La guerre de 1870-1871

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De la garde nationale au 12e Régiment d’Infanterie Mobile de la Nièvre

La guerre est déclarée par la France à la Prusse le 19 juillet 1870. Les motifs de cette guerre sont complexes : le trône d’Espagne est vacant depuis deux ans et le cousin du roi de Prusse, le prince de Hohenzollern-Sigmaringen est candidat ; le gouvernement français s’oppose à ce qui est présenté comme une reconstitution de l’empire de Charles-Quint ; l’impératrice Eugénie aimerait que l’Espagne soit gouvernée par son fils, le prince impérial ; Napoléon III et Bismarck ont tous les deux besoin d’une guerre victorieuse qui puisse détourner leurs opinions publiques des problèmes intérieurs. Émile Ollivier, premier ministre français, saisit le prétexte d’une humiliation imposée à l’ambassadeur Benedetti par le roi de Prusse dans la station thermale d’Ems pour déclencher ce conflit qui va mener l’Empire Français à la déroute, et provoquer en France la création de la Troisième République, en Allemagne l’unification d’un puissant Empire.

Depuis le 16 juillet, la mobilisation a été décrétée dans la Nièvre, comme sur tout le territoire national. Des souscriptions patriotiques sont lancées dans la presse et dans les mairies. Les officiers et les soldats d’active gagnent leurs unités dans l’Est de la France. Le général Sanglé-Ferrière est remplacé par le général Faye au commandement de la subdivision de la Nièvre.

L’armée active ne recrutant qu’une partie des jeunes gens, les autres sont affectés à la garde mobile - adaptation de la garde nationale décidée en 1868. Une circulaire du 13 août 1870 crée dans la Nièvre le 12e Régiment d’Infanterie Mobile ; il est formé de trois bataillons (un par arrondissement pour Cosne et Nevers et un troisième pour le Morvan). Ce régiment compte environ 3000 hommes ; il est placé sous le commandement du lieutenant-colonel Philippe de Bourgoing ; le troisième bataillon (Nevers) est commandé par le commandant de Veyny, la deuxième compagnie de ce bataillon (Decize) par le capitaine de Noury, secondé par le lieutenant Mielle et le sous-lieutenant Danteloup. Selon son chef, cette unité ne manque pas de qualités : « Le soldat de la Nièvre est sobre, rustique, dur à la fatigue. De bonne heure il a appris à connaître les privations, et même la misère, dans les usines, dans les grands bois du Morvand ou dans les travaux fatigants des champs. »

Le 17 août, les officiers reçoivent leurs brevets. Les compagnies se regroupent et s’entraînent. Le 23 septembre, deux bataillons sont envoyés par chemin de fer à Orléans. La situation est devenue préoccupante ; cette guerre mal préparée n’est qu’une succession de déroutes : défaites de Wissembourg et de Froeschwiller, capitulation de Sedan qui livre à l’ennemi près de 100000 hommes et leurs chefs Napoléon III et Mac-Mahon, défaites de Gravelotte, Saint-Privat et Woippy, enfermement de Bazaine dans la place-forte de Metz…

Le Second Empire s’effondre. La Troisième République est proclamée le 4 septembre. Mais, dans le courant du mois de septembre, les Prussiens et leurs alliés Hessois et Bavarois progressent vers Paris et vers la La Loire.

L’armée de la La Loire

Le 12e R.I.M. est intégré à l’Armée de la Loire. Son rôle n’est pas encore bien défini : marcher sur Paris ou attendre l’ennemi devant Orléans. Les Nivernais sont logés chez l’habitant. Ils sont mal chaussés (beaucoup d’hommes sont équipés de sabots), armés de fusils peu efficaces, dépourvus de mitrailleuses et de canons. Le 26 septembre, ils sortent de la ville avec les Mobiles du Loiret, ils installent leur bivouac au village de la Montjoie, sur la route de Paris. Mais, dès le lendemain, l’État-Major décide d’évacuer Orléans. Le 12e Mobile part en train à Blois, il est placé sous les ordres du général Michaud et occupe des villages de la rive gauche de la La Loire, Montlivant, Vineuil et Saint-Claude. Des sacs et des chaussures neuves sont fournis aux Mobiles de la Nièvre.

