Guerres de religion - Chapitre I

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La première guerre de religion (1560-1563)

Édit puis conjuration d'Amboise (8 et 16 mars 1560).

Le roi François II étant mineur, la régence avait été attribuée à sa mère, Catherine de Médicis. Il semble bien que celle-ci souhaitait mener une politique de conciliation entre les partis catholique et protestant. Les protestants étaient menés par le prince de Condé (Louis de Bourbon, °1530-†1569), avec son frère le roi de Navarre (Antoine de Bourbon, °1518-†1562), et l'amiral Gaspard de Coligny (°1519-†1572). Le gouvernement avait été confié par la régente au parti catholique mené par le duc François de Guise (°1519-†1563), avec le cardinal Charles de Lorraine, son frère (°1524-†1574), le connétable (Anne de Montmorency, °1493-†1567) et le maréchal de Saint-André (Jacques d'Albon, °~1505-†1562). Les trois chefs militaires catholiques ont été surnommés par les protestants le "triumvirat", pour les rapprocher des auteurs des massacres de la République romaine, Octave, Marc-Antoine et Lépide. Le 8 mars 1560, la reine-mère fit promulguer le premier édit d'Amboise, donnant une amnistie générale pour tous les hérétiques, la libération des prisonniers protestants et la suspension de toutes les poursuites engagées contre eux (1). Ce pardon royal n'eût pas le temps de s'appliquer, car un complot fomenté par des gentilshommes protestants de Guyenne et de Provence avait décidé de s'emparer de le personne du jeune roi François II à Amboise : le 16 mars 1560, plus de 1000 soldats de la conjuration d'Amboise s'approchèrent de la ville, mais ils furent aussitôt dénoncés, repoussés, leur complot échoua et la plupart furent massacrés (1200 à 1500 morts).
Cette action malheureuse conduisit la reine à donner le pouvoir aux catholiques et le duc François de Guise devint lieutenant général du royaume. Il a été impossible d'établir que le prince de Condé avait participé à la conjuration, bien que l'adhésion de ce prince du sang à la religion nouvelle fut connu de tous.
Mais Catherine de Médicis continuait de vouloir réconcilier ses sujets. Elle donna encore l'édit de Romorantin en complément de l'édit d'Amboise, accordant la liberté de conscience à tous ceux qui ne perturbaient pas l'ordre public. En août 1560, elle convoqua à Fontainebleau une Assemblée de notables afin de permettre aux partis de s'exprimer et de négocier une paix durable. L'amiral de Coligny plaida la cause des réformés. Dans un esprit de tolérance, il fut décidé de convoquer un concile national et des États généraux pour obtenir de régler les questions religieuses et politiques (2). Dès octobre 1560 à Orléans, le prince de La-Roche-sur-Yon, gouverneur, commença de préparer la tenue des États généraux. Le roi de Navarre et le prince de Condé y furent assignés à résidence, soupçonnés d'avoir participé à la conjuration. Des députés furent élus dans tout le royaume. Les états furent convoqués pour le 13 décembre 1560.
Mais le 19 novembre, le roi François II souffrit d'une mastoïdite qui s'aggrava rapidement et tous les projets furent suspendus. Le 5 décembre le jeune roi s'éteignit à Orléans, laissant la couronne à son petit frère Charles qui n'avait que dix ans.
Les États généraux s'ouvrirent le 13 décembre 1560 à Orléans en présence du roi Charles IX, de la reine-mère, du duc d'Orléans (futur Henri III), Madame Marguerite (de Valois), le roi de Navarre, le duchesse de Ferrare (Renée de France), les cardinaux de Bourbon, de Tournon, de Lorraine, de Châtillon et de Guise, le prince de la Roche-sur-Yon, le connétable Anne de Montmorency, le duc François de Guise, l'amiral Gaspard de Coligny et le chancelier Michel de l'Hospital, les maréchaux de Brissac et de Saint-André, et autres… Le prince de Condé, toujours prisonnier, fut transféré en Picardie. On entendit les harangues des représentants du clergé, de la noblesse et du tiers-état. Le roi décida de renvoyer les députés pour en débattre dans leurs provinces avec leurs gouvernements respectifs et reconvoqua les états pour une autre session à Pontoise en mai 1561.

La Charité prise par les protestants.

Dans les premiers mois du règne de Charles IX, le gouverneur nommé par le roi à La Charité était Charles de la Grange d'Arquian (-†~1560), seigneur de Montigny. En 1558, le prieuré bénédictin avait été taxé de 1098 écus par le précédent roi Henri II pour subvenir aux dépenses militaires, et le 31 juillet 1559, la ville avait souffert d'un énorme incendie qui ravagea la nef de l'église priorale et 200 habitations du quartier voisin.

Abbatiale de la Charité-sur-Loire.

Les protestants qui étaient déjà nombreux dans cette ville, avaient le projet de faire nommer comme gouverneurs deux gentilshommes du Berry plus favorables à leur parti : François de La Porte d'Issertieux et François de Jaucourt de Deux-Lions (-†1567). Plusieurs capitaines des deux partis commandaient la garnison. Ils envoyèrent un charitois protestant, Estienne Lejay, pour présenter leur allégeance au roi et lui demander d'approuver le choix de leurs gouverneurs. Mais Lejay pressentant que sa mission ne serait pas couronnée de succès, renonça à se rendre à la Cour et il alla trouver le sieur de Mouy Saint-Phal (Louis de Vaudrey, seigneur de Mouy et de Saint-Phal, -†1569), lieutenant de l'amiral de Coligny, et lui offrit de lui livrer la ville. Le sieur de Mouy accepta aussitôt et se rendit à La Charité à la tête de trois compagnies d'hommes d'armes. Il arriva un dimanche matin sur les dix heures, pendant qu'on célébrait l'office divin, se rendit maître de la ville et du château, au grand étonnement des catholiques, et se fit déclarer gouverneur de la place. Il fit même annoncer, au nom des princes, pour inspirer plus de sécurité, la défense d'entrer dans les églises à dessein de les piller; mais à peine la trompette eût cessé de sonner, que tous les gens de son parti s'introduisirent tumultueusement dans ces lieux sacrés, les pillèrent avec audace, brisèrent les images, renversèrent les autels, fouillèrent dans les tombeaux, emportèrent les châsses contenant les reliques des saints, les vases sacrés, et tout ce qu'il y avait de précieux dans le prieuré, et que les religieux n'avaient pas eu le temps de cacher. Mouy, par un raffinement de dissimulation, fit inventorier ces objets avant de les mettre en dépôt, mais dans l'intention de les retrouver par la suite (3). Le juge Duvaneau qui avait établi cet inventaire confia les objets à la garde du receveur du prieuré et de dom Noël Coquille.

