« La papeterie de Sembrèves (avant 1661-1835) » : différence entre les versions

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*On lit dans la statistique de l'arrondissement de Clamecy publiée par Delamarre, sous-préfet en 1832<small><sup> (1)</sup></small> : « Au premier rang des établissements industriels se trouve la belle papeterie de Villette, commune de [[Villages Corvol l'Orgueilleux|<u>Corvol-l'Orgueilleux</u>]], qui est en pleine activité, peut employer trois cents ouvriers dont les trois quarts sont des femmes et des enfants. Une autre papeterie, celle établie à Sembrèves, commune d'Oisy, quoique beaucoup moins importante fait vivre plusieurs familles ». Et, à la page 93 de son ouvrage, le sous-préfet indique à l'article concernant la commune d'Oisy, qu'elle compte huit cent trois habitants, que la garde nationale y est forte de cent vingt hommes et que la rivière de [[Rivière Sauzay|<u>Sauzay</u>]]<small><sup>(2)</sup></small> traverse l'extrémité sud de cette commune et y fait mouvoir une papeterie dite de Sembrèves.<br>
*On lit dans la statistique de l'arrondissement de Clamecy publiée par Delamarre, sous-préfet en 1832<small><sup> (1)</sup></small> : « Au premier rang des établissements industriels se trouve la belle papeterie de Villette, commune de [[Villages Corvol l'Orgueilleux|<u>Corvol-l'Orgueilleux</u>]], qui est en pleine activité, peut employer trois cents ouvriers dont les trois quarts sont des femmes et des enfants. Une autre papeterie, celle établie à Sembrèves, commune d'Oisy, quoique beaucoup moins importante fait vivre plusieurs familles ». Et, à la page 93 de son ouvrage, le sous-préfet indique à l'article concernant la commune d'Oisy, qu'elle compte huit cent trois habitants, que la garde nationale y est forte de cent vingt hommes et que la rivière de [[Rivière Sauzay|<u>Sauzay</u>]]<small><sup>(2)</sup></small> traverse l'extrémité sud de cette commune et y fait mouvoir une papeterie dite de Sembrèves.<br>
*En 1835, on ne trouve plus trace de cette manufacture qui existait de temps immémorial et semble avoir été remplacée par un moulin à moudre le blé, dit Moulin Savard. On oublia la papeterie, mais un refrain cocasse que chantaient les Clamecycois, allant à la cueillette des champignons sur la chaume de Fertiaux, perpétua dans le dernier quart du XIX<small><sup>e</sup></small> siècle, le souvenir des papetiers<small><sup>(3)</sup></small>.<br>
*En 1835, on ne trouve plus trace de cette manufacture qui existait de temps immémorial et semble avoir été remplacée par un moulin à moudre le blé, dit Moulin Savard. On oublia la papeterie, mais un refrain cocasse que chantaient les Clamecycois, allant à la cueillette des champignons sur la chaume de Fertiaux, perpétua dans le dernier quart du XIX<small><sup>e</sup></small> siècle, le souvenir des papetiers<small><sup>(3)</sup></small>.<br>

Version du 15 octobre 2013 à 19:18

L'emplacement de la papeterie
  • On lit dans la statistique de l'arrondissement de Clamecy publiée par Delamarre, sous-préfet en 1832 (1) : « Au premier rang des établissements industriels se trouve la belle papeterie de Villette, commune de Corvol-l'Orgueilleux, qui est en pleine activité, peut employer trois cents ouvriers dont les trois quarts sont des femmes et des enfants. Une autre papeterie, celle établie à Sembrèves, commune d'Oisy, quoique beaucoup moins importante fait vivre plusieurs familles ». Et, à la page 93 de son ouvrage, le sous-préfet indique à l'article concernant la commune d'Oisy, qu'elle compte huit cent trois habitants, que la garde nationale y est forte de cent vingt hommes et que la rivière de Sauzay(2) traverse l'extrémité sud de cette commune et y fait mouvoir une papeterie dite de Sembrèves.
  • En 1835, on ne trouve plus trace de cette manufacture qui existait de temps immémorial et semble avoir été remplacée par un moulin à moudre le blé, dit Moulin Savard. On oublia la papeterie, mais un refrain cocasse que chantaient les Clamecycois, allant à la cueillette des champignons sur la chaume de Fertiaux, perpétua dans le dernier quart du XIXe siècle, le souvenir des papetiers(3).
  • Dans le minutier des notaires clamecycois, conservé aux Archives départementales de la Nièvre, le hasard a permis de retrouver plusieurs actes se rapportant à cette papeterie et donné la possibilité de suivre, avec hélas ! de nombreuses lacunes, les péripéties de son existence, non pas depuis sa naissance, mais de 1661 à sa disparition (1835)(4).
  • En 1661, le 7 mai, on trouve une tractation relative à une pièce de pré « assise en la justice de Sembrèves, lieu dit la Boulotte, tenant du chemin de Sembrèves à la papeterie dudit lieu(5) ». Le 4 août 1662, par-devant maître Eugin Boutheron, tabellion à Moulot, hameau de Clamecy, cher à mon oncle Benjamin, un acte concernant un marché de réparations est passé. Par cet acte, André Loiseau maître papetier demeurant à la papeterie de Sembrèves et François Lemoine, maçon, demeurant à Moulot, s'obligent corps et biens envers Messire Yriex de Gentil, écuyer, seigneur des Barres, Moulot et autres lieux, de faire raccommoder en la papeterie de Sembrèves, appartenant audit seigneur :
La fenêtre qui est dans la chambre de la papeterie ; plus faire une autre fenêtre en la salle à papier du côté de la rivière, une cheminée pour la cuve à papier, remettre les deux roues à la suite l'une de l'autre et dans un même chemin, faire deux fenêtres pour poser les deux arbres desdites roues et reboucher celles où ils sont de présent, faire trois murailles dans la chambre de moulière tirant d'une gouttière à l'autre pour icelle faire de la hauteur du plancher ; mettre la chaudière de où elle est en la petite voûte et dans icelle y faire une cheminée, faire une fenêtre dans la chambre du délissoir qui sera de hauteur de trois pieds et deux pieds de large, creuser la rivière depuis le moulin de ladite papeterie jusqu'à quatre-vingt toises au-dessous, savoir : de huit pieds de large et icelle creuser vers lesdites roues de quatre pieds et toujours à proportion jusqu'à ladite longueur qui doit être de deux pieds pour faire deux roues toutes à neuf pour ladite papeterie, faire une vis pour la presse, mettre les moulins plus bas qu'ils ne sont et creuser la fontaine qui est en ladite papeterie, faire et parfaire la besogne pour rendre la papeterie « en bon et suffisant état... pour faire papier ». Ils devront faire travailler aux réparations sans discontinuer. André Loiseau et le maçon Lemoine seront tenus « de tirer la pierre qu'il conviendra pour les choses susdites » et recevront pour leurs peines et salaires la somme de cent vingt quatre livres.
  • Ces réparations effectuées en 1662, nous confirment l'ancienneté de la papeterie de Sembrèves.
  • André Loiseau est le plus ancien des maîtres papetiers que, jusqu'ici, il nous a été loisible de connaître. Nous le rencontrons passant des actes chez le notaire Boutheron, assistant en l'église paroissiale d'Oisy à des baptêmes, mariages, sépultures. Tous ces actes portent sa signature, et il y est toujours qualifié de maître papetier.
  • Le 3 juillet 1665, maître Eugin Boutheron se rend à la papeterie pour y dresser le contrat de mariage de Marie Doisnel, fille de Jeanne Loiseau, sœur et associée d'André Loiseau, veuve de Pierre Doisnel et d'Alexandre Mousseron, âgé de vingt ans ou environ, fils de Romain Mousseron, marchand demeurant à Cosne-sur-Loire. Le marié est assisté de son père, la mariée de sa mère, de son oncle, avec lesquels elle habite et de ses deux sœurs. Signe en outre au contrat, Jean Philippe, compagnon papetier à Sembrèves.
