« Le morvandiau (paysan) » : différence entre les versions

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Version du 14 avril 2020 à 13:53

Les croyances: l'exemple de la sorcellerie

On s'explique difficilement qu'à l'aube du 20ème siècle, alors que l'instruction est répandue à profusion jusque dans les plus petites localités, la croyance aux sorciers soit encore profondément enracinée dans certains pays, notamment dans le Morvan. Les faits ci-après rapportés en fournissent la preuve.

Philibert C...., âgé de 30 ans, propriétaire-cultivateur, demeurant au hameau de Boulois, commune d'Ouroux, se croit ensorcelé par ses voisins, qui lui auraient « jeté un sort ». Pour arriver à rompre le maléfice, il a consulté, paraît-il, un des grands maîtres de la sorcellerie, habitant Château-Chinon. Nul autre ne sait mieux dévoiler l'avenir, rompre les maléfices, en signaler les auteurs, faire retrouver les objets perdus, ou encore revenir le lait des vaches, enlever la vermine des animaux, faire gagner un procès compromis, faire réussir des mariages, etc..., etc... Dans les localités voisines telles que Gacôgne, Dun-les-Places et Chaumard on trouve bien des sorciers, mais aucun n'est à la hauteur du grand pontife qui étend son cercle d'action dans tout l'arrondissement. Il est avéré que lorsqu'une personne ensorcelée «suit un traitement» pour détruire le sort qui lui a été jeté, elle ne doit, pas plus que les gens de sa maison, chercher à converser avec les voisins qu'il faut éviter d'accoster pendant tout le « temps prescrit » par le maître sorcier, sans quoi le maléfice persiste et tout est à recommencer.

C'est ce qu'ignorait probablement Mme Angélique LEGER, demeurant audit lieu de Boulois, mais à présent elle est complètement édifiée sur ce point.

Lundi dernier, 7 mai, à neuf heures du matin, Mme LEGER se rendait dans un de ses champs, quand elle rencontré le jeune domestique de son voisin l'ensorcelé. Sans s'arrêter, elle lui demanda où il allait : - « Travailler dans le champ de mon maître » répondit l'enfant. Cette conversation, bien anodine cependant, mais suffisante pour détruire l'effet du traitement prescrit, parvint aux oreilles de C... qui s'élança à la poursuite de sa voisine, à laquelle il aurait, parait-il, sans autre explication, administré un vigoureux coup de poing sur l'œil gauche, suivi d'un non moins vigoureux coup de pied dans les jambes, après quoi il prit la fuite.

Revenue de son ahurissement, Mme LEGER se rendit péniblement à Montsauche, où le docteur ALOMBERT lui fit un premier pansement. Elle alla ensuite trouver le brigadier de gendarmerie, qui se rendit à Boulois pour procéder à une enquête. La justice sera saisie; si les faits rapportés plus haut sont reconnus exacts, l'agresseur sera puni, mais le grand-maître sorcier, véritable auteur responsable, continuera d'exercer, au vu et au su de tout le monde, sa coupable industrie. Cette profession d'attrape-nigauds, qui ne demande aucune mise de fonds et n'est pas sujette à patente, demanderait cependant à être surveillée dans l'intérêt de la sécurité publique.

Le Journal de la Nièvre – 09/05/1900


--Patrick Raynal 17 mai 2014 à 09:44 (CEST)

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La médecine populaire traditionnelle

Cette médecine, pratiquée encore au 19ème siècle et début 20ème, à une époque où les visites du médecin étaient considérées comme un luxe coûteux, a maintenant presque disparu. Il en subsiste néanmoins de nombreuses expressions profondément enracinées dans le langage qui fournit les expressions les plus sincères et les plus imagées.
La médecine populaire respectait les croyances, les remèdes et pratiques des chirurgiens des villages (au moyen-âge : chirurgien-barbier), ancêtres de nos médecins, et dont les regogneux morvandiaux semblaient bien être les dignes successeurs.
Quelles étaient donc, dans nos campagnes, au 19ème siècle, les connaissances en anatomie ? La connaissance de la configuration et du rapport de nos organes ne pouvant reposer pour nos pères que sur leur assimilation avec ceux des animaux domestiques, du cochon en particulier, qui a la désobligeance réputation d'être très voisin de nous par ses viscères.

