Maquis Louis

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Paul Sarrette
  • Le 22 décembre 1943 dans la nuit, un capitaine français de 23 ans est parachuté dans la région de Montbéliard. Il doit rejoindre le sud du Morvan pour prendre contact à Luzy avec un réseau de Résistants déjà bien organisé. Le Jura, proche de la Suisse, est un lieu relativement idéal pour accueillir les agents spéciaux venant d’Angleterre et pour favoriser le passage des armes de toute nature. C’est par cette filière que, dès 1942, les premiers Résistants du Morvan reçoivent leurs instructions et se procurent le matériel nécessaire aux sabotages.
    Ce jeune capitaine s’appelle Paul Sarrette. Comme tout agent spécial, il devra changer d’identité. Il prendra celle de Louis Sawyer et deviendra tout simplement Louis. Désormais il doit trouver l’endroit propice pour former un important maquis dans un Morvan dont la situation géographique se prête aux embuscades. Louis habitera chez Émile Passard garagiste à Luzy, chez Pautet, chez les Martin. Tous sont des Résistants. Il jouera le touriste accompagné d’Émile Passard et de Marcel Berthin, géomètre, afin de trouver des terrains permettant les parachutages et le lieu où il implantera son futur maquis.
    Le premier parachutage d’armes a lieu dans une propriété privée située tout proche du village de Poil au lieu-dit le Breu. Il comprend une trentaine de containers camouflés dans les buissons par un groupe d’une dizaine d’hommes faisant partie de l’équipe de déraillement de Joseph Pinet, le chef de gare de Luzy. Louis, aidé par Émile Passard qui possède une petite camionnette dont il ne se sert plus, les remontent jusqu’à la maison inhabitée du garde du château de Pierrefitte. Il a fallu cinq à six voyages pour faire le transfert et ce, presqu’à la barbe des Allemands qui patrouillent dans la région.
  • L’endroit n’est pas sûr car il est fréquenté par des gens qui effectuent des labours et d’autres qui circulent à bicyclette. Il faut donc partir de là. Marcel Berthin le géomètre, désire entrer dans la Résistance. De par sa profession, il connaît parfaitement la région.
    Louis et Marcel Berthin partent à moto, chacun de leur côté. Il se retrouvent tout près du Mont Beuvray, dans un village quasiment abandonné appelé Les Fréchots (Les Frachots, Les Fraichots) proche de Chiddes et de Larochemillay. Ce lieu, entouré de forêts et éloigné de la route, est, pour Louis, idéal. D’autant plus idéal qu’il ne figure pas sur une carte d’état-major. Là, seul un couple de personnes âgées y vit, plusieurs maisons alentours sont abandonnées. Il y a de quoi loger des gens, de l’eau pour se laver et de l’eau potable pour la cuisine. Le lieu choisi, il reste à passer une annonce pour recruter des hommes prêts à s’engager. Des affiches sont placardées dont une dans la mairie de Luzy. Des gens arrivent de partout et l’effectif augmente rapidement. Les nombreux parachutages réussisent à armer tout le monde mais ils ne doivent pas se faire toujours au même endroit afin de ne pas être repérés par l’ennemi.
Stèle commémorative du maquis
  • En mars 1944, Kenneth Mackenzie alias Yves Chenier et enfin Baptiste, jeune officier britannique, est parachuté près de Toulouse avec cinq valises radio. Louis part le chercher car le maquis doit être en liaison avec Londres. Les deux hommes se connaissent, ils sont amis. Ils ont été entraînés ensemble par les instructeurs du S.O.E (Special Operations Executive). Ce service, créé par Churchill en juillet 1940, supervise en Europe, entre autres, des opérations de sabotage de grande envergure, assiste les Résistants, suscite des activités subversives dans les territoires occupés.
    Les cinq valises qu’ils transportent font des deux hommes des suspects. Ils sont arrêtés et conduits à la prison de Toulouse sous bonne garde. Pendant le trajet, ils éliminent les deux soldats qui les encadrent, sautent du véhicule qui a ralenti et réussissent à s’enfuir.
    Joseph Pinet, alias Monsieur Joseph les accueille sur le quai de sa gare à Luzy le 27 mars mais sans les valises radio ! Londres informé, fera parvenir cinq nouvelles valises sans délai.
    Baptiste est conduit par l’abbé Bonin curé de Millay chez Mme d’Escrienne au château de Lavault, proche de Millay afin qu’il y prenne ses quartiers jusqu’au débarquement. Dans un premier temps, les émetteurs sont dissimulés dans la maison, dans des massifs d’hortensias, dans plusieurs endroits du parc ou sous des fougères dans les bois proches. Aidé par Lucien Moreau, Résistant, il cherche l’endroit idéal pour émettre. C’est entre deux chênes du bois Renard que l’antenne est finalement installée, là où le Mont Beauvray ne fait pas écran. Désormais il est possible de demander des parachutages et de communiquer avec Londres.