  • Le 24 février 1666, au même lieu, le même notaire instrumentant, est signé le contrat de mariage d'une jeune fille du pays, Anne Devilliers, enfant de maître Jacques Devilliers et Pierrette Musnier, habitants de Sembrèves et de Louis Douard, compagnon papetier, originaire de Cours-sur-Loire, pays de Touraine, âgé d'environ trente ans, assisté de son cousin Georges Fevrier, très probablement compagnon papetier, car tous deux résident à la papeterie. La mariée est entourée de ses parents, de son parrain et de plusieurs amis. André Loiseau et sa sœur et associée Jeanne signent le contrat.
  • Parmi les nombreux actes reçus par maître Eugin Boutheron, l'un daté de 1666 est particulièrement précieux, car il rappelle le bail passé par devant Bige, notaire, le 3 décembre 1662, entre Yriex de Gentil « pour sa papeterie» et André Loiseau papetier demeurant à Sembrèves.
    L'acte, en mauvais état, nous fait connaître le prix du bail : 175 livres annuellement. Il spécifie qu'André Loiseau est tenu de faire signifier au sieur Bernard, prévôt des maréchaux de La Charité-sur-Loire afin qu'il vienne établir bureau en la papeterie de Sembrèves, « pour faire par lui, déclaration du papier qu'il pourra fabriquer en icelle ».
  • Le 11 juin 1666, notre tabellion procède à la dissolution de la communauté et association existant entre Jeanne Loiseau et son frère André, papetiers, demeurant au Moulin à papier de Sembrèves. Mais, si André Loiseau renonce à l'exploitation de la petite usine, celle-ci n'est pas abandonnée par sa sœur Jeanne, qui, conjointement avec son gendre Alexandre Mousseron, a passé en l'étude Boutheron à Moulot, accense de la papeterie, accence consentie par Messire Yriex de Gentil, seigneur de Barres, Sembrèves, Moulot et du Boulay, paroisse de Druyes où il demeure(6).
  • Yriex de Gentil, baille pour six années aux deux maîtres papetiers, moyennant la somme payée chaque année de 300 livres, à dater du 15 avril dernier :
Un corps de logis où il y a une papeterie qui se consiste en deux roues tournantes, chambres, étendoirs garnis de leurs cordages et autres choses nécessaires à un papetier, trois pichets, feutres propres à faire papier, sept piles garnies chacune de leur toilette, avec une cuve, son pistolet, deux petits seaux, une bacholle, le tout de bois, une presse pour servir à ladite cuve, une paire de ciseaux, à rogner papier, une presse dans la salle des deux roues..., une grande chaudière, deux bassines, le tout d'airain et aussi une paire de forces et une à carton, trois châlits, une table, deux bancs, un millier de drapeaux, bon, loyal et marchand... avec les prés, aisances et appartenances de ladite papeterie assise en la justice de Sembrèves et la coupe et superficie d'un buisson sis en la même justice au lieu de La Colombière, tous lieux que Jeanne Loiseau dit bien connaître pour en avoir joui les six années précédentes en société avec son frère André.
  • Outre les 300 livres d'accense, les preneurs devront chaque année, fournir au bailleur six rames de papier dont quatre de commun, le jour de Saint-Jean-Baptiste. Le propriétaire est tenu de l'entretien des murailles, les pelles étant entretenues à frais communs ; les papetiers devront en temps de flottage manœuvrer les pelles pour permettre le passage des bois et en fin de bail, rendre un millier de drapeaux. Il leur est notifié de prévenir le prévôt de maréchaux de La Charité de leur prise de possession.
  • L'exploitation du moulin à papier par Alexandre Mousseron et sa belle-mère fut éphèmère. Le 5 mai 1669, dame Marie Andras, munie de la procuration de son époux, messire Yriex de Gentil, écuyer, seigneur des Barres, Sembrèves, Moulot, seigneur du Boulay, paroisse de Druyes, y demeurant, accense pour trois années à commencer du 1ermai, la papeterie, prés et terres de Sembrèves, en l'étude du tabellion de Moulot, à Benoît Vacherias, papetier, demeurant à Sembrèves aux mêmes conditions qu'elle l'avait été précédemment. Et le 25 juillet de cette année, François de Gentil, au nom de son père Yriex, donne quittance à Alexandre Mousseron, qualifié de marchand, demeurant à Clamecy, se déclarant satisfait de l'exécution du bail(7). Le 21 avril 1674, Benoit Vacherias, acquiert un quartier de terre labourable de Pierre Pic le jeune, laboureur, demeurant à Paroy, paroisse d'Oisy. Il abandonne la papeterie en 1675(8).
  • Le 16 juin de cette année, messire Yriex de Gentil se rend chez le notaire Eugin Boutheron pour concéder à bail à Pierre Raimbault, papetier, demeurant à Sembrèves, la petite manufacture. La description en est toute semblable à celle figurant dans les précédents actes ; la durée du bail est de six ans, le prix de location annuel de 300 livres. On oublie pas d'y mentionner qu'en fin de bail, un millier de drapeaux bon, loyal et marchand, doit être restitué et que chaque année, il faudra fournir à l'accenseur six rames de papier fin et quatre de commun et l'on rappelle l'obligation d'informer le prévôt des maréchaux en résidence à La Charité du nouveau bail de la papeterie, afin qu'il y vienne prochainement tenir bureau pour y recevoir par le preneur, déclaration des papiers et marchandises qui s'y pourront fabriquer et le montant des droits qui seront dus(9). Pierre Raimbault était un ouvrier papetier, il habitait la papeterie en 1671. Le 1er mars de cette année, il achetait du meunier de Trucy-l'Orgueilleux, une maison assise à Sembrèves, consistant en « un chauffoir, évier dessous, grenier dessus et jardin attenant ».
  • Bien courte exploitation fut celle de Pierre Raimbault, car un nouveau bail est passé à Druyes-les-Belles-Fontaines en l'étude de maître Rameau, le 25 novembre 1677 - une copie de cet acte est conservée dans les dossiers de 1687, du notaire de Moulot - entre François de Gentil ayant pouvoir spécial de son père Yriex et Aubin Belin, meunier, demeurant au moulin à farine de Latraut, paroisse de Breugnon, situé à quelques centaines de mètres de Sembrèves. La description de la papeterie est conforme à celles inscrites dans les baux antérieurs, la durée de l'accense est de six années, des meuniers sont tenus aux mêmes servitudes, l'exploitant de la papeterie devant fournir trois rames de papier fin, quatre de commun, le prix du loyer étant de 270 livres, payé en quatre termes égaux, de trois mois en trois mois à dater du premier jour d'octobre. Le premier jouira de la terre labourable dépendant de la papeterie ; il sera tenu de faire toutes les réparations qu'il conviendra aux murailles et encore de faire moudre pour la nourriture du personnel le blé qu'il commandera au moulin à blé de Sembrèves, appartenant au seigneur du lieu, propriétaire de la papeterie. Remarquons au passage qu'Aubin Belin, est propriétaire et exploitant du moulin de Latraut, moulin à moudre blé. Le droit de passage des bois descendant la petite rivière du Sauzay et obligeant à manœuvrer les vannes se partagera également entre propriétaire et locataire.
  • Cependant, le rendement de la petite papeterie, étant devenu sans doute moins important, lorsque Aubin Belin et Jeanne Pizy, sa femme font réviser le bail trois ans plus tard (1er décembre 1680, Boutheron, notaire) à des conditions d'exploitation toujours semblables, le prix d'accense n'est plus que de 250 livres. Ce contrat porte un détail qui a son intérêt ; les preneurs reconnaissent au bailleur Yriex de Gentil, représenté par son fils François, une somme de 200 livres, dans laquelle est comprise la valeur de deux milliers de drapeaux achetés au sieur Aulieu, marchand à Corbigny.
