Le morvandiau (paysan)

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Une définition de 1806

Les habitans se nomment Morvandeaux, d'où plusieurs personnes écrivent Morvand pour le nom de la contrée. La nourriture du peuple est du pain de seigle, des pommes de terre et de la bouillie d'avoine faite à l'eau, poulitte dans le langage du pays. Les Morvandeaux sont laborieux, sobres, économes, et ces qualités, malgré la pauvreté du sol, les mettent dans l'aisance. Ils ont un patois si particulier, qu'il faut habiter quelque-tems parmi eux pour les entendre. Ce langage n'est point désagréable à l'oreille, la prononciation de plusieurs consonnes y étant radoucie : par exemple ch se prononce comme s ; cr au milieu des mots comme pr ; g, j, comme z : ainsi, pour chemin, sacre, gerbe, ils disent semin, sapre, zerbe. Ils mitigent le son de l'o en le rapprochant de celui de l'a, ce qui s'opère en ne portant pas les lèvres en avant. Du reste, ils ont un accent propre et des mots très-défigurés ou qui leur sont particuliers.
[...]
Les Morvandeaux ne jurent que par le tonnerre : Tounar ! Ah, tounar ! C'est probablement la menace que les anciens Gaulois faisaient de Taranis, leur dieu de la foudre, qui s'est perpétuée parmi eux. En même tems que les anciennes idées religieuses laissent des traces presque ineffaçables chez les habitans des montagnes, parce qu'ils sont moins exposés à se mélanger avec les étrangers, les nouvelles s'y introduisent plus tard : on ne voit pas que dans le Morvan, il y eut aucune paroisse d'érigée avant le XVe siècle, si ce n'est les prieurés de Château Chinon, Saint-Hylaire de Commagny et Saint-Honoré de Montreuillon, dont les moines, en petit nombre, desservaient quelques chapelles qui dépendaient de leurs prieurés.

  • Relevé par Pierre Volut dans L'Annuaire de la Nièvre, An XIV, 1806, pp. 90-91
  • Publié le 28 novembre 2020 à 12:43 (CET) par Praynal (discussion)

Les croyances : l'exemple de la sorcellerie

On s'explique difficilement qu'à l'aube du 20ème siècle, alors que l'instruction est répandue à profusion jusque dans les plus petites localités, la croyance aux sorciers soit encore profondément enracinée dans certains pays, notamment dans le Morvan. Les faits ci-après rapportés en fournissent la preuve.

Philibert C...., âgé de 30 ans, propriétaire-cultivateur, demeurant au hameau de Boulois, commune d'Ouroux, se croit ensorcelé par ses voisins, qui lui auraient « jeté un sort ». Pour arriver à rompre le maléfice, il a consulté, paraît-il, un des grands maîtres de la sorcellerie, habitant Château-Chinon. Nul autre ne sait mieux dévoiler l'avenir, rompre les maléfices, en signaler les auteurs, faire retrouver les objets perdus, ou encore revenir le lait des vaches, enlever la vermine des animaux, faire gagner un procès compromis, faire réussir des mariages, etc..., etc... Dans les localités voisines telles que Gacôgne, Dun-les-Places et Chaumard on trouve bien des sorciers, mais aucun n'est à la hauteur du grand pontife qui étend son cercle d'action dans tout l'arrondissement. Il est avéré que lorsqu'une personne ensorcelée «suit un traitement» pour détruire le sort qui lui a été jeté, elle ne doit, pas plus que les gens de sa maison, chercher à converser avec les voisins qu'il faut éviter d'accoster pendant tout le « temps prescrit » par le maître sorcier, sans quoi le maléfice persiste et tout est à recommencer.

C'est ce qu'ignorait probablement Mme Angélique LEGER, demeurant audit lieu de Boulois, mais à présent elle est complètement édifiée sur ce point.

Lundi dernier, 7 mai, à neuf heures du matin, Mme LEGER se rendait dans un de ses champs, quand elle rencontré le jeune domestique de son voisin l'ensorcelé. Sans s'arrêter, elle lui demanda où il allait : - « Travailler dans le champ de mon maître » répondit l'enfant. Cette conversation, bien anodine cependant, mais suffisante pour détruire l'effet du traitement prescrit, parvint aux oreilles de C... qui s'élança à la poursuite de sa voisine, à laquelle il aurait, parait-il, sans autre explication, administré un vigoureux coup de poing sur l'œil gauche, suivi d'un non moins vigoureux coup de pied dans les jambes, après quoi il prit la fuite.