En avril 1562, quatre hommes de la compagnie du maréchal de Saint-André, gouverneur du pays et oncle du sieur d'Achon, entrèrent dans la ville et se logèrent à l'enseigne de la Fleur de Lys, près de la porte Saint-Pierre. Leur intention était d'entrer en profitant de l'assemblée des protestants qui se tenait en dehors des murs suivant l'édit du roi. mais Issertieux avait prévenu le danger en faisant tenir l'assemblée dans la ville. Les hommes du maréchal de Saint-André accompagnés de 60 à 80 brigandeaux, à pied et à cheval, avec deux de la troupe laissés en arrière s'avancèrent avec un cornet de poste jusque près de la porte feignants d'être courriers et de demander des chevaux. Mais un de ceux de la garde ayant découvert la troupe le long du chemin allant de la Charité à un lieu appelé Raucau, fut cause que le pont-levis fut levé à temps et qu'il leur fut répondu que le maître de poste n'avait pas assez de chevaux pour eux. Se voyant découverts ils prétendirent encore avoir commission du roi mais il ne furent pas mieux reçus et se sentant découverts il se retirèrent en tirant quelques coups de pistole et ils furent chassés à coups d'arquebuse. En partant ils pillèrent un bateau qui descendait par la rivière, plein de marchandises et surprirent aussi le sieur de Greviers, s'en allant à Orléans, qu'ils emmenèrent prisonnier à Saint-Pierre-le-Moûtier lui ayant pris ses chevaux de service et ses armes (4).
La ville de La Charité resta pour la première fois sous le gouvernement des réformés jusqu'en juin 1562. Le ministre Jean Papillon, dit des Roches, y fut un audacieux propagateur du calvinisme. Il avait prêché en 1561 à Sancerre, Cosne, Entrains et La Charité, et en 1562 à Nemours, Lorris et Montargis (5).

Les États généraux de 1561 et le Colloque de Poissy.

Dès le mois d'avril, à Fontainebleau, le nouveau roi Charles IX et la régente donnèrent un nouvel édit de pacification qui interdisait les injures à propos de religion. Les termes de "huguenot" et de "papiste" devenaient délictueux.
Les États généraux avaient été reconvoqués par Catherine de Médicis, régente, à Pontoise au mois de mai 1561. Les députés ne se réunirent que pour débattre des subsides qu'ils attendaient pour leurs provinces. Aucun débat ne se fit sur la religion puisqu'un "concile" ou "colloque" devait se réunir à cet effet. Le 9 septembre 1561, le colloque se réunit enfin à Poissy, sous la présidence du cardinal de Tournon, archevêque de Lyon. On y entendit la harangue de Théodore de Bèze, ministre de la religion nouvelle, puis celle du cardinal de Tournon pour l'église catholique. Théodore de Bèze demanda à répondre au cardinal mais le roi renvoya à huitaine. On annonça l'arrivée du cardinal de Ferrare, légat du pape Pie IV. Les protestants firent connaître leur désir de nombreuses réformes et les prélats catholiques souhaitaient aussi réformer beaucoup de points dans la vie de l'église, mais aucun accord ne fut proposé ni conclu avant que les participants ne se séparent. A cette occasion, devant Charles IX, Catherine de Médicis et le duc de Guise se sont réconciliés solennellement avec le prince de Condé (4).
Le 24 septembre 1561 la reine réunit les grands : les Guise qui souhaitaient le maintien pur et simple de l'édit de juillet, se retirèrent. La reine demanda de recenser le nombre des églises réformées en France à ce moment : on en dénombra entre 600 et 2500 selon les sources des deux partis. C'est finalement en l'absence des Guise que la reine réunit un conseil qui aboutira à la proclamation de l'édit du 17 janvier 1562, beaucoup plus favorable aux réformés.

L'église réformée de Nevers (mars 1561-mars 1562).

François Ier de Clèves, duc de Nevers (1516-1562)

Le 23 mars 1561 arrivait à Nevers Jean Logeri, dit La Planche, ministre protestant de La Charité, pour y présider une première assemblée de la religion qui ne réunit que 13 ou 14 personnes. Dès le 22 mai le lieutenant civil du bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier se rendit à Nevers pour y interdire les assemblées des "huguenots", mais ceux-ci se défendirent en montrant l'édit que le roi avait donné à Fontainebleau le 19 avril qui les y autorisait. A la fin du mois de mai, une assemblée de 35 religionnaires est surprise par la foule qui s'ameute. Le tocsin sonne et seule l'intervention des gens de justice permet aux protestants de se retirer chez eux sans dommages.

Le duc de Nevers, François Ier de Clèves, prévenu de ces troubles, dépêcha Antoine de Veilhan, sieur de Giry, avec des forces armées. Veilhan arrivé le 7 juin à Nevers, imposa une procession générale obligatoire, fit arrêter les absents, qui furent emprisonnés et forcés d'abjurer. Ceux-ci en appelèrent au duc qui les fit libérer et l'ordre fut rétabli.
Le 27 juin vint un nouveau ministre protestant, Jean-François Salvart, dit du Palmier, qui présida des réunions de plus en plus nombreuses. Bien que ces réunions fussent interdites par les édits du roi, le duc François ne s'y opposait pas.
Le 20 novembre, plusieurs habitants de Nevers, Etienne Coquille, les Desprez et d'autres firent une requête au Parlement de Paris pour se plaindre d'avoir été molestés par le lieutenant particulier Antoine Destrappes (1).
Le 6 décembre 1561, le duc revenu à Nevers, fit publier une interdiction rigoureuse du culte protestant, bien que sa famille proche soit très favorable à la réforme : ses fils, le comte d'Eu (François II de Clèves), le marquis d'Isles (Jacques de Clèves) et la marquise sa femme (Diane de La Marck), se rangeaient ouvertement du côté des protestants et fréquentaient leurs assemblées. Mais le duc tomba malade et son fils le comte d'Eu, revenu de Champagne dont il était gouverneur, fit venir un ministre d'Issoudun, Jacques Spifame de Brou, ancien évêque de Nevers converti au protestantisme, ou Jean Poterat (?), pour l'assister. Le duc mourût à Nevers le 13 février 1562.
L'édit de janvier fut publié à Nevers le 25 mars 1562 (4).