  • Les Belin, gens du pays se consacrèrent longtemps au service de la papeterie. Ils en renouvelèrent le bail pour six années en mai 1687 au prix de 200 livres. Leur fils Jean travaille avec son père à la papeterie. Le 19 janvier 1685, il a épousé en l'église d' Oisy, Etiennette, âgée de dix-neuf ans, fille du notaire Eugin Boutheron, lieutenant de Sembrèves et Moulot et de Philberte Graillot. Le marié a vingt ans. Aubin Belin est alors dit fermier de la terre de Sembrèves et a très probablement partagé, la gestion de la papeterie avec son fils. Le 11 mars 1695, il reconnaît en un acte passé devant maître Betheron, notaire à Clamecy, où il est dit meunier, ci-devant papetier, devoir 55 livres, 16 sols, 8 deniers pour son abonnement des droits de contrôle pour le papier fabriqué à Sembrèves. En d'autres contrats, Aubin et son fils Jean sont dits maîtres papetiers. Aubin Belin, meunier ci-devant papetier, décède à Oisy le 30 septembre 1699, de mort subite, âgé seulement de soixante-trois ans. La famille Belin a d'excellentes relations avec les seigneurs propriétaires de la papeterie. Les Gentil, à diverses reprises consentent à être parrains ou marraines des enfants et petits-enfants d'Aubin Belin et de Jeanne Pizy(10). Jean Belin, maître papetier, époux d'Étiennette Boutheron décède à Sembrèves le 16 janvier 1715, muni de tous les sacrements et est inhumé le lendemain en présence de sa femme et de ses enfants. Sa veuve, toujours vivante en 1730, cède aux deux survivants de ses nombreux enfants, Jean Belin, papetier, demeurant à Beaugy, paroisse e de Clamecy, et Claire, sa fille qui habite avec elle la cour des Graillots à Moulot, la maison où elles font leur résidence(11). Le 25 juillet 1719, un bail à ferme est consenti pour neuf ans par devant Pourcher et Renard, notaires à Clamecy par Pierre Boulé écuyer, époux de Marie de Gentil, seigneur par son mariage du Boulay, Sembrèves et autres lieux demeurant ordinairement au Boulay, paroisse de Druyes(12), à Jacques Lécuyer et Barthélémy, papetiers demeurant à Lazenay-en-Berry, d'un corps de logis à Sembrèves où se trouve une papeterie, laquelle est décrite à l'accoutumée, avec jardin et petit verger, grange et le demi-arpent de terre y attenant et le pré qui s'étend derrière la papeterie. Le prix de l'accense est alors de 200 livres. Le 29 novembre 1719, procès-verbal est dressé contre Jacques Lécuyer, papetier, - il n'est plus question de Barthélemy - au moulin à papier de Sembrèves « sur ce qu'il faisait et façonnait journellement du papier en sa fabrique, sans en avoir préalablement fait la déclaration » par les commis des aides de l'élection de Clamecy, Dominique Bongard et Claude Duples(13).
  • Au hasard des recherches, on peut suivre l'exploitation de la manufacture par Jacques Lécuyer. En 1725, 1726, 1729, 1732 Pierre Boulé, seigneur de Sembrèves lui renouvelle par devant les notaires clamecycois Pourcher, Millelot ou Massé, le bail de la papeterie. Celle-ci a besoin de fréquentes réparations, elle est si vétuste. En 1732, la maître charpentier, Jean Lenoir, habitant d'Étais (Yonne) consent à effectuer des travaux aux roues et mécanismes du moulin de la papeterie de Sembrèves. Les dossiers Sonnié-Moret, conservés à Clamecy, le registre du Contrôle des actes de cette ville gardent le souvenir trop peu explicite d'un brevet d'apprentissage passé devant Béthenon, notaire à Clamecy entre Jacques Lécuyer, maître papetier à Sembrèves et Jean Béthenon, marchand au faubourg de Bethléem de Clamecy en faveur d'Edme, fils de ce dernier. Nous ne connaissons aucune des conditions de ce marché passé le 28 décembre 1733, ni sa durée, ni son prix. Toutefois, les registres du Contrôle des actes nous sont particulièrement précieux, car ils nous permettent de connaître sinon la quantité de papier fabriqué à Sembrèves et c'est bien regrettable, mais la région où il s'expédiait en grande partie. Plusieurs lettres de voiture contrôlées à Clamecy nous indiquent que le moulin de Sembrèves avait à Orléans un client fidèle en la personne du sieur Boitel. Le 7 juin 1729, Jacques Lécuyer envoie au marchand d'Orléans, plusieurs balles de papier. Ni la quantité de papier, ni le nom du convoyeur ne sont mentionnés. Le 29 novembre 1733, envoi au sieur Boitel d'Orléans sous la conduite de Pierre Roger, seize ballots de papier contenant deux cent une rames. C'est le notaire Berryat qui a dressé l'acte. Le 25 août 1734, suivant la minute du notaire Massé, Pierre Roger, conduit une quantité de papier non indiquée au sieur Boitel. Le 12 juin 1735, c'est le voiturier Boiseau qui effectue le transport à Orléans ; en septembre, de la même année, autre envoi sous la conduite du voiturier Roger de La Martinière ; en mai 1736, c'est Jean Gavard qui fait le voyage, mais le 22 novembre de la même année, Jean Renard, voiturier, emmène « cent cinquante livres pesant de papier à Orléans ». Cependant que, l'année suivante, la lettre de voiture datée du 13 novembre 1737 et contrôlée le même jour, nous enseigne qu'Arnoud, voiturier, emporte au marchand d'Orléans dix-neuf petits ballots de papier blanc et gris(14).
  • Parmi les minutes des notaires clamecycois, nous rencontrons fréquemment des procès-verbaux constatant la négligence des maîtres papetiers et de leur propriétaire à entretenir en état les rives du Sauzay. Ils sont dûment avertis qu'il leur incombe de veiller au cours d'eau, de lever les pelles pour laisser passer les flots de bois, mais tout comme leurs voisins meuniers à blé ou à foulon, nos papetiers négligent cette obligation.
  • Qui succéda immédiatement à Jacques Lécuyer et à quelle date ? On l'ignore actuellement. Il meurt à Clamecy, toujours qualifié de papetier, à l'âge de soixante-cinq ans et il est inhumé dans le nouveau cimetière en présence de Jeanne Sallion, sa femme et de Jeanne Lécuyer, sa fille, le 15 juin 1742. Dès le 5 juillet 1742, la veuve s'adressant au notaire Tapin, le prie de dresser l'inventaire des biens de leur communauté. Le ménage avait cinq enfants et leur curateur Henri Billaut est présent. La famille Lécuyer résidait au faubourg de Beuvron et exploitait un petit commerce où les chalands pouvaient se procurer lacets, épingles, rubans, fils, fromage, poteries, chapelets... Dans la boutique on trouva une rame et demie de papier estimée 50 sols, ce qui n'étonne pas dans un commerce de ce genre, mais aussi deux milliers de mauvais linge ou guenillons propres à faire du papier, estimés 5 francs la livre. Plus, dans la chambre du haut, un outillage très rudimentaire de papetier : trois paquets de formes, c'est-à-dire de châssis pour faire le papier à la main, évalués 50 livres et une grosse et demie de « toilettes pour faire du papier » valant 11 livres ; sans doute, le papetier - dont la situation est modeste :
    l'actif s'élève à 561 livres. Fabriquait-il lui-même le papier qu'il vendait ?
  • En feuilletant les livres de catholicité de la paroisse d'Oisy - ceux de 1716 à 1737 manquent - nous remarquons le nom d'un maître papetier de Sembrèves. Le 29 juillet 1740, est baptisé Jean, fils de Claude Lidois, pauvre journalier, et d'Anne Bonnotte, habitant cette paroisse depuis quelques jours. La marraine est Jeanne Léquier, fille de Jacques Léquier, papetier, son compère est Jean Girault, facteur de trains. Le 22 août 1740, Pierre Léquier, fils du papetier, tient sur les fonts baptismaux, en compagnie de la fille du meunier de Sembrèves, Anne Canniat, Symphorien, fils d'Agathe Beaufils, originaire de Moulot, paroisse de Clamecy. Ces Léquier sont pitoyables et toujours prêts à secourir les malheureux.
