Les cérémonies de la Libération

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Les cérémonies de la Libération dans le Sud-Nivernais.

  • Dans toutes les villes libérées, des cérémonies sont organisées afin de rendre hommage aux martyrs et de redonner confiance aux populations civiles. À Decize, les 10 et 11 septembre (sur la place de la mairie et au champ de foire), à La Machine le 11 septembre, à Saint-Pierre-le-Moûtier le 12, à Dornes, les groupes de maquisards et les soldats de la C.R. 6 participent à des défilés, à des levers des couleurs.
  • À Champvert, la cérémonie patriotique se déroule le 17 septembre. Le maire Antoine Prajoux et l'institutrice déposent des gerbes sur les tombes des trois fusillés de la commune. Des soldats présentent les armes (La Nièvre Libre, vendredi 21 septembre 1944). Ensuite un repas est offert aux F.F.I., préparé par le boucher-restaurateur Lacroix aux frais la commune (2000 francs). Le conseil municipal vote une motion de remerciement à Jean Lhospied, ancien instituteur et secrétaire de mairie devenu l'un des chefs de la Résistance. Un hommage est également rendu au nouveau préfet Robert Jacquin, représentant du général de Gaulle (Registre des Délibérations Municipales de Champvert, séance du 29 octobre 1944).
  • Après les ultimes combats, la première réaction est un sentiment de soulagement, comme en témoigne Charles Exbrayat : "C'est fini, nous ne verrons plus ces junkers insolents se pavaner sur nos places et dans nos rues, nous ne verrons plus les soldats verts encombrer nos routes, nous ne tremblerons plus pour nos femmes et nos enfants, pour nos cathédrales et pour nos villages. C'est fini ! [...] Nous sommes libres !... Une armée de gamins déguenillés et de vieux guerriers aux mains vides s'est levée pour essuyer la tache souillant nos drapeaux et vous donner le droit de respirer à nouveau un air libre (La Nièvre Libre, n°2, jeudi 14 septembre 1944. Le romancier Charles Exbrayat, alias lieutenant « Carnot », a combattu dans la Résistance. Il s’était installé à Toury-Lurcy et il a longtemps fourni des éditoriaux et des billets d’humeur au Journal du Centre)."
  • Un peu plus tard, le poète patoisant Georges Blanchard (Georges Blanchard a été lui aussi l'un des piliers du Journal du Centre, où il a livré régulièrement ses Berdineries d'un Arcandier. Il avait pourtant écrit auparavant dans l'hebdomadaire Le Pays Nivernais en 1941 et 1942) célèbre à sa façon la libération de la Nièvre :
"I sont partis les doryphores,
Les varts-de-gris, les fridolins,
I sont partis les mirliflores
Qu'fasint les jôs dans nout' pat'lins
Sans sément froumer la barriée,
Tout étonnés dé s'vouèr' roustis,
Un vrai feu d'enfer au derrièr'
I sont partis."
  • Mais, la libération de Decize s'est aussi accompagnée de débordements regrettables. Henri Laurent rapporte que dans l'après-midi du 12 septembre, juste avant son départ pour Bourbon-Lancy, il a "été témoin en ville de plusieurs scènes dépuration qui [lui] ont laissé un arrière-goût amer : femmes tondues, et mise à sac et pillage d'une usine de vêtements de cuir. Thollon ne fut pas tendre pour ceux des nôtres qui s'y étaient associés (Henri Laurent, op. cit. ; autre témoignage de Mme Hogard, 2 juillet 2004)."

Les drapeaux et les faux patriotes

  • Les drapeaux français ornent les fenêtres et les toits pour fêter les F.F.I. Mais certains patriotes sont suspects. En quelques heures, ils ont changé d’idéal et en font trop, ce qui exaspère leurs voisins. Le 17 septembre, plusieurs habitants de Champvert acceptent mal que Louis D… ait pavoisé ; les gendarmes Maxime Enault et Paul Rouget viennent enquêter à propos des incidents qui ont mis en cause depuis une semaine cet homme qui proteste de sa réputation de bon Français.
  • Le 8 septembre, Louis D… s’est précipité au devant des F.F.I. et il a tenté de leur expliquer pourquoi il avait accepté d’être garde-voie : il avait besoin de la prime pour subsister. Le cantonnier Antoine Perrin intervient pour ajouter que D… aurait mieux fait d’avouer qu’il était chef milicien. Marguerite Grizard rappelle que D… avait menacé de dénoncer les habitants qui se passaient les tracts anglais parachutés dans les environs. La principale accusation porte sur la journée tragique où des soldats hindous (engagés dans la Wehrmacht) sont passés à Champvert et « ont laissé de très mauvais souvenirs » (ils ont violé deux jeunes femmes) ; Louis D… « est allé leur serrer les mains ». L’attitude passée de ce collabo notoire ne peut que lui attirer des ennuis.
  • Voilà pourquoi les F.F.I. et le maire de Champvert, M. Prajoux, n’interviennent pas quand D… est pris à partie par la famille Blondelet. L’éclusier Louis Blondelet se contente d’invectives, lui disant « qu’il méritait une balle dans la peau, mais que lui [Blondelet] avait les mains trop propres pour le faire. » Georges Blondelet, le fils du précédent, 19 ans, commis charcutier à Decize, frappe D… au visage. Le certificat médical établi par le docteur Mazilier montre que D… souffre de deux gros hématomes aux lèvres, qu’il a une dent cassée et qu’une partie de son appareil dentaire a été faussée.
  • À Verneuil, le 17 septembre, il y a aussi des drapeaux imposteurs : un groupe d’anciens combattants de 14-18 parcourt le village pour les enlever ; Adolphe Rouquette marche en tête, muni d’une échelle. Arrivés devant le débit de boissons, ils se heurtent à la patronne, qui brandit une queue de billard. Surgit alors Alexandre R…, un ouvrier agricole qui veut défendre la bistrotière ; armé d’un gros bâton, il frappe sur le crâne d’Adolphe Rouquette; celui-ci est assommé. Les gendarmes de Decize, chargés de cette enquête, transmettent le dossier au juge de paix (A.D.N., Justice de Paix de Decize, Jugements et Procès-verbaux de simple police, cote 4 U2-140).



Texte et images proposés par Pierre Volut et mis en page par Michel Mirault le 12 janvier 2017