Revenue de son ahurissement, Mme LEGER se rendit péniblement à Montsauche, où le docteur ALOMBERT lui fit un premier pansement. Elle alla ensuite trouver le brigadier de gendarmerie, qui se rendit à Boulois pour procéder à une enquête. La justice sera saisie; si les faits rapportés plus haut sont reconnus exacts, l'agresseur sera puni, mais le grand-maître sorcier, véritable auteur responsable, continuera d'exercer, au vu et au su de tout le monde, sa coupable industrie. Cette profession d'attrape-nigauds, qui ne demande aucune mise de fonds et n'est pas sujette à patente, demanderait cependant à être surveillée dans l'intérêt de la sécurité publique.

Le Journal de la Nièvre – 09/05/1900

--Patrick Raynal 17 mai 2014 à 09:44 (CEST)


Sorciers en Auxois et Morvan en 1644

Notes communiquées par M. Colombet : Commission de folklore et linguistique de Dijon 1962.

" Mlle Vignier rappelle que tout le long de la vallée de l'Ouche, sur les plateaux qui bordent cette rivière et jusqu'à Lucery- L'Evêque, Saint Symphorien-les-Autun, Montréal et Santigny, s'est développée durant l'été de 1644 une véritable épidémie de sorcellerie. La misère consécutive aux passages des troupes était très grande, les habitants de ces villages, situés dans des contrées naturellement âpres, se mirent à la disposition de quelques illuminés qui prétendaient identifier les sorciers jugés par l'opinion publique responsables des calamités présentes. Les intentions de ces justiciers, parmi lesquels dominait une forte majorité de femmes, n'étaient pas toujours absolument pures et plus d'une vengeance personnelle dicta les éxécutions sommaires par noyade ou bûcher. La justice royale ne put intervenir à temps pour limiter les ravages : les sorciers, ou soi-disant tels, furent souvent jugés par la Tournelle après leur décès, en même temps que leurs éxécuteurs.
L'affaire la plus sanglante eut lieu à Mâlain : le village, jugé tout entier responsable, fut condamné à payer des dommages-intérêts aux familles des victimes. A Macogne et Meilly, le curé lui-même se laissa entraîner dans la vague de purification : ailleurs l'arrivée des officiers royaux suscita de véritables jacqueries.
En fait, le prétexte des accusations de sorcellerie était souvent fort mince : A Santigny, où la justice de l'abbaye de Moutiers-Saint Jean veillait, un homme fut accusé d'être "vaudois" et sorcier, mais la procédure révéla que l'on ne pouvait lui reprocher que d'être le fils d'un homme lui-même suspect de sorcellerie vingt ans plus tôt, et qui avait alors été acquitté après avoir avoué, poussé par la fatigue, que le diable "homme affreux et noir" le contraignait chaque année à arracher un chou de son propre jardin ! Mais la mère de ce "vaudois" avait bel et bien péri en 1596 dans les flammes d'un bûcher élévé sur la place publique du village pour avoir fréquenté le sabbat et fait sa révérence devant le diable en tenant une bougie. Tels furent sans doute les souvenirs qui, un peu partout aux confins de l'Auxois et du Morvan, justifièrent, durant l'été de 1644, de bien pitoyables affaires."

  • Source : Le Morvan coeur de la France - J. Bruley - Tome II
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 14 avril 2020 à 13:56 (CEST)

La médecine populaire traditionnelle

Cette médecine, pratiquée encore au 19ème siècle et début 20ème, à une époque où les visites du médecin étaient considérées comme un luxe coûteux, a maintenant presque disparu. Il en subsiste néanmoins de nombreuses expressions profondément enracinées dans le langage qui fournit les expressions les plus sincères et les plus imagées.
La médecine populaire respectait les croyances, les remèdes et pratiques des chirurgiens des villages (au moyen-âge : chirurgien-barbier), ancêtres de nos médecins, et dont les regogneux morvandiaux semblaient bien être les dignes successeurs.
Quelles étaient donc, dans nos campagnes, au 19ème siècle, les connaissances en anatomie ? La connaissance de la configuration et du rapport de nos organes ne pouvant reposer pour nos pères que sur leur assimilation avec ceux des animaux domestiques, du cochon en particulier, qui a la désobligeance réputation d'être très voisin de nous par ses viscères.

