Nevers place de la Croix Joyeuse

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  • Nommée place de Joyeuse par Victor GUENEAU


Place de la Fonderie, place de la Croix-Joyeuse en 1904 ; place Henri-de-Joyeuse en 1905, place de la Manutention en 1910.
Les plaques portent toujours le nom de Joyeuse.
La décision municipale lui donnant cette appellation fut basée sur une légende locale en partie erronée et sur une mauvaise interprétation d'un passage de l'abbé Crosnier : Congrégation d'hommes, p. 501. Légende : En 1601, Nevers, ravagé par la peste, appelle, pour soigner les malades, des capucins de Bourges. Ceux-ci arrivent, conduits par le Père Ange, gardien (supérieur) de ce couvent, lequel périt victime de l'épidémie. On a, d'après Sainte-Marie, donné son nom séculier de « Joyeuse » à la croix érigée alors non loin du nouveau couvent.
Pensée de Crosnier : « Mourir au chevet d'un pestiféré ou mourir sur le champ de bataille était tout un pour celui qui, souvent, dans les combats, avait fait le sacrifice de sa vie ». On a conclu de cette phrase que le P. Ange avait exposé, sinon même perdu sa vie au chevet des malades.
Un détachement de capucins de Bourges, conduit par le P. Ange (Henri de Joyeuse) est venu, en effet, en 1601, année de peste, établir à Nevers un couvent dans la cure de Sainte-Valière(1). Pas plus que les religieux d'autres ordres dans les épidémies antérieures et postérieures, les capucins n'ont eu à donner aux malades d'autres soins que les spirituels. L'un d'eux, étant désigné comme aumônier, résidait au Lazaret où il courait des risques ; mais les autres, dans leur couvent, en étaient exempts. Les soins matériels quotidiens étaient donnés par les agents de la ville, chirurgiens, barbiers et infirmiers des deux sexes. On voit longtemps parmi ces derniers une « pauvre femme » appelée la Cotte Verte qui fait ce dangereux métier pour 20 sous par semaine (1564). Rien ne dit que le P. Ange fut cet aumônier. On voit seulement qu'il a prêché le carême de 1601 à Nevers, car la ville paie un cuisinier pour le servir. Il n'est pas mort en 1601, ni de l'épidémie, ni à Nevers, mais en 1608, à Rivoli (Italie), au cours d'un pèlerinage.
La Croix-Joyeuse ne lui doit pas son nom : elle est déjà citée en 1563, quatre ans avant la naissance de ce religieux. Elle était au carrefour de la rue d'Aligny et du boulevard de la République avec la rue de Clamecy(2), contre la fabrique d'huile. Elle avait succédé à une autre, érigée près la porte de la Barre. Parmentier et Crosnier savaient l'existence de cette Croix- Joyeuse en 1564. Sainte-Marie n'a pas dit d'après quel titre inconnu il la rattache au P. Ange. Il y a bien, en 1601, une croix érigée solennellement près du couvent des capucins ; on ne sait ni son nom (si elle en a eu un)(3), ni son emplacement exact. Le plan de 1769 indique, en face de la porte du couvent, sur le côté nord de la route, près du lavoir, un petit emplacement clos de haies (comme l'était celui de la Croix des Pèlerins) qui peut avoir reçu ce calvaire.
Le P. Ange n'est donc pas très important pour l'histoire locale. Né en 1567, prénommé Henri, cadet de la maison de Joyeuse, il porta d'abord le nom de comte du Bouchage, puis, à la mort de son aîné, celui de duc de Joyeuse. A la mort de sa femme, il se fit capucin (1587), sous le nom de Père Ange, rentra dans la vie laïque en 1592 ; zélé partisan de la Ligue, il se rallia ensuite à Henri IV (1596), fut fait maréchal, puis, subitement, reprit la robe de capucin (1600).
Le couvent a été, en 1658, l'objet d'un siège comique par les troupes du roi ; les moines, révoltés contre leurs supérieurs, furent expulsés manu militari ; il ne fallut pas moins de deux régiments !
En 1794 (an II), Noël Pointe y installa une fabrique de gros canons en fonte ; supprimée en 1880, au grand dommage de la ville, elle devait être remplacée par une école d'Arts et Métiers (grosse chaudronnerie), ce qui ne fut pas réalisé, la Chambre des Députés ayant refusé les crédits en 1883. On y installa la Manutention de la garnison et des réserves de vivres.
La Croix-Joyeuse a été transférée, en 1903, du carrefour du boulevard de la République, qui portait son nom, sur la place près de la Manutention. En 1912, le Conseil municipal avait adopté le principe de la suppression des croix. Cette mesure n'a pas été exécutée.
Le lavoir était appelé, en 1476, fontaine Notre-Dame-Sainte-Valière.


Correction apportée par V. Gueneau : Etait non la place de la Manutention, mais celle qui se trouve au bas de la rue de l'Asile.
(La rue de l'Asile étant actuellement la rue Jeanne Jugan).
Note : Voir renvoi (2) rue Sainte-Valière et voir place Sainte-Valière.


(1) En 1572, une lettre de Charles IX réunit l'hôpital de Sainte-Valière, affecté aux « fébricitens », à l'hôpital des pauvres malades de Saint-Didier.
(2) Actuelle rue Jean Jaurès.
(3) Les Archives communales (CC 250) l'appellent simplement « la Croix de MM. les Capucins ».


Victor GUENEAU dans Mémoires de la Société académique du Nivernais – 1926/T28