« Guerres de religion - Chapitre III » : différence entre les versions

De Wiki58
Aller à la navigationAller à la recherche
(Titre)
Ligne 20 : Ligne 20 :
''Cette entreprise parut d'abord réussir : un moment les conjurés se virent maîtres de cette forteresse; mais, n'ayant pu être soutenus à temps, ils furent chassés par les habitants. Cardaillet, ayant été blessé durant la défense qu'il avait tentée, fut pris par les calvinistes. Le peuple, outré de la trahison de cet homme, l'assaillit lorsqu'on l'amena dans la ville : il tomba percé de coups devant le portail de l'église Saint-Jean.''(4)<br/>
''Cette entreprise parut d'abord réussir : un moment les conjurés se virent maîtres de cette forteresse; mais, n'ayant pu être soutenus à temps, ils furent chassés par les habitants. Cardaillet, ayant été blessé durant la défense qu'il avait tentée, fut pris par les calvinistes. Le peuple, outré de la trahison de cet homme, l'assaillit lorsqu'on l'amena dans la ville : il tomba percé de coups devant le portail de l'église Saint-Jean.''(4)<br/>
Le capitaine Cartier d'Orléans revint à la charge et s'empara des fours banaux de Ménétréol.<br/>
Le capitaine Cartier d'Orléans revint à la charge et s'empara des fours banaux de Ménétréol.<br/>
Enfin dès la fin de l'année, les troupes royales commandées par le gouverneur de Berry, Claude de La Châtre, baron de La Maisonfort (°1536-†1614) avec les garnisons catholiques nivernaises vinrent mettre à nouveau le siège devant Sancerre.
[[Fichier:Siege de Sancerre Claude Chastillon-WikiCom.jpg|200px|thumb|right|Siège de Sancerre (1573] par La Châtre]]Enfin dès la fin de l'année, les troupes royales commandées par le gouverneur de Berry, Claude de La Châtre, baron de La Maisonfort (°1536-†1614) avec les garnisons catholiques nivernaises vinrent mettre à nouveau le siège devant Sancerre.
''Le 13 janvier 1573, le gouverneur de Berry envoya aux sancerrois un tambour porteur d'une sommation de rendre la place aux troupes de sa majesté; ce parlementaire ne reparut pas au camp royal : Jouhanneau ayant ordonné qu'il fut retenu, contre le droit de la guerre, auquel le chef calviniste ne se croyait pas assujetti.''(4)<br/>
''Le 13 janvier 1573, le gouverneur de Berry envoya aux sancerrois un tambour porteur d'une sommation de rendre la place aux troupes de sa majesté; ce parlementaire ne reparut pas au camp royal : Jouhanneau ayant ordonné qu'il fut retenu, contre le droit de la guerre, auquel le chef calviniste ne se croyait pas assujetti.''(4)<br/>
La Châtre fit un bombardement intense : 5915 volées furent tirées. Les assiégés sortaient quand même sous la mitraille et détruisaient les tranchées de l'assaillant. Le 19 mars, une brèche de 300 pas était enfin ouverte. La Châtre ordonna l'assaut. Mais la résistance fut solide et La Châtre renonça.<br/>
La Châtre fit un bombardement intense : 5915 volées furent tirées. Les assiégés sortaient quand même sous la mitraille et détruisaient les tranchées de l'assaillant. Le 19 mars, une brèche de 300 pas était enfin ouverte. La Châtre ordonna l'assaut. Mais la résistance fut solide et La Châtre renonça.<br/>

Version du 12 février 2020 à 09:59

De la Saint-Barthélemy aux États généraux (1572-1576).

Les événements à Paris (24 août 1572).