    De son côté, Louis prend contact avec les Résistants des villages et petites villes voisins : Semelay, Rémilly, Larochemillay, Millay, Chiddes, Fours, Étang-sur-Arroux. Il souhaite renforcer l’existant et créer des groupes bien structurés permettant de mettre en place une ceinture d’alerte, de ravitaillement, éventuellement de protection, voire d’intervention rapide autour des Fréchots.
    Le 22 juin 1944, Louis décide de s’y installer définitivement et d’y faire venir un maximum de maquisards. À l’été 1944, le maquis regroupe jusqu’à 1900 hommes avec une moyenne d’âge, en majorité, entre 19 et 21 ans.
  • L’alimentation arrive au maquis par l’intermédiaire de villageois et de paysans des environs. Un peu de vin est fourni par les marchands de vin de Luzy et de Chiddes ; le pain est fabriqué dans le vieux four d’une des maisons des Fréchots, la farine provient des moulins de la région de Luzy. Le maquis peut ainsi vivre mais avec une prise de risque maximale de la part de certains villageois. Il arrive que des achats de bœufs soient faits, réglés à partir d’argent parachuté, ou grâce à des réquisitions opérées sur le champ de foire de Luzy. La viande doit être consommée fraîche car elle ne peut être conservée longtemps. Parfois, sa consommation exige d’avoir de bonnes dents...
  • Le transport des maquisards et du matériel sur les lieux d’opérations éloignés se fait grâce à un parc d’une dizaine d’automobiles ainsi que grâce à des camions et un viel autocar. L’ensemble est dissimulé dans des alvéoles creusées entre les arbres et prêt à partir. L’essence est emprutée aux dépôts de carburant tel celui de Kléber-Colombes à Decize et provient des attaques des véhicules allemands qui transportent leurs réserves d’essence.
    Les communications se font par radio grâce aux cinq valises, par téléphone et par les agents de liaison. Ce sont principalement des femmes avec seulement un vélo comme moyen de déplacement. Elles sont primordiales car elles permettent de connaître la position et les mouvements de l’ennemi ainsi que les dates des parachutages. Les échanges de Basptiste avec Londres ont lieu deux fois par jour environ. Ils permettent de recevoir des instructions et de suivre l’évolution des combats en Normandie et, plus tard, en Provence.
    En juin et juillet, les attaques allemandes sont fréquentes surtout contre les petits maquis. Certains sont anéantis, des villages pillés et incendiés. De nombreux hommes sont fusillés notamment à Dun-les-Places ; Montsauche et Planchez-en-Morvan restent également de douloureux exemples.
  • Pour gêner les Allemands, les installations téléphoniques du bureau de poste de Luzy sont sabotées par les Résistants Émile Passard et Jules Bondoux les 23 et 24 juin 1944. Elles deviennent ensuite leur standard le plus régulièrement utilisé pour des liaisons jusqu’à Decize, Bourbon-Lancy, Saint-Honoré-les-Bains et Fours. Profitant de la remise en état, une ligne directe utilisant celle du hameau de Montjouan est installée avec le poste de commandement de Louis aux Fréchots. À la poste de Luzy, Marcelle Bondoux, Jeanne Frelat et Jeanne Gressin opèrent en permanence à côté d’un Allemand qui a son propre standard. Autant dire combien il était dangereux de passer des communications entre maquisards ou informer le maquis Louis.
Monument commémoratif à Chiddes
  • Les soins aux blessés sont donnés par le Dr Léon Bondoux, médecin du camp. La première infirmerie est établie aux Fréchots dans une cabane en bois dérobée au camp des jeunes travailleurs installé au lieudit Le Ruault près de Larochemillay dès 1942 par le gouvernement de Vichy. La deuxième infirmerie, plus conséquente, est établie dans une ferme abandonnée avec l’aide d’un jeune médecin auxiliaire et de deux infirmiers. Du matériel médical est parachuté ainsi qu’un médicament nécessaire aux anesthésies. Le maquis Louis sera dans les premiers à recevoir de la pénicilline. Le Dr Yves Sauter chirurgien à Autun et son épouse, également médecin, rejoindront l’équipe d’intervention installée au château de Champlevrier situé sur la commune de Chiddes ; 50 lits y seront installés. D’autres cellules hospitalières existent dans le Morvan. Elles accueillent les blessés de tous les maquis. En septembre 1944, on dénombre environ trente « docteurs maquisards » dans les maquis du Morvan dont trois chirurgiens.
  • D’août à septembre 1944 les opérations contre l’armée allemande s’accélèrent. Le 11 août, des accrochages sérieux ont lieu au hameau du Chalet près de Larochemillay. 400 Allemands venus secourir leur groupe doivent refuser le combat. Mi-août, des convois allemands sont attaqués dans la région de Fléty. De violents combats feront au moins 60 morts et de nombreux prisonniers du côté allemand, au lieudit La Goulette près de la gare de Millay.
    Le 20 août au soir, un bruit court dans le camp : le Maréchal Pétain, en fuite, se serait arrêté pendant un très court instant à Luzy. L’information se révélera exacte et reprise dans des documents concernant cette période. Ils précisent que Pétain faisait l’objet d’une tentative d’enlèvement de la part d’un maquis bourguignon. Cette tentative sera avortée.
