Dans un registre très différent, Viens Papa, une parodie de Viens poupoule
- (Paris-Centre, 4 février 1915) :
Un sam'di soir après l'turbin
- Guillaume dit au kronprin :
- « Faudra qu'nous allions l'un d'ces jours
- À Paris faire un tour.
- Nous brûl'rons tout sur not' passage
- Nous f'rons un grand carnage.
- On rigol'ra, ion se tordra,
- Enfin... Tu verras ça. »
- Amusé, enchanté,
- L'Kronprintz s'mit à chanter.
- « Viens, papa-a, viens papa-a, viens !
- Partons, partons, viv'ment,
- Ne perdons pas not-temps... AH !
- Viens papa […]
- Y a assez longtemps
- Qu'j'attends ce doux moment. »
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Paris-Centre publie le 13 mai un poème de René Dondon, un jeune poète présenté par le célèbre Achille Millien. A cette vision patriotique s'oppose la mort laboureuse dessinée par Lucien Laforge.
Vision(s)
- Oh ! Qu'ils prennent mon cœur, les grands soirs de chez nous,
- Les grands soirs où je vois sous les cieux solitaires
- Une femme qui prie, une femme à genoux
- Sur notre bonne vieille terre.
- Elle prie, elle pleure, elle a des cheveux blancs,
- C'est une paysanne, elle prie, elle espère,
- Et je vois s'incliner sur les vieux doigts tremblants
- Le bon visage d'une mère.
- Partout je la retrouve ; au fond des vieux chemins
- Où s'en venaient gaiement laboureurs et charrue,
- Partout, front incliné, joignant ses pauvres mains
- Cette femme m'est apparue.
- Étranger qui passes du côté de chez nous,
- Vous qui ne verrez pas cette ombre solitaire,
- Vous direz : « Que fait donc cette femme à genoux ?
- - Elle attend les fils de la Terre ! »
- René Dondon, Contes bleus.
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La fiancée du soldat aveugle
- Au village natal on volait sa pensée
- Dans les combats lointains, le voici de retour,
- Le soldat dont les yeux se sont fermés au jour
- Sous le jet meurtrier de la flamme lancée.
- Sa promise l'attend, anxieuse, elle accourt...
- - « Tristement je reviens, ô chère fiancée !
- Je ne te dirai rien de notre amour passée :
- Je ne suis plus celui qui peut parler d'amour.
- Ton image est gravée en moi, mais je dois vivre
- Dans l'éternelle nuit, hélas ! Je te délivre
- Du serment que tu fis, à l'heure des adieux.
- « Sans amour, sans espoir, tel sera mon partage. »
- - « Aveugle, ayant besoin d'être aimé davantage,
- Ami, garde ma foi, je t'aime encore mieux ! »
- Poème d'Achille Millien, Paris-Centre, 16 janvier 1919.
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