À la suite de l'édit de Saint-Germain (11 août 1570) une paix armée régnait sur le royaume de France. Les protestants avaient obtenu une certaine liberté de culte et quatre places fortes pour deux années, dont La Charité-sur-Loire. La pratique des messes et des cultes se rétablissait dans les paroisses catholiques comme chez les réformés. Les religieux étaient revenus dans leurs couvents, plus ou moins ruinés ou incendiés. La reine-mère Catherine de Médicis, toujours à la recherche d'une réconciliation nationale, avait négocié le rapprochement du jeune roi Henri de Navarre (°1553-†1610), premier prince du sang, avec la famille royale. En effet le vendredi 18 août 1572, celui-ci épousait Marguerite de Valois (°1553-†1615), sœur du roi Charles IX, à Notre-Dame de Paris. Comme le navarrais était protestant, le mariage fut célébré dans l'église pour la future et devant le porche pour le futur ! Tout ce qu'il y avait de personnages importants des deux partis, catholiques et protestants, princes du sang et grands feudataires, étaient présents à Paris pour les fêtes de ce mariage.
Le mardi 22 août, l'amiral Gaspard de Coligny (°1519-†1572), chef des armées protestantes, passant à pied dans une rue du cloître Saint-Germain-l'Auxerrois devant une maison appartenant aux Guise, reçut un coup de pistolet tiré d'une fenêtre et n'eût la vie sauve que parce qu'il s'était baissé juste à ce moment. Il fut blessé à l'épaule et perdit un doigt. Cet attentat manqué déclencha la colère des protestants. Paris était au bord de la guerre civile entre les Guisards et les huguenots.
Le roi réunit son conseil étroit le 23 août, avec son frère le duc d'Anjou, le garde des Sceaux (René de Birague °1506-†1583), le gouverneur de Bourgogne (Gaspard de Saulx-Tavannes °1509-†1573), le baron de Retz (Albert de Gondi °1522-†1602) et le duc de Nevers (Louis de Gonzague °1539-†1595), tous hommes dévoués à la cause royale et catholique. La décision de neutraliser les chefs protestants, capitaines et officiers, fut prise à condition de respecter les princes du sang, le roi de Navarre et le prince de Condé (Henri de Bourbon °1552-†1588).
Mais l'exécution de cette décision dans la nuit du 23 au 24, déclencha un massacre incontrôlé dans cette ville en crise. Les protestants étaient dénoncés et tués, leurs maisons pillées; des étrangers, surtout des italiens, furent aussi attaqués (1). Le duc de Guise (Henri de Guise °1550-†1588) est allé droit au logis de Coligny où ses hommes ont assassiné l'amiral et défenestré son corps. Quelques huguenots eurent la chance d'être cachés ou de prendre la fuite. Dès le lendemain matin, le roi, averti de l'ampleur des tueries, envoya le duc de Guise et le duc de Nevers pour protéger les protestants les plus en vue et tenter de rétablir l'ordre public. Le duc de Nevers intervint personnellement pour empêcher la foule d'investir la résidence de l'ambassadeur d'Angleterre où des huguenots avaient trouvé refuge. Malgré cette réaction tardive, les massacres se sont prolongés toute la semaine et le roi, tenant un lit de justice le samedi, assuma la responsabilité de ces exécutions pour arrêter un complot fomenté par l'amiral de Coligny et les chefs protestants contre la famille royale.
Les princes les plus favorables aux réformés, Henri de Navarre et Henri de Condé furent contraints de se convertir au catholicisme pour rester à la Cour.

Massacre à La Charité (26 août).

La nouvelle des événements parisiens se répandit très vite dans les provinces colportée par des témoins en fuite et des courriers sur toutes les routes et partout des massacres vont être perpétrés pas des catholiques qui se sentaient tout permis. La nouvelle parvint à Orléans, puis à La Charité-sur-Loire dès le 25 août 1572. Une compagnie de mercenaires italiens appartenant au duc de Nevers, entra dans la ville le 26, en demandant au gouverneur (Charles de la Grange d'Arquian °1517-†1575) de faire une revue de leurs troupes dans la ville. La population catholique, encore marquée par le souvenir des massacres commis par les troupes protestantes de Wolfgang le cruel trois ans auparavant, s'empressa de conduire les italiens vers les maisons des huguenots pour les piller : ceux qui résistaient étaient impitoyablement massacrés. Une vingtaine d'entre eux trouvèrent la mort (2). Les ministres de la religion qui prêchaient à La Charité, Jean de Léry et Pierre Mélétin, ainsi que le capitaine Paquelon, furent obligés de quitter la ville et s'enfuirent à Sancerre (3).
Beaucoup d'autres villes furent victimes de cette contagion, en particulier Lyon, où ce furent les tristes "Vêpres lyonnaises" qui firent aussi des centaines de morts.