L'édit de janvier 1562 ou de St-Germain-en-Laye.

Le 17 janvier 1562, Catherine de Médicis profita de la situation favorable créée par les princes en 1561 pour faire donner par le roi son fils l'édit de Saint-Germain-en-Laye, le plus souvent appelé "édit de janvier". Cet édit est le plus favorable pour les protestants qui ne pouvaient espérer mieux : la liberté de culte est partiellement accordée. Le culte public devient légal, de jour, sans arme et en-dehors de la ville. Les protestants doivent par ailleurs libérer les temples et les biens des catholiques dont ils se sont emparés. La destruction des images religieuses est condamnée sous peine de mort sans espérance de grâce ni de rémission. L'édit encourage à la tolérance des deux communautés puisque les injures et actes violents envers l'autre communauté seront fortement réprimés. Les ministres de la nouvelle religion doivent jurer de respecter l'édit devant les officiers royaux et de ne pas faire de prosélytisme. Cet édit entend ainsi mettre fin aux troubles qui désorganisent alors le royaume.
Le lendemain, on apprenait l'ouverture de la dernière session du Concile de Trente (suspendu depuis dix ans). La délégation française était conduite par le cardinal de Lorraine, frère du duc de Guise. Le concile voulait donner les réponses de l'épiscopat aux réformes protestantes… sans leur donner satisfaction. Les protestants ont refusé de s'y rendre (4).

Le massacre de Wassy (1er mars 1562).

Grâce à l'édit de janvier, on pouvait croire que la paix allait enfin s'installer dans le royaume.
Le duc de Guise qui s'était éloigné de la Cour depuis plusieurs mois, fut rappelé par la reine-mère. Il rentrait de Saverne (Bas-Rhin), où il avait rencontré le duc catholique Christophe de Würtemberg, en passant par son château de Joinville (Haute-Marne). Il était accompagné de la duchesse, et de son frère le cardinal de Lorraine, avec plus de 200 arquebusiers.
Le dimanche 1er mars 1562, en arrivant dans la petite ville de Wassy (Haute-Marne) où il souhaitait entendre la messe, il apprit que plusieurs centaines de protestants étaient réunis pour le culte dans une grange voisine, où ils tenaient leurs assemblées malgré l'interdiction royale. Ayant envoyé des hommes pour faire taire les huguenots, il s'en suivit une altercation et la bataille s'engagea. Le duc lui-même participa à cette répression qui fit presque 30 morts et plus de cent blessés.
Le retentissement de ce massacre fut grand et dans presque tout le royaume, protestants et catholiques prirent les armes et se préparèrent à en découdre. D'autres massacres s'en suivirent, en particulier à Sens, qui aggravèrent encore le scandale.
Le prince de Condé, alors prisonnier et accusé d'avoir participé à la conjuration d'Amboise, fut reconnu innocent et revint à Orléans. Du 7 au 25 avril 1562, il envoya des lettres à tous ses soutiens et partisans pour justifier ses appels à la levée de troupes et d'argent pour la défense de la nouvelle religion. À partir du 21 avril le culte catholique cessa à Orléans et le pillage des églises commença. Le 25 avril un synode des églises réformées se tint dans la ville.

Les protestants reprennent les armes.

Le prince de Condé, établi dans Orléans, voulait assurer sa sécurité en prenant les villes de la rivière de Loire en aval et en amont. C'est ainsi que de Notre-Dame-de-Cléry à Blois et de Jargeau à Nevers les protestants des villes se soulevèrent pour se rallier au prince de Condé.
En avril 1562, les huguenots se saisirent de la ville de Bonny-sur-Loire et transformèrent l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul en temple. Les prêtres s'enfuirent vers Ouzouer-sur-Trézée restée catholique.
Dès le 6 mai 1562, de Sully-sur-Loire, le sieur de Villefrancon, capitaine catholique écrit a son gendre Gaspart de Saulx-Tavannes (°1509-†1573), lieutenant général du roi en Bourgogne, alors à Autun : Ceux de la Religion se sont déjà saisi de toutes les villes qui sont depuis Orléans jusqu'à Nevers. De fait à La Charité tout s'est passé comme à Bonny et venu de Gien, par Châtillon, le capitaine calviniste Jean de La Borde, aidé de la vingtaine de Châtillonais du capitaine Pisy, occupa Neuvy qu'il confia aux bonnychons et Cosne où il ne se maintint que quelques heures. Le sommet de la vague protestante fut atteint quand le vice-bailli de Gien fit une démonstration armée à Briare lors de la Fête-Dieu (28 mai) (6).
Un capitaine catholique des plus actifs, François Girard (-†1558), sieur de Chevenon (Nièvre), ayant repris Cosne aux protestants de La Borde, s'y établit durablement avec une forte garnison. De là il menait des équipées vers les villes des environs passées à la réforme.
Entrains, où la religion nouvelle était publiquement professée depuis longtemps (7), fut tellement inquiétée par les menaces et les courses du sieur de Chevenon, que le 11 juin 1562 les protestants furent obligés de prendre la fuite. Cette panique augmenta tellement la hardiesse des catholiques, qu'ils prirent la résolution d'exterminer tous les protestants. La veille de Noël avait même été choisie pour exécuter ce projet horrible, mais il fut déjoué fort heureusement.

Église Saint-Sulpice d'Entrains-sur-Nohain.