    Pendant cette même période d’août à septembre, Luzy subit des attaques ainsi que toute la région contrôlée par le maquis Louis. La tension est extrême dans tout le sud du Morvan.
    Début septembre, la retraite des Allemands s’intensifie chaque jour. Certaines routes secondaires minées par le maquis, empêchent les troupes ennemies de s’y engager. Les attaques ont donc majoritairement lieu sur la route nationale qui mène à Autun. Malgré tout, des combats ont lieu à Larochemillay, Chiddes et Fléty. À Larochemillay un convoi de huit véhicules est attaqué. Les Allemands sont vite mis hors de combat, certains arrivent à s’enfuir. Deux voitures intactes sont récupérées ainsi que 2000 litres de carburant. Une autre chose précieuse est récupérée qui fera du bien au moral des combattants : du tabac… !
    Les compagnies, désormais bien équipées, sortent à tout moment avec plus ou moins de « chance » de tomber sur l’ennemi.
  • Dès le début de l’exode des troupes allemandes, tous les maquis du département de la Nièvre réagissent de la même manière que le maquis Louis. Partout ils passent à l’attaque essuyant la riposte vigoureuse des Allemands. Le premier engagement est celui de Crux-la-Ville le 12 août aux premières heures de la matinée. Les maquis Mariaux, Julien et Daniel sont attaqués. L’ennemi dispose d’environ 1500 hommes et fait intervenir des troupes d’élites et des parachutistes. L’artillerie légère est utilisée ainsi que l’aviation. Quatre bombardiers légers attaquent les points de résistance des maquisards. La bataille durera cinq longs jours et s’étendra jusqu’à Saint-Franchy, Moussy et Sancy. Le maquis Louis ne participe pas à ces combats car il ne dépend pas de l’état-major du colonel Roche mais du War Office (ministère du gouvernement du Royaume-Uni). Il se tient en réserve en cas de besoin.
  • Les instructions données par Londres au maquis Louis dès sa formation sont :
- de désorganiser les communications ferroviaires en sabotant voies et tunnels et faire dérailler les trains,
- de miner les routes secondaires pour éviter que les convois ennemis empruntent la route nationale qui mène à Autun,
- d’attaquer les convois sur la N73 entre Luzy et Autun.
La circulation des trains est fortement perturbée par le bombardement, mi-juillet, de la gare de Nevers et par les actions de sabotage en rase campagne. Reste le trafic routier signalé par les appels radio de Baptiste. La Royale Air Force déclenche alors les attaques de ses chasseurs-bombardiers légers sur les convois allemands qui empruntent la route d’Autun déjà très malmenés par les maquis.
  • Dans l’atmosphère lourde d’une préparation au combat, une terrible nouvelle tombe. Louis est mort ! Il est mort accidentellement, tué par l’explosion d’un mortier. Il a reçu un éclat en plein cœur. Nous sommes le 5 septembre 1944, il a 23 ans. Il est enterré le 7 septembre au matin. Une cérémonie toute simple se déroule dans l’église de Chiddes.
    Privé de son chef, le camp devient tout à coup sans âme mais il faut repartir sur les routes. Il faut montrer pourquoi avec tant de passion et en aussi peu de temps Louis avait su rassembler et former tant de maquisards.
  • Dès la mi-août, Hitler ordonne à ses troupes du Sud et de l’Ouest de la France de se replier vers l’Est. Le 64e corps d’armée allemand se met aussitôt en marche vers Dijon. Le maquis Louis est positionné au bon endroit. Les deux armées de libération venues des plages de Normandie et de Provence vont effectuer leur jonction en Bourgogne, créant ainsi la fameuse nasse espérée. Afin de consolider les positions tenues par les 19 maquis morvandiaux, des S.A.S. (Special Air Service) sont parachutés avec des Jeep équipées de mitrailleuses Vickers. Dans la nuit du 5 au 6 septembre 1944, 90 containers d’armes et de munitions supplémentaires sont largués au seul maquis Louis. La bataille d’Autun se prépare. Elle durera 3 jours, les 8, 9 et 10 septembre. L’ennemi est pris dans la nasse !
Plaque à la mémoire de Paul Sarrette
  • Le 25 septembre 1944, le maquis Louis est désarmé et dissous. Certains rejoignent le 1er régiment du Morvan et accompagnent la 1ère armée française, d’autres sont directement incorporés dans la 2ième D.B. du Général Leclerc.
  • L’école de Chiddes porte le nom de Paul Sarrette.

Source : Les annales des pays nivernais n°133
Images : Wikipedia, l'Est Républicain, France 3 Régions-France Info

Martine NOËL (discussion) 18 novembre 2020 à 09:29 (CET)






Yvonne MOREAU - une femme dans la Résistance de la Nièvre

https://www.youtube.com/watch?v=19tWdCvABbc

  • Source : YouTube

Au 21ème siècle, il ne reste plus rien du camp, bien sûr, seul, le lieu sauvage l'évoque.

Photo Serge Bernard



Patrick Raynal 16 janvier 2017