Le siège de Sancerre.

La communauté protestante de Sancerre, ville du Berry voisine de La Charité, était très nombreuse et active. Mais au lendemain de la Saint-Barthélemy, ils ne se sentaient pas en sûreté. Le gouverneur André Jouhanneau soutenait leur désir de liberté.
Le comte de Sancerre, Jean VII de Bueil (°<1563-†1638) était trop jeune à cette date pour protéger efficacement son fief. Les habitants envoyèrent alors un émissaire, nommé Saint-Pré, vers le beau-frère du comte, Honorat de Bueil, seigneur des Fontaines, pour demander son appui à la cour de Charles IX. Mais le roi exigea que la place fut occupée par une garnison catholique.
Des Fontaines arriva à Cosne le 29 octobre 1572 et fut accueilli par les catholiques, restés très nombreux dans cette ville. N'ayant pu s'entendre avec les huguenots de Sancerre et voulant éviter de faire un nouveau siège alors que celui de La Rochelle commençait aussi, il leur envoya un certain Cardaillet, sieur de Chiron, valet de chambre du roi, pour obtenir qu'ils renvoient tous les étrangers de la ville et qu'ils fassent appel au sieur des Fontaines, en lui promettant de l'aider à se saisir de la forteresse par surprise.
Cette entreprise parut d'abord réussir : un moment les conjurés se virent maîtres de cette forteresse; mais, n'ayant pu être soutenus à temps, ils furent chassés par les habitants. Cardaillet, ayant été blessé durant la défense qu'il avait tentée, fut pris par les calvinistes. Le peuple, outré de la trahison de cet homme, l'assaillit lorsqu'on l'amena dans la ville : il tomba percé de coups devant le portail de l'église Saint-Jean.(4)
Le capitaine Cartier d'Orléans revint à la charge et s'empara des fours banaux de Ménétréol.

Siège de Sancerre (1573] par La Châtre

Enfin dès la fin de l'année, les troupes royales commandées par le gouverneur de Berry, Claude de La Châtre, baron de La Maisonfort (°1536-†1614) avec les garnisons catholiques nivernaises vinrent mettre à nouveau le siège devant Sancerre.

Le 13 janvier 1573, le gouverneur de Berry envoya aux sancerrois un tambour porteur d'une sommation de rendre la place aux troupes de sa majesté; ce parlementaire ne reparut pas au camp royal : Jouhanneau ayant ordonné qu'il fut retenu, contre le droit de la guerre, auquel le chef calviniste ne se croyait pas assujetti.(4)
La Châtre fit un bombardement intense : 5915 volées furent tirées. Les assiégés sortaient quand même sous la mitraille et détruisaient les tranchées de l'assaillant. Le 19 mars, une brèche de 300 pas était enfin ouverte. La Châtre ordonna l'assaut. Mais la résistance fut solide et La Châtre renonça.
Il transforma le siège en blocus, pour réduire la population par la famine. La situation fut rapidement intenable, parce que le gouverneur de la place n'avait pas constitué de provisions de nourriture et de munitions : on mangeait tout ce qu'on trouvait, des vignerons furent condamnés à mort pour avoir mangé un enfant ! (5)
Sancerre ne capitula que le 25 août, après 220 jours de siège, deux mois après que fut levé le siège de La Rochelle. Le gouverneur André Jouhanneau fut assassiné et son corps aurait jeté dans un puits.
Le pasteur Jean de Léry a fait le récit de ce siège (6).