Louis Blosset, seigneur de Fleury, et René de Monceaux, sieur de Blannay, capitaines protestants revenant de Bourges, voulant rafraîchir la compagnie de cavalerie qu'ils commandaient, et ne sachant trop où il la cantonnerait , prit fort à propos le parti de la diriger sur Entrains. Le 12 décembre il en approcha avec précaution, et, s'arrêtant à une portée de mousquet de la ville, il détacha en avant son lieutenant et son trompette, qui, bien couverts de longs manteaux, arrivèrent à pied, dès la pointe du jour, très près de la porte. Leurs mesures furent si bien prises, qu'à l'ouverture du guichet ils parvinrent à s'introduire dans la ville, suivis aussitôt par cinq autres soldats qui s'étaient cachés dans les maisons du faubourg, ils arrachèrent les clés au portier : cela s'exécuta sans difficultés, car il n'y avait alors ni sentinelles ni corps de garde; ce dont les protestants s'étant aperçus, ils firent sonner de la trompette et le reste de la troupe fut bientôt arrivé. Alors les catholiques furent saisis d'une telle épouvante, qu'ils prirent la fuite de tous les côtés. Quelques uns furent arrêtés, et divulguèrent le complot dont un prêtre, Etienne Blondelet, était l'auteur. Arrêté lui-même, il avoua tout, et fut condamné avec un sergent, surnommé le Dangereux, à être pendus à une des portes de la ville, et ils y furent achevés à coup d'arquebuses. L'église Saint-Sulpice fut pillée, ainsi que les maisons des notables catholiques, et beaucoup d'habitants furent égorgés (3,4).

Quelques mois plus tard le sieur de Trouan (Aube), pensant faire son profit des guerres de France, se mit en devoir le forcer la ville. Mais il n'y réussit pas, perdit plusieurs de ses gens et fut lui-même tué par Blannay quelques jours plus tard (5,8).
Le capitaine de Beaumont (-†1569), protestant, obtint ensuite le gouvernement d'Entrains, qui devint le rendez-vous de tous les réformés des environs. Le culte protestant y fut exercé très publiquement, et avec tant de ferveur, qu'aucun prêtre catholique n'osa plus s'y montrer. Ce ne fut que le 17 avril 1566, que Charles IX, passant à Entrains, ordonna que les catholiques reprissent l'exercice de la religion romaine. Depuis trois ans la messe n'y avait pas été célébrée (3).

Offensive des protestants vers Paris. Bataille de Dreux (18 décembre 1562).

Les princes protestants allemands, alertés par le prince de Condé depuis le mois d'avril, levèrent des troupes pour venir défendre leurs coreligionnaires de France. Le 10 octobre 1562, François de Coligny d'Andelot (°1521-†1569), frère de l'amiral, réunit à Baccarat neuf cornettes de reîtres, faisant nombre de 3300 chevaux et douze enseignes de lansquenets fort bien armés, faisant nombre de 4000 hommes de pied, auquel se joignit Antoine III de Croÿ (-†1567), prince de Porcien, qui était venu le trouver à Strasbourg, avec environ 100 chevaux français, et qui s'accrurent de jour à autre sur le chemin (9). Andelot, accompagné de Théodore de Bèze, réussit à conduire sa troupe jusqu'à Orléans tenant en respect les forces du duc de Nevers (14 compagnies de gendarmes, 16 cornettes d'argoulets (= arquebusiers à cheval) et 25 enseignes d'infanterie) et du maréchal de Saint-André (venu de Troyes avec 9 compagnies de gendarmes, 13 cornettes de cavalerie légère et des légionnaires de Picardie) et de Gaspard de Tavannes qui commandait en Bourgogne et qui conduisait vers l'armée des Guise huit enseignes de Suisses catholiques soit 2400 hommes. Andelot et son armée de protestants ont passé la Seine, puis l'Yonne à Cravant, venant de là à Montargis, pour se rendre à Orléans. Ils ont pillé en passant plusieurs villes qui résistaient; quelques cordeliers furent tués dans leur couvent. Le duc de Nevers s'était retiré à Troyes et le maréchal de Saint-André à Sens. Le 6 novembre, les troupes allemandes arrivaient à Orléans. Le 11, le prince de Condé assiégea et prit Pithiviers. Les chefs furent pendus, les prêtres massacrés et les soldats désarmés.
Le maréchal de Saint-André qui était venu de Sens à Étampes, quitta cette ville qui fut prise par le prince de Condé et pillée. Après quoi celui-ci se dirigea vers la Ferté-Alais et Corbeil (4).
Le 28, le prince de Condé s'approchait de Paris. L'armée huguenote campait dans la banlieue sud. La reine-mère demanda une entrevue avec le prince de Condé et l'amiral de Coligny, en présence du connétable et du duc de Nevers. Pendant dix jours, on négocia un traité de paix qui finalement sera repoussé par le prince de Condé.
Le 10 décembre celui-ci levait le camp en laissant quelques incendies derrière lui. Il se dirigea d'abord vers Chartres et s'arrêta à Saint-Arnoult. De là il décida de gagner la Normandie : le 15, il était à Ablis et assiégea Gallardon. Pendant ce temps, venue de Normandie, l'armée du triumvirat catholique approchait de Dreux. Le 18 décembre 1562 eut lieu la bataille de Dreux : plusieurs milliers de morts dont le maréchal de Saint-André et le duc de Nevers (François II de Clèves) qui fut blessé mortellement par le sieur des Bordes, gentilhomme nivernais de sa suite ! Le connétable de Montmorency et le prince de Condé furent respectivement faits prisonniers de l'autre camp. Mouy de Saint-Phal fut aussi fait prisonnier. Le duc de Guise resta maître de la place et reçut fort bien le prince, son prisonnier, qu'il souhaitait échanger avec le connétable, lequel avait été conduit à Orléans. Les reîtres sous la conduite de l'amiral de Coligny se replièrent sur la Loire (4).

L'armée royale repart à l'offensive.

Le 18 août 1562, l'armée royale arrivait devant Bourges, place forte protestante dotée d'une université qui soutenait les thèses de la réforme, formait des ministres et les dirigeait vers les villes voisines. La place était défendue par Jean de Hangest, sieur d'Ivoy, frère du sieur de Genlis. Dès le 19 août, Catherine de Médicis arriva avec le roi au château de Lazenay, à une demi-lieue de Bourges et s'y logea : Je suis devenue femme de guerre, écrit-elle au duc d'Estampes, estant maintenant avec le Roy, mon filz, devant Bourges, laquelle a faict jusques icy bonne mine, mais j'espere dans peu de jours qu'elle changera de langage. Nous nous acheminons vers Bourges pour en deloger le jeune Genlys, qui s'en est saisy depuys quelque temps, et qui a faict jusques icy diligence de la fortifier et contenance de la voulloir garder (10).
Les protestants prirent des mesures de défense : ils cherchèrent à rompre un barrage pour inonder les parties basses de la ville. Ceux de Gien ont fait sauter leur pont sur la Loire pour empêcher l'armée royale de se replier vers Orléans.
Le duc de Nemours (Jacques de Savoie, °1531-†1585) tenta de parlementer avec les assiégés, puis le Rhingrave (Jean-Philippe de Dhaun, -†1569), enfin Ivoy vint se présenter au roi qui le sollicita de capituler. Ivoy demanda seulement d'en appeler au prince de Condé, mais le gentilhomme dépêché à Orléans pour ce faire, fut arrêté par le duc de Nemours.
Bourges se rendit le 1er septembre. Les assiégés eurent la vie sauve et furent engagés dans les compagnies du roi. Une partie entra dans les troupes du duc de Guise qui les mena aussitôt en Normandie, d'autres s'enfuirent vers Orléans rejoindre le prince de Condé (4).

