Témoignages de maquisards

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LA RESISTANCE DANS LE SUD NIVERNAIS

Témoignages de maquisards

Un Decizois membre du Maquis Louis Maurice Foucher travaille à l'usine Goodrich depuis juillet 1942. Ses premiers contacts avec la Résistance sont établis par des compagnons de travail. Ils distribuent des tracts et la revue Avant-Garde. A la fin du mois de juin 1943, Maurice Foucher reçoit sa lettre de convocation au S.T.O. Le directeur de l'usine, M. Guerville, lui annonce qu'il ne peut rien pour lui. Alors, le jeune homme s'enfuit à bicyclette jusqu'à Migennes, où il est hébergé chez son oncle. Il pense trouver un emploi dans une ferme, mais cela se révèle impossible ; aussi quinze jours plus tard, il revient à Decize. Il est dénoncé comme réfractaire au S.T.O. et doit se rendre à l'Ecole Normale de Nevers. Il n'y reste pas longtemps ; bénéficiant de la complicité d'un gendarme français, il sort, retourne à Decize où, cette fois, M. Guerville l'a inscrit sur une liste d'ouvriers protégés (l'usine bénéficie du statut de Rüstungsbetrieb). Juillet 1944 : Maurice Foucher et plusieurs jeunes de son âge ne songent qu'à rejoindre un maquis ; l'abbé Parent les oriente vers le maquis Louis. Un petit groupe de résistants, autour de Henri Thomas dit "Jules", Lazare Moreau dit "Oscar" et de l'abbé Bonin, curé de Millay, mène depuis l'été 1943 plusieurs actions en liaison avec Joseph Pinet, chef de gare de Luzy. Des bombes incendiaires détruisent plusieurs trains de marchandises, la ligne de chemin de fer est régulièrement coupée, des trains déraillent. Au début de juin 1944, le maquis s'organise ; il est dirigé par Paul Sarrette, dit "Louis", un officier formé à la guérilla par le Special Operation Executive anglais 1. Avec lui opèrent trois officiers britanniques, Kenneth Mackensie dit "Baptiste", Philip Fairweather et Davidson Sillitoe. Le maquis est installé au camp des Fraichots, près de Millay. Il regroupera jusqu'à 1901 hommes, au moment de la Libération.

Parmi les combattants, il y a plusieurs Decizois : Roger Ferret, Lucien Franc, Fernand Ricard et Maurice Foucher. Les gendarmes de Decize Marcel Lamanthe et Martial Sanchez se rallient au maquis Louis le 16 juillet. De Saint-Léger-des-Vignes sont venus Robert Papon, Roger Michaut, Marcel Michot et Paul Hogard. Les hommes du Maquis Louis participent à la Libération de Luzy, le 9 septembre. Après d'ultimes accrochages sur la route d'Autun, ils détiennent environ 80 prisonniers allemands, internés dans l'Ancienne Coopérative Agricole, près de la gare. Vers le 20 septembre, le bataillon auquel appartient Maurice Foucher est transféré à Decize, où a lieu l'intégration dans le Deuxième Bataillon de Marche de la Nièvre (voir plus loin) 2.

Récit de Roger Ferret 3 « Après avoir été arrêté par les Allemands à la rafle du 6 février à Decize, je fus emprisonné à la maison d’arrêt de Nevers pour avoir refusé de travailler en Allemagne, en compagnie de MM. Lemoine, Lamy et Rapiat, également de Decize. Au 6 avril 1944, après deux mois passés avec de nombreux interrogatoires, les Allemands décidèrent de me diriger avec d’autres prisonniers sur Rouen et dans un camp de Caudebec-en-Caux, près du Havre, pour le travail obligatoire. Dans ce camp entouré de barbelés, prétextant un état de santé déficient (vrai en grande partie), j’ai toujours refusé d’aller travailler au Mur de l’Atlantique, jusqu’au jour où deux Allemands m’emmenèrent vers une destination inconnue (le Mur de l’Atlantique). C’est ce jour-là, en franchissant la porte du camp pour monter dans un camion, que je pus fausser compagnie aux gardes, en essuyant même une rafale de mitraillette. Après beaucoup de péripéties, je pus me rendre à Rouen pour prendre un train jusqu’à Paris, où je pouvais me cacher et obtenir des papiers (faux évidemment). Début juillet, je revins à Decize pour reprendre mon travail mais, étant recherché, je fus vite obligé d’aller dans une ferme aux Ouillères (commune de Lamenay, à 20 km de Decize) afin de me cacher jusqu’au 24 août, date à laquelle je pus rejoindre dans le Morvan le Maquis Louis, qui faisait partie des Forces Françaises de l’Intérieur. Je revins à nouveau à Decize le 25 septembre, à la dissolution du Maquis, pour reprendre mon travail le 3 octobre, et jusqu’au 15 mars 1945, date de mon appel sous les drapeaux à Dijon (classe 1943). »