Édit de Boulogne (11 juillet 1573)

Au lendemain des sièges de La Rochelle (février à juin 1573) et de Sancerre, un nouvel édit mit fin à cette quatrième guerre de religion. Les armées royales n'avaient pas pris La Rochelle et les rescapés du siège de Sancerre ne chantaient pas leurs louanges ! Cet édit fut donné par Charles IX au château de Boulogne (château de Madrid à Neuilly-sur-Seine) le 11 juillet 1573.
Certes, les protestants voyaient une fois de plus reconnue leur liberté de conscience mais les cultes restaient très limités et seules trois villes de sûreté leur étaient accordées : La Rochelle, Nîmes et Montauban. Cette fois, La Charité restait sous l'autorité du gouverneur catholique, La Grange d'Arquian, et le prieur claustral dom Noël Coquille avait rétabli le prieuré bénédictin en partie pillé et ruiné par les reîtres allemands. Mais bien des villes à majorité protestante, restaient de fait entre les mains des huguenots, comme Entrains ou Corbigny pour ne citer que des villes du duché de Nevers.
Profitant de l'accalmie, le 5 novembre 1573, Louis de Gonzague et Henriette de Clèves établirent une fondation célèbre : La Fondation faicte par mes seigneur et dame les duc et duchesses de Nivernois et de Rethelois, princes de Manthoüe et pairs de France, pour marier doresnavant par chacun an à perpétuité, en leurs terres et seigneuries, iusques au nombre de soixante pauvres filles, destituees de toutes facultez et moyens. […] En leur Duché de Nivernois, pour la grandeur & estendue d'iceluy, trente filles; assavoir vingt-une au Nivernois, & neuf au Donzyois, és Chastellenies cy-déclarées. (7) Les "rosières" de la Nièvre recevaient une dot de 50 livres, c'était peu mais cette obole leur permettait de sortir de la misère.
Le massacre de la Saint-Barthélemy et le siège de La Rochelle avaient poussé le roi vers le rétablissement de son pouvoir par la force.
Les protestants, eux, s'organisaient en province en créant une Union des protestants, véritable gouvernement indépendantiste, et organisant les provinces du midi de Nîmes à La Rochelle comme une structure confédérale. En juillet 1574, le prince de Condé y était établi comme gouverneur général et protecteur des églises réformées (8).