  • On ne voit désormais le nom d'un maître papetier qu'en 1751. Les archives de la Société de Clamecy, gardent le souvenir d'un acte passé devant les notaires Boucheron et Massé, par lequel le curé d'Oisy, afferme son dîme de grain de Paroy moyennant 370 livres tournois, 25 faix de paille, une quarte de pois et une quarte de lentilles à Edme Béthenon, maître papetier à la papeterie de Sembrèves et à Jacques Chappe, meunier du moulin du même lieu. Ni l'un ni l'autre ne savent signer. Edme Béthenon est l'apprenti de Jacques Lécuyer.
  • En 1753, le vingt-septième jour de mai, en l'église d' Oisy, on baptise Nicolas Béthenon, fils d'Edme, papetier, et de Marie Guérard ou Guéron, « mariés ensemble » et habitant cette paroisse. Le parrain de l'enfant est messire Nicolas de Villenaut, écuyer, seigneur du Colombier, de la paroisse d'Étais, et la marraine Catherine de La Bussière, fille de Nicolas, seigneur de Sembrèves, y demeurant. Le 10 août 1754, Edme Béthenon a un fils, François, qui décède le 24 novembre 1757 ; le père avait précédé l'enfant dans la tombe. L'inhumation de l'enfant se fit dans l'église. Y assistaient Claude Guai ou Leguay, papetier, François Siméon, bourgeois, et autres parents et amis. Le 12 janvier 1758, Claude Léguai, garçon papetier et Jeanne Bige tiennent sur les fonts baptismaux, Jeanne, fille de Jacques Chappe, meunier, demeurant à Sembrèves, et d'Anne Guillemot, née de la veille.
  • Le 29 septembre 1758 - il est possible qu'elle ait continué à diriger quelque temps la papeterie - la dame veuve Béthenon est avertie par le sieur Valarcher, marchand, demeurant à Lormes, pour lequel instrumente le notaire Millelot, de Clamecy, qu'il a fait assigner aux consuls de Saulieu, le feu sieur Edme Béthenon, pour être condamné à lui payer 66 livres pour fourniture de drapeaux. Valarcher a obtenu sentence des consuls, dont le papetier avait, à une date laissée en blanc dans l'acte, appelé au Parlement de Dijon, où l'instance est encore pendante. Les parties acceptent de transiger et madame Béthenon s'oblige tant en son nom qu'en celui de ses enfants mineurs de payer à Jean Valarcher, la somme de 66 livres pour le principal, et celle de 184 livres 8 sols 3 deniers pour dépense faite pour ladite affaire, suivant le mémoire que le procureur du marchand lormois a produit, le tout atteignant la somme respectable de 250 livres, 8 sols, 3 deniers, qui sera payée en deux termes, savoir : la moitié dans six semaines, et l'autre dans le mois suivant. Néanmoins, maître Valarcher, pris de scrupule - les frais sont vraiment énormes - convient que puisqu'il est possible que les frais soient moindres après vérification, il en sera fait compte à la veuve.
  • La dame Béthenon, qui est une femme de tête et habite toujours Sembrèves signe en l'étude de maître Millelot, notaire à Clamecy, un bail à moitié avec Claude Delaporte, laboureur, résidant à Moulot « de toutes les terres labourables et chenevières dépendant du domaine situé dans le finage de Sembrèves qu'elle tient d'accense de Jean Girault, dit la Bonté ». Elle a dû abandonner la direction de la papeterie, car les registres paroissiaux nous font dès lors connaître le nom de François Louvier, alias Louvière, maître papetier. Le 28 mars 1760 a lieu en présence de dame Marie-Louise Fildier, épouse de François Louvière, maître papetier, de Claude Guay, Jean-Joseph Bouille, Thomas Ouvrel, garçons papetiers, l'inhumation de Jacques Cognard, lui aussi ouvrier à la papeterie et y demeurant, âgé de vingt-trois ans, originaire du Poitou ; seule sait signer Marie-Louise Fildier. Le 25 avril 1766 décède presque subitement en la papeterie Claude Brade, papetier, époux d'Anne Timblod, demeurant à Avallon, âgée de quarante-six ans. Assistent le lendemain, à l'inhumation dans le cimetière, madame Louvière et les trois garçons papetiers Jean Joulard, André Allais, Antoine Chauveau, Jean Vilde, Jacques Chappe et plusieurs habitants de cette paroisse, tous manœuvres. Le 3 avril 1768, on enterre Jean Joulard, demeurant à la papeterie de Sembrèves, dépendant de cette paroisse, décédé subitement la veille à l'âge de vingt-neuf ans. À ses obsèques sont présents Edmée Varnat, sa mère, Anne Joulard, sa sœur, Claude Crotté, son cousin, Geneviève Crotté, sa cousine, François Louvière, maître papetier, et plusieurs autres personnes tant habitant la paroisse d' Oizy que celle de Trucy-l'Orgueilleux. Le 20 décembre 1772 meurt en pleine jeunesse, à vingt ans, François Louvière, garçon papetier, fils du défunts Claude et Marie Besin « muni des sacrements de pénitence, d'extrême onction et du saint viatique ». Il est le lendemain inhumé dans l'église en présence du maître papetier François Louvière, de sa tante et d'une nombreuse assistance composée d'habitants d'Oisy et de Trucy-l'Orgueilleux. François Louvière, le papetier qui, durant une trentaine d'années, présida aux destinées de la petite manufacture, trépassa le 30 décembre 1788 et fut inhumé dans le cimetière en présence de Jacques Dorlet, maître d'école. Il n'était âgé que de soixante et un ans. Il fut rapidement remplacé à la tête de la papeterie par le papetier André Androt.
  • Le 5 avril 1790, en l'étude de maître Millelot-Delisme, notaire royal aux bailliages et sièges présidiaux des villes de Saint-Pierre-le-Moûtier et d'Auxerre, résidant à Clamecy, messire Henri de La Bussière, chevalier, seigneur de Sembrèves, paroisse d'Oisy et du lieu de la Motte, demeurant à Clamecy, afferme et amodie pour neuf années continuelles et consécutives ayant commencé le 1er mars 1789 - l'essai a duré un an et a été concluant - à André Androt, maître papetier demeurant en la papeterie de Sembrèves et à dame Anne Rodier, son épouse, la susdite papeterie, consistant en deux moulins sur un même toit, faisant ensemble sept piles, avec le logement, les étendoirs, une grange et une écurie, deux petits jardins, aisances et dépendances, plus douze pieds de large sur la turcie le long du coulis dudit moulin, derrière les bâtiments de ladite papeterie depuis le pont qui sort de l'endroit où sont les cuves jusqu'au pont du vannage... Plus les billets d'eau dudit atelier donnés par le commerce et autres.
  • En outre, tous les ustensiles consistant :
    en deux bassins de cuivre rouge, neuf livres de fer à la queue du maillet du petit moulin, vingt-cinq éperons dans le devant des maillets des deux moulins, un mouloir en cuivre et son trépied en fer, trois couchoirs, douze planches, les sellettes nécessaires, deux tourtières pour ferrer les maillets, une cuve et un cuvier, une grosse table dans la salle, une paire de ciseaux et son plot, une chaudière à col, un chenet dans le fourneau sous la chaudière, deux selles à battre les flans, trois bancs pour les étendoirs, un pistolet en cuivre, une grille et des chenêts de fer, quatre presses garnies de leurs liens et boutons, une cheville de fer pour lever les vannes et deux étendoirs garnis de corde utile et nécessaire, tous lesdits maillets bien garnis de leurs dents en fer et des liens qui y sont nécessaires, tous lesquels ustensiles les preneurs ont reconnu avoir en leur possession depuis leur entrée en ladite papeterie et être alors en bon état et lesdits lieux aussi en bon état de réparations locatives à leur sortie. Ne pourront les preneurs céder tout ou partie du bail, ni s'associer à qui que ce soit sans le consentement écrit du bailleur, à peine de résiliation des présentes et de tous dommages et intérêts.
  • Les papetiers sont tenus de toutes les réparations locatives et des menues réparations aux moulins, ustensiles et bâtiments, lorsque le prix n'excédera pas vingt livres. Lorsque le montant de ces réparations s'élèvera à une somme supérieure, elles seront à la charge de l'accenseur.