La Fayette reprend Nevers.

L'exercice public de la religion réformée ne commença à Nevers que le jour de Pâques, 29 mars 1562. Des meurtres se produisirent en ville que les juges refusèrent de poursuivre. Le duc de Nevers (François II de Clèves °1540-†1562), neveu du prince de Condé, envoya Jacques Spifame, alors ministre d'Issoudun, à Orléans pour promettre au prince de Condé de le soutenir. Mais sollicité aussi par le roi de Navarre qui était aussi son oncle, et conseillé par le sieur des Bordes (Imbert de La Platière, maréchal de Bourdillon °1500-†1567) et par son secrétaire Blaise de Vigenère (°1522-†1596), il fit le voyage à la Cour pour se mettre finalement du parti opposé (4).
Le pays alentour était soumis aux compagnies d'Achon et de Chevenon. Le capitaine d'Achon était le neveu du maréchal de Saint-André. Les habitants restaient en paix, l'exercice de la religion ayant lieu hors les murs. Mais le lieu du culte fut incendié une nuit.

La porte du Croux à Nevers.

Le 6 mai au soir, les sieurs de Chevenon et d'Achon n'ayant pu prendre la Charité, entrèrent à Nevers secrètement pour demander le passage. Les protestants s'en étant inquiétés, les troupes d'Achon, arrivées vers minuit devant la porte Neuve, furent repoussées et contraintes de se loger dans les faubourgs de Coulanges et Sainte-Valière. Pendant ce temps les habitants barricadaient les portes de la ville, en particulier le fausse porte, les catholiques pour empêcher les protestants de sortir et les protestants pour empêcher les soldats catholiques d'entrer.

Pour calmer les esprits, le 9 mai on fait passer les soldats d'Achon par groupes de dix à travers la ville. Les protestants furent contraints le 10 mai de faire leur prêche entre les deux ponts, mais il eurent du mal à revenir en ville. Le soir même les échevins et quelques prêtres firent armer les quartiers et demandèrent aux soldats qui s'étaient retirés au château de Chevenon à trois lieues de Nevers, de revenir aux portes de la ville. Les protestants renoncèrent à faire leur assemblée et le lendemain les échevins firent renforcer la garde des portes en éliminant de cette garde ceux de la religion.
Chevenon et le sieur de Chastillon-en-Bazois (Paul de Pontailler) entrèrent alors dans la ville, les échevins leur ayant ouvert les portes. Les protestants tentèrent d'en appeler au duc de Nevers, qui envoya le 14 mai 1562 le sieur d'Arthé pour gouverneur de la ville et pour faire que l'édit de janvier y soit respecté, malgré les hommes en armes et les tentatives de pillage des maisons des réformés. D'Arthé étant rapidement dépassé, le dimanche 23 mai arriva le sieur de La Fayette (Jean Motier de La Fayette -†1568) avec 120 à 140 cavaliers, qui fut reçu dans la ville par les échevins et logé dans les maisons des protestants. La Fayette commanda que tous les étrangers eussent à quitter la ville dans les 24 h. et fit arrêter les ministres du culte protestant. Les habitants attendaient leur exécution, mais des avocats et quelques témoins dont le curé de l'hôpital parlèrent à leur décharge et on dut écrire au duc de Nevers pour avoir son avis, pendant que les dits ministres étaient menottés et enfermés dans les prisons du monastère Saint-Etienne. Le jour de la Fête-Dieu les habitants furent en procession générale.
Deux ou trois jours après arriva un baron du pays, favorable à la religion, envoyé par Monsieur de Nevers, mais le clergé et les échevins avaient eu commission du roi de garder le gouverneur La Fayette. Les ministres protestants furent gardés en prison, mais l'un d'entre eux, Isaac de La Barre (-†1562), fut pris de fièvre et mourut dans une cellule du monastère. L'autre (sans doute Jean François Salvart, dit du Palmier) resta seul dans la cellule (4).
Théodore de Bèze accuse La Fayette de nombreux abus de pouvoir, rançonnement des bateaux de passage, pillages et autres abus contre les biens des protestants qu'il avait chassés de la ville. Même les catholiques s'en plaignaient, si bien qu'au moment de la reddition de Bourges (1er septembre 1562) il fut rappelé à la Cour. Il partit le 8 septembre, mais ne fut guère inquiété.
Il fut remplacé par le sire de Châtillon-en-Bazois, aussi du parti des échevins et du clergé. Sous sa gouvernance, des protestants (dont Philbert Grené, sieur des Barres, arrêté à Charly) souhaitant revenir chez eux, furent arrêtés, menés à Saint-Pierre-le-Moûtier et rançonnés, leurs maisons plus ou moins pillées.
A la fin d'octobre 1562, les échevins de Nevers levèrent un emprunt de 5000 livres pour recruter une compagnie de cavaliers et trois de gens de pied. Ces soldats pillèrent le plat pays et prirent le château de Druy-Parigny près de Decize.
Quant au ministre emprisonné depuis le gouvernement de La Fayette, il fut d'abord proposé un échange avec un gardien des cordeliers de Nevers, prisonnier des protestants d'Entrains, puis après une intervention de la duchesse de Ferrare (Anne d'Este °1531-†1607, épouse du duc de Guise) en sa faveur qui furent sans effet, il dut plus tard sa liberté à Louis de Gonzague (°1539-†1595), nouveau duc de Nevers par son mariage avec Henriette de Clèves, et put quitter discrètement la ville par le fleuve. Il fut accueilli à La Charité.
Les autres réformés furent lentement admis à rentrer dans leurs maisons selon l'édit du roy. Les échevins firent encore garder les portes jusqu'au mois d'août (1563) date à laquelle la peste commença de paraître dans la ville.
Le nouveau duc de Nevers envoya le sieur de Boisaubin comme gouverneur à la place de Chastillon (4).