La défense de Blois est abandonnée au début du mois d’octobre car, maintenant, Orléans est vraiment menacée. Retour en train et montée en ligne vers Chevilly et Artenay. Le 8 octobre au soir, le régiment connaît le baptême du feu : près de Janville, le 3e Bataillon fait partie du dispositif qui doit bloquer l’attaque ennemie ; face aux 1200 cuirassiers prussiens, aux 400 chevau-légers bavarois et aux hussards de la mort, le combat est inégal. Après quatre jours de harcèlements, le 12e Mobile décroche. Il se bat maintenant dans le faubourg Bouvier, autour de la gare des Aubrais. La ville d’Orléans est à nouveau évacuée ; les mobiles nivernais des 2e et 3e bataillons sont les dernières troupes à passer la La Loire ; leur ténacité dans ces combats d’arrière-garde permet d’évacuer par chemin de fer l’essentiel du matériel militaire, canons, vivres, munitions.

Mais le 12e Mobile a beaucoup souffert ; il laisse de nombreux prisonniers et blessés. Le capitaine de Noury est blessé à la tête. À l’appel du 12 octobre, 710 hommes manquent, 322 ont été tués, prisonniers ou blessés à Artenay, 388 tués ou blessés à Orléans. Toutefois 300 prisonniers s’échappent ; ils regagneront le régiment à Châtillon-sur-Loire, ville où le régiment se reconstitue : il reçoit des renforts venus des compagnies laissées au repos à Nevers et Cosne, il est équipé de chassepots et d’uniformes neufs.

Le 19 octobre, le 12e Mobile rejoint à Argent la nouvelle division de l’Armée de la La Loire, commandée par le général Martin des Pallières. Environ 20000 hommes, venant d’horizons divers : de l’Infanterie de Marine, des régiments d’Afrique, des Zouaves, des Mobiles des Charentes. La division fait route sur Sully et Gien, puis elle remonte à l’assaut d’Orléans.

Les Prussiens ont modifié leur plan de campagne. Plutôt que de disséminer leurs troupes, ils les massent autour de Paris, dont ils ont commencé le siège. Il est donc relativement aisé de reprendre Orléans : le 12e Mobile est le premier régiment à rentrer dans la ville le 10 novembre (presque un mois après l’avoir quittée). Suit un mois de chasse aux Prussiens à travers les plaines de la Beauce. Les Nivernais participent aux batailles de Coulmiers, Patay et Beaune-la-Rolande. Mais cette campagne destinée à desserrer le siège de Paris échoue. L’armée de La Loire est contrainte à une seconde retraite au début de décembre. Le 12e Mobile est à La Ferté Saint-Aubin le 7 décembre, à Bourges le 10 et à Allouis le 12. C’est alors que l’Armée de la La Loire est divisée en deux. Un groupe commandé par le général Chanzy se dirige vers Tours et Nantes ; un second groupe commandé par le général Bourbaki doit effectuer un vaste mouvement tournant en Champagne et dans l’Est, de façon à couper les Prussiens de leurs approvisionnements. Le 12e R.I.M. appartient à cette Armée Bourbaki. Il change de chef : le lieutenant-colonel de Bourgoing est chargé d’organiser le 1er Régiment Mobile à cheval  ; il n’emmène avec lui qu’environ 80 Nivernais, ses autres cavaliers sont recrutés dans le Périgord, il y a parmi eux un fort groupe de volontaires espagnols et américains.

Le 12e Mobile dans l’Armée des Vosges et en Suisse

Le 12e Mobile est désormais commandé par le commandant de Veyny. Le 4 janvier 1871, il traverse Nevers en train. Avec le bataillon de Savoie et un régiment de Zouaves, il s’installe à Clerval et Dannemarie, dans le Doubs. Sa mission est de desserrer le siège de Belfort. Deux nouveaux bataillons sont formés à Nevers, dirigés par les commandants de Noury et Tiersonnier ; le capitaine Dumas recrute une nouvelle compagnie de 150 hommes.