Pour nos paysans, le corps était composé de la peau, des os, de la "tripaille" ; les muscles, qui représentent en poids la moitié de l'organisme, n'étaient, pour eux, que " viande ".
Les os ne comportaient pas de nomenclature bien variée, nos Morvandiaux les appelaient les " calaux ", du radical celtique " cal "; qui signifie dur. Les quatorze os de la tête n'avaient pas de noms distrinct. La tête était généralement désignée sous le nom de " cabouèche " (cabaoche, mot utilisé en vieux français, même dans le style élevé).
La colonne vertébrale était plutôt appelée l'épine dorsale. Les côtes ne semblent pas avoir eu de synonyme. L'omoplate était la " palette du dos " ; les os du poignet et de la main : " les osselets ". Les termes de " petits et grands fossiles " pour le radius et le cubitus, ont été quelque peu employés. La jambe se compose, comme l'avant-bras, d'un grand et d'un petit " fossiles ". Le grand fossile, c'est-à-dire le tibia, était jadis " los de la grève " ou plus brièvement la " sous -grève ".
Les termes désignant les os semblent plutôt avoir été utilisés par les " régôgneux " ou " régôgnous "( à la fois médecins, vétérinaires et parfois "sorciers")
La rotule était la "roualle du genou ou palette du genou), et la cuisse, "lai qeuche ou queusse". les jambes étaient souvent appelées les " guiboles " (mot celtique gallois ; guibol ou c'huibol, cornique huibol ; jambe, tige, flûte).
L'éminence allongée, sous laquelle apparaît le bord externe de l'os coxal, est encore appelée " l'ainche ou l'aince " (mot celtique que l'on fait dériver généralement du haut allemand "ancha").
La partie musculaire du dos était "le filet des reins ou des rouins").
En ce qui concerne les autres parties anatomiques, on disait la "nique ou niquotte du cou" pour la nuque ; la "garguille" pour le cou ; le "garguillot" était le gosier, la gorge et par extension le cou ; "Garlutrot ou lutrot" désignait également le canal qui sert à la respiration, la gorge, le gosier. "Babouines" (terme de moquerie) servait à désigner de grosses lèvres. "Lofre" voualit dire lèvre proéminente (un "lofré", était celui qui avait de grosses lèvres, par extension, un goinfre, un avale-tout).
Un vieux mot, le "babignon", que nous retrouvons dans le patois de M. Guillaume ( de Saulieu ), désignait le menton. On disait aussi le "soufflet" pour les poumons.
L'épigaste était généralement connu sous le nom de "creux de l'estomac ou astomac". Le ventre était la "panse" (pantex, pantiis ventre) ou la "beude" (du celtique both qui exprime une rondité).
Le nombril était le "nombeillot, rambillot ou lambeillot". La première chose qui frappe à l'ouverture de l'abdomen est l'épiploon "toilette" ; au-dessus apparaît l'"astomac", en Morvan, l'estomac était tout à la fois la poitrine, le coeur, la gorge, les seins, le buste). Les poumons, le coeur, le foie sont encore les "couérées" ; le foie est la "couérée noire", les poumons la "couérée blanche". On attribuait à la rate l'origine du rire, on disait aussi qu'elle secrétait les "humeurs noires "! La vésicule biliaire était "l'amer".
Au dessus le l'estomac, les divisions du tube digestif se confondaient sous le nom de boyaux. On ne connaissait ni le duodenum, ni le jejunum, ni l'iléon, ni le caecum, ni le côlon. On savait seulement qu'il y avait un "petit boyau" et un "gros boyau". Le rectum était simplement appelé "le boyau du cul".
On dit encore pour le mollet ou le biceps, le "gras de la jambe", le "gras du bras", la "saignée du bras". Les aissellles étaient appelées par les anciens "les goussets".
A la suite d'une brûlure par exemple, lorsque la "peau morte" disparaît, ce qui frappe, c'est la régénération de la peau ; on fait "peau neuve". "Trancher dans le vif", c'est trancher dans le tissu vivant. Le tissu cellulaire sous-cutané est, dans le langage populaire, "l'entre cuir et chair".
Au point de vue de la physiologie, le sang, la bile, le phlegme étaient des "humeurs ou humeurs". On parlait aussi de "l'atrabile que personne n'a jamais vue. (On disait d'homme à humeurs noires, qu'il était "atrabiliaire).
Quand ces liquides ne se tempèrent pas réciproquement, celui qui l'emporte imprime à l'ensemble des fonctions organiques son caractère particulier. On dit encore un tempérament "sanguin" ou "biliaire" ou "phlegmatique".
L'expression avoir "le sang chaud" ou "le sang bouillant", tout comme "garder son sang-froid", sont toujours très employées. On dit que le sang monte à la tête.
La sueur, comme l'urine, n'est pas autre chose que de l'eau. On dit, en Morvan comme ailleurs, "être en eau" ou "être en nage" pour être en sueur.

