement ordonna leur prise de corps ''quelque part où ils pourront estre trouvez en ce royaulme'' et de les mener prisonniers à Saint-Pierre-le-Moûtier pour faire leur procès et les renvoyer ensuite devant le Parlement pour y être jugés.<br/>
La cour ordonna en même temps au bailli de s'informer le plus amplement possible ''des conventicules, monopolles et assemblées secrettes que l'on faict audit lieu de Saint-Leonard et ès environs'', de faire emprisonner les suspects et de réunir toutes les informations relatives à ce sujet (7).<br/>
L'affaire revient le 20 août 1543 devant le Parlement : Etienne Berthin et Léonard Chignard, prêtres, et plusieurs autres hommes et femmes, prisonniers pour cas et crime d'hérésie. Les prêtres sont renvoyés à l'official d'Autun, les autres élargis à condition de cesser les propos contre la foi chrétienne (8).<br/>
Les autres coaccusés, Me Jacques Perreau et Françoise Bourgoing, sa femme, Catherine Barrault, femme de Philippe Carderon, Marguerite Perrault, femme de Léonard Mougne, Marie Perrault, femme de Antoine Demannay, et Etienne Chinard, sont élargis aux soumissions par eux faites, c'est-à-dire de faire signifier l'arrêt dedans trois jours au procureur du roi et de s'engager à ne plus tenir dorénavant'' aucuns propos scandalleux et mal santans de la foy et relligion chrestienne, ains leur enjoinct de se conduire et gouverner comme bons chrestiens doibvent faire et selon les commandemens de Dieu et ordonnances et constitutions de nsotre mère sainscte Eglise.'' D'autres coaccusés, frère Jehan Perrault, Jehan Carrault, Laurence, femme d'Etienne Bynot, ayant fait défaut seront jugés à un mois (7).<br/>
L'abbé de Baudreuil, dans sa requête au Parlement, exposait que, comme seigneur temporel de Corbigny, il avait dû destituer de son état de lieutenant du bailli le nommé Jean Foullé, et que celui-ci, par vengeance, avait suscité les poursuites de Aignan Viole et Imbert Gallope, juges du bourg de Saint-Etienne, "jeunes gens d'esprit" qui avaient intimidé et suborné des témoins pour charger l'abbé de Saint-Léonard. En même temps ses coaccusés appelaient de ce juge incompétent et produisaient des lettres royaux constatant qu'ils étaient dévoués au roi et aux institutions.<br/>
L'abbé de Saint-Léonard, Jacques de Baudreuil, Antoine de Mannay, Léonard Moyne, messire Léonard Chesnard, prêtre, Marie et Marguerite Perreau, se reportaient à un jugement qui les renvoyait devant le sénéchal de Bourbonnois [à Moulins]. L'abbé de Saint-Léonard comparut à Moulins devant le sénéchal , et là, invoquant son cas privilégié, il réclama d'être jugé devant l'official d'Autun, son supérieur hiérarchique. Le Parlement par arrêt du 21 juillet 1546, autorisa la remise du prisonnier à l'évêque d'Autun… Il était passible de la saisie de son abbaye [son revenu]… Mainlevée lui est accordée par arrêt du 5 juillet 1546.
Les coaccusés comme Jacques Perreau, comparaissent aussi devant le sénéchal de Bourbonnais…Même l'ancien juge du début de l'affaire, Jean Foullé qui obtient d'être mis en liberté pour préparer sa défense contre l'abbé.<br/>
Au bout d'une année la cause est portée devant la cour des grands jours de Riom, qui renvoie les parties à Auxerre (24 mars 1547). L'affaire fut réexaminée dans les mêmes termes le 30 mars 1549, les 3 avocats d'Auxerre, Germain Boycote, Pantaléon Pyon et Philippot Le Muet ont pu exprimer leurs conclusions. Dés le rendu de la sentence, l'abbé fit aussitôt appel au Parlement, qui le rejeta en renvoyant l'affaire devant un autre juge. Les sources nous manquent pour savoir comment l'affaire fut conclue (7).<br/>