Pour nos paysans, le corps était composé de la peau, des os, de la "tripaille" ; les muscles, qui représentent en poids la moitié de l'organisme, n'étaient, pour eux, que " viande ".
Les os ne comportaient pas de nomenclature bien variée, nos Morvandiaux les appelaient les " calaux ", du radical celtique " cal "; qui signifie dur. Les quatorze os de la tête n'avaient pas de noms distrinct. La tête était généralement désignée sous le nom de " cabouèche " (cabaoche, mot utilisé en vieux français, même dans le style élevé).
La colonne vertébrale était plutôt appelée l'épine dorsale. Les côtes ne semblent pas avoir eu de synonyme. L'omoplate était la " palette du dos " ; les os du poignet et de la main : " les osselets ". Les termes de " petits et grands fossiles " pour le radius et le cubitus, ont été quelque peu employés. La jambe se compose, comme l'avant-bras, d'un grand et d'un petit " fossiles ". Le grand fossile, c'est-à-dire le tibia, était jadis " los de la grève " ou plus brièvement la " sous -grève ".
Les termes désignant les os semblent plutôt avoir été utilisés par les " régôgneux " ou " régôgnous "( à la fois médecins, vétérinaires et parfois "sorciers")
La rotule était la "roualle du genou ou palette du genou), et la cuisse, "lai qeuche ou queusse". les jambes étaient souvent appelées les " guiboles " (mot celtique gallois ; guibol ou c'huibol, cornique huibol ; jambe, tige, flûte).
L'éminence allongée, sous laquelle apparaît le bord externe de l'os coxal, est encore appelée " l'ainche ou l'aince " (mot celtique que l'on fait dériver généralement du haut allemand "ancha").
La partie musculaire du dos était "le filet des reins ou des rouins").
En ce qui concerne les autres parties anatomiques, on disait la "nique ou niquotte du cou" pour la nuque ; la "garguille" pour le cou ; le "garguillot" était le gosier, la gorge et par extension le cou ; "Garlutrot ou lutrot" désignait également le canal qui sert à la respiration, la gorge, le gosier. "Babouines" (terme de moquerie) servait à désigner de grosses lèvres. "Lofre" voualit dire lèvre proéminente (un "lofré", était celui qui avait de grosses lèvres, par extension, un goinfre, un avale-tout).
Un vieux mot, le "babignon", que nous retrouvons dans le patois de M. Guillaume ( de Saulieu ), désignait le menton. On disait aussi le "soufflet" pour les poumons.
L'épigaste était généralement connu sous le nom de "creux de l'estomac ou astomac". Le ventre était la "panse" (pantex, pantiis ventre) ou la "beude" (du celtique both qui exprime une rondité).
Le nombril était le "nombeillot, rambillot ou lambeillot". La première chose qui frappe à l'ouverture de l'abdomen est l'épiploon "toilette" ; au-dessus apparaît l'"astomac", en Morvan, l'estomac était tout à la fois la poitrine, le coeur, la gorge, les seins, le buste). Les poumons, le coeur, le foie sont encore les "couérées" ; le foie est la "couérée noire", les poumons la "couérée blanche". On attribuait à la rate l'origine du rire, on disait aussi qu'elle secrétait les "humeurs noires "! La vésicule biliaire était "l'amer".
Au dessus le l'estomac, les divisions du tube digestif se confondaient sous le nom de boyaux. On ne connaissait ni le duodenum, ni le jejunum, ni l'iléon, ni le caecum, ni le côlon. On savait seulement qu'il y avait un "petit boyau" et un "gros boyau". Le rectum était simplement appelé "le boyau du cul".
On dit encore pour le mollet ou le biceps, le "gras de la jambe", le "gras du bras", la "saignée du bras". Les aissellles étaient appelées par les anciens "les goussets".
A la suite d'une brûlure par exemple, lorsque la "peau morte" disparaît, ce qui frappe, c'est la régénération de la peau ; on fait "peau neuve". "Trancher dans le vif", c'est trancher dans le tissu vivant. Le tissu cellulaire sous-cutané est, dans le langage populaire, "l'entre cuir et chair".
Au point de vue de la physiologie, le sang, la bile, le phlegme étaient des "humeurs ou humeurs". On parlait aussi de "l'atrabile que personne n'a jamais vue. (On disait d'homme à humeurs noires, qu'il était "atrabiliaire).
Quand ces liquides ne se tempèrent pas réciproquement, celui qui l'emporte imprime à l'ensemble des fonctions organiques son caractère particulier. On dit encore un tempérament "sanguin" ou "biliaire" ou "phlegmatique".
L'expression avoir "le sang chaud" ou "le sang bouillant", tout comme "garder son sang-froid", sont toujours très employées. On dit que le sang monte à la tête.
La sueur, comme l'urine, n'est pas autre chose que de l'eau. On dit, en Morvan comme ailleurs, "être en eau" ou "être en nage" pour être en sueur.