Mais l’armée de Bourbaki échoue à Béthoncourt, dans une courbe du Doubs. « Au premier son du clairon, un ouragan de fer s’abattit sur le bois, et nous perdîmes de vue le village et ses assaillants, au milieu de la fumée. « En avant la Nièvre ! » cria alors le colonel de Veyny. Les trois compagnies désignées sortent du bois toutes déployées… » Cette dernière charge héroïque n’a comme résultat que des pertes considérables. Au 3e Bataillon, le capitaine Mignot a la main traversée par une balle. Le soldat Jean Revenu, de Saint-Ouen, est blessé d’un coup de feu à la joue. Le docteur Comoy, médecin-major, s’illustre en soignant les nombreux blessés. Le régiment se replie. Belfort tient encore héroïquement et les Allemands sauront rendre hommage aux défenseurs (Denfert-Rochereau deviendra un héros national).

Le 3 février 1871, le colonel de Veyny, nommé chef de la division, reçoit avis de la convention signée par le général français Clinchant et le général fédéral suisse Herzog : le 12e R.M. entre en Suisse par Jougne. Il ne reste que 460 hommes sur un effectif de 3000 à la création du régiment. Ils se constituent prisonniers pour une durée d’environ un mois. Ils regagneront la Nièvre à partir du traité préliminaire de paix (1er mars) jusqu’à la signature de la paix de Francfort (30 mai 1871).

Les déboires du colonel de Bourgoing à la tête du 1er R.M. à Cheval

Au dépôt de Périgueux, l’ancien chef du 12e R.M. a beaucoup de difficultés pour organiser son nouveau régiment. On manque de chevaux, les maquignons ne s’empressent pas à aider le gouvernement. Pourtant, c’est bien la cavalerie qui a fait faute face aux hussards de la mort, aux uhlans et aux cuirassiers ennemis.

Le 23 janvier 1871, un régiment incomplet revient dans la Nièvre. Il bivouaque à La Charité et à Clamecy. Mais l’armistice vient d’être signé sur ce front ! Le régiment repasse la La Loire, à Bourges il rencontre les Garibaldiens. Selon le colonel de Bourgoing, il est impossible de s’entendre avec cette troupe indisciplinée. Le 1er R.M.C. est disloqué le 10 mars à Moulins: 610 chevaux sont cédés au 1er Bataillon de Chasseurs à Cheval, 200 au 10e Dragon et 57 à l’État-Major de Versailles.

« Ce régiment, si disposé à bien faire, si plein d’espérances, fut donc dissous sans avoir eu l’honneur de charger l’ennemi ou l’émeute ! Avant de séparer, les officiers jurèrent de se retrouver réunis pour la revanche : ils tiendront leur serment. »

Quelques soldats originaires du canton de Decize

Les registres de recrutement des classes 1870 et 1871 indiquent de façon précise le parcours d’une centaine de Decizois, Machinois et autres jeunes gens des villages voisins. De leur identité à la date de leur libération définitive des obligations militaires, nous pouvons suivre leur participation à la guerre franco-prussienne, à la répression des Communes de Paris et de Marseille, aux campagnes d’Afrique qui ont suivi. Voici quelques exemples.

Un groupe de conscrits nés en 1850 a rejoint le 12e Régiment d’Infanterie Mobile de la Nièvre en janvier 1871, au moment où ce régiment partait se battre dans le Doubs. Deux de ces soldats sont morts des suites de leurs blessures, l’employé de commerce decizois Louis-Simon Moissonnier le 8 mars 1871 à La Charité sur Loire, et le journalier Jacques Berland, originaire d’Avril sur Loire, le 2 mars 1871 à l’hôpital de Nevers. Étienne Renard, engagé au 67e R.I., meurt le 21 juillet 1871.

Jules Boyard, autre employé de commerce né à Béard, est enfermé dans Paris assiégé ; après l’armistice, il s’établit définitivement dans la capitale. Le verrier Louis Père (de Saint-Léger) et Pierre Chaizy (de Fleury), sont incorporés au 6e Régiment de Cuirassiers, ils subissent tout le siège de Paris ; ils sont libérés le 30 août 1871. Jules André, autre cuirassier pendant le siège, reste à Paris : il devient maréchal des logis dans la garde républicaine. Pierre Doussot, chasseur à cheval, se reclasse dans la gendarmerie de la Creuse.