Le 15 mars 1546, Guillaume Bochery, Jean Hardy, Jean Potin, Etienne Legros et Marie Moreau sa femme, et autres habitants de Corbigny furent condamnés pour crime d'hérésie à assister à une messe de réparation dans leur paroisse…
La même année 1543, Nicolas Voillault, tailleur-couturier à Pignol, paroisse de Tannay, fils naturel d'un prêtre, était poursuivi par le bailli de Nivernois pour blasphèmes proférés, et condamné à avoir la langue coupée et être brûlé vif. Le jugement fut confirmé par le Parlement de Paris. L'exécution eût lieu à Nevers.<br/>
Un fait semblable est imputé à Mathurin Diguet, clerc tonsuré, le 3 octobre 1543, qui fut confimé à Paris puis exécuté par le bailli à Nevers.<br/>
François Mige, lieutenant général du bailli de Nivernois, à la requête de la comtesse de Dreux, duchesse de Nevers, procède au jugement criminel de Guillaume de Cerisay et Nicolle Desmarets ''pour raison du cas d'hérésie''. L'affaire est portée devant le Parlement de Paris qui a fait défense à la duchesse de Nevers, sous peine d'amende, d'instruire sur place les procès sur le crime d'hérésie et de lèse-majesté divine. Les époux de Cerisay étaint encore prisonniers à la Conciergerie en 1545.<br/>
Guillaume Bourgoing, conseiller du roi, fut nommé commissaire délégué royal sur le fait et inquisition des hérétiques ''ès pays de Bourbonnois, Nyvernois et Berry'' (21 janvier 1547).<br/>
D'autres suspects ont eu droit a un peu d'indulgence : le 19 mars 1546 comparurent Phelippot Grené, Jacques Jobert et d'autres habitants de La Charité : Guillemette Barbat, épouse de Jean Grené, Perrette Barbat, Marie Billaire, Nicolle de Bonnefond, Jean Sarrasin, Nicolas Blezy, Jean Lenoir, libraire, offrant de prouver par témoins qu'ils n'étaient pas suspects d'hérésie… Jean Solerre, marchand à Cosne, prisonnier à Auxerre, pour fait d'hérésie, obtint d'être élargi pour raison de santé en promettant de ne rien faire contre la religion ! (9)
Dans le même temps, des évènements encore plus graves secouaient les autres provinces du royaume. Ainsi, le massacre des vaudois du Luberon (Mérindol) qui s'étaint liés au protestantisme de Calvin.
En avril 1545, ces vaudois furent massacrés par les troupes dirigées par Jean Maynier, premier président du parlement de Provence et baron d'Oppède (84). Trois mille personnes furent tuées et sept cents furent envoyées aux galères sur ordre du roi, les survivants partant se réfugier massivement en Suisse (10).
(7) René de Lespinasse, "Poursuites et condamnations judiciaires pour faits d'hérésie en Nivernais au XVIème siècle", ''Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts'',. Société Nivernaise des Lettres, Sciences et Arts, Nevers, 1900, v.18, p.177<br/>
(8) Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts - 1896 (SER3,T7 = T17), 1896<br/>
(9) René de Lespinasse, Chambre criminelle du Parlement de Paris, Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts, 1896, p. 425 et sqq.
(10) Anne-Marie de Cockborne, "La migration vaudoise au cours des siècles", Actes du IVème colloque de l'Académie internationale de généalolgie, 2005, p. 84, citée par le Cercle généalogique de Saône et Loire, Le protestantisme, ''Nos ancêtres et nous'', 2008, n°119, p.19