  • Source : Le Morvan coeur de la France - J. Bruley - Tome II
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 14 avril 2020 à 11:50 (CEST)

Les maladies

En clinique, le symptôme qui domine tous les autres, c'est la fièvre. Elle appartient aussi bien aux maladies "dans les humeurs" qu'aux "maladies dans le sang ". Le frisson et la sensation de chaleur, qui appartiennent en rélité au même accés de fièvre, sont considérés comme indépendants : le premier résume de la "fièvre froide" et le second la "fièvre chaude".

Une "détornée" est une fièvre passagère ; on l'appelle aussi "fièvre de la fatigue" ou "fièvre des courbatures". La convalescence de cette fièvre est aussi longue et aussi pénible que celle d'une grande maladie. En Nivernais, on en sort "aquenité, éreinté, abraté" (éreinté équivaut à éreinté esquinté ; provençal esquina, dos échine). En Morvan, "éfianné " (fian, flanc, efflanqué).
La plus tristement populaire des fièvres éruptives a été longtemps la variole, qui devint par altération "varole ou vérole". La variole devint la "petite vérole", tandis que le terme "grande vérole" ou "vérole" était réservé à la syphilis.
La varicelle était appelée communément "p'tiote vérole vôlante".
La scarlatine et la rougeole étaient les fièvres "rouges".
Avoir les oreillons, c'était avoir les "giffes" (gonflement des joues).
Les dartres sont des diètres.
L'épilepsie est encore le "haut mal"
Un "beurdin" est encore, suivant la région, un étourdi, un brouillon, un imbécile ou un idiot.
Ce que les médecins et les chirurgiens appellent un "trauma", le peuple l'appellera toujours un "coup". La métaphore heureuse, le "coup de sang" est toujours très employée en Morvan, on dit aussi avoir une "attaque".

Pour de nombreux Morvandiaux, toute maladie avait pour cause la suppression de la transpiration ; aussi commençaient-ils, avant d'appeler le médecin, par une thérapeutique appropriée. Le malade s'administrait, à l'aide de la couète et de l'édredon, un bain de vapeur improvisé. "comme Encelade, écrivait de Docteur Bogros, il étouffe bien un peu sous cet "Etna" de plumes, mais il sue et il est satisfait, sinon guéri".

Pour prévenir ou combattre tous les maux, nos ancêtres trouvaient dans les plantes cultivées ou non de précieux remèdes. Les plantes étaient utilisées soit pour composer des cataplasmes, soit des tisanes, dont on instituait parfois de véritables régimes. On disait alors que "l'on buvait sur la fleur, la feuille, la tige ou 'l'écorce". de l'espèce végétale choisie. presuqe toutes les plantes utilisées par l'herboristerie étaient connues dans nos campagnes, et le jardin familial en refermeait plusieurs variétés.