  • A la première réquisition de messire Henri de La Bussière, les papetiers devront ouvrir les vannes de leur moulin afin de donner les eaux nécessaires pour baigner ses prés et autant de fois qu'il le jugera bon, sans aucune rétribution, et aussi, lorsqu'il désirera pêcher dans la rivière, de lever leurs vannes et la pêche finie les fermer, notant bien que les locataires de la papeterie ne pourront ni pêcher, ni faire pêcher dans la rivière, ni chasser, ni faire chasser dans la terre de Sembrèves pendant toute la durée de leur bail, à peine de tous dépens, dommages et intérêts.
  • Plus les preneurs « toutes fois et quantes » besoin sera, sont tenus de faire curer à leurs frais le bief de la papeterie, notamment après la fauchaison et, autant que faire se pourra, ils feront jeter les ébarbures des traces(15) du côté des prés du sieur bailleur. L'amodiation est faite pour le prix annuel de 225 livres, une rame de grand papier à la cloche de bonne qualité et une rame de bon papier à lettres. Le premier payement et la livraison se feront au domicile de M. de La Bussière à Clamecy ou à Sembrèves « du premier mars dernier en un an ».
  • Les Androt, qui ne savent signer, reconnaissent devoir au propriétaire la somme de 1800 livres « qu'il leur a prêtée en argent et monnaie au cours de ce jour, avant ces présentes, pour les faciliter à se pourvoir des marchandises nécessaires ».
  • La Révolution est là ; le seigneur, qui est fort dur, ne paraît pas s'apercevoir qu'un monde nouveau est en marche : le contrat est draconien.
  • Durant la Révolution, la petite manufacture avec de nombreuses difficultés continue à vivre. Le papetier André Androt exploite la papeterie au nom de la Nation, car les biens des La Bussière sont sous séquestre. Henri de La Bussière La Motte, qui a conspiré contre la République, est guillotiné en l'an II, sa femme et cousine, réelle propriétaire de la papeterie - c'est une descendante des Gentil - Catherine de La Bussière est incarcérée à Clamecy. Le pays a besoin que toutes ses usines tournent et les ministres de la République s'efforcent d'encourager leur activité. Le 1er floréal de l'an II, les administrateurs du district de Clamecy écrivent à la Commission des subsistances et des approvisionnements de la République. En réponse à la lettre du 21 germinal :
La seule papeterie qui existe dans l'étendue de notre district appartient à la famille de La Bussière, qui a été au nombre des quinze contre-révolutionnaires de Clamecy, qui ont été guillotinés dernièrement. Elle ne fait pas de beau papier, parce qu'elle est située sur une rivière où il coule souvent du bois, ce qui corrompt l'eau et empêche conséquemment de fournir un beau papier ; elle est susceptible néanmoins d'augmentation et d'accroissement, lorsqu'elle appartiendra définitivement à la République. On pourra y faire des épurations.
  • A cette missive est jointe la liste des papetiers et ouvriers de la papeterie :
primo : le fermier de la papeterie André Androt, natif d'Annonay (Ardèche) âgé de cinquante et un ans ; il est apte à toutes les places ;
secondo : Anne Rodier, épouse d'André Androt, native de Chatel, district de Montargis, âgée de trente-neuf ans ; elle lève le papier et l'apprête pour la vente ;
tertio : Michel Cornu, natif de Moulot, âgé de dix-sept ans, apprenti pour deux ans, travaille depuis deux ans, propre à toutes les places ;
quarto : Edme Vilde, natif de Moulot, âgé de seize ans, apprenti pour deux ans, travaille depuis six mois, n'a pas encore de place ;
quinto : André Fage ou Sage, âgé de vingt-huit ans, natif de Thiers Puy-de-Dôme, est propre à remplir toutes les places(16).
  • La papeterie emploie donc deux papetiers qualifiés, un petit ouvrier en fin d'apprentissage, un apprenti, une ouvrière. Et nous savons maintenant que la durée de l'apprentissage est de deux années.
  • Comme toujours, la papeterie - elle est si antique - a besoin de réparations. En l'an 1793, deuxième de la République, le district de Clamecy enregistre une supplique d'André Androt demandant qu'il soit dans le plus bref délai procédé à des réfections à Sembrèves(17). L'arrêté préparatif daté du 5 brumaire est adressé au directeur de la Régie nationale. Celle-ci probablement donne son accord, car en sa séance du 24 messidor an II l'assemblée du district de Clamecy présidée par le citoyen Charbonneau et à laquelle participent les citoyens Brotier, Gilois, Tenaille, Lamours, Front et Desnoyers, administrateurs, et l'agent national, Parent l'aîné, prend l'arrêté suivant :
    Vu la pétition présentée par les citoyens Cliquet, serrurier, Lenoir, charpentier, et Monsinjon, serrurier(18), par laquelle ils demandent qu'il soit fait visite et estimation des ouvrages par eux faits à la papeterie de Sembrèves, ci-devant appartenant à La Bussière, pour ensuite être payés du montant desdites réparations ;
  • L'état des réparations faites à la papeterie dépendant des propriétés de La Bussière, condamné à la peine de mort par jugement du Tribunal révolutionnaire ;
  • L'arrêté du district de Clamecy du huit de ce mois qui nomme les citoyens Paillard, entrepreneur de bâtiment, Rousset charpentier et Boudard, serrurier pour faire la visite et estimation dudit ouvrage ;
  • Les administrateurs du district de Clamecy, considérant que le mauvais état de la papeterie de Sembrèves la rendait depuis longtemps inutile à ce genre de travail, que La Bussière lui-même l'avait si bien reconnu qu'il avait chargé les citoyens Lenoir, Monsinjon et Cliquet de confectionner les ouvrages propres à la mettre en activité, que dans le temps où l'administration fut instruite de sa condamnation, ces travaux étaient déjà avancés et qu'il n'était plus possible de les faire faire par adjudication...
  • Vu l'estimation des experts qui ont estimé les ouvrages, savoir : ceux exécutés par le charpentier Lenoir à la somme de 1 708 livres, 15 sols, ceux exécutés par le menuisier Monsinjon à 364 livres, 5 sols et ceux effectués par le citoyen serrurier Cliquet à 1 405 livres : « dont il est juste qu'ils soient payés sur le produit des biens de La Bussière, acquis par la Nation », le payement des ouvrages est accordé.
  • Mais les travaux, quoique fort onéreux, n'ont point rénové la vieille manufacture, si vieille, si usée, que, le 8 thermidor an II, il faut encore songer à réparer. Ce jour, les commissaires Paillard et Rousset présentent aux administrateurs du district un rapport par lequel il appert « qu'une des piles de la papeterie de Sans Brèves laisse échapper la pâte sous le pilon », que les bâtiments et atelier sont dans un état de délabrement qui exige une prompte réparation et que le chapeau et la pelle du moulin sont de nouveau mal en point, que la pile doit être remplacée par une neuve, ce qui coûtera environ 100 livres, que le coût de la réparation du pont est estimé à 45 livres et que la réfection du chapeau et de la pelle du moulin pourra coûter 150 livres. Ce qui, au total, atteindra la somme de 295 livres(19).
  • Comme la papeterie sous réquisition est absolument nécessaire au service public, qu'elle entretient plusieurs presses du district et des départements voisins, les administrateurs du district de Clamecy autorisent le citoyen Loyré, receveur de l'Enregistrement, à donner les réparations en adjudication.
  • Une réparation n'attend point l'autre. Quelque trois mois après, André Androt présente une nouvelle pétition au district – 1er brumaire an III - où il insiste, exposant que l'écrou de la presse et la vis de la papeterie de Sembrèves sont cassés : « que cet accident occasionné par la vétusté de ces objets entrave ses travaux et lui laisse neuf ouvriers à sa charge dans un moment où ce travail est si précieux ». Et pourtant que de réparations ont été effectuées ces dernières années : aux croisées, aux cuves et autres accessoires, presses, vis maillets !...
