La papeterie de Sembrèves au 17ème siècle

De Wiki58
Aller à la navigationAller à la recherche

En 1661, le 7 mai, on trouve une tractation relative à une pièce de pré « assise en la justice de Sembrèves, lieu dit la Boulotte, tenant du chemin de Sembrèves à la papeterie dudit lieu[not 1] ». Le 4 août 1662, par-devant maître Eugin Boutheron, tabellion à Moulot, hameau de Clamecy, cher à mon oncle Benjamin, un acte concernant un marché de réparations est passé. Par cet acte, André Loiseau maître papetier demeurant à la papeterie de Sembrèves et François Lemoine, maçon, demeurant à Moulot, s'obligent corps et biens envers Messire Yriex de Gentil, écuyer, seigneur des Barres, Moulot et autres lieux, de faire raccommoder en la papeterie de Sembrèves, appartenant audit seigneur :

La fenêtre qui est dans la chambre de la papeterie ; plus faire une autre fenêtre en la salle à papier du côté de la rivière, une cheminée pour la cuve à papier, remettre les deux roues à la suite l'une de l'autre et dans un même chemin, faire deux fenêtres pour poser les deux arbres desdites roues et reboucher celles où ils sont de présent, faire trois murailles dans la chambre de moulière tirant d'une gouttière à l'autre pour icelle faire de la hauteur du plancher ; mettre la chaudière de où elle est en la petite voûte et dans icelle y faire une cheminée, faire une fenêtre dans la chambre du délissoir qui sera de hauteur de trois pieds et deux pieds de large, creuser la rivière depuis le moulin de ladite papeterie jusqu'à quatre-vingt toises au-dessous, savoir : de huit pieds de large et icelle creuser vers lesdites roues de quatre pieds et toujours à proportion jusqu'à ladite longueur qui doit être de deux pieds pour faire deux roues toutes à neuf pour ladite papeterie, faire une vis pour la presse, mettre les moulins plus bas qu'ils ne sont et creuser la fontaine qui est en ladite papeterie, faire et parfaire la besogne pour rendre la papeterie « en bon et suffisant état... pour faire papier ». Ils devront faire travailler aux réparations sans discontinuer. André Loiseau et le maçon Lemoine seront tenus « de tirer la pierre qu'il conviendra pour les choses susdites » et recevront pour leurs peines et salaires la somme de cent vingt quatre livres.

Ces réparations effectuées en 1662, nous confirment l'ancienneté de la papeterie de Sembrèves.

André Loiseau est le plus ancien des maîtres papetiers que, jusqu'ici, il nous a été loisible de connaître. Nous le rencontrons passant des actes chez le notaire Boutheron, assistant en l'église paroissiale d'Oisy à des baptêmes, mariages, sépultures. Tous ces actes portent sa signature, et il y est toujours qualifié de maître papetier.

Le 3 juillet 1665, maître Eugin Boutheron se rend à la papeterie pour y dresser le contrat de mariage de Marie Doisnel, fille de Jeanne Loiseau, sœur et associée d'André Loiseau, veuve de Pierre Doisnel et d'Alexandre Mousseron, âgé de vingt ans ou environ, fils de Romain Mousseron, marchand demeurant à Cosne-sur-Loire. Le marié est assisté de son père, la mariée de sa mère, de son oncle, avec lesquels elle habite et de ses deux sœurs. Signe en outre au contrat, Jean Philippe, compagnon papetier à Sembrèves.

Le 24 février 1666, au même lieu, le même notaire instrumentant, est signé le contrat de mariage d'une jeune fille du pays, Anne Devilliers, enfant de maître Jacques Devilliers et Pierrette Musnier, habitants de Sembrèves et de Louis Douard, compagnon papetier, originaire de Cours-sur-Loire, pays de Touraine, âgé d'environ trente ans, assisté de son cousin Georges Fevrier, très probablement compagnon papetier, car tous deux résident à la papeterie. La mariée est entourée de ses parents, de son parrain et de plusieurs amis. André Loiseau et sa sœur et associée Jeanne signent le contrat.