La Charité est livrée au grand-prieur d'Auvergne.

Le sieur de Chevenon, gouverneur à Cosne, étant accompagné des capitaines Launay, de Donzy, et La Cordière, menait des attaques contre toutes les places protestantes des environs. Le 17 juin 1562, il est allé s'embusquer près de la porte Saint-Pierre à La Charité, alors tenue par les protestants. L'effet de surprise ne lui réussit pas et il fut repoussé, ayant perdu trois hommes.
Mais le lendemain il rejoignit les troupes menées par Louis de Lastic (-†1576), chevalier de Malte et grand prieur d'Auvergne, qui venait assiéger la ville au nom du sieur de La Fayette, gouverneur de Nivernois pour le roi. Ayant fait parvenir une sommation aux occupants de la ville, le sieur d'Issertieux qui les commandait, fit répondre que La Fayette n'avait pas de commission du roi et que la ville de La Charité n'appartenait pas au gouvernement du Nivernois. S'ils étaient assaillis, ils se défendraient contre La Fayette et tous autres, comme contre ennemis et perturbateurs du repos public. Et quant au grand-prieur d'Auvergne, se disant lieutenant de La Fayette, qu'il aille faire la guerre aux Turcs et pêcher des huîtres à Malte ! Le capitaine Launay, ayant passé la Loire tenta de forcer la porte du pont , de nuit, avec l'aide de quelques gentilshommes du Berry. Mais ils ne disposaient pas d'artillerie qui, seule, pouvait attaquer les remparts et permettre l'assaut.
Ils se disposaient à lever le siège, mais un certain Romorantin, tailleur d'habits, prit la tête d'une mutinerie dans la ville assiégée, et malgré la défense énergique du seigneur de Deux-Lions, l'un des capitaines protestants, fit parvenir une lettre des anciens de la ville au capitaine N. Guay, qui campait dans le faubourg Saint-Pierre, pour demander ses conditions au grand-prieur. Celui-ci, sans attendre l'avis de La Fayette, alors à Nevers, fit répondre 1° que la commission du roi et du sieur de La Fayette serait exhibée; 2° que ceux de la Religion vivraient en toute liberté de conscience sans être aucunement recherchés; 3° que ceux qui voudraient sortir pourrait le faire avec armes et chevaux, y compris le ministre du culte réformé; 4° qu'il entrerait seulement 40 gentilshommes dans la ville pour empêcher que l'infanterie n'y entrât la nuit. Cette capitulation était signée du grand-prieur, de Chevenon, de Montmorin, de Lingendes, de Villelobier et autres en nombre de huit (3).
Dès que les soldats catholiques furent entrés dans La Charité, le pillage des maisons des protestants commença et ceux-ci furent contraints de s'enfuir. Leur ministre, Jean Logeri, dit le Planche, s'enfuit avec eux. Le lendemain le grand-prieur et les autres capitaines catholiques entrèrent dans la ville, arrêtèrent d'Issertieux, l'obligèrent à signer la capitulation et saisirent ses biens. Le même jour arrivèrent Claude Bourdoyseau, avocat du roi à Saint-Pierre-le-Moûtier, et Pierre Favardin, lieutenant criminel audit siège, auxquels le grand-prieur demanda s'il devait entretenir cette capitulation : ils répondirent qu'il ne faloit tenir la foy à ceux qui avoient faussé la leur à Dieu et à leur Prince. Les protestants furent donc contraints de se sauver, les uns par dessus les murailles, les autres par dessous un moulin à eau, les autres en payant une rançon, qui étaient ensuite volés par les passeurs sans leur laisser aucun argent, saye, manteau ni souliers. Quelques-uns sortirent en habits de vigneron et quelques-uns dans des coffres; et quand à ceux qui ne purent sortir ni se cacher, ils furent constitués prisonniers et très rudement traités par lesdits Bourdoyseau et Favardin et Antoine Drivet, lieutenant général pour Saint-Pierre-le-Moûtier, les accusant de rébellion, sédition, hérésie et d'avoir porté les armes contre le roi et fourni de l'argent au Prince. Le lendemain 21 juin, le capitaine de Chevenon quitta La Charité en emportant un butin considérable saisi sur la ville et même dans les campagnes environnantes (11).
Le 23 juin arriva le sieur de La Fayette qui fit faire pour la Saint-Jean une procession obligatoire. Il fit exécuter un certain Juvenien, arrêter et emprisonner le lieutenant général de La Charité et d'autres habitants de la ville et des villages environnants. Il se retira le 28 juin en emportant avec lui un énorme butin. Le pillage se poursuivit tout l'été.
Le capitaine sieur de Lingendes, reçut le commandement de la place, mais il se retira bientôt pour laisser comme gouverneur, Lachenault, sieur de Bois-Renault, chevalier de Malte, qui prit aussi sa part du butin et poursuivit la répression avec l'aide d'une section de soldats commandés par Desguerres, ancien curé de Moraches (Nièvre) (4).

Corbigny passe aux huguenots (29 janvier 1563).

Le baron du Ban était gouverneur à Corbigny, dit Saint-Léonard, mais certains habitants, Pierre Mougne, Guillaume Combart et l'orfèvre Jacques Ladan, firent une démarche auprès de La Fayette, gouverneur de Nevers, afin qu'il nomme le maréchal des logis Jean de Noysat pour gouverner Corbigny. Celui-ci prit en effet cette fonction le 21 août 1562 et se montra tout de suite très autoritaire. Il appela à son aide Antoine Drivet, lieutenant du bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier et son prévôt des maréchaux (12). Comme à La Charité, ils ordonnèrent une procession générale obligatoire et les absents furent traduits devant le lieutenant de la ville, François du Bois.

Une tour de l'abbaye Saint-Léonard de Corbigny.

Les soldats des compagnies de Noysat se sont livrés à de multiples exactions à Corbigny, dont le meurtre de Léonard du Mex, gentilhomme protestant, avant de se retirer à Nevers. Ces excès des soldats catholiques durèrent jusqu'à décembre 1562.