  • Source : Le Morvan coeur de la France - J. Bruley - Tome II
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 14 avril 2020 à 11:58 (CEST)


Les remèdes populaires

Ampoule : Frotter avec des orties, traverser avec un fil de lin qu'on laisse dans l'ampoule.
Brûlures : Appliquer râpure de pomme de terre, gelée de groseilles, pétales d'oignons de lys conservés dans le l'huile de camomille , compresses de lait baratté, bouse de vache fraîche. Les forgerons utilisaient "l'huile de papier" ; ils brûlaient un journal sur l'enclume et appliquaient la condensation huileuse, jaunâtre, résultant de la combustion, sur la brûlure.
Cors aux pieds : Application sur le cor d'ail pilé ou de vert de poireau, Bain de pieds salé.
Coupures : Couvrir la plaie avec une toile d'araignée.
Constipation : Tisanes de chicorée sauvage et diverses plantes, lait de beurre baratté.
Diarrhée : Tisane de feuille de vigne, de chêne, de racine de fraisier.
Oeil : Laver avec eau chaude et camomille. Un oeuf frais pondu passé sur les yeux rend la vue claire. Morsures de vipère : Alcali et huile d'olive mélangés.
Reins : Se ceindre avec une ficelle de chanvre, se frotter avec des orties, appliquer sur les reins un petit sac d'avoine grillée. Saignement de nez : Faire lever le bras du côté de la narine qui saigne, appliquer sur la peau du dos, à la base du cou, une clé pleine.

On urinait sur les plaies et les coupures pour activer la cicatrisation, ou on les faisait lécher par un chien, la langue du chien avait, disait-on, la propriété d'accélérer la guérison. On saupoudrait aussi les coupures et les brûlures avec la poudre brune qui s'échappe des vesses de loups séchées (lyco-perdons)
Lorsque l'on tuait le cochon, on mettait de côté le fiel (laimer ou l'amer) ; on le faisait sécher, pendu à une poutre, et on s'en servait pour faire sortir les épines plantées sous la peau.

  • Source : Le Morvan coeur de la France - J. Bruley - Tome II, pages 90,91,92
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 14 avril 2020 à 11:32 (CEST)


Le Guérisseur - le Charmeur

Le "regôgnou", "rengougneu" ou "gôgneux"

Praticien de campagne qui est à la fois médecin, vétérinaire et sorcier. Plusieurs guérissent les malades avec des paroles mystérieuses (1), d'autres utilisent quelquefois des procédés que ne désavouerait pas la véritable science. Quelques-uns, en somme, réussissent de temps en temps dans leurs opérations. Le simple est le "gôgneur" ou "gougneur". Il est usité aux environs de Château Chinon. Les synonymes français "rebouteur", "renoueur"", "r'habilleur", prennent leur re-duplic, comme "regôgnou", qui paraît être dérivé de "gôgner", habiller, en sorte que "regôgneur" et "r'habilleur", renferment la même idée. En Bour "gogne" : "gonne", robe ou jupon.

"Les guérisseurs, en général, sont plus âpres au gain. Il est toujours cher le remède connu de lui seul, à lui transmis aussi fidèlement par son père, qu'il en transmettra le secret à son fils aîné. Presque tous les remèdes sont à la base de végétaux appartenant à la flore du pays. : ce qui fait qu'en certains endroits, le guérisseur est aussi appelé "l'herboriste" (2).

(1) Une formule de gôgneux, parmi quantité d'autres : "Aie confiance dans ce que je vais te dire si tu veux guérir : je te gôgne, et je te regôgne, je te dégogne. Si tu as l'entorce, je te désentorce, nerfs, mettez-vous ici ; os, rapprochez-vous là, et que tout se remette bien en place, comme le Créateur l'a mis quand tu es né. Offrande à avancer".

(2) Il est hors de doute que la médecine qui était pratiquée par les gôgneux ou guérisseurs morvandiaux, n'était autre que celle des druides, transmise de génération en génération.

  • Source : Le Morvan coeur de la France - J. Bruley - Tome II
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 14 avril 2020 à 12:37 (CEST)


Une paysanne morvandelle - 1847

Madeleine BARREAU, veuve LORIOT reçoit le premier prix Montyon decerné dans la Nièvre

Le 18 septembre 1847, autour de toutes les notabilités du département de la Nièvre, une affluence considérable était venue à Château Chinon, pour assister à la remise du prix Montyon , villagroise de Montsauche.

Discours de M. de Ruffey, juge de paix.

"Messieurs, l'Académie Française, dans sa séance de juillet dernier, a décerné une médaille et un prix de cinq cents à Madeleine Barreau, veuve Loriot, pauvre paysanne, dont la longue carrière a été admirable de bienfaisance et du pureté.
Pour vous fare connaître, messieurs, combien cette récompense est méritée, je vais esquisser quelques traits de la vie de cette vertueuse femme.

