Poésie durant cette difficile période

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Guerre 1914-1918 57.jpg
Treizième régiment d'infanterie.jpg
Le 13e de Ligne, poème de René Baudiot, de Fourchambault

Il va, portant au front un numéro fatal,

Et ses deux chiffres d'or ont l'éclat d'une épée.
Il va, ton régiment, beau comme une épopée ;
Il va, le pompon droit, le geste triomphal.

Quarante de ses dieux aux poumons de métal,
Clairons en l'air, là-bas, jettent leur mélopée,
Et le ciel bleu palpite, et l'âme retrempée
De la France tressaille à leur souffle vital.

Leur marche que tu suis, éclatante, est suivie
D'une auréole simple où resplendit ravie
La face du drapeau qu'ici nous saluerons ;

Les voici ! Les voici ! Tous les tambours sonores
Qui vont, mêlant leur hymne à l'hymne des clairons.

Salut à ton drapeau ! - Ton drapeau tu l'honores.

(Paris-Centre, mercredi 3 novembre 1914).
Le bleu d'horizon.

A propos de la nouvelle capote de nos soldats :

Adieu garance ! Il faut se faire une raison,
Et qu'à moins s'exposer le héros se résigne.
Mais de vous habiller l'horizon en est digne,
Vous qui de l'Avenir êtes la garnison !

Défendre l'Avenir en habit d'horizon,
Ô le bel uniforme et la belle consigne !
C'est un signe, ce bleu : vous vaincrez, par ce signe,
Leur gris de casemate et leur brun de prison !

Je crois, puisqu'ils n'ont pris que des couleurs de terre,
Qu'il est bon, qu'il est juste et qu'il est salutaire
Qu'on s'habitue à nous confondre avec l'azur ;

Et pour le monde il sied, puisque Berlin et Vienne
Ne peuvent pesamment mettre en marche qu'un mur,

Que notre armée à nous soit l'Horizon qui vienne !

Edmond Rostand, Le Figaro,
poème repris dans la Semaine Religieuse du Diocèse de Nevers.
La Lettre, poème de Maurice Levaillant,
parue le 28 février 1915 dans La Tribune :

Elle n'est trop souvent qu'une carte postale
Où la pluie a brouillé les traces du crayon ;
Une étoile de boue y mit un noir rayon ;
L'écriture est fantasque, et la marge inégale.

« Rassurez-vous... Toujours présent au bataillon...
Je vais bien... Tout va bien... Je suis joyeux et sale :
Et dors comme un lapin dans le creux d'un sillon... »

On déchiffre en tremblant, l'œil brumeux, le cœur ivre,
Cette page échappée au plus glorieux livre
A travers l'ouragan de la flamme et du fer ;

On la baise ; on lui rit ; on penche son oreille
Vers les échos puissants qu'elle apporte, pareille

A la conque où survit la fureur de la mer.


Dans un registre très différent, Viens Papa,
une parodie de Viens poupoule
(Paris-Centre, 4 février 1915) :

Un sam'di soir après l'turbin

Guillaume dit au kronprin :
« Faudra qu'nous allions l'un d'ces jours
À Paris faire un tour.
Nous brûl'rons tout sur not' passage
Nous f'rons un grand carnage.
On rigol'ra, ion se tordra,
Enfin... Tu verras ça. »
Amusé, enchanté,
L'Kronprintz s'mit à chanter.
« Viens, papa-a, viens papa-a, viens !
Partons, partons, viv'ment,
Ne perdons pas not-temps... AH !
Viens papa […]
Y a assez longtemps
Qu'j'attends ce doux moment. »
Paris-Centre publie le 13 mai un poème de René Dondon,
un jeune poète présenté par le célèbre Achille Millien.
A cette vision patriotique s'oppose la mort laboureuse
dessinée par Lucien Laforge.

Vision(s)
Oh ! Qu'ils prennent mon cœur, les grands soirs de chez nous,
Les grands soirs où je vois sous les cieux solitaires
Une femme qui prie, une femme à genoux
Sur notre bonne vieille terre.

Elle prie, elle pleure, elle a des cheveux blancs,
C'est une paysanne, elle prie, elle espère,
Et je vois s'incliner sur les vieux doigts tremblants
Le bon visage d'une mère.

Partout je la retrouve ; au fond des vieux chemins
Où s'en venaient gaiement laboureurs et charrue,
Partout, front incliné, joignant ses pauvres mains
Cette femme m'est apparue.

Étranger qui passes du côté de chez nous,
Vous qui ne verrez pas cette ombre solitaire,
Vous direz : « Que fait donc cette femme à genoux ?
- Elle attend les fils de la Terre ! »
René Dondon, Contes bleus.
La fiancée du soldat aveugle
Au village natal on volait sa pensée
Dans les combats lointains, le voici de retour,
Le soldat dont les yeux se sont fermés au jour
Sous le jet meurtrier de la flamme lancée.
Sa promise l'attend, anxieuse, elle accourt...
- « Tristement je reviens, ô chère fiancée !
Je ne te dirai rien de notre amour passée :
Je ne suis plus celui qui peut parler d'amour.
Ton image est gravée en moi, mais je dois vivre
Dans l'éternelle nuit, hélas ! Je te délivre
Du serment que tu fis, à l'heure des adieux.
« Sans amour, sans espoir, tel sera mon partage. »
- « Aveugle, ayant besoin d'être aimé davantage,
Ami, garde ma foi, je t'aime encore mieux ! »
Poème d'Achille Millien, Paris-Centre, 16 janvier 1919.
Les aveugles de guerre
Dessin de Lucien Laforge


Textes communiqués par Pierre Volut http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/index.htm et http://lesbleuetsdecizois.blogspot.fr/ mis en page par --Mnoel 10 novembre 2014 à 17:19 (CET)