==6. Les progrès de la religion nouvelle==
==6. Les progrès de la religion nouvelle==
Les premiers prédicateurs qui apportèrent les doctrines de la religion réformée dans le diocèse d'Auxerre venaient du val de Loire. Depuis 1530, l'évêque de ce diocèse était François de Dinteville, deuxième du nom, successeur de son oncle du même nom. Cet évêque ne fut pas souvent présent à Auxerre; des évêques ''in partibus'', comme Filbert de Beaujeu, évêque de Bethléem, suppléaient à la liturgie de la cathédrale et aux visites pastorales.<br/>
Les premiers prédicateurs qui apportèrent les doctrines de la religion réformée dans le diocèse d'Auxerre venaient du val de Loire. Depuis 1530, l'évêque de ce diocèse était François de Dinteville, deuxième du nom, successeur de son oncle du même nom. Cet évêque ne fut pas souvent présent à Auxerre; des évêques ''in partibus'', comme Filbert de Beaujeu, évêque de Bethléem, suppléaient à la liturgie de la cathédrale et aux visites pastorales.<br/>
François II de Dinteville fut d'abord ambassadeur du roi François Ier à Rome en 1531-1532. Il fut ensuite président des États de Bourgogne. Plus tard, il fut compromis dans une tentative d'empoisonnement du Dauphin, puis reconnu innocent, mais il dut partir en exil en Italie de 1539 à 1542. Il menait grand train de vie et faisait des dons généreux aux paroisses dans son diocèse et ailleurs. C'est pour lui que fut réalisé en 1535, le ''Tryptique de Sainte Eugénie'' de Varzy par un peintre (Bartholomeus Pons ?) dit le Maître de Dinteville parce qu'il était au service de ce prélat, et dont le portrait figure sur le panneau central du tableau de Varzy (note 7). [[Fichier:4-Triptyque de Varzy.jpg|400px|thumb|right|Tryptique conservé dans l'église de Varzy (Nièvre)]] <br/>
François II de Dinteville fut d'abord ambassadeur du roi François Ier à Rome en 1531-1532. Il fut ensuite président des États de Bourgogne. Plus tard, il fut compromis dans une tentative d'empoisonnement du Dauphin, puis reconnu innocent, mais il dut partir en exil en Italie de 1539 à 1542. Il menait grand train de vie et faisait des dons généreux aux paroisses dans son diocèse et ailleurs. C'est pour lui que fut réalisé en 1535, le ''Tryptique de Sainte Eugénie'' de Varzy par un peintre (Bartholomeus Pons ?) dit le Maître de Dinteville parce qu'il était au service de ce prélat, et dont le portrait figure sur le panneau central du tableau de Varzy (11). [[Fichier:4-Triptyque de Varzy.jpg|400px|thumb|right|Tryptique conservé dans l'église de Varzy (Nièvre)]] <br/>
Vers 1535, un religieux bénédictin, docteur en théologie, du nom de Jean Michel était déjà venu prêcher la doctrine nouvelle à Sancerre. Parti à Genève pour y rejoindre Calvin, il revint clandestinement à Bourges où il fut arrêté et exécuté en 1539. Un autre religieux docteur en théologie, Jean Chaponneau, augustin de l'abbaye de Saint-Ambroix à Bourges, qui avait été chargé de mettre en scène le mystère dit Actes des Apôtres dans les arènes de la ville en 1536, quitta son abbaye pour rejoindre la Suisse et devenir pasteur à Neuchâtel (note 8).<br/>
Vers 1535, un religieux bénédictin, docteur en théologie, du nom de Jean Michel était déjà venu prêcher la doctrine nouvelle à Sancerre. Parti à Genève pour y rejoindre Calvin, il revint clandestinement à Bourges où il fut arrêté et exécuté en 1539. Un autre religieux docteur en théologie, Jean Chaponneau, augustin de l'abbaye de Saint-Ambroix à Bourges, qui avait été chargé de mettre en scène le mystère dit Actes des Apôtres dans les arènes de la ville en 1536, quitta son abbaye pour rejoindre la Suisse et devenir pasteur à Neuchâtel (12).<br/>
En 1543, François de Dinteville accompagné de l'évêque d'Ebron et de l'archidiacre de la Puisaye, fit un voyage à Cosne, qui semble être la première ville de son diocèse où la population commença d'être gagnée par les idées de la réforme. Étant à nouveau à Gien en 1547, il découvrit que plusieurs habitants des paroisses environnantes, Briare, Bonny, Neuvy, Cosne, et jusqu'à Pouilly et La Charité, se dispensaient de leur devoir pascal et ne recevaient plus les sacrements à l'église. L'évêque demanda alors aux curés de les exhorter à une bonne pratique religieuse et de tenir des registres nominatifs de fréquentation des sacrements. Les curés devaient chaque année apporter ces registres au synode diocésain. L'archidiacre de Puisaye, Charles Grillet, vint à Cosne pour soutenir la chrétienté locale. Le pasteur protestant Chaponneau, qui était revenu prêcher à Gien, fut chassé (note 9).<br/>