Le complot des Malcontents

Le roi Charles IX, atteint de tuberculose, voyait sa santé décliner rapidement. Il ne bougeait plus du château de Vincennes et confiait les rênes du pouvoir à sa mère, Catherine de Médicis.
Le 11 mai 1573, la diète polonaise avait élu son frère, le duc d'Anjou, Henri de Valois (°1551-†1589), au trône de Pologne. Celui-ci quitta La Rochelle et partit pour Paris, où il resta jusqu'en décembre 1573, avant de gagner Varsovie.
Bien que le nouveau roi de Pologne n'ait en rien abandonné ses droits à la succession du royaume de France, le dernier des fils de la reine-mère, François d'Alençon (°1555-†1584), conscient de la mauvaise santé du roi et de l'éloignement de son frère Henri, se tenait prêt à recueillir la couronne ! François était encouragé par le parti protestant auquel il était plus favorable et allait de ce fait se trouver à la tête des complots qui se tramaient. Le roi de Navarre, son beau-frère, avait profité aussi de cette accalmie pour se reconvertir au protestantisme et soutenir les prétentions de François. Le but des conjurés était de délivrer le roi de Navarre et le prince de Condé assignés auprès du roi à Vincennes, de renverser la gouvernement de la reine-mère et de transmettre la couronne à François d'Alençon en écartant le roi de Pologne.
En 1574, François d'Alençon n'avait en rien renoncé à ses prétentions, il reçut le soutien de Henri de Montmorency-Damville (°1534-†1614), fils du connétable, gouverneur du Languedoc, et de son frère Guillaume de Montmorency-Thoré (°1546-†1594) qui formèrent le "complot des Malcontents". Deux seigneurs nivernais participèrent à cette faction, Pierre de Grandrye (°1530-†1597), chambellan du duc d'Alençon et Guillaume de Grandrye, son frère. François d'Alençon était secondé par Joseph Boniface de La Môle et l'italien Annibal de Coconas, gentilshommes prêts à tout pour servir leur maître. Les malcontents n'étaient pas des huguenots, plutôt des catholiques opposés au pouvoir absolu du roi Charles IX, mais dans l'opposition ils rejoignaient les chefs protestants, le prince de Condé et le roi de Navarre. Enfin, ils avaient le soutien des princes allemands en particulier du duc Jean-Casimir de Bavière (°1543-†1592) qui commandait une armée de 16000 mercenaires. L'union de ces partis fut concrétisée par un traité signé à Nîmes dès janvier 1574.
Le 10 mars 1574, le parti des Malcontents voulait quitter la Cour et faire fuir les princes vers les Pays-Bas. Le roi était alors au château de Saint-Germain. Les conjurés rassemblèrent des troupes à Mantes, les armes à la main (9). Tous se tenaient prêts à soutenir le duc d'Alençon et à permettre l'évasion des princes, mais les mouvements de troupes dans les jours qui précédèrent, furent connus de la Cour qui décida de partir pour Vincennes.
L'échec du complot n'arrêta pas les conjurés et une nouvelle tentative eut lieu le 10 avril. Le roi de Navarre et le prince de Condé étaient étroitement surveillés à Vincennes. Le duc d'Alençon avait le soutien des dames de la Cour : Marguerite de Valois, reine de Navarre, Henriette de Clèves, duchesse de Nevers et Catherine de Clermont, dame de Retz. La Môle et Coconas devaient amener les troupes et les chevaux pour permettre la fuite des princes.
Le complot fut encore dénoncé et le roi fit arrêter les conjurés : Le duc d'Alençon et le roi de Navarre ont été interrogés, de même que les frères de Grandrye. La Môle et Coconas furent emprisonnés, puis jugés rapidement et exécutés le 30 avril à Paris. L'astrologue Ruggieri fut envoyé aux galères. Le duc de Montmorency et Charles de Cossé furent embastillés. Le vicomte de Turenne (Henri de la Tour d'Auvergne °1555-†1623), s'enfuyant de Vincennes, et passant par Cosne-sur-Loire, préféra coucher discrètement dans un faubourg plutôt que de s'exposer à être pris dans la ville.
Enfin, le 30 mai 1574, Charles IX rendit le dernier souffle à Vincennes. La succession fut ouverte. Le roi de Pologne apprit la nouvelle à Varsovie quelques semaines après et décida aussitôt de regagner la France pour faire valoir ses droits à la couronne. Son retour par l'Autriche et l'Italie, fut un véritable triomphe ; son frère François et la reine-mère le rejoignirent dès son entrée dans le royaume. Le 13 février 1575, Henri III sera sacré à Reims par le cardinal de Guise.
Le nouveau roi poursuivit la répression contre les protestants : Charles Dupuis-Montbrun, capitaine protestant dauphinois et seigneur de Lanocle (Nièvre), fut décapité à Grenoble le 12 août 1575 pour avoir porté les armes contre son roi.
Par l'un des articles d'une trêve conclue entre la Cour et les Malcontents le 21 novembre 1575, La Charité fut de nouveau accordée aux protestants avec quatre autres places fortes (Bourges, Saumur, Angoulême et Niort) pour la durée de cette trêve. Mais trois mois après les hostilités recommencèrent. Le prince de Condé et Jean Casimir étaient entrés en France à la tête de 18000 hommes. Ils passèrent à La Charité, y séjournèrent et en repartirent le lendemain sans commettre aucun désordre (10). Au retour de sa campagne à Montauban, Turenne s'arrêta de nouveau à Saint-Verain (Nièvre) qui venait d'être prise par le duc Casimir, et se joignit à l'armée mercenaire pour monter vers Étampes. Le duc fut battu à Dormans par le duc de Guise.
La reine-mère eût une entrevue avec les confédérés pour jeter la discorde parmi eux : le duc d'Alençon se méfiait des menées du roi de Navarre et du prince de Condé, l'union se dissociait. Henri III, n'ayant pas les moyens de financer la guerre, dut se résoudre à faire la paix avec les conjurés.