  • En vendémiaire an VI, les administrateurs du district de Clamecy, répondant à un questionnaire des Ponts et chaussées, bureau de la navigation intérieure, usines et moulins, écrivent : « Cette papeterie est située au bas d'une montagne et touche à une petite rivière. La situation de cette papeterie est on ne peut plus avantageuse. Elle est continuellement en activité par les eaux qui la font mouvoir et ne manquent pas. La vente du papier se fait à Auxerre, où il y a une grande route et à Orléans, mais il faut faire près de dix lieues pour atteindre la grand-route » (20).
  • En l'an IX, après maintes difficultés, Mme Catherine de La Bussière, qui fut libérée après thermidor, et qui a deux fils émigrés, reprend possession de ses biens - Sembrèves est une possession personnelle - tout d'abord comme fermière de la Nation, puis en toute propriété. Pendant une certain temps, on n'entend plus parler de la papeterie de Sembrèves que, sans doute lassée par les frais incessants causés par les réparations, Mme de La Bussière a fait transformer - sans autorisation, dira-t-on plus tard - en moulin à fouler les draps. Les registres d'état-civil d'Oisy conservent le souvenir de Jacques Boutheron, foulonnier, demeurant à la papeterie de Sembrèves qui, le sixième jour de messidor de l'an XII, déclare la naissance de sa fille Françoise, née à la papeterie.
  • Les années passent. La Révolution, l'Empire sont révolus. Et nous arrivons à une période d'expansion industrielle : dans le premier quart du XIXe siècle se créent de grandes usines métallurgiques, des manufactures importantes, toutes créations vivement encouragées par le gouvernement(21).
  • Le 26 décembre 1820, Amable Hageau, inspecteur des Ponts et Chaussées, demeurant à Paris, rue Montholon, n° 4, expose à M. le Préfet de la Nièvre, qu'il est propriétaire de trois usines, situées dans la commune d'Oisy, lesquelles existent depuis un temps immémorial.
  • Que la première de ces usines a été, dans la Révolution et sans autorisation, transformée en un moulin à fouler les draps et que, désirant la rendre à sa destination première, il sollicite avec dossiers et plans à l'appui, de bien vouloir rendre le foulon dit de la Papeterie à sa destination première.
  • Amable Hageau fait remarquer au préfet que ses usines sont établies sur des dérivations de la rivière du Sauzay, qui sert au flottage et sur laquelle il existe des vannes des marchands de bois en amont de chacune desdites usines, et qu'en conséquence, il le prie d'avoir la bonté de charger l'ingénieur des Ponts et Chaussées de l'arrondissement de Clamecy de constater par un rapport appuyé d'un plan et d'un nivellement en long, comprenant le moulin de Latraut jusqu'au foulon de Pressures, la hauteur et la largeur, tant des vannes des marchands servant au flottage que des vannes motrices et de décharge de ses trois usines. Et il le prie de prendre un arrêté l'autorisant à reconvertir le foulon en moulin à papier.
  • L'affaire ne traîna point ; on favorisait les implantations d'usines ; l'industrie est en plein essor. A quelques kilomètres de Sembrèves, à Corvol-l'Orgueilleux, Thomas Varennes crée la papeterie de Vilette, qui connaîtra bien des vicissitudes mais subsistera, tandis que notre modeste manufacture, pourtant prudemment gérée, ne pourra faire face à la concurrence et s'éteindra vers 1835(22).
  • Le 28 juin 1821, Letixier, ingénieur ordinaire de l'arrondissement du Nord, résidant à La Charité-sur-Loire, adresse à l'ingénieur en chef du département de la Nièvre un rapport motivé, concluant avec de nombreux attendus d'ordre technique à l'approbation du retour de l'ancienne papeterie de Sembrèves à sa vocation primitive. L'ingénieur ordinaire avait pris avis des maires d'Oisy, de Clamecy, de Tannay et Nevers. Aucun de ceux-ci ne s'était opposé à la sollicitation de Hageau, bien au contraire, et l'ingénieur Letixier ajoute : « que les usines existent depuis un temps immémorial, qu'elles ne nuisent ni aux propriétés riveraines, ni à l'usine supérieure, dont le propriétaire n'eût pas manqué de se plaindre dans le cas contraire, que la papeterie de Sembrèves ayant été transformée en foulon pendant la Révolution sans autorisation préalable, on ne peut empêcher monsieur Hageau de rendre cette usine à sa première destination qui sera d'une grande utilité... ». L'ingénieur en chef, tout bien examiné, approuve le 24 juillet 1821.
  • Amable Hageau n'est point inconnu en Nivernais. C'est un ancien ingénieur du canal du Nivernais, en résidence à Baye, commune de Bazolles, tout près de La Collancelle(23). En l'an vu, il est muté à la résidence de Clamecy, aux appointements annuels de 600 livres, « jusqu'au moment où les travaux du canal seraient remis en activité ». Il avait pu acquérir en 1810 une partie des biens que les La Bussière possédaient à Sembrèves, en toute connaissance de cause ; car, il avait été nommé le 3 floréal de l'an X, architecte expert pour les réparations des bâtiments ruraux qui se trouvent sous séquestre de la succession de Longueville. Mme de Longueville, née Marie-Madeleine de La Ferté-Meun, avait en premières noces, épousé Joseph de La Bussière de La Motte, et était la mère de Marie-Madeleine de La Bussière, épouse de Charry-Tannay et de Henry de La Bussière, mari de sa cousine Catherine de La Bussière-Sembrèves. Les héritiers de Mme de Longueville qui résidait au Ouagne, lieu très proche de Sembrèves, sont Mme de Charry et les enfants de Mme Vve Henry de La Bussière, née La Bussière-Sembrèves.
  • Amable Hageau, ayant fourni un volumineux dossier pour ses trois usines : un moulin à blé, un foulon, et l'ancienne papeterie de Sembrèves qui reprendra sa destination primitive, est autorisé, à la suite d'un second rapport favorable demandant quelques légères modifications, par ordonnance royale du 28 juin 1822, à exploiter la papeterie de Sembrèves.
  • Le maire d'Oisy, son adjoint et sans doute bien des habitants du lieu, se réjouissaient de la réouverture de la petite manufacture qui ne pouvait être qu'avantageuse au département et à la commune d'Oisy ; « d'autant que le département ne possède point de papeterie et que les bras inutiles à l'agriculture trouveraient à s'employer dans cette nouvelle usine » et, dans une lettre précédente du 1er mars 1821, ces édiles écrivent au préfet que l'usine à papier profiterait à tout l'arrondissement clamecycois « dont les divers marchands papetiers et notamment l'imprimeur de Clamecy» désirent le prompt rétablissement. La disparition du foulon ne sera nullement nuisible au foulage des draps : « attendu qu'en cette contrée, il existe plus de foulons qu'il est nécessaire pour fouler les draps qu'on y fabrique ».
  • Et la papeterie va cahin-caha, semble-t-il. Il ne reste pour apprécier son activité que quelques rapports d'ingénieurs des Ponts et Chaussées et de police concernant les manufactures de papier de 1822 à 1835. En consultant les registres d'état-civil, nous rencontrons en décembre 1822, Claude Vessier, natif de Marmagne en Côte-d'Or, qui épouse Marie-Françoise Pinsard, native de « Rouzelle » département de la Somme, belle-sœur de Laurent Levain, maître papetier. Le 30 mars 1830, Antoine Rodary, maître papetier, âgé de trente trois ans, époux de Cécile-Frasine Isabel, déclare la naissance à la papeterie de sa fille Victoire-Eugénie-Élisa : témoin de l'acte, l'instituteur Jacques Guimard et le grand-père de l'enfant, le papetier Pierre-François Isabel, âgé de quarante-quatre ans. La petite fille meurt le 30 août. Le 12 mars 1832, le sieur Philippe-François Isabel Age de soixante-seize ans, maître papetier accompagné de François Rodary, papetier âgé de trente-cinq ans, déclarent qu'à neuf heures du matin, est décédé en la papeterie Louis Glandelle, papetier, âgé de dix-huit ans, fils de défunt Louis et de Victoire Bogne, natif de la commune de Jouy-sur-Morin, arrondissement de Coulommiers en Seine-et-Marne. Les Isabel et leurs descendants qui travaillent en famille sont les derniers tenanciers de la papeterie de Sembrèves.