En 1543, François de Dinteville accompagné de l'évêque d'Ebron et de l'archidiacre de la Puisaye, fit un voyage à Cosne, qui semble être la première ville de son diocèse où la population commença d'être gagnée par les idées de la réforme. Étant à nouveau à Gien en 1547, il découvrit que plusieurs habitants des paroisses environnantes, Briare, Bonny, Neuvy, Cosne, et jusqu'à Pouilly et La Charité, se dispensaient de leur devoir pascal et ne recevaient plus les sacrements à l'église. L'évêque demanda alors aux curés de les exhorter à une bonne pratique religieuse et de tenir des registres nominatifs de fréquentation des sacrements. Les curés devaient chaque année apporter ces registres au synode diocésain. L'archidiacre de Puisaye, Charles Grillet, vint à Cosne pour soutenir la chrétienté locale. Le pasteur protestant Chaponneau, qui était revenu prêcher à Gien, fut chassé (13).<br/>
En 1545, un prêtre de Gien, Etienne Bertin, adhérant aux idées nouvelles et qui refusait le célibat des prêtres, épousa à Cosne une jeune religieuse de Donzy, Charlotte Pinon, avant de s'enfuir avec elle dans le Berry. L'évêque François de Dinteville, fit instruire cette affaire par l'archidiacre de Puisaye, Charles Grillet, puis il fit arrêter le coupable et six ans plus tard, celui-ci fut condamné à Auxerre, réduit à l'état laïc, puis exécuté (note 10). Le curé de la paroisse Saint-Regnobert d'Auxerre en fit mention dans son registre.<br/>
En 1545, un prêtre de Gien, Etienne Bertin, adhérant aux idées nouvelles et qui refusait le célibat des prêtres, épousa à Cosne une jeune religieuse de Donzy, Charlotte Pinon, avant de s'enfuir avec elle dans le Berry. L'évêque François de Dinteville, fit instruire cette affaire par l'archidiacre de Puisaye, Charles Grillet, puis il fit arrêter le coupable et six ans plus tard, celui-ci fut condamné à Auxerre, réduit à l'état laïc, puis exécuté (14). Le curé de la paroisse Saint-Regnobert d'Auxerre en fit mention dans son registre.<br/>
Les prédicateurs huguenots se répandirent jusqu'aux limites du diocèse d'Auxerre et réussirent à convertir une majeure partie de la population de La Charité avant 1550. Il en était de même dans le diocèse de Bourges où les habitants de la ville de Sancerre furent aussi nombreux à adhérer à la foi nouvelle. Dans les autres diocèses du royaume d'autres populations furent violemment persécutées comme les vaudois de Mérindol (Vaucluse) qui s'étaient liés au protestantisme de Calvin.<br/>
Les prédicateurs huguenots se répandirent jusqu'aux limites du diocèse d'Auxerre et réussirent à convertir une majeure partie de la population de La Charité avant 1550. Il en était de même dans le diocèse de Bourges où les habitants de la ville de Sancerre furent aussi nombreux à adhérer à la foi nouvelle. Dans les autres diocèses du royaume d'autres populations furent violemment persécutées comme les vaudois de Mérindol (Vaucluse) qui s'étaient liés au protestantisme de Calvin.<br/>
Le 3 mai 1552, un synode diocésain à Auxerre publiait des statuts qui préconisaient l'éloignement des faux docteurs qui cherchaient à pervertir la foi catholique. En même temps l'évêque François de Dinteville imposait aux monastères de revenir à la règle dont ils s'étaient éloignés. Ce fut le cas de l'abbaye des Roches à Myennes et de celle de Saint-Laurent à Cosne.
Le 3 mai 1552, un synode diocésain à Auxerre publiait des statuts qui préconisaient l'éloignement des faux docteurs qui cherchaient à pervertir la foi catholique. En même temps l'évêque François de Dinteville imposait aux monastères de revenir à la règle dont ils s'étaient éloignés. Ce fut le cas de l'abbaye des Roches à Myennes et de celle de Saint-Laurent à Cosne.
A partir de 1556, l'évêché d'Auxerre fut donné à Robert II de Lénoncourt (1510-1561) qui fut aussi prieur de La Charité. Lui non plus ne résidait pas souvent à Auxerre, quelquefois dans son château de Régennes (Yonne) ou au monastère de La Charité, mais le plus souvent à Paris ou même à Rome. Deux ans plus tard étant nommé archevêque d'Arles,  il résignait son siège d'Auxerre à son neveu Philippe de Lénoncourt (1527-1592), qui prit possession le 8 décembre 1560. Lui aussi résigna son évêché en 1563 au cardinal Philibert Babou de la Bourdaisière (1513-1570).<br/>
A partir de 1556, l'évêché d'Auxerre fut donné à Robert II de Lénoncourt (1510-1561) qui fut aussi prieur de La Charité. Lui non plus ne résidait pas souvent à Auxerre, quelquefois dans son château de Régennes (Yonne) ou au monastère de La Charité, mais le plus souvent à Paris ou même à Rome. Deux ans plus tard étant nommé archevêque d'Arles,  il résignait son siège d'Auxerre à son neveu Philippe de Lénoncourt (1527-1592), qui prit possession le 8 décembre 1560. Lui aussi résigna son évêché en 1563 au cardinal Philibert Babou de la Bourdaisière (1513-1570).<br/>