Madeleine Barreau est née à Moux, il y a plus de quatre-vingts dix ans. Après sa naissance, ses parents, pauvres laboureurs, vinrent exploiter le domaine de Montgirault, situé dans le lieu le plus agreste de cette commune. C'est là que jeune encore, elle épouse Joseph Loriot, homme probe, laborieux, bienfaisant comme elle ; et cette union si bien assortie a duré cinquante-sept ans.
De ses premières années où il s'agissait cependant pour elle de faire face à de nouveaux besoins, à de nouveaux devoirs, Madeleine, épouse et bientôt mère, jeta sur les pauvres un regard compatissant, et les malheureux des environs reconnurent promptement combien le coeur de la jeune fermière était zélé dans sa bienfaisance et dans sa bonne volonté ; Madeleine, qui ne pouvait disposer d'aucune somme, qui avait même à lutter contre les exigences d'une position dépendante, trouva dès lors un moyen ingénieux de secourir ses voisins : elle leur réserva une partie des terrains que cultivait son mari.
A la famille sans pain, elle consacra un petit champ ensemencé en sarrazin ou en pommes de terre ; à la famille sans vêtements, elle assigna quelques parcelles de chènevière, et à tous elle, elle prodigua dans les cas de maladie ou de détresse morales, ses visites, ses soins et ses consolations.
En 1817, année beaucoup plus mauvaise que celle que nous venons de traverser, Madeleine fut sublime de charité : elle avait des recoupes, du son ; ses vaches, comme par compassion donnaient beaucoup de lait, et de tout cela, la sainte femme faisait une bouillie qu'elle distribuait, chaque jour, aux malheureux qui affluaient à la ferme.
M. Nettement, ancien juge de paix de ce canton, ne put voir sans admiration la conduite généreuse de Madeleine Barreau, les bonnes oeuvres qu'elle accomplissait autour d'elle, l'ordre parfait qu'elle maintenait dans son ménage rustique ; il l'appela à l'exploitation d'une propriété plus considérable, située au bourg même de Montsauche. dans cette nouvelle position, l'active et bienveillante fermière ne perdit aucune de ses nobles qualités ; il sembla même que le zèle de sa charité s'accrut avec ses ressources. L'humble maison de Joseph Loriot, grâce à l'inépuisable bonté de sa femme devint l'hôtellerie des pauvres. Les voygeurs indigents, les petits Savoyards égarés dans ces montagnes où ils retrouvaient l'âpreté des hivers de leur patrie, les vieillards délaissés, tous les affligés en un mot eurent, dès lors, un libre accès à la ferme, et jamais devant l'âtre du foyer, ces hôtes du malheur n'entendirent un mot brusque, une parole blessante.
Pendant l'été, les pauvres de Madeleine, couchaient sur les fenils de la ferme, mais durant les froides nuits d'hiver, ils étaient recueillis dans les étables ou ils trouvaient une meilleure température ; et en toute saison, matin et soir, on les conviait à la table commune. Quelqu'un des convives tombait-il malade, la fermière déployait alors l'activité de son caractère, elle visitait sans cesse son malheureux protégé, lui apportait des boissons chaudes, des vêtements réparés, et surtout des bonnes paroles de consolation. Quand l'hôte, rendu à la santé, retournait à ses travaux ou continuait sa route, Madeleine l'accompagnait, d'un air joyeux jusque sur le seuil, et ne lui demandait, pour toute récompense de ses soins, que la promesse de se conduire honnêtement et d'aimer Dieu.
Apprend-elle qu'un indigent est malade, qu'une famille est inopinément privée de ses ressources ordinaires, ell va visiter la chaumière attristée ; un chaudron en fer balnc suspendu au bras et rempli d'oeufs ou de laitage, elle traverse les champs avec activité. C'est la soeur de la charité de nos campagnes, on est sûr de la trouver partout où il y a des infortunes à soulager. Telles sont, messierus, les actions qui ont mérité à Madeleine Barreau, veuve Loriot, la médaille de cinq cents francs que lui a decernée l'Académie, en attendant la céleste récompense promise à ses vertus.