Les soins donnés aux maquisards blessés ou malades Les maquis les plus importants ont leur propre service médical. Plusieurs médecins parisiens, dont le docteur Alec Prochiantz, ont organisé de véritables hôpitaux de campagne. D'autres groupes de maquisards ont fait appel aux médecins des localités les plus proches. Le rôle du docteur Masson est évoqué par son fils : "Quelques années avant sa mort, M. Régis Mettery nous a raconté, à ma femme et à moi-même, que pendant la guerre, il était venu chercher mon père pour l'emmener dans les bois de Montambert où un maquisard était très malade. Ce dernier avait la diphtérie et mon père a été obligé de lui faire du sérum plusieurs jours de suite. Le malade s'en est réchappé. N'ayant pas beaucoup d'essence à cette époque, mon père circulait à moto. Le maquis lui avait recommandé d'être très prudent et de varier les itinéraires de déplacement. En effet, tous avaient peur d'être repérés et dénoncés à l'Armée allemande. Les médecins qui donnaient leurs soins aux combattants étaient passibles de mort, deux des confrères de mon père avaient été inquiétés [les docteurs Fanjoux et Rolland]. Aussi, mon père partait par la route de Cercy-la-Tour et revenait par Charrin et Devay, ou vice-versa. Les deux hommes se connaissaient bien, l'un étant président de la section football [le docteur Masson] et l'autre [Régis Mettery] tenait la place de goal de l'équipe première. Je situe cette aventure pendant l'hiver 1943-1944 . 4"

Lucien Simon : réfugié à Livry, maquisard à Crux-la-Ville, puis soldat dans l'armée de De Lattre 5 Entre juin 1940 et septembre 1944, l'itinéraire de Lucien Simon passe plusieurs fois autour de Decize. Réfugié de Seine-et-Marne, placé dans des fermes en bordure de la Ligne de Démarcation, recruté par des hommes du maquis de Chabet puis affecté au maquis Mariaux, Lucien Simon quitte la Nièvre avec l'armée de Libération et le 94e R.I. Il revient travailler à Decize quinze ans plus tard, à l'époque où l'usine Kléber-Colombes décentralise certaines unités de Levallois.