Parmi les nombreux actes reçus par maître Eugin Boutheron, l'un daté de 1666 est particulièrement précieux, car il rappelle le bail passé par devant Bige, notaire, le 3 décembre 1662, entre Yriex de Gentil « pour sa papeterie» et André Loiseau papetier demeurant à Sembrèves.
L'acte, en mauvais état, nous fait connaître le prix du bail : 175 livres annuellement. Il spécifie qu'André Loiseau est tenu de faire signifier au sieur Bernard, prévôt des maréchaux de La Charité-sur-Loire afin qu'il vienne établir bureau en la papeterie de Sembrèves, « pour faire par lui, déclaration du papier qu'il pourra fabriquer en icelle ».

Le 11 juin 1666, notre tabellion procède à la dissolution de la communauté et association existant entre Jeanne Loiseau et son frère André, papetiers, demeurant au Moulin à papier de Sembrèves. Mais, si André Loiseau renonce à l'exploitation de la petite usine, celle-ci n'est pas abandonnée par sa sœur Jeanne, qui, conjointement avec son gendre Alexandre Mousseron, a passé en l'étude Boutheron à Moulot, accense de la papeterie, accence consentie par Messire Yriex de Gentil, seigneur de Barres, Sembrèves, Moulot et du Boulay, paroisse de Druyes où il demeure[not 2]

Yriex de Gentil, baille pour six années aux deux maîtres papetiers, moyennant la somme payée chaque année de 300 livres, à dater du 15 avril dernier :

  • Un corps de logis où il y a une papeterie qui se consiste en deux roues tournantes, chambres, étendoirs garnis de leurs cordages et autres choses nécessaires à un papetier,
  • trois pichets, feutres propres à faire papier, sept piles garnies chacune de leur toilette, avec une cuve, son pistolet, deux petits seaux, une bacholle, le tout de bois,
  • une presse pour servir à ladite cuve, une paire de ciseaux, à rogner papier, une presse dans la salle des deux roues...,
  • une grande chaudière, deux bassines, le tout d'airain et aussi une paire de forces et une à carton, trois châlits, une table, deux bancs, un millier de drapeaux, bon, loyal et marchand...
  • avec les prés, aisances et appartenances de ladite papeterie assise en la justice de Sembrèves et la coupe et superficie d'un buisson sis en la même justice au lieu de La Colombière, tous lieux que Jeanne Loiseau dit bien connaître pour en avoir joui les six années précédentes en société avec son frère André.

Outre les 300 livres d'accense, les preneurs devront chaque année, fournir au bailleur six rames de papier dont quatre de commun, le jour de Saint-Jean-Baptiste. Le propriétaire est tenu de l'entretien des murailles, les pelles étant entretenues à frais communs ; les papetiers devront en temps de flottage manœuvrer les pelles pour permettre le passage des bois et en fin de bail, rendre un millier de drapeaux. Il leur est notifié de prévenir le prévôt de maréchaux de La Charité de leur prise de possession.

L'exploitation du moulin à papier par Alexandre Mousseron et sa belle-mère fut éphèmère. Le 5 mai 1669, dame Marie Andras, munie de la procuration de son époux, messire Yriex de Gentil, écuyer, seigneur des Barres, Sembrèves, Moulot, seigneur du Boulay, paroisse de Druyes, y demeurant, accense pour trois années à commencer du 1er mai, la papeterie, prés et terres de Sembrèves, en l'étude du tabellion de Moulot, à Benoît Vacherias, papetier, demeurant à Sembrèves aux mêmes conditions qu'elle l'avait été précédemment. Et le 25 juillet de cette année, François de Gentil, au nom de son père Yriex, donne quittance à Alexandre Mousseron, qualifié de marchand, demeurant à Clamecy, se déclarant satisfait de l'exécution du bail[not 3]. Le 21 avril 1674, Benoit Vacherias, acquiert un quartier de terre labourable de Pierre Pic le jeune, laboureur, demeurant à Paroy, paroisse d'Oisy. Il abandonne la papeterie en 1675[not 4]