  • Source : Le Morvan coeur de la France - J. Bruley - Tome II
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 14 avril 2020 à 11:50 (CEST)


Les maladies

En clinique, le symptôme qui domine tous les autres, c'est la fièvre. Elle appartient aussi bien aux maladies "dans les humeurs" qu'aux "maladies dans le sang ". Le frisson et la sensation de chaleur, qui appartiennent en rélité au même accés de fièvre, sont considérés comme indépendants : le premier résume de la "fièvre froide" et le second la "fièvre chaude".

Une "détornée" est une fièvre passagère ; on l'appelle aussi "fièvre de la fatigue" ou "fièvre des courbatures". La convalescence de cette fièvre est aussi longue et aussi pénible que celle d'une grande maladie. En Nivernais, on en sort "aquenité, éreinté, abraté" (éreinté équivaut à éreinté esquinté ; provençal esquina, dos échine). En Morvan, "éfianné " (fian, flanc, efflanqué).
La plus tristement populaire des fièvres éruptives a été longtemps la variole, qui devint par altération "varole ou vérole". La variole devint la "petite vérole", tandis que le terme "grande vérole" ou "vérole" était réservé à la syphilis.
La varicelle était appelée communément "p'tiote vérole vôlante".
La scarlatine et la rougeole étaient les fièvres "rouges".
Avoir les oreillons, c'était avoir les "giffes" (gonflement des joues).
Les dartres sont des diètres.
L'épilepsie est encore le "haut mal"
Un "beurdin" est encore, suivant la région, un étourdi, un brouillon, un imbécile ou un idiot.
Ce que les médecins et les chirurgiens appellent un "trauma", le peuple l'appellera toujours un "coup". La métaphore heureuse, le "coup de sang" est toujours très employée en Morvan, on dit aussi avoir une "attaque".

Pour de nombreux Morvandiaux, toute maladie avait pour cause la suppression de la transpiration ; aussi commençaient-ils, avant d'appeler le médecin, par une thérapeutique appropriée. Le malade s'administrait, à l'aide de la couète et de l'édredon, un bain de vapeur improvisé. "comme Encelade, écrivait de Docteur Bogros, il étouffe bien un peu sous cet "Etna" de plumes, mais il sue et il est satisfait, sinon guéri".

Pour prévenir ou combattre tous les maux, nos ancêtres trouvaient dans les plantes cultivées ou non de précieux remèdes. Les plantes étaient utilisées soit pour composer des cataplasmes, soit des tisanes, dont on instituait parfois de véritables régimes. On disait alors que "l'on buvait sur la fleur, la feuille, la tige ou 'l'écorce". de l'espèce végétale choisie. presuqe toutes les plantes utilisées par l'herboristerie étaient connues dans nos campagnes, et le jardin familial en refermeait plusieurs variétés.