Pendant ce temps, les évêques auxiliaires et les chanoines de la cathédrale d'Auxerre gouvernaient le diocèse au nom de l'évêque. Pour empêcher la diffusion de l'hérésie, ils commencèrent à employer la force: Jean de Saint-Yon, prévôt de la maréchaussée, fit le voyage à Cosne à la fin de l'année 1556 "pour sévir contre les esprits indociles, ou pour y extirper les méchants…" (note 11).<br/>
Pendant ce temps, les évêques auxiliaires et les chanoines de la cathédrale d'Auxerre gouvernaient le diocèse au nom de l'évêque. Pour empêcher la diffusion de l'hérésie, ils commencèrent à employer la force: Jean de Saint-Yon, prévôt de la maréchaussée, fit le voyage à Cosne à la fin de l'année 1556 "pour sévir contre les esprits indociles, ou pour y extirper les méchants…" (15).<br/>
Cela n'empêchait pas les nouvelles paroisses réformées de s'organiser. François Morel, pasteur suisse de Collonges, fut le premier pasteur envoyé en France par Calvin en 1556 pour prêcher à Gien (note 12).<br/>
Cela n'empêchait pas les nouvelles paroisses réformées de s'organiser. François Morel, pasteur suisse de Collonges, fut le premier pasteur envoyé en France par Calvin en 1556 pour prêcher à Gien (16).<br/>
A cette époque, le diocèse de Nevers n'avait pas été touché par l'hérésie autant que ceux d'Auxerre et de Bourges. Depuis 1540 l'évêque de Nevers était un prince de la maison de Bourbon qui sera plus tard le prétendant à la succession de Henri III que les ligueurs voulaient couronner sous le nom de Charles X. Il fut successivement évêque de Nevers, jusqu'en 1546, puis évêque de Saintes, cardinal, évêque de Carcassonne et enfin archevêque de Rouen.<br/>
A cette époque, le diocèse de Nevers n'avait pas été touché par l'hérésie autant que ceux d'Auxerre et de Bourges. Depuis 1540 l'évêque de Nevers était un prince de la maison de Bourbon qui sera plus tard le prétendant à la succession de Henri III que les ligueurs voulaient couronner sous le nom de Charles X. Il fut successivement évêque de Nevers, jusqu'en 1546, puis évêque de Saintes, cardinal, évêque de Carcassonne et enfin archevêque de Rouen.<br/>
Après lui, l'évêché de Nevers fut donné à Jacques Spifame de Brou, qui avait été chancelier de l'Université de Paris puis vicaire général de l'archevêque de Reims. Mais ce prélat se convertit bientôt au calvinisme dont il encourageait la diffusion dans son diocèse. [[Fichier:Institution chrétienne-.jpg|200px|thumb|right|Frontispice de l'Institution chrétienne, par Calvin (Genève)]] En 1559, il partit pour Genève pour rejoindre Calvin, devenir pasteur, se marier et être enfin nommé pasteur à Issoudun en 1561. Accusé de malversations et d'adultère, il sera décapité à Genève en 1566 (note 13).<br/>
Après lui, l'évêché de Nevers fut donné à Jacques Spifame de Brou, qui avait été chancelier de l'Université de Paris puis vicaire général de l'archevêque de Reims. Mais ce prélat se convertit bientôt au calvinisme dont il encourageait la diffusion dans son diocèse. [[Fichier:Institution chrétienne-.jpg|200px|thumb|right|Frontispice de l'Institution chrétienne, par Calvin (Genève)]] En 1559, il partit pour Genève pour rejoindre Calvin, devenir pasteur, se marier et être enfin nommé pasteur à Issoudun en 1561. Accusé de malversations et d'adultère, il sera décapité à Genève en 1566 (17).<br/>
Il eut pour successeur à Nevers un de ses neveux, Gilles Spifame de Brou qui fut nommé en 1559. Contrairement à son oncle, celui-là s'opposa fermement aux progrès du calvinisme à Nevers et dans son diocèse jusqu'à sa mort en 1578.<br/>
Il eut pour successeur à Nevers un de ses neveux, Gilles Spifame de Brou qui fut nommé en 1559. Contrairement à son oncle, celui-là s'opposa fermement aux progrès du calvinisme à Nevers et dans son diocèse jusqu'à sa mort en 1578.<br/>
Ces progrès se faisaient de plus en plus évidents : on fondait des paroisses protestantes dans les villes où une part importante de la population s'était convertie à la religion nouvelle.<br/>
Ces progrès se faisaient de plus en plus évidents : on fondait des paroisses protestantes dans les villes où une part importante de la population s'était convertie à la religion nouvelle.<br/>
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Notes de fin de chapitre :
(11) J. Bruyn, Over de betekenis van het werk van Jan van Scorel omstreeks 1530 voor oudere en jongere tijdgenoten. IV- De Pseudo-Félix Chrétien: een Haarlemse schilder (Bartholomeus Pons?) bij de bischop van Auxerre, Oud Holland, 1984-2, pp. 98-110<br/>
 