Le 29 janvier 1563, plusieurs officiers protestants, Louis de Blosset, sieur de Fleury, René de Monceaux, sire de Blannay (Yonne) le maréchal de camp Nazot, et le capitaine La Borde-Petot, rentrant de la bataille de Dreux, entrèrent dans la ville grâce à une complicité et firent fuir le gouverneur et la garnison (13). Aussitôt les catholiques qui s'étaient montrés actifs sous le gouverneur catholique, furent poursuivis, leurs maisons pillées. On commença aussi de dépouiller et de piller les églises. On a brûlé le monastère et les reliques de Saint Léonard. Le 1er février, le ministre protestant Marin Giraut revint aussi à Corbigny et célébra le culte dans l'église Saint-Seine (3).
Le sire de Châtillon-en-Bazois fit le projet de revenir assiéger Corbigny mais la surprise de La Charité par le capitaine poyaudin Le Boys [ou Dubois de Mérille ?] le contraignit à tourner bride et ainsi Corbigny put rester protestante, ce qui fut confirmé par l'édit de la paix (4).

Assassinat du duc François de Guise.

Dès janvier 1563, l'armée royale ayant repris Étampes et Pithiviers, entreprit le siège d'Orléans, tenue par les protestants avec l'aide des soldats allemands depuis le mois d'avril précédent. Depuis la bataille de Dreux, le connétable était toujours prisonnier dans Orléans. L'armée des réformés, sous le commandement de l'amiral de Coligny, avait passé le Loire et s'était établie dans le Berry. Coligny surprit Sully-sur-Loire mais échoua devant Gien. Mais, il dut partir dès le 1er février pour mettre le siège devant Caen et recevoir l'aide des Anglais pour payer les reîtres allemands.
Le duc de Guise commandait le siège d'Orléans. La ville était défendue par Andelot, le frère de Coligny, et un jeune officier picard, Jean de Pas de Feuquières. Le 5 février le duc, venant par Olivet et Saint-Mesmin, s'approchait d'Orléans par le faubourg de Portereau en faisant de nombreuses victimes chez les huguenots (4).
Le 18 février, le protestant Jean de Poltrot (°1537-†1563), sieur de Mérey, en embuscade dans un bois près de Saint-Mesmin, tira sur le duc François de Guise par derrière, le blessant à l'épaule. Le dit Poltrot, fut arrêté peu après, condamné et exécuté à Paris (4). Le duc François de Guise mourut de cette blessure le 24 février 1563. Son fils Henri âgé de douze ans, lui succédait.
Les armées royales avaient perdu tous leurs chefs : le maréchal de Saint-André, tué à Dreux, le connétable, prisonnier dans Orléans et le duc de Guise lâchement assassiné. Le parti protestant n'allait pas fort non plus, le prince de Condé étant prisonnier de la reine-mère. Dès le 3 mars 1563, la reine-mère essaya même une négociation avec le duc Christophe de Würtemberg, un allié des Guise, allant jusqu'à lui proposer la lieutenance générale du royaume ! D'autres négociations s'ensuivirent entre le prince de Condé reconduit à Orléans et la reine-mère qui souhaitait consolider la paix.

La Charité revient aux huguenots pour la seconde fois (3 mars 1563).

Avant de mourir, François de Guise avait envoyé trois compagnies d'hommes d'armes en direction de La Charité. En effet, les protestants de cette ville, chassés par le grand-prieur d'Auvergne, se réunissaient à Entrains, avec sieur d'Andelot, de retour de la bataille de Dreux. Les capitaines Blosset, Blannay et Dubois de Mérille décidèrent alors de reprendre les armes en direction de La Charité. Ils avaient assez de coreligionnaires dans la ville pour s'en emparer par surprise. Ce qui fut fait par escalade dans la nuit du 2 au 3 mars 1563. 14 soldats de la garnison furent tués et la ville fut à nouveau livrée au pillage. 10 bourgeois et 6 prêtres furent tués et les autres religieux priés de partir. Le reste des joyaux et objets volés qu'inventoria Mouy de Saint-Phal en 1560 leur fut enlevé. Dubois de Mérille parvint à grand peine à sauver les trente autres moines qui, en échange de leur liberté, durent prendre l'engagement de ne plus jamais dire la messe. Ils quittèrent aussitôt la ville avec les novices et les six enfants de chœur, par cette même porte de Saint-Pierre qui avait donné passage aux assiégeants (3,11).
Les soldats catholiques s'approchèrent du pont mais ne purent le franchir. Le 6 mars, toutes les garnisons catholiques disponibles (14) qui se dirigeaient alors vers Entrains avec de l'artillerie, sous le commandement du sieur de Châtillon-en-Bazois, furent détournées vers La Charité pour renforcer les soldats de l'armée royale. Il y avait maintenant 3000 hommes devant La Charité.
Le capitaine Dubois de Mérille qui tenait la ville était accompagné de 67 hommes seulement. Il avait demandé des secours à Andelot mais celui-ci ne pouvait lui en envoyer parce qu'il était lui-même assiégé dans Orléans. En plus, Blosset et Blannay, voulant secourir Dubois, avaient été surpris et contraints de se replier dans Entrains. Dubois avec sa petite troupe fit si bien qu'il tua 80 des assaillants et résista pendant huit jours de siège. Mais le sieur de Chatillon-en-Bazois, apprenant que l'amiral de Coligny revenait de Normandie avec toute son armée décida de lever le siège de La Charité (11). C'est ainsi que La Charité resta au pouvoir des réformés, sous le commandement du capitaine Dubois de Mérille.
Il se dirigea vers Cosne, restée aux mains des catholiques malgré une offensive du capitaine protestant Pizy, qui se saisit de cette ville avec une vingtaine d'hommes venus de Châtillon-sur-Loire (15). Pizy s'y imposa une seule nuit en attendant des renforts de Gien (Genlis et le capitaine Laborde) qui ne sont pas arrivés. Il battit en retraite le lendemain. La défense de Cosne fut alors confiée par les habitants à Antoine de Bar, seigneur de Buranlure et ensuite au sieur de Chevenon, qui s'y établit avec les capitaines La Fayette et Achon.
Cette même année 1563, le protestant François de Beauvais (~1502-†1572), sire de Bricquemault, assiégea Lormes qui résistait. Ses troupes incendièrent les églises de Gâcogne, Mouron-sur-Yonne, Mhère, Dun-les-Places, Ruère, Montsauche, Saint-Brisson, Ouroux et Chaumard. Le curé de Quarré-les-Tombes fut assassiné (16).