La Charité retombe au pouvoir des protestants pour la quatrième fois

Depuis 1572, le duc de Nevers avait établi un nouveau gouverneur pour les villes de La Charité et de Donzy : Charles de la Ferté-Meung, seigneur de Doys en Berry, qui participa avec les troupes royales au siège de la Charité, tout en défendant les places nivernaises toujours convoitées par les protestants.
Le 2 janvier 1576, le gouverneur s'était éloigné de la Charité pour aller dîner à la Charnaye, près de Rouy (Nièvre) accompagné du capitaine La Botonnière et de ses hommes. Pendant ce temps les soldats restés dans la ville sous le commandement du capitaine Pierre Amyot, se révoltèrent contre le gouverneur, qui à son retour se vit refuser d'entrer dans la ville. Ce capitaine Pierre, refusa toute négociation avec le duc de Nevers, destitua les échevins de la ville (11).

Édit de Beaulieu (6 mai 1576).

Pour les protestants, ce nouvel édit fut le plus libéral de tous ceux signés jusqu’alors : les réformés obtenaient la réhabilitation des victimes de la Saint-Barthélemy et la restitution de tous leurs biens. La liberté de culte leur fut accordée dans tout le royaume de France, sauf à Paris. Les églises catholiques furent rétablies, même dans les villes protestantes où elles étaient désertées depuis longtemps.
Montmorency et Cossé-Brissac furent libérés et retrouvèrent leurs postes. Le roi de Navarre reçut la Guyenne, et le prince de Condé fut rétabli comme gouverneur de Picardie. Le duc Jean Casimir de Bavière devint duc d’Étampes, et de nombreuses places de sureté furent accordées aux protestants. La colère des catholiques fut générale, en entendant les clauses de cet accord.
Le duc d'Alençon reçut en apanage le titre de duc d’Anjou, avec les provinces d’Anjou, de Touraine et de Berry.
Il reçut aussi la place forte de la Charité-sur-Loire, occupée par les protestants depuis le mois de janvier 1576, pour une durée de deux ans. Il y fit son entrée et en prit possession le 10 juillet, étant entouré d'un grand nombre de gentilshommes. La bourgeoisie le reçut sous les armes, et le harangua à la porte de Paris. Les catholiques et les protestants le reçurent avec enthousiasme. Mais, malgré leurs représentations, ce prince a nommé pour gouverneur de La Charité Jacques de Morogues, seigneur de Sauvages, et zélé protestant, qui fut installé gouverneur de La Charité le 12 juillet 1576. Ils ne doutèrent plus que le duc d'Alençon ne fut attaché à ce parti. Cependant il fit prêter à ce gentilhomme le serment de fidélité, et promettre de ne point molester les catholiques ni les huguenots.
Dans le même temps le prince Jean-Casimir de Bavière, avec toute son armée passa à La Charité sans y prendre autre chose que le logement. Trois jours après son départ, Jacques de Morogues attira secrètement dans la ville plusieurs protestants, les capitaines Tamnay, Lamotte, de la Nocle et autres; de son côté, le prince de Condé y envoya les sieurs Buisson, Lapierre, etc. Le 3 novembre, ils se rendirent maîtres de la ville, ôtèrent de la garnison tous les catholiques, tuèrent ceux qui voulurent résister, désarmèrent les autres et livrèrent leurs maisons au pillage, ainsi que le monastère.
Le duc d'Anjou, informé, se vit refuser l'entrée dans la ville et s'en plaignit au roi Henri III, qui le créa lieutenant général de ses armées et lui ordonna de marcher sur La Charité (12). Le cardinal de Bourbon et le prieur de La Charité Philippe de Lénoncourt étaient aussi favorables à une intervention armée.

Les États généraux à Blois (juin 1576).