(12) Guy Devailly, Le Diocèse de Bourges, Paris, Letouzey & Ané, 1973, pp.106-107<br/>
(1) Archives départementales de la Nièvre (AD58), Guide des sources de l'état-civil (1524-1902), Nevers, 1995<br/>
(13) abbé Jean Lebeuf, Mémoires concernant l'histoire ecclésiastique et civile d'Auxerre, Auxerre, Perriquet, 1743, 2 vol., 886 p. = vol. I, p. 589<br/>
(2) La route d'Auxerre à Dijon par le Morvan n'a été ouverte qu'en 1715 (Paul Gache).<br/>
(14) A. Faivre, Cosne à travers les âges, Cosne, H. Bourra, 1895, p.22 et 144<br/>
(3) Jean-François Née de la Rochelle, Mémoires pour servir à l'Histoire civile, politique et littéraire, à la Géographie et à la Statistique du Département de la Nièvre et des contrées qui en dépendent, 1827, Bourges, Paris, tome II, pp.211-215<br/>
(15) Diocèse d'Auxerre, Registres du chapitre, Archives départementales de l'Yonne<br/>
(4) Jean de Montluc, évêque de Valence et Die, in Mémoires de Condé, La Haye, 1743, I, p.560<br/>
(16) Paul Gache, Histoire de Bonny-sur-Loire, des origines à la Révolution, 1991, Bonny-sur-Loire<br/>
(5) Ambroise Challe, Histoire des guerres du calvinisme et de la Ligue : dans l'Auxerrois, le Sénonais et les autres contrées qui forment aujourd'hui le département de l'Yonne. 1863, Auxerre, 2 tomes, pp.10-11<br/>
(17) Comte Servin. "Le procès de Spifame" in La Revue de Paris 18/4 (1911), p. 139-154<br/>
(6) "L'épitaphe de Bacchus, chanoine tortrier en l'église d'Auxerre", in Les Œuvres de maistre Roger de Collerye, homme trèssçavant, natif de Paris, secrétaire de feu M. d'Auxerre,… 1536, Paris, Pierre Roffet, fol. 103, cité par Jacques Thuillier, Études sur le cercle des Dinteville: I- L'Énigme de Félix Chrestien, Art de France, I, 1961, pp.57-75<br/>
(7) J. Bruyn, Over de betekenis van het werk van Jan van Scorel omstreeks 1530 voor oudere en jongere tijdgenoten. IV- De Pseudo-Félix Chrétien: een Haarlemse schilder (Bartholomeus Pons?) bij de bischop van Auxerre, Oud Holland, 1984-2, pp. 98-110<br/>
(8) Guy Devailly, Le Diocèse de Bourges, Paris, Letouzey & Ané, 1973, pp.106-107<br/>
(9) abbé Jean Lebeuf, Mémoires concernant l'histoire ecclésiastique et civile d'Auxerre, Auxerre, Perriquet, 1743, 2 vol., 886 p. = vol. I, p. 589<br/>
(10) A. Faivre, Cosne à travers les âges, Cosne, H. Bourra, 1895, p.22 et 144<br/>
(11) Diocèse d'Auxerre, Registres du chapitre, Archives départementales de l'Yonne<br/>
(12) Paul Gache, Histoire de Bonny-sur-Loire, des origines à la Révolution, 1991, Bonny-sur-Loire<br/>
(13) Comte Servin. "Le procès de Spifame" in La Revue de Paris 18/4 (1911), p. 139-154<br/>

