La pêche aux engins

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La pêche aux aloses à Saint-Léger

- Alors, ça mord ?...

C'est à la suite de cette banale et conventionnelle question que j'ai connu hier les subtilités de la pêche aux aloses.
Un jeune homme, bronzé par les embruns, tirait de l'eau un carrelet d'où s'échappaient à chaque coup des vandoises affolées.
Soudain, dans le tourbillon des eaux furieusement rejetées par le barrage de Saint-Léger-des-Vignes, la résistance effrénée d'une alose prise au piège courbait les arceaux du carrelet.
D'un geste habile, le maître-pêcheur Camus saisissait le poisson par les ouïes et l'envoyait rejoindre au fond de la "goume" quelques "compagnons" étonnés de leur captivité.
Pendant près de quatre heures, j'ai assisté, assis sur le "nef" d'une barque, impitoyablement secouée par le flot grandissant, à la pêche aux aloses.
Puissamment, Camus tirait sur le carrelet qu'il relevait plusieurs fois par minute.
Calme et attentif, il négligeait le menu fretin qui s'échappait d'ailleurs avec adresse en glissant au travers des grandes mailles. Soudain, il s'arc-boutait, semblait hésiter, puis tirait sans hâte : au fond du filet un clapotis, des soubresauts, puis : une alose !
Et tout en continuant sa pêche, le fils Camus m'expliquait :
Nous ne restons plus que quelques pêcheurs professionnels dans la région. Autrefois, nous étions une trentaine, mais les conditions de la vie actuelle ont considérablement atteint notre corporation. Rien d'étonnant d'ailleurs à cela, car nous ne tirons qu'un médiocre profit de nos efforts.
Camus pêchait alors 280 aloses en deux jours. Chaque poisson pesait en moyenne 3 livres.
Le prix de vente, qui s'élevait de 15 à 18 francs le kilo quelques années plus tôt, était descendu à 10 francs et risquait de tomber à 5 francs...
[...] Mais alors, pourquoi continuez-vous à naviguer sur cette galère ?
- Que voulez-vous ? Nous avons toujours vécu sur l'eau et nous aimons les saines émotions de la pêche. Je me souviens d'avoir reçu une belle "fertassée" de mon père, parce que la veille de mon certificat d'études j'avais manqué l'école pour aller taquiner le gardon. Cette rude leçon ne m'a pas converti.
Aujourd'hui, je vois les aloses qui s'en retournent en mer après avoir semé leurs oeufs dans nos rivières, mais j'attends avec impatience l'ouverture pour pêcher pour moi... à la ligne. ::C'est si beau ! (G.G., Paris-Centre, 21 avril 1934).

Paris-Centre, 21 avril 1934, article signé G.G. P. Volut, DVD-ROM Un Siècle à Decize, 1934.