Louis Sapin, Pierre Lucas, Simon Convert, Louis Fèvre, Claude Maufron, Jean Baudin, Jean-Baptiste Berland, Jean Jouvet, Pierre Tissier ont fait partie de ces Mobiles du 12e qui ont combattu à Béthoncourt et se sont repliés en Suisse. L’internement en Suisse a été également imposé à des conscrits affectés à d’autres régiments : François-Henri Binet (13e R.A.) et Jean Danjean (64e R.I.). Jacques Huver (26e R.A.) connaît la captivité à Metz et en Allemagne.

La campagne contre l’Allemagne est close le 7 mars 1871. C’est alors qu’éclate à Paris la Commune. Le gouvernement républicain de Thiers et du général Trochu obtient des Prussiens l’autorisation d’utiliser l’armée pour écraser dans le sang cette révolte populaire. Plusieurs soldats de la garde mobile de la Nièvre sont versés dans les régiments qui participent à la reconquête de Paris et aux massacres : les Machinois Gabriel Buffenoir, Jacques Suzanne et Guillaume Rousset (67e R.I.L.), les Decizois Charles Montré (90e R.I.) et François-Henri Binet (13e R.A., libéré de Suisse). Jacques Nachard et Jean-Claude Dumont (16e B.C.P. en garnison en Arles) répriment la Commune de Marseille.

Une autre révolte est écrasée tout aussi violemment par cette armée française, qui se venge ainsi des déconvenues de l’année précédente. Les montagnards de Kabylie ont cru qu’ils pouvaient se libérer ; plusieurs colonnes mobiles parcourent la Kabylie, fusillent les hommes, incendies les mechtas et pacifient les douars. Parmi les soldats qui combattent en Algérie en 1871, il y a Jean Revenu (16e B.C.P.), Joseph Perrot (de La Machine), Jean-Baptiste Barrot (charretier originaire de Decize, du 1er Rég. du Génie) et le menuisier Nicolas André (3e Génie).

L’Algérie, c’est la colonie où se sont installés trois conscrits qui n’ont pas répondu à l’appel de mobilisation. Guillaume Tabarant, né à Saint-Léger, habite l’Algérie avec sa famille depuis 1852. Le Machinois Jacques Riat est retrouvé à Alger en 1872 ; il a, semble-t-il, fui l’armée, tout comme Jean Minois, de Fleury sur Loire, déclaré déserteur le 7 mai 1874.

Bien au-delà des côtes d’Afrique du Nord, on retrouve aussi quelques exemples de soldats nivernais engagés dans l’infanterie de marine : le Decizois Henry Pény, mobilisé au 3e R.I.MA., s’embarque sur la Revanche en décembre 1870, il passe deux ans et demi au Sénégal et revient à bord de l’Ardèche (le voyage de retour dure du 17 novembre au 5 décembre 1873) ; Léonard Lapointe quitte Thianges pour être incorporé au 1er R.I.MA., il part au Sénégal à bord du Pétrel et il revient en décembre 1875 à bord de l’Entreprenante. François Carré, engagé volontaire au 3e R.I.MA. en juin 1870, combat contre l’Allemagne ; il effectue ensuite un séjour d’un an en Cochinchine.

Les troupes de réserve restées dans la Nièvre et la menace d’invasion

Tout au long de ce conflit, plusieurs compagnies sont restés au dépôt : les compagnies de Nevers, Luzy et Prémery dans les premiers mois, des compagnies de recrues par la suite. Cela ne signifie pas qu’elles aient été complètement éloignées des combats ou de l’agitation ouvrière.

Le 12 août 1870, un soulèvement est signalé à Arquian. 25 à 30 hommes suivent deux agitateurs, l’un identifié comme un extrémiste local, l’autre comme un barbu étranger. Ils ont fait sonner le tocsin et marchent sur Cosne. Leur manifestation est vite stoppée. Les gendarmes de Cosne et un détachement du 67e R.I. arrêtent quatre leaders et les autres révoltés se dispersent.

Après la proclamation de la République, un nouveau bataillon est organisé à Tannay. Sous les ordres du commandant Émile Laudet, il est dirigé sur les marges nord du département, à Saint-Amand-en-Puisaye et à Arquian (on se méfie des habitants de ce village). De Nevers, les Francs-Tireurs et les Éclaireurs (commandant de Mondésir et capitaine Normand) sont envoyés en renfort à Cosne, Gien et Orléans.