Paix d'Amboise (12 mars 1563).

Le siège d'Orléans avait été mené de janvier à avril 1563, sans que l'assaut put être donné, bien que les faubourgs sud de la ville aient été pris par les troupes royales. Mais l'assassinat du duc de Guise, mort le 24 février 1563, et l'arrêt des poursuites contre le prince de Condé (accusé d'avoir approuvé la conjuration du 16 mars 1560) et la libération du connétable de Montmorency, donnaient à la reine-mère l'occasion de faire la paix. L'édit d'Orléans, donné par Charles IX le 12 mars 1563, enregistrait, une fois de plus, la réconciliation et la pacification entre le roi et les princes du parti protestant.
Enfin le 12 mars 1563, l'édit d'Amboise (paix d'Amboise) établit les conditions de la paix civile, tout en maintenant les restrictions des libertés de culte réformé. Celui-ci pouvait se faire uniquement dans les faubourgs d'une seule ville par bailliage ou sénéchaussée. Les seigneurs protestants n'ayant pas de pouvoir de haute justice ne peuvent célébrer leur culte que dans le cadre familial. Les prisonniers de guerre ou pour faits de religion seraient libérés. Localement, les protestants obtenaient que leur culte reste autorisé à La Charité et à Entrains, qu'ils occupaient. L'édit accordait le retour d'Orléans des réfugiés giennois (4 avril) et, sans autorisation, ils rouvrirent aussitôt les temples de Châtillon, Autry et Saint-Gondon (Loiret), conservant aussi, contre les prescriptions, l'église de Saint-Brisson.
L'édit d'Amboise mit fin à la première guerre de religion et marqua une volonté d'union et de réconciliation du royaume. Il fut signé par le prince Louis de Condé, chef des protestants, et le connétable Anne de Montmorency, chef de l’armée catholique.

(à suivre)

(1) En 1546, plusieurs appels conduisirent des nivernais au parlement de Paris, poursuivis pour hérésie : ils venaient de Cosne, de Corbigny et de La Charité : Charlotte Pinon, Charles Ancelier, Jean Solerre (Cosne 1546), Hardy, Potin, Rochery, Legros (Corbigny 1546), Phelippot Grenier et Jobert (La Charité 1546), Nicolas Mestaie (Saint-Pierre-le-Moûtier 1549), Pierre Bouquin (Rouy 1550), Michel Gaboret (Neuvy 1554), Pierre Signard (Cosne 1555). René de Lespinasse, Chambre criminelle du Parlement de Paris, Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts, 1896.
(2) Encyclopédie moderne: Dictionnaire abrégé des sciences, des ..., Volume 5, De Léon Renier, Nosel Desvergers (i. e. Marie Joseph Adolph Nosel), Edouard Carteron, p. 545-546.
(3) Jean-François Née de la Rochelle, Mémoires pour servir à l'Histoire civile, politique et littéraire, à la Géographie et à la Statistique du Département de la Nièvre et des contrées qui en dépendent, 1827, Bourges, Paris
(4) Théodore de Bèze (1519-1605), Histoire ecclésiastique des églises réformées au royaume de France, 1883-1889, Paris, Fischbacher.
(5) Paul Gache, Histoire de Bonny-sur-Loire, des origines à la Révolution, 1991, Bonny-sur-Loire.
(6) Le Morvan, peu ouvert aux communications, sans agglomérations notables à l'intérieur, n'a pas été profondément atteint par la Réforme, bien que l'abbé Baudiau citant Courtépée, déclare que "Château-Chinon, Corbigny, Lormes et Saulieu étaient empoisonnés de huguenots". Mais c'est à sa périphérie, le long des grands itinéraires que des églises nouvelles s'implantèrent le plus solidement. A Couches, Autun, Arnay, Saulieu, Avallon sur la route de Paris. A Bourbon-Lancy, Corbigny, et Vézelay au sud et à l'ouest. Même à l'intérieur du pays, certaines classes sociales y avaient fixé les idées de la réforme. Maurice Boulitrop, La Réforme en Morvan, Bulletin de l'Académie du Morvan, 1987
(7) Au début de 1539, deux ressortissants du diocèse d'Auxerre, luthériens, furent arrêtés et écroués à la Conciergerie de Paris. Il s'agissait de maitre Thomas Ansel, médecin et chirurgien et de son épouse Perrette Gruelle. Ils ont été transférés de Paris à Auxerre sur mandement du 17 janvier 1539 et reclus au château d'Auxerre. Deux sergents du baillage furent envoyés faire enquête sur leur passé à Entrains (58). Ils furent condamnés à mort. Après appel au parlement à Paris, qui confirma la sentence de mort, ils furent ramenés à Auxerre, menés devant la cathédrale pour "y crier merci" puis à la place de la Fènerie pour y être brulés vifs. Cercle généalogique de Saône et Loire, "Le protestantisme", Nos ancêtres et nous, 2008, n°119, p.18
(8) J.F. Baudiau, Histoire d'Entrain : depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Nevers, G.Vallère, 1879
(9) "Chaque capitaine avait son drapeau ou étendard, que l'on appelait enseigne dans l'infanterie, cornette dans la cavalerie légère, guidon dans la gendarmerie ou grosse cavalerie… La compagnie d'infanterie s'appelait habituellement enseigne, la compagnie de cavalerie légère cornette. Seule la gendarmerie retint toujours le vieux nom de compagnie." Le Duc d'Aumale, Hist. des Princes de Condé, I, p.135
(10) Lettres de Catherine de Médicis I, p.381 et 387 citées par Th. de Bèze.
(11) Louis Lebœuf, Histoire de La Charité, Impr. de H. Taureau, La Charité, 1897
(12) Le prévôt des maréchaux était le chef de la maréchaussée dans un bailliage, l'équivalent d'un officier de gendarmerie.
(13) Maurice Boulitrop, op. cit.
(14) dont celles de Nevers, Cosne, Auxerre, Gien et Bourges. Le capitaine Chevenon faisait partie de ces troupes avec une bonne partie de la noblesse nivernaise.
(15) Paul Detroy, Cosne au gré des jours… et des siècles. Cosne, 1934, pp. 62-63
(16) Jacqueline Bernard, "Guerres de religion dans le Morvan", Vents du Morvan, 09-2014, n°52, p. 86-89 (AD58 = NIV 8661)


Alain Raisonnier 29 janvier 2020