En 1940, Lucien Simon est âgé de 14 ans. Il réside avec sa famille à Chelles. Son père a été mobilisé à Cosne-sur-Loire. Le 10 juin 1940, la ville de Chelles est bombardée ; la population est évacuée. Madame Simon et ses deux enfants partent à pied, avec leurs valises, jusqu'à Melun. Là, ils montent dans le dernier train à destination de Nevers. Ils pensent être hébergés par des grands-parents à Livry. Après un voyage exténuant, ils retrouvent M. Pierre Simon, qui a réussi à venir de Cosne à bicyclette. Lorsque les Allemands atteignent le Sud du Nivernais, la famille Simon repart : leur fuite s'arrête au Veurdre : il est inutile d'aller plus loin, car les troupes allemandes s'installent sur les deux rives de l'Allier. M. Pierre Simon est théoriquement encore mobilisé. Sur le conseil du garde-champêtre de Livry, il se présente à la Kommandantur de Saint-Pierre-le-Moûtier. On l'envoie à Nevers, puis à Compiègne, où il est embarqué dans un train à destination du stalag XI-B de Fellingsbostel (Basse-Saxe). Malgré de nombreuses démarches qui la mènent jusqu'à Compiègne, Mme Simon ne parvient pas à faire libérer son mari. Elle reprend son logement de Chelles, avec sa fille. Quant à Lucien Simon, il a été placé dans une ferme ; il travaille dans diverses exploitations agricoles aux environs de Saint-Pierre-le-Moûtier jusqu'en juillet 1944. C'est alors qu'un autre employé de ferme lui propose d'aller récupérer avec lui des armes stockées par l'armée en juin 1940 dans une maison vide de Saint-Pierre. Cette maison se trouve à quelques pas de l'usine Potain, occupée par des soldats allemands. Les deux jeunes gens passent une semaine à surveiller les patrouilles, à noter les heures de passage de l'ennemi. Un soir, ils entrent dans la maison. Dans un four de boulanger, ils trouvent un important stock de fusils, F.-M. et munitions. Le plus âgé des deux garçons donne malencontreusement l'alerte en tirant un coup de fusil dans une fenêtre. Ils s'enfuient, mais une voisine les a dénoncés. Lucien Simon ne peut regagner ni sa ferme, ni le domicile de ses grands-parents. Un agriculteur cache les deux fugitifs dans un marécage pendant quarante-huit heures. Une voiture vient les chercher. Des hommes en sortent, ils portent des bérets, ils sont armés. S'agit-il de miliciens ? Les brassards F.F.I. permettent aux deux jeunes gens de se rassurer. Un camion de l'entreprise Stévenot va les transporter, au milieu d'une quinzaine de jeunes des environs. Ils sont assis sur des sacs de ciment et des tas de sable qui masquent des armes (ils le sauront plus tard). Précédé par un motocycliste, le camion traverse Decize et La Machine. Il doit rejoindre le maquis Mariaux, près de Crux-la-Ville. Toutefois l'éclaireur signale une certaine effervescence, car les Allemands ont arrêté deux jeunes de Livry. Le voyage se termine à pied, à travers bois. Le maquis Mariaux regroupe environ 650 combattants. Il est commandé par des officiers de carrière, le colonel Vessereau ("Lavilette") et Robert Gaudry. Les hommes dorment sous des tentes confectionnées avec des toiles de parachutes. Ils sont puissamment armés. Le 15 août, ils doivent faire face à un encerclement par plusieurs milliers d'Allemands. La bataille de Crux-la-Ville coûte au maquis une vingtaine de morts et plus de 40 blessés. Le maquis Mariaux reçoit l'aide de maquis voisins et il peut se réfugier plus à l'Est. Il participe, en septembre 1944, à la libération de Nevers et à celle de Saint-Pierre-le-Moûtier. Engagé dans le premier bataillon de la Nièvre, à Nevers, Lucien Simon part dans l'armée de De Lattre. Il est affecté au 94e R.I. lors de l'amalgame. Entré en Allemagne par le pont de Kehl, le régiment est chargé de nettoyer la Forêt-Noire et la Bavière. Des combats violents opposent les soldats français aux derniers défenseurs du Reich ; le 94e R.I. perd encore des combattants après le 8 mai 1945, tout près de la frontière autrichienne. Lucien Simon est démobilisé le 22 décembre 1945 à Versailles. Il était revenu en France pour une courte permission, afin de retrouver son père, libéré au printemps de la même année.

Témoignage d’André Boulé : du Bal de la classe au Q.G. d’Ouroux André Boulé fait partie des jeunes gens qui sont arrêtés à Brain dans la nuit du 5 au 6 février 1944. A Dijon, il décide de s’évader avec ses amis Pierre Buteau et André Baudot. Celui-ci connaît déjà le S.T.O. : il s’est engagé quelques mois plus tôt, il a été libéré parce qu’il appartient au personnel de santé, mais il a été repris au Bal de la classe. Au cours de ses déplacements antérieurs, André Baudot a compris qu’il était possible d’échapper à la surveillance des Allemands. Les trois hommes descendent aux W.C., ils se mêlent à un groupe de travailleurs volontaires polonais qui bénéficient de sorties en ville, et ils sortent de la caserne. Dans le train, ils retrouvent les frère Maître, qui se sont évadés un peu plus tôt. Revenus à Decize, André Boulé et Pierre Buteau se cachent quelques jours dans une maison située à la Croix-du-Pavé. André Boulé part alors pour Paris, où il travaille quatre mois environ à la B.N.C.I. Mais il est à nouveau recherché et il échappe à plusieurs rafles. Il revient donc à Decize, entre en contact avec l’abbé Parent. Celui-ci conduit Pierre Buteau et André Boulé à Moulins-Engilbert et les confie à un autre Decizois, Bigouret, agent de liaison motocycliste du maquis. L’étape suivante est Ouroux, village déjà libéré qui abrite la préfecture provisoire de la Nièvre, le Q.G. de la Résistance et environ un millier d’hommes en armes. André Boulé est nommé planton au service du colonel Gaston Roche, chef militaire de la Résistance nivernaise. L’essentiel de son travail consiste à répondre à des appels téléphoniques, à réceptionner le courrier. Il participe aussi à quelques embuscades et assiste de loin au massacre de Dun-les-Places. Pendant cette période, il côtoie deux écrivains, Charles Exbrayat 6 et René Barjavel. Après la Libération de Nevers, le Q.G. du colonel Roche s’installe à l’Hôtel de France. André Boulé reste quelque temps dans les services administratifs. Comme il appartient à la classe 43, il est ensuite mobilisé, d’abord à Marseille au 15e Régiment du Train des Equipages, puis à Fréjus au Centre d’Instruction Automobile 7.