Tout au long du mois de décembre, le département semble cerné par l’invasion prussienne. Le 1er décembre, on signale des patrouilles ennemies près d’Autun. Au cours de la semaine suivante, c’est la Puisaye qui paraît la plus menacée. Le 7 décembre, les Mobiles se replient sur Cosne, ville qui est partiellement évacuée les 10 et 11.

Une compagnie du 12e R.I.M. de la Nièvre se bat à Courson, sur la route d’Auxerre. Le 23 décembre, près de 10000 Prussiens occupent le chef-lieu de l’Yonne et ses environs. Des éclaireurs ennemis sont mis en fuite à Entrains-sur-Nohain.

Le 27 décembre une colonne de Hessois envahit Neuvy-sur-Loire et Myennes. Les maires et quelques habitants de ces deux communes sont momentanément prisonniers, des pillages ont lieu. Cependant, cette occupation ne dure qu’une journée, les Prussiens repartent en direction de Paris.

Le cahier du sous-lieutenant Morlon

Louis-Albert Morlon, né à Decize en 1846, est sous-lieutenant de la Garde Mobile de la Nièvre. Il tient, jour par jour, un cahier administratif où il recopie les ordres de ses chefs, les instructions, les punitions. Ce manuscrit qu'il a conservé a été légué à la Bibliothèque Municipale de Nevers. On y relève de nombreuses informations sur le quotidien de ces moblots, dont la discipline et l'entrain laissent à désirer : les hommes saluent mal, conservent la main gauche dans la poche, ils portent des tenues fantaisistes, les armes sont mal entretenues... Le 29 novembre 1870, huit hommes sont punis de prison pour s'être esquivés d'une corvée.

Le 12 janvier, le bataillon part, à pied, en direction d'Avallon, qu'ils rejoignent le 20, mais ils sont tenus en réserve et, à nouveau, le sous-lieutenant Morlon note le mauvais comportement de certains hommes, qui se volent entre eux ; le commandant menace les délinquants d'être traduits devant la cour martiale, il prévoit de les faire marcher au feu afin de racheter leur honteuse conduite. Ce sursaut est inutile, car le cessez-le-feu est signé le 28 janvier, les troupes prussiennes sont entrée dans Paris.

Le bataillon revient à Nevers.

Les dommages de guerre

En novembre et décembre 1870, par ordre du général de Pointe et du préfet Cyprien Girerd, la Nièvre a été mise en état d’alerte et des travaux de défense ont été entrepris pour arrêter cette invasion. Des travaux modestes et peu efficaces : des abattis d’arbres et des éboulements de roches sur la route de Clamecy à Auxerre, des tranchées près de la ligne de chemin de fer Nevers-Chagny dans le faubourg de Mouesse, l’ouverture de barrages sur la Nièvre pour des inondations défensives près du canal de dérivation, des travaux aux ponts de Cosne et de La Charité

Ces travaux, qui n’ont servi à rien puisque l’invasion s’est arrêtée à Myennes, ont eu un coût. 637 demandes d’indemnités ont été déposées dans le département. Des agriculteurs ont réclamé le remboursement de récoltes abîmées, 30 propriétaires de terrains dans le faubourg de Mouesse pour l’inondation de leurs champs et jardins potagers, le maire d’Annay à cause d’une route coupée… Les sommes réclamées ont été revues à la baisse.

Certains dégâts ont été provoqués par des soldats français en transit dans les gares. À La Charité, ils ont brûlé 884 chevrons entreposés dans trois charrettes dans la cour de la gare, qui devaient être livrés à M. Polesny, sabotier à Sancergues. L’entreprise Delastre de Paris réclame 485 francs pour rembourser une colonne lumineuse publicitaire détruite en gare de Nevers.