J'éprouve le besoin, messieurs, de louer la pensée doublement bonne qui vous a réunis en aussi grand nombre. Vous avez voulu voir briller l'auréole d'un prix Montyon sur la tête octogénaire d'une humble villageoise et l'entendre glorifier par l'éloquente parole de l'honrable M. Dupin..."

C'était le premier prix Montyon que recevait le département de la Nièvre, et il était donné à une modeste paysanne morvandelle du canton de Montsauche.
de telles vertus, écrivait l'abbé Charrault, ne sont pas rares en Morvan.
"Ni bon vent, ni bonnes gens ! Oserez-vous, vils détracteurs, répéter ce blasphème ?"

  • Source : Le Morvan coeur de la France - J. Bruley - Tome I
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 15 avril 2020 à 18:20 (CEST)

L'égnime des " HUIS " du Morvan

Tous les huis sont situés sur le terrain granitique, c'est-à-dire en Morvan, sauf neuf qui débordent sur la frange liasique : un dans chacune des communes suivantes, Corbigny, Pazy, Crux la Ville et cinq dans la commune de Maux, du canton de Moulins Engilbert. le cas de cette dernière commune est assez curieux. en effet, , son groupe de cinq huis est séparé du bloc morvandeau par deux communes morvandelles, Saint Péreuse et Sermages, qui n'en possèdent pas.
La centaine d'huis morvandeaux est groupée dans une région bien délimitée, située du nord au sud, entre Avallon et Château Chinon. A l'ouest, la frontière entre le Morvan et le Bazois est également, grosso modo, celle des huis.
On pourrait dire que cette région est comprise entre la vallée de l'Yonne et celle de la Cure ; si quelques communes, toutes du canton de Château Chinon, ne s'éloignaient de quelques kilomètres de l'Yonne ( Blismes, Dommartin, Saint Hilaire en Morvan).
La Nièvre est de beaucoup le département le plus riche en Huis : plus de cent, cent dix-sept au moins.
Les "trois" du département de l'Yonne continuent ceux de la Nièvre. Par contre, les "cinq" du département de la Côte d'Or sont nettement séparés.


Signification

Incontestablement, le mot Huis veut dire maison. L' Huis-Bourgeot indique la maison à Bourgeot ; l'Huis-Chaumard, la maison à Chaumard.
Il est intéressant de remarquer que le Huis n'est pas le seul mot employé, dans la Nièvre, pour désigner la maison, Chez et Meix sont assez fréquents, mais dans une zone moins délimitée et débordant des frontières du Morvan.
Chez vient du mot latin casa : maison (exemple Chez-Moreau, la maison à Moreau).
La Chaise de Planchez est le même mot, mais moins évolué.
Meix ou Metz, du latin mansa : demeure (exemples : le Meix-Jeannin, la maison à Jeannin ; le Metz-Garnier, la maison à Garnier).


Ancienneté

La première apparition de l'Huis se trouve dans le cartulaire de l'évêché d'Autun. Une charte de 1252 mentionne Lulaqaîte au sujet d'une obligation de Godefroid, vicomte de Saulieu. D'après l'avis autorisé de M. Rossigneux, bibliothécaire à Autun : "Il s'agit évidemment de la transposition phonétique en latin du vocable "Huis-la-Gaiété".

Voici les relevés les plus anciens : L'Huis-au-Page : Gâcogne 1316. L'Huis-Bauché : Brassy 1330. l'Huis-Gourain : Montigny en Morvan 1426. L'Huis-Belin Brassy 1571. L'Huis-Doulains Mhère 1611. LHuis-Meulé Dun les Places 1620. L'Huis-au-Roi Saint Hilaire en Morvan 1671.

Ce n'est guère qu'à partir du XVIIème siècle que l'on trouve d'abondantes mentions dans les actes.

Graphie de l'Huis

L'orthographe moderne est l'Huis avec l'article séparé de " H " non aspiré.
On la trouve dans toutes les cartes récentes : Michelin état-major, Ministère de l'Intérieur, etc..., tandis que les cartes de Cassini (fin du XVIIIème siècle) portent l'Huis en un seul mot.
Les dictionnaires de la Nièvre, de Soultrait (1865) et de Vallières (1895), adoptent la forme moderne tandis que celui de Fay (1860) emploie toutes les graphies : l'Huis, l'Huy, l'Huie.
On peut dire que la séparation de l'article est relativement récente et que les formations anciennes sont Luie, Lhuie, Lhuye en un seul mot.