  • Source : Le Morvan coeur de la France - J. Bruley - Tome II
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 14 avril 2020 à 11:58 (CEST)


Les remèdes populaires

Ampoule : Frotter avec des orties, traverser avec un fil de lin qu'on laisse dans l'ampoule.
Brûlures : Appliquer râpure de pomme de terre, gelée de groseilles, pétales d'oignons de lys conservés dans le l'huile de camomille , compresses de lait baratté, bouse de vache fraîche. Les forgerons utilisaient "l'huile de papier" ; ils brûlaient un journal sur l'enclume et appliquaient la condensation huileuse, jaunâtre, résultant de la combustion, sur la brûlure.
Cors aux pieds : Application sur le cor d'ail pilé ou de vert de poireau, Bain de pieds salé.
Coupures : Couvrir la plaie avec une toile d'araignée.
Constipation : Tisanes de chicorée sauvage et diverses plantes, lait de beurre baratté.
Diarrhée : Tisane de feuille de vigne, de chêne, de racine de fraisier.
Oeil : Laver avec eau chaude et camomille. Un oeuf frais pondu passé sur les yeux rend la vue claire. Morsures de vipère : Alcali et huile d'olive mélangés.
Reins : Se ceindre avec une ficelle de chanvre, se frotter avec des orties, appliquer sur les reins un petit sac d'avoine grillée. Saignement de nez : Faire lever le bras du côté de la narine qui saigne, appliquer sur la peau du dos, à la base du cou, une clé pleine.

On urinait sur les plaies et les coupures pour activer la cicatrisation, ou on les faisait lécher par un chien, la langue du chien avait, disait-on, la propriété d'accélérer la guérison. On saupoudrait aussi les coupures et les brûlures avec la poudre brune qui s'échappe des vesses de loups séchées (lyco-perdons)
Lorsque l'on tuait le cochon, on mettait de côté le fiel (laimer ou l'amer) ; on le faisait sécher, pendu à une poutre, et on s'en servait pour faire sortir les épines plantées sous la peau.

  • Source : Le Morvan coeur de la France - J. Bruley - Tome II, pages 90,91,92
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 14 avril 2020 à 11:32 (CEST)


Le Guérisseur - le Charmeur

Le "regôgnou", "rengougneu" ou "gôgneux"

Praticien de campagne qui est à la fois médecin, vétérinaire et sorcier. Plusieurs guérissent les malades avec des paroles mystérieuses (1), d'autres utilisent quelquefois des procédés que ne désavouerait pas la véritable science. Quelques-uns, en somme, réussissent de temps en temps dans leurs opérations. Le simple est le "gôgneur" ou "gougneur". Il est usité aux environs de Château Chinon. Les synonymes français "rebouteur", "renoueur"", "r'habilleur", prennent leur re-duplic, comme "regôgnou", qui paraît être dérivé de "gôgner", habiller, en sorte que "regôgneur" et "r'habilleur", renferment la même idée. En Bour "gogne" : "gonne", robe ou jupon.

"Les guérisseurs, en général, sont plus âpres au gain. Il est toujours cher le remède connu de lui seul, à lui transmis aussi fidèlement par son père, qu'il en transmettra le secret à son fils aîné. Presque tous les remèdes sont à la base de végétaux appartenant à la flore du pays. : ce qui fait qu'en certains endroits, le guérisseur est aussi appelé "l'herboriste" (2).

(1) Une formule de gôgneux, parmi quantité d'autres : "Aie confiance dans ce que je vais te dire si tu veux guérir : je te gôgne, et je te regôgne, je te dégogne. Si tu as l'entorce, je te désentorce, nerfs, mettez-vous ici ; os, rapprochez-vous là, et que tout se remette bien en place, comme le Créateur l'a mis quand tu es né. Offrande à avancer".

(2) Il est hors de doute que la médecine qui était pratiquée par les gôgneux ou guérisseurs morvandiaux, n'était autre que celle des druides, transmise de génération en génération.

  • Source : Le Morvan coeur de la France - J. Bruley - Tome II
  • Transcripteur : Mabalivet (discussion) 14 avril 2020 à 12:37 (CEST)