  • Tous papetiers, ils paraissent avoir beaucoup voyagé, comme en témoignent leurs lieux de naissance, presque tous éloignés de la région clamecycoise. Le 23 avril 1834, Pierre-François Isabel et son gendre Antoine Rodary, fabricants de papier demeurant à la papeterie de Sembrèves, font dresser l'acte mortuaire de Charles Rodary, papetier, fils de Jean et d'Anne Chanson ; il était né le 4 ventôse an III de la République en la papeterie de « Cahanniot » commune de Saint-Pantaléon, département de Saône-et-Loire. Et le 16 août 1836, meurt à la papeterie l'ancêtre Philippe-François Isabel, fabricant de papier ; son fils, le papetier Pierre-François vient déclarer le décès, accompagné, non plus de membres de sa famille, mais de deux laboureurs de Paroy, Pierre Cordonnier et Augustin Pic. Les deux derniers actes concernant des ouvriers papetiers sont ceux du mariage de Cyrille Rousselle, ouvrier papetier, fils de Marcel Rousselle et d'Anne-Marie Rose et de Victorine-Suzanne Isabel, fille de fabricant de papier, tous deux demeurant à Sembrèves en date du 13 novembre 1836. L'autre est l'acte de naissance de leur fille Rose-Zoé (27 mars 1837) dans lequel le père et le grand-père, Pierre-François Isabel se disent encore fabricants de papier. Ensuite, on ne mentionne plus de papetiers à Sembrèves.
  • Voici le rapport d'un ingénieur daté du 7 novembre 1825, concernant les établissements et manufactures de la Nièvre, capables de compter et de fournir des produits ailleurs qu'à la consommation locale :
  • Papeteries situées près de Clamecy.
Ces deux établissements appartiennent à MM. Hageau, inspecteur divisionnaire des Ponts-et-Chaussées et Thomas Varennes, propriétaire. Ils ne sont pas encore en pleine activité et ne fabriquent annuellement de quarante-huit rames de papier carré que l'on peut estimer quarante mille francs. Cette quantité de papier est vendue presqu'en totalité aux marchands de Paris. Les propriétaires de ces établissements se proposent d'y faire des augmentations ; aussitôt qu'elles auront été exécutées, on en instruira Son excellence(24).
  • Il y a une grande disproportion entre la quantité de papier fabriqué et son prix ; n'y aurait-il point là une erreur ?
  • Les Archives départementales de la Nièvre conservent dans les dossiers Police (non classés) quelques lettres relatives à la papeterie de Corvol. Le 16 août 1826 le directeur de la Police, Franchet Desperey, s'inquiète de la fâcheuse influence que le propriétaire de la papeterie, M. Thomas Varennes, paraît exercer sur ses ouvriers et prescrit une surveillance sérieuse. Harcelés, le sous-préfet de Clamecy, le maire de Corvol, finissent par répondre au ministre de la Police, par la voie hiérarchique. De ces lettres ressort - le ministre de la Police doit être rassuré - que le « chef de la papeterie de Corvol ne s'occupe pas d'affaires politiques, mais que sa conduite n'est pas digne d'éloges, surtout les dimanches et les fêtes où il fait travailler sans aucune crainte, se prévalant que son domicile est à Paris... » comme si les Parisiens, écrit le sous-préfet Dupin, n'étaient pas assujettis aux lois de police en province, quand ils y sont. « Que quant aux ouvriers de tous âges et de tous sexes dont le nombre augmente tous les jours, sans savoir d'où ils sortent, ni qui ils sont, M. le Maire a demandé lui-même à leur chef si tous les ouvriers avaient des passe-ports et qu'il lui a répondu : qu'ils en eussent ou qu'ils n'en eussent pas, que cela lui était égal ». Le maire ajoute qu'en ce qui regarde les ouvriers, ils se conduisent assez bien, sauf quelques jeunes gens dont les mœurs ne sont pas excellentes. Le nombre des étrangers employés est d'une cinquantaine.
  • Amable Hageau, fonctionnaire et sans doute conformiste, ne subit pas ces tracasseries. D'ailleurs, sa petite manufacture n'employant que quelques vingt personnes était loin d'avoir l'importance de celle de Vilette où œuvraient deux cents ouvriers.
  • Le 18 avril 1829, le ministre du Commerce et des Manufactures ordonne une enquête sur l'état de l'industrie tant agricole que manufacturière et insiste, par suite d'une circonstance particulière qu'il n'indique point, pour connaître la situation des fabriques de papier du royaume, car on lui a assuré qu'il s'était fait depuis peu de très grands changements dans la composition de leurs usines. Le questionnaire insiste sur trois points, savoir :
  1. La quantité et valeur de la matière première employée ;
  2. L'estimation approximative de ce que coûte la fabrication ;
  3. Les quantité et valeur du produit obtenu.
  • Le préfet est invité, le cas échéant, à compléter les renseignements reçus, notamment en ce qui concerne les moyens de fabrication, le montant des salaires des ouvriers, l'estimation des frais divers, l'évaluation approximative du capital que les usines représentent, et à signaler les améliorations : « que les machines ont dû apporter dans la fabrication de ces dernières années ». Le ministre précise que l'enquête a pour but d'établir la statistique industrielle du pays et que toute pensée de fiscalité ou de surveillance est fort loin de ses intentions. En marge de la circulaire, on a noté qu'il n'existait dans le département que les papeteries de MM. Thomas Varennes et Hageau. Le 4 août 1829, le sous-préfet de Clamecy adresse à la préfecture de la Nièvre, pour être transmise en haut lieu, la réponse de Hageau au questionnaire réponse que celui-ci lui avait fait parvenir à la fin de mai. Et il ajoute qu'il n'a reçu aucune réponse de Thomas Varennes, de son préposé, non plus que du maire de Corvol-l'Orgueilleux, auxquels il s'est successivement adressé, quoique la papeterie de « La Villette » soit de loin la plus importante, mais : « M. Thomas Varennes a pour système et pour habitude de ne jamais donner aucun renseignement sur ses affaires ».
  • Amable Hageau indique tout d'abord que, dans sa manufacture, on utilise annuellement 150 000 kg de drilles, dénomination, dit-il, embrassant toutes les matières premières propres à être converties en papier. Ces drilles sont estimées 6 200 francs. L'usine comporte une cuve à papier blanc, une cuve à papier gris, deux mécaniques à cylindre et emploie vingt ouvriers : dix hommes, dix femmes. Les hommes reçoivent un salaire journalier de 2,25 francs, les femmes ne sont payées que un franc. Le nombre des jours de travail s'élève à 300, sauf s'il arrive accident ou s'il se fait de grosses réparations. Il est produit, chaque année, 2 400 rames de papier : « en grandeur de carré d'impression et collé, en bonne qualité » qui, pris en fabrique, est vendu 9,50 francs et vaut dans le commerce de 14 à 15 francs la rame. Et Hageau déclare qu'il paye les gros chiffons de toile 15 francs les 50 kilogrammes, tandis que les chiffrons de couleur ne s'achètent que 8 et 9 francs le demi-quintal.
  • La vieille papeterie touchait à sa fin. En 1835, si l'on trouve encore des papetiers à Sembrèves, on ne mentionne plus le moulin à papier, qui est transformée en moulin à farine et porte le nom de Moulin Savard. La papeterie, dont en 1832, le sous-préfet de Clamecy écrivait qu'elle faisait vivre plusieurs familles, n'avait pu concurrencer des fabriques beaucoup plus importantes et outillées de façon plus moderne. La papeterie de Corvol, qui subsiste encore aujourd'hui, connut de durs moments. Mise en faillite en 1835, elle était en 1846, la propriété d'un certain Boulard, habitant Clamecy.