Origine gauloise

Daussat, le grand spécialiste en toponymie, suggère que Huis pourrait venir d'un mot gaulois Huxo : hauteur.
En dehors de toute considération philisophique, il ne semble pas que ce sens puisse convenir à nos "huis" qui sont bâtis aussi bien au fond des vallées que sur les sommets, et dont le peuplement se fait surtout dans le bas Morvan.

Origine latine

Si les noms des rivières, des montagnes sont souvent gaulois et même ligures, les noms des lieux habités viennent presque toujours du latin ou ont été romanisés. On a donc tout naturellement cherché une origine latine à nos Huis.
D'autant plus que l'ancien mot farnçais "Huis" vient tout de suite à l'esprit.
L'huis du Moyen-Age, de ossium, dans le sens de "porte", n'est plus employé que dans certaines locutions comme huis-clos.
Ce huis-porte peut-il être l'ancêtre de notre huis-maison.
Les partisans de cette étymologie, comme Dupin et, dans une certaine mesure, de Chambure, prétendent qu'il y a là un cas de synecdote ou de métonymie qui fait prendre la partie pour le tout. On dit qu'un hameau a tant de feux pour tant de maisons
Pour donner plus de poids à cette interprétation, on dit que les chaumières morvandelles étaient très petites et que la porte unique avait grande importance.
D'autres pensaient que nos maisons ont pris le nom "huis" parce qu'elles se trouvent sur un passage et constituent une porte.
Cela est vrai pour le seul Lhuis qui existe en dehors de notre région : lhuis, chef-lieu de canton de l'Ain. Un correspondant nous écrit : " Du fait de sa situation dominant le Dauphiné et de l'entrée du village par deux gorges très prononcées et très étroites, ce village est la porte du Bas-Bugey".
Est-ce bien le cas de nos "huis" ?
Un professeur d'université considère qu'il n'est pas impossible que "huis" vienne d' "Hospitale", mot latin qui à donner hôtel, maison privée.
Enfin, le vicomte Henri de Champ, soutenait avec énergie que "Luis" venait de locum : lieu. Il prétendait, non sans raison, qu'en patois on prononçait et on prononce encore "lieu" (exemple : l'Huis-le-Sâtre = Lieu-Recette).
Il n'est pas inutile qu'il existe, dans la Nièvre, trente-trois noms de lieux-dits portant le nom de lieu dans le sens de maison (exemple : Lieu-Moreau, ma maison Moreau ; Lieu-Brisset, pour la mason à Brisset).

Origine franque

Levainville, dans sa géographie humaine du Morvan, compare l'Huis au Hofen allemand. Bogros Edmond, invoquant l'autorité du dictionnaire Furetière, écrit : "Le mot "huis" viendrait de l'ancien saxon Huys, maison". et il admet que ce mot nous a été laissé par les Germains. De Chambure dans son Glossaire du Morvan indique aussi cette étymologie, sans prendre nettement parti.
L'auteur de cet exposé a vu sur des bureaux de poste de la Belgique flamande l'inscription Huis-Post. Les Flamands et les Hollandais, qui visitent notre région, trouvent aux Huis morvandeaux un air de leur pays.
Nos "huis" seraient-ils les cousins de l'huis flamand, de l' house anglais, de l'haus allemand ?
En Flandre et en Allemange, huis a surtout été employé comme suffixe pour former les noms de lieux comme Chaphuise, Waldenhuise. Nos ancêtres éduens ont pu, en l'adoptant, l'employer d'une autre façon, à la mode de "chez" et des Meix. Mais comment expliquer cette intrusion d'un mot germanique dans notre pays ?
Cette invasion des "huis" a très bien pu coïncider avec l'invasion franque. Les historiens admettent généralement que le Morvan a été pénétré à l'est par les Burgondes, à l'ouest par les Francs, dans la vallée de l'Yonne.
Pénétration certainement moins importante et moins profonde que le prétend Bogros Edmond, mais qui a pu correspondre à notre région des "Huis".

  • : Source : Le Morvan coeur de la France - J. Bruley - Tome II