Version du 29 janvier 2020 à 19:11

Avant-propos.

6. Les progrès de la religion nouvelle

Les premiers prédicateurs qui apportèrent les doctrines de la religion réformée dans le diocèse d'Auxerre venaient du val de Loire. Depuis 1530, l'évêque de ce diocèse était François de Dinteville, deuxième du nom, successeur de son oncle du même nom. Cet évêque ne fut pas souvent présent à Auxerre; des évêques in partibus, comme Filbert de Beaujeu, évêque de Bethléem, suppléaient à la liturgie de la cathédrale et aux visites pastorales.

François II de Dinteville fut d'abord ambassadeur du roi François Ier à Rome en 1531-1532. Il fut ensuite président des États de Bourgogne. Plus tard, il fut compromis dans une tentative d'empoisonnement du Dauphin, puis reconnu innocent, mais il dut partir en exil en Italie de 1539 à 1542. Il menait grand train de vie et faisait des dons généreux aux paroisses dans son diocèse et ailleurs. C'est pour lui que fut réalisé en 1535, le Tryptique de Sainte Eugénie de Varzy par un peintre (Bartholomeus Pons ?) dit le Maître de Dinteville parce qu'il était au service de ce prélat, et dont le portrait figure sur le panneau central du tableau de Varzy (11).

Tryptique conservé dans l'église de Varzy (Nièvre)


Vers 1535, un religieux bénédictin, docteur en théologie, du nom de Jean Michel était déjà venu prêcher la doctrine nouvelle à Sancerre. Parti à Genève pour y rejoindre Calvin, il revint clandestinement à Bourges où il fut arrêté et exécuté en 1539. Un autre religieux docteur en théologie, Jean Chaponneau, augustin de l'abbaye de Saint-Ambroix à Bourges, qui avait été chargé de mettre en scène le mystère dit Actes des Apôtres dans les arènes de la ville en 1536, quitta son abbaye pour rejoindre la Suisse et devenir pasteur à Neuchâtel (12).
En 1543, François de Dinteville accompagné de l'évêque d'Ebron et de l'archidiacre de la Puisaye, fit un voyage à Cosne, qui semble être la première ville de son diocèse où la population commença d'être gagnée par les idées de la réforme. Étant à nouveau à Gien en 1547, il découvrit que plusieurs habitants des paroisses environnantes, Briare, Bonny, Neuvy, Cosne, et jusqu'à Pouilly et La Charité, se dispensaient de leur devoir pascal et ne recevaient plus les sacrements à l'église. L'évêque demanda alors aux curés de les exhorter à une bonne pratique religieuse et de tenir des registres nominatifs de fréquentation des sacrements. Les curés devaient chaque année apporter ces registres au synode diocésain. L'archidiacre de Puisaye, Charles Grillet, vint à Cosne pour soutenir la chrétienté locale. Le pasteur protestant Chaponneau, qui était revenu prêcher à Gien, fut chassé (13).
En 1545, un prêtre de Gien, Etienne Bertin, adhérant aux idées nouvelles et qui refusait le célibat des prêtres, épousa à Cosne une jeune religieuse de Donzy, Charlotte Pinon, avant de s'enfuir avec elle dans le Berry. L'évêque François de Dinteville, fit instruire cette affaire par l'archidiacre de Puisaye, Charles Grillet, puis il fit arrêter le coupable et six ans plus tard, celui-ci fut condamné à Auxerre, réduit à l'état laïc, puis exécuté (14). Le curé de la paroisse Saint-Regnobert d'Auxerre en fit mention dans son registre.
Les prédicateurs huguenots se répandirent jusqu'aux limites du diocèse d'Auxerre et réussirent à convertir une majeure partie de la population de La Charité avant 1550. Il en était de même dans le diocèse de Bourges où les habitants de la ville de Sancerre furent aussi nombreux à adhérer à la foi nouvelle. Dans les autres diocèses du royaume d'autres populations furent violemment persécutées comme les vaudois de Mérindol (Vaucluse) qui s'étaient liés au protestantisme de Calvin.
Le 3 mai 1552, un synode diocésain à Auxerre publiait des statuts qui préconisaient l'éloignement des faux docteurs qui cherchaient à pervertir la foi catholique. En même temps l'évêque François de Dinteville imposait aux monastères de revenir à la règle dont ils s'étaient éloignés. Ce fut le cas de l'abbaye des Roches à Myennes et de celle de Saint-Laurent à Cosne. A partir de 1556, l'évêché d'Auxerre fut donné à Robert II de Lénoncourt (1510-1561) qui fut aussi prieur de La Charité. Lui non plus ne résidait pas souvent à Auxerre, quelquefois dans son château de Régennes (Yonne) ou au monastère de La Charité, mais le plus souvent à Paris ou même à Rome. Deux ans plus tard étant nommé archevêque d'Arles, il résignait son siège d'Auxerre à son neveu Philippe de Lénoncourt (1527-1592), qui prit possession le 8 décembre 1560. Lui aussi résigna son évêché en 1563 au cardinal Philibert Babou de la Bourdaisière (1513-1570).
Pendant ce temps, les évêques auxiliaires et les chanoines de la cathédrale d'Auxerre gouvernaient le diocèse au nom de l'évêque. Pour empêcher la diffusion de l'hérésie, ils commencèrent à employer la force: Jean de Saint-Yon, prévôt de la maréchaussée, fit le voyage à Cosne à la fin de l'année 1556 "pour sévir contre les esprits indociles, ou pour y extirper les méchants…" (15).
Cela n'empêchait pas les nouvelles paroisses réformées de s'organiser. François Morel, pasteur suisse de Collonges, fut le premier pasteur envoyé en France par Calvin en 1556 pour prêcher à Gien (16).
A cette époque, le diocèse de Nevers n'avait pas été touché par l'hérésie autant que ceux d'Auxerre et de Bourges. Depuis 1540 l'évêque de Nevers était un prince de la maison de Bourbon qui sera plus tard le prétendant à la succession de Henri III que les ligueurs voulaient couronner sous le nom de Charles X. Il fut successivement évêque de Nevers, jusqu'en 1546, puis évêque de Saintes, cardinal, évêque de Carcassonne et enfin archevêque de Rouen.