  • Il est regrettable qu'à ce jour nous n'ayons pu avoir d'informations plus complètes sur cette vieille industrie. D'autres chercheurs seront peut être plus heureux. Qu'il aurait été précieux de retrouver le texte intégral d'un contrat de travail d'ouvrier papetier ou d'un brevet d'apprentissage ! Et la date de naissance de la papeterie nous demeure inconnue. Qui l'avait créée ? Il est possible que ce soit un des Gentil, seigneurs d'origine auvergnate et limousine. Combien d'ouvriers travaillaient à la papeterie? Probablement (y compris le maître papetier) trois ou quatre, si nous nous référons au nombre de lits installés dans la chambre de la papeterie avant la Révolution, neuf durant la période révolutionnaire, d'après le papetier André Androt, vingt au temps de l'exploitation de Hageau. Cette papeterie, qui resta la propriété des membres d'une même famille jusqu'en 1810, les Boulé, les La Bussière, descendant des Gentil confia fréquemment l'exploitation du moulin à papier à des gens de la région, tels que les Loiseau, les Belin, Bethenon... mais la gent papetière est d'humeur voyageuse et, en feuilletant des registres d'état civil, nous voyons des papetiers originaires de localités plus ou moins éloignées, où d'importantes papeteries étaient installées. Les familles de papetiers s'unissaient. En 1683, on célèbre à Oisy, le mariage d'Étienne Dalidet né en la paroisse de La Couronne, pays d'Angoumois. Louis Douard du pays de Tours en Touraine, épouse une des nièces du maître papetier André Loiseau ; Jacques Cognard, garçon papetier est originaire du Poitou ; il avait vingt-trois ans lorsqu'il mourut. Claude Brade, est natif d'Avallon. La femme du compagnon papetier Georges Bennetier, Antoinette Palaviau, est fille d'un papetier de Lazenay-en-Berry, André Androt est d'Annonnay, André Fage de Thiers...
  • Il aurait été heureux de retrouver un filigrane, marque de la papeterie, cela n'a pas été possible. Ce qui est assuré, c'est qu'à toutes les époques, le papier fabriqué à Sembrèves était vendu dans la région auxerroise, la Puisaye, l'Orléanais.

(1) Statistique de l'arrondissement de Clamecy, 1832, p. 28.
(2) La petite rivière Sauzay se jette dans le Beuvron, affluent de l'Yonne tout près de la ville de Clamecy.
(3) « Mes bons enfants de la papeterie,

Ne passez pas sû le pont de Moulot,
Car les planches sont pourries
Et vous pourriez tomber dans l'eau,
Passez plutôt sû le pont de Sembrèves,
De là vous irez en Feurtiaux
Pour y cueillir des champignaux
 
Avant que le jour se lève. »
Refrain cité par Ch.-P. Milandre, A qui Fertiaux, dans Bulletin de la Société scientifique et historique de Clamecy, 1937, p. 85 et suiv. L'auteur note p. 113 : « Ce couplet est certainement antérieur à la Révolution. La papeterie ne peut être que le moulin à papier de Sembrèves, dont Bias Parent, agent national, écrivait le 1er floréal an II (20 avril 1794) qu'il était la seule usine à papier du district de Clamecy et méritait à ce titre de passer dans la main de la Nation ».

(4) Documents utilisés pour cette étude :

Arch. Dép. Nièvre : séries 2 C; NE; L; Q; S. Minutier des notaires clamecycois, série III E;
Arch. nat., sous-série F14;
Statistique de Clamecy (déjà citée) ;
Bulletin de la Société scientifique et artistique de Clamecy.

(5) Minute d'Eugin Boutheron, notaire à Moulot, commune de Clamecy.
(6) Druyes-les-Belles-Fontaines (Yonne) : bourg ayant appartenu de toute ancienneté au Nivernais, situé à quelques kilomètres de Clamecy.
(7) La Société scientifique et historique de Clamecy conserve trace d'une pièce passée par devant Christophe Frottier, notaire à Clamecy, entérinant la dissolution de communauté d'André Loiseau, papetier au Gué-de-Vesvres, paroisse d'Avallon, Alexandre Mousseron, ouvrier papetier à la papeterie de Sembrèves et autres, entre eux antérieurement formée pour l'exploitation de cette papeterie, en date du 11 décembre 1668.
(8) Benoît Vacherias, à l'expiration de son bail, ne quitta point Oisy ; en 1680, il est toujours qualifié de marchand papetier demeurant à Sembrèves, dans un acte passé à Moulot, où il reconnaît être débiteur de 17 livres pour l'achat d'un cheval. Le 16 juin 1678, il était simplement qualifié de marchand, demeurant à Sembrèves, en un acte passé à Moulot, où Messire Yriex de Gentil reconnaît lui devoir 500 livres pour avoir fourni des drapeaux et autres marchandises. Il trépassa à Sembrèves le 4 mars 1683, âgé de quarante-cinq ans, confessé et communié, et fut inhumé en l'église d'Oisy, près des fonts baptismaux.
(9) Le montant des droits est de 45 livres.
(10) Le 10 avril 1712, baptême en l'église d'Oisy de Pierre, fils de Nicolas Girault, lieutenant de Moulot et Sembrèves, et d'Anne Belin, demeurant à Moulot, paroisse de Clamecy ; parrain : Pierre Boulé, capitaine au régiment de Béarn ; marraine : damoiselle Marie de Gentil, dame du Boulay. Le 4 février 1707, messire Jean de Gentil, écuyer, seigneur de Sembrèves, assiste au mariage de maître Nicolas Girault, lieutenant de Sembrèves et d'Anne Belin, fille de Jean, papetier, et d'Étiennette Boutheron.
(11) Claire était née à Sembrèves le 23 mai 1703 et avait eu pour parrain François Portrait, fils d'honorable homme François Portrait, chirurgien et apothicaire et pour marraine demoiselle Claire Grasset tous de Clamecy.
(12) Le 22 août 1712, avait eu lieu en l'église d'Oisy l'inhumation de Jean de Gentil du Boulay, écuyer, seigneur de Sembrèves, demeurant audit Sembrèves, âgé de cinquante-sept ans, en présence de demoiselles Marie et Élisabeth de Gentil, ses nièces, de Louis d'Assigny, écuyer, seigneur de Las, de Pierre Boule, écuyer, seigneur de Varigny. Pierre Boule, écuyer, épousa en 1713, Marie de Gentil, fille d'Edme, seigneur de Sembrèves. Leur fille Edmée épousa en 1747 Nicolas François de La Bussière.
(13) Dossiers Sonnié-Moret, p. 219.
(14) Contrôle des actes 20, 2090, 2091, etc. Les minutes des notaires Berryat et Massé ne gardent pas trace des lettres de voiture.
(15) Trace : nom que les papetiers donnent à une sorte de papier gris qui s'appelle aussi main-brune ; c'était un papier grossier servant à emballer les rames de papier.
(16) Arch. nat., F14 1484.
(17) Arch. dép. Nièvre, série 4 S 761. p. 61, district de Clamecy.
(18) Monsinjon n'est pas serrurier, mais menuisier.
(19) Arch. départ. Nièvre, série Q, émigrés : dossier de La Bussière, I.
(20) Arch. dép. Nièvre, sous-série 4 S.
(21) Dès 1815, Thomas Varennes avait sollicité l'autorisation de construire une papeterie à Vilette, commune de Corvol-l'Orgueilleux. Par pétition du 27 décembre 1817, il renouvela sa demande, expliquant qu'il comptait installer provisoirement deux cuves, ce qui sera un grand avantage pour les ouvriers, qui sont souvent sans emploi. Le commerce y trouvant un débouché facile pour les chiffons qui s'exportent au loin. Cette papeterie existe toujours.
(22) Arch. dép. Nièvre, sous-série 4 S, Ponts et Chaussées.
(23) Baye : étang servant à alimenter le canal du Nivernais.
(24) Arch. dép. Nièvre, série S, moulins et usines.

Source Gallica : Vie et mort d'une industrie nivernaise : la papeterie de Sembrèves (avant 1661-1835) par Madeleine Saint-Éloy.