Enfin le roi convoqua à nouveau les États généraux à Blois pour 1576. L'édit de Beaulieu fut révoqué, et la religion catholique fut reconnue comme la religion d'état.
Le vote se faisait par gouvernements. Celui de Lyon auquel était rattaché le duché de Nevers était favorable à la paix. La noblesse du Nivernois ayant député, Pierre de Blanchefort (°~1520-†1591) aux États de Blois, en 1576, il y trouva une occasion de prouver son zèle pour la cause du monarque. Pendant la durée des séances de l'assemblée, il composa un journal exact des choses les plus importantes qui y furent traitées. Il estoit très-digne du sang dont il sortoit, non-seulement par sa haute générosité, mais aussi par la fidélité qu'il eut pour son roy, dans un temps où presque toute la France se faisoit gloire de lui estre infidèle. Il a été le seul qui ait découvert le mystère de la Ligue naissante, qui lui a fait lever le masque et qui nous a appris avec quelle dextérité et par quelles pratiques on corrompoit les principaux députés des États, pour les faire entrer dans la conjuration de ceux de la Ligue, et les y faire engager par leurs sermens et leurs signatures.(13) Pierre de Blanchefort était seigneur de Château-du-Bois et d'Asnois en partie : il avait épousé en 1550, Léonarde de Clèves, qui lui apportait le reste de la seigneurie d'Asnois. Ses liens avec la noblesse nivernaise lui permettaient de garantir la fidélité de la province au roi.
Le roi Henri ne s'opposait plus à la Ligue catholique naissante et s'en déclara le chef. Deux armées allaient être créées : l'une sous le commandement du duc du Maine (Charles de Mayenne, 1554-1611) pour opérer en Poitou, l'autre sous les ordres de Monsieur, frère du roi, duc d'Alençon et d'Anjou. Cette dernière devait préparer les sièges des places protestantes d'Issoire et de la Charité.
La réunion des États généraux n'avait nullement apporté la paix dans le royaume; les armées s'étaient aussitôt reformées pour commencer une sixième guerre de religion.

(à suivre)

Notes

(1) Le nivernais Antoine de Marafin, cornette de l'amiral de Coligny, fut parmi les victimes. Il était le frère de François de Marafin, seigneur de Guerchy (Garchy ?) qui aida les troupes allemandes à prendre la Charité. Annuaire historique du département de l'Yonne, 1883, p.92
(2) Louis Lebœuf, Histoire de La Charité, Nevers, 1897, qui donne les noms de ces martyrs : le capitaine Landas, d'Orléans, tué dans sa maison, Pierre Guichard, Bailly Pierre, Maitre Paul, Etienne de Vyon qui fut égorgé dans sa prison; Maître Jacques, malade, tué dans son lit, le capitaine Corde qui habitait La Charité depuis deux ans et s'y était marié, fut tué la nuit sous les yeux de sa femme par un aventurier italien nommé Menotti, son ancien compagnon d'armes sous le sieur de La Bruyère; Jean Sarrazin, vieillard de soixante-dix ans, s'était caché sous son lit, il y reçut de son filleul qui était son voisin, un coup d'épée dans le ventre dont il mourut quelques jours après. Jérôme Jogant, échevin, dont la femme enceinte à ce moment appartenait à la religion catholique et qui avait voulu le protéger, furent tués tous les deux sous les yeux de leurs enfants.
(3) Jean-François Née de la Rochelle, Mémoires pour servir à l'Histoire civile, politique et littéraire, à la Géographie et à la Statistique du Département de la Nièvre et des contrées qui en dépendent, 1827, Bourges, Paris, tome I, p. 301
(4) Georges Touchard –Lafosse, La Loire historique: pittoresque et biographique, d'après les auteurs de l'antiquité et les légendes, chroniques, chartes, histoires provinciales, statistiques, travaux..., 1843, pp.287-291
(5) Bernot de Charant, Abrégé historique du prieuré de La Charité,
(6) Jean de Léry, Histoire mémorable du siège de Sancerre, (1574).
(7) de Gomberville, Les mémoires de Monsieur le duc de Nevers, prince de Mantoue, 1665, Paris, tome II, p.533
(8) Arlette Jouanna, La France du XVIe siècle 1483-1598, PUF, 1996
(9) Mémoires du duc de Bouillon,
(10) Duvivier, Histoire du Nivernais
(11) B. de Gaulejac, "Un gouverneur de La Charité-sur-Loire chassé de sa ville en 1576", Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts, Nevers, 1957, t. XXXIV, n°1, pp. 59-60
(12) Jean-François Née de la Rochelle, op. cit., tome I, pp. 304-305
(13) de Gomberville, op.cit.


Alain Raisonnier 4 février 2020