Après lui, l'évêché de Nevers fut donné à Jacques Spifame de Brou, qui avait été chancelier de l'Université de Paris puis vicaire général de l'archevêque de Reims. Mais ce prélat se convertit bientôt au calvinisme dont il encourageait la diffusion dans son diocèse.

Frontispice de l'Institution chrétienne, par Calvin (Genève)

En 1559, il partit pour Genève pour rejoindre Calvin, devenir pasteur, se marier et être enfin nommé pasteur à Issoudun en 1561. Accusé de malversations et d'adultère, il sera décapité à Genève en 1566 (17).

Il eut pour successeur à Nevers un de ses neveux, Gilles Spifame de Brou qui fut nommé en 1559. Contrairement à son oncle, celui-là s'opposa fermement aux progrès du calvinisme à Nevers et dans son diocèse jusqu'à sa mort en 1578.
Ces progrès se faisaient de plus en plus évidents : on fondait des paroisses protestantes dans les villes où une part importante de la population s'était convertie à la religion nouvelle.
Le 10 juillet 1559, Henri II allait mourir de la blessure qu'il avait reçue lors d'un malencontreux tournois à Paris. Durant tout son règne, la résistance à l'extension du protestantisme avait été organisée et soutenue par Catherine de Médicis, son épouse et maintenant sa veuve, qui devint régente lors de l'accession au trône de son fils François II qui n'avait que quinze ans.
Le nouveau roi et sa mère donnèrent le gouvernement au duc de Guise, partisan de la répression des huguenots. La conjuration d'Amboise, en mars 1560, lui avait donné raison, malgré la volonté d'apaisement de François II et de Catherine de Médicis. Le duc de Guise devint lieutenant général du royaume.
Mais le 5 décembre 1560, François II mourut à Orléans d'une otite qui l'a emporté en quelques semaines. Son frère Charles IX, âgé de dix ans lui succéda, toujours sous la direction de Catherine de Médicis, une nouvelle fois régente de France. Le prince de Condé se réfugia à Orléans, ville calviniste, pour y organiser la défense des huguenots.

Le roi de France est le roi "très chrétien" et son royaume, la France est "la fille aînée de l'Église" catholique. Les Guise, très attachés à leur foi catholique, gouvernent le pays.
Calvin, depuis Genève, avec le soutien des princes allemands, organise la prédication de son Institution chrétienne dans toute la France, avec plus de succès dans certaines provinces comme le Nivernais ou le Berry. Les huguenots sont soutenus par le prince de Condé et l'amiral de Coligny, ainsi que par la reine d'Angleterre. Le pays se déchirait entre ces deux partis et tout était prêt pour que les armées se lèvent pour les guerres fratricides.

(à suivre)

(11) J. Bruyn, Over de betekenis van het werk van Jan van Scorel omstreeks 1530 voor oudere en jongere tijdgenoten. IV- De Pseudo-Félix Chrétien: een Haarlemse schilder (Bartholomeus Pons?) bij de bischop van Auxerre, Oud Holland, 1984-2, pp. 98-110
(12) Guy Devailly, Le Diocèse de Bourges, Paris, Letouzey & Ané, 1973, pp.106-107
(13) abbé Jean Lebeuf, Mémoires concernant l'histoire ecclésiastique et civile d'Auxerre, Auxerre, Perriquet, 1743, 2 vol., 886 p. = vol. I, p. 589
(14) A. Faivre, Cosne à travers les âges, Cosne, H. Bourra, 1895, p.22 et 144
(15) Diocèse d'Auxerre, Registres du chapitre, Archives départementales de l'Yonne
(16) Paul Gache, Histoire de Bonny-sur-Loire, des origines à la Révolution, 1991, Bonny-sur-Loire
(17) Comte Servin. "Le procès de Spifame" in La Revue de Paris 18/4 (1911), p. 139-154