Quatre mariniers ont dû céder leurs bateaux à l’armée française, qui les a coulés en La Loire afin d’établir un pont supplémentaire à Châteauneuf-sur-Loire. M. Philippat conduisait le Bertrand à Decize, son collègue Perchat avait deux péniches, Le Druide et Le Monarque, il travaillait pour la société Boigues, Rambourg et Cie. Le Saint-Sylvain de M. Mation et La Toussaint de M. Bordereuil ont subi le même sort dans l’intérêt de la Défense Nationale. L’indemnité est jugée insuffisante : Philippat n’obtient que 158,85 francs, alors qu’il a déclaré une perte de 1500 francs, il a perdu sa péniche, son mobilier, presque tous son linge. Ce naufrage décidé par le génal d’Aureilles de Paladines en novembre 1870 « laisse quatre familles et 21 personnes sans asile ni moyens d’existence. »

Les dommages de guerre sont aussi dus à l’occupation de courte durée des communes de Neuvy et de Myennes. Les réquisitions par l’ennemi, les pillages, les destructions de cabanes et de maisons de passage à niveau sont remboursés par l’État : 4101 francs à Neuvy et 1517 à Myennes.

Les victimes de cette guerre

On lit dans les registres des décès de Decize trois transcriptions d'actes émanant du ministère de la guerre ; il s'agit de jeunes Decizois morts au champ d'honneur. Charles Carré, lieutenant au 97e Régiment de Ligne est tombé le 17 août 1870 à Gravelotte[not 1], Marin Gauthier le premier septembre à la bataille de Wissembourg[not 2] et Jules-Nicolas Giraud le 22 décembre suivant à Neuendorf. Tous les trois ont été enterrés dans les cimetières de villages proches des champs de bataille et les avis du ministère sont parvenus à la mairie de Decize plusieurs mois après.

  • Entre décembre 1870 et mars 1871, alors que les combats avaient repris de la Seine à la La Loire, d'autres soldats, francs-tireurs et gardes mobiles sont morts de leurs blessures dans les hospices transformés en ambulances militaires, où ils avaient été évacués. À Montargis est décédé le 28 décembre 1870 Claude Ferrand, franc-tireur originaire de Saint-Pourçain (Allier), mais résidant dernièrement à Decize.

Nevers et les villes du département ont été choisies pour accueillir les blessés évacués des combats qui se sont produits sur la La Loire ou en Bourgogne. À l'hospice de Decize sont morts Léger Blondet, garde-mobile du deuxième bataillon de la Nièvre (né à Neuvy sur Loire) ; Victor-Auguste Richomme, garde mobile de la Sarthe ; François Barré, garde mobile des Deux-Sèvres, Joseph Alquier, soldat au 17e Régiment de Ligne (venu de Capdenac, dans le Lot) et Jean Lasbouygues, garde mobile du Tarn-et-Garonne. À la fin de cette année terrible Claude Simon, natif de Decize, garde mobile de la Nièvre, est mort à l'hospice de Nevers.

Les victimes de 1870-1871 n'ont pas eu de monuments aux morts. Il faudra attendre les premières années du XXe siècle pour que les vétérans s'organisent en associations, d'abord à Nevers, puis à La Machine et à Decize, avec une seule idée : la Revanche.

Sources

  • Colonel Philippe de Bourgoing, Campagnes de 1870-1871, B.M.N., manuscrit, cote 3 N 4455 ;- Henri Flamen d’Assigny, Le 12e Mobile aux armées de la Loire et de l’Est, Journal d’un officier du 3e Bataillon, B.M.N., cote 2 N 177 ;- Dr F. Subert, Sur un journal de marche d’un bataillon de la garde nationale mobilisée en 1870, Bulletin de la Société Scientifique de Clamecy, B.M.N., cote 3 N 4469 ;- Paul Millot, Les Nivernais dans la guerre de 1870-1871, Journal du Centre, B.M.N., cote 3 N 4343 ;- A.D.N., cotes R 3096 Prisonniers de guerre français ; R 3015 Dommages de guerre ; R 32 et 33 Recrutement de la garde nationale mobile en 1870 ; R 36 Registre matricule du contingent.
  • Texte de Pierre VOLUT http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/index.htm
    mis en page par --Mnoel 13 septembre 2014 à 09:31 (CEST)

Notes et références

Notes

  1. 16 août 1870 : l'armée de Bazaine est mise en échec à Gravelotte, près de Metz. L'expression il pleut comme à Gravelotte est devenue proverbiale.
  2. Premiers combats de la guerre à Wissembourg, au Nord de l’Alsace. L’armée de Mac-Mahon doit se replier sur Châlons le 16 août après les défaites de Wissembourg, Reichshoffen et Froeschwiller.

References