Le 16 juin de cette année, messire Yriex de Gentil se rend chez le notaire Eugin Boutheron pour concéder à bail à Pierre Raimbault, papetier, demeurant à Sembrèves, la petite manufacture. La description en est toute semblable à celle figurant dans les précédents actes ; la durée du bail est de six ans, le prix de location annuel de 300 livres. On oublie pas d'y mentionner qu'en fin de bail, un millier de drapeaux bon, loyal et marchand, doit être restitué et que chaque année, il faudra fournir à l'accenseur six rames de papier fin et quatre de commun et l'on rappelle l'obligation d'informer le prévôt des maréchaux en résidence à La Charité du nouveau bail de la papeterie, afin qu'il y vienne prochainement tenir bureau pour y recevoir par le preneur, déclaration des papiers et marchandises qui s'y pourront fabriquer et le montant des droits qui seront dus[not 5]. Pierre Raimbault était un ouvrier papetier, il habitait la papeterie en 1671. Le 1er mars de cette année, il achetait du meunier de Trucy-l'Orgueilleux, une maison assise à Sembrèves, consistant en « un chauffoir, évier dessous, grenier dessus et jardin attenant ».

Bien courte exploitation fut celle de Pierre Raimbault, car un nouveau bail est passé à Druyes-les-Belles-Fontaines en l'étude de maître Rameau, le 25 novembre 1677 - une copie de cet acte est conservée dans les dossiers de 1687, du notaire de Moulot - entre François de Gentil ayant pouvoir spécial de son père Yriex et Aubin Belin, meunier, demeurant au moulin à farine de Latraut, paroisse de Breugnon, situé à quelques centaines de mètres de Sembrèves. La description de la papeterie est conforme à celles inscrites dans les baux antérieurs, la durée de l'accense est de six années, des meuniers sont tenus aux mêmes servitudes, l'exploitant de la papeterie devant fournir trois rames de papier fin, quatre de commun, le prix du loyer étant de 270 livres, payé en quatre termes égaux, de trois mois en trois mois à dater du premier jour d'octobre. Le premier jouira de la terre labourable dépendant de la papeterie ; il sera tenu de faire toutes les réparations qu'il conviendra aux murailles et encore de faire moudre pour la nourriture du personnel le blé qu'il commandera au moulin à blé de Sembrèves, appartenant au seigneur du lieu, propriétaire de la papeterie. Remarquons au passage qu'Aubin Belin, est propriétaire et exploitant du moulin de Latraut, moulin à moudre blé. Le droit de passage des bois descendant la petite rivière du Sauzay et obligeant à manœuvrer les vannes se partagera également entre propriétaire et locataire.

Cependant, le rendement de la petite papeterie, étant devenu sans doute moins important, lorsque Aubin Belin et Jeanne Pizy, sa femme font réviser le bail trois ans plus tard (1er décembre 1680, Boutheron, notaire) à des conditions d'exploitation toujours semblables, le prix d'accense n'est plus que de 250 livres. Ce contrat porte un détail qui a son intérêt ; les preneurs reconnaissent au bailleur Yriex de Gentil, représenté par son fils François, une somme de 200 livres, dans laquelle est comprise la valeur de deux milliers de drapeaux achetés au sieur Aulieu, marchand à Corbigny.

Les Belin, gens du pays se consacrèrent longtemps au service de la papeterie. Ils en renouvelèrent le bail pour six années en mai 1687 au prix de 200 livres. Leur fils Jean travaille avec son père à la papeterie. Le 19 février 1685, il a épousé en l'église d' Oisy, Etiennette, âgée de dix-neuf ans, fille du notaire Eugin Boutheron, lieutenant de Sembrèves et Moulot et de Philberte Graillot. Le marié a vingt ans. Aubin Belin est alors dit fermier de la terre de Sembrèves et a très probablement partagé, la gestion de la papeterie avec son fils. Le 11 mars 1695, il reconnaît en un acte passé devant maître Betheron, notaire à Clamecy, où il est dit meunier, ci-devant papetier, devoir 55 livres, 16 sols, 8 deniers pour son abonnement des droits de contrôle pour le papier fabriqué à Sembrèves. En d'autres contrats, Aubin et son fils Jean sont dits maîtres papetiers.


Source

  • Gallica : Vie et mort d'une industrie nivernaise : la papeterie de Sembrèves (avant 1661-1835) par Madeleine Saint-Éloy.


Notes et références

Notes

  1. (5)
  2. (6)
  3. (7)
  4. (8)
  5. (9)

References