Guerres de religion - Chapitre I

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Édit puis conjuration d'Amboise (8 et 16 mars 1560)

Le roi François II étant mineur, la régence avait été attribuée à sa mère, Catherine de Médicis. Il semble bien que celle-ci souhaitait mener une politique de conciliation entre les partis catholique et protestant. Les protestants étaient menés par le prince de Condé (Louis de Bourbon, °1530-†1569), avec son frère le roi de Navarre (Antoine de Bourbon, °1518-†1562), et l'amiral Gaspard de Coligny (°1519-†1572). Le gouvernement avait été confié par la régente au parti catholique mené par le duc François de Guise (°1519-†1563), avec le cardinal Charles de Lorraine, son frère (°1524-†1574), le connétable (Anne de Montmorency, °1493-†1567) et le maréchal de Saint-André (Jacques d'Albon, °~1505-†1562). Les trois chefs militaires catholiques ont été surnommés par les protestants le "triumvirat", pour les rapprocher des auteurs des massacres de la République romaine, Octave, Marc-Antoine et Lépide. Le 8 mars 1560, la reine-mère fit promulguer le premier édit d'Amboise, donnant une amnistie générale pour tous les hérétiques, la libération des prisonniers protestants et la suspension de toutes les poursuites engagées contre eux (1). Ce pardon royal n'eût pas le temps de s'appliquer, car un complot fomenté par des gentilshommes protestants de Guyenne et de Provence avait décidé de s'emparer de le personne du jeune roi François II à Amboise : le 16 mars 1560, plus de 1000 soldats de la conjuration d'Amboise s'approchèrent de la ville, mais ils furent aussitôt dénoncés, repoussés, leur complot échoua et la plupart furent massacrés (1200 à 1500 morts).
Cette action malheureuse conduisit la reine à donner le pouvoir aux catholiques et le duc François de Guise devint lieutenant général du royaume. Il a été impossible d'établir que le prince de Condé avait participé à la conjuration, bien que l'adhésion de ce prince du sang à la religion nouvelle fut connu de tous.
Mais Catherine de Médicis continuait de vouloir réconcilier ses sujets. Elle donna encore l'édit de Romorantin en complément de l'édit d'Amboise, accordant la liberté de conscience à tous ceux qui ne perturbaient pas l'ordre public. En août 1560, elle convoqua à Fontainebleau une Assemblée de notables afin de permettre aux partis de s'exprimer et de négocier une paix durable. L'amiral de Coligny plaida la cause des réformés. Dans un esprit de tolérance, il fut décidé de convoquer un concile national et des États généraux pour obtenir de régler les questions religieuses et politiques (2). Dès octobre 1560 à Orléans, le prince de La-Roche-sur-Yon, gouverneur, commença de préparer la tenue des États généraux. Le roi de Navarre et le prince de Condé y furent assignés à résidence, soupçonnés d'avoir participé à la conjuration. Des députés furent élus dans tout le royaume. Les états furent convoqués pour le 13 décembre 1560.
Mais le 19 novembre, le roi François II souffrit d'une mastoïdite qui s'aggrava rapidement et tous les projets furent suspendus. Le 5 décembre le jeune roi s'éteignit à Orléans, laissant la couronne à son petit frère Charles qui n'avait que dix ans.
Les États généraux s'ouvrirent le 13 décembre 1560 à Orléans en présence du roi Charles IX, de la reine-mère, du duc d'Orléans (futur Henri III), Madame Marguerite (de Valois), le roi de Navarre, le duchesse de Ferrare (Renée de France), les cardinaux de Bourbon, de Tournon, de Lorraine, de Châtillon et de Guise, le prince de la Roche-sur-Yon, le connétable Anne de Montmorency, le duc François de Guise, l'amiral Gaspard de Coligny et le chancelier Michel de l'Hospital, les maréchaux de Brissac et de Saint-André, et autres… Le prince de Condé, toujours prisonnier, fut transféré en Picardie. On entendit les harangues des représentants du clergé, de la noblesse et du tiers-état. Le roi décida de renvoyer les députés pour en débattre dans leurs provinces avec leurs gouvernements respectifs et reconvoqua les états pour une autre session à Pontoise en mai 1561.

(1) René de Lespinasse, Chambre criminelle du Parlement de Paris, Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts, 1896.
(2) Encyclopédie moderne: Dictionnaire abrégé des sciences, des ..., Volume 5 De Léon Renier, Nosel Desvergers (i. e. Marie Joseph Adolph Nosel), Edouard Carteron, p. 545-546.

La Charité prise par les protestants.

Dans les premiers mois du règne de Charles IX, le gouverneur nommé par le roi à La Charité était Charles de la Grange d'Arquian (-†~1560), seigneur de Montigny. En 1558, le prieuré bénédictin avait été taxé de 1098 écus par le précédent roi Henri II pour subvenir aux dépenses militaires, et le 31 juillet 1559, la ville avait souffert d'un énorme incendie qui ravagea la nef de l'église priorale et 200 habitations du quartier voisin.
Les protestants qui étaient déjà nombreux dans cette ville, avaient le projet de faire nommer comme gouverneurs deux gentilshommes du Berry plus favorables à leur parti : François de La Porte d'Issertieux et François de Jaucourt de Deux-Lions (-†1567). Plusieurs capitaines des deux partis commandaient la garnison. Ils envoyèrent un charitois protestant, Estienne Lejay, pour présenter leur allégeance au roi et lui demander d'approuver le choix de leurs gouverneurs. Mais Lejay pressentant que sa mission ne serait pas couronnée de succès, renonça à se rendre à la Cour et il alla trouver le sieur de Mouy Saint-Phal (Louis de Vaudrey, seigneur de Mouy et de Saint-Phal, -†1569), lieutenant de l'amiral de Coligny, et lui offrit de lui livrer la ville. Le sieur de Mouy accepta aussitôt et se rendit à La Charité à la tête de trois compagnies d'hommes d'armes. Il arriva un dimanche matin sur les dix heures, pendant qu'on célébrait l'office divin, se rendit maître de la ville et du château, au grand étonnement des catholiques, et se fit déclarer gouverneur de la place. Il fit même annoncer, au nom des princes, pour inspirer plus de sécurité, la défense d'entrer dans les églises à dessein de les piller; mais à peine la trompette eût cessé de sonner, que tous les gens de son parti s'introduisirent tumultueusement dans ces lieux sacrés, les pillèrent avec audace, brisèrent les images, renversèrent les autels, fouillèrent dans les tombeaux, emportèrent les châsses contenant les reliques des saints, les vases sacrés, et tout ce qu'il y avait de précieux dans le prieuré, et que les religieux n'avaient pas eu le temps de cacher. Mouy, par un raffinement de dissimulation, fit inventorier ces objets avant de les mettre en dépôt, mais dans l'intention de les retrouver par la suite (3). (La Charité-Intérieur de l'église priorale.jpg) Le juge Duvaneau qui avait établi cet inventaire confia les objets à la garde du receveur du prieuré et de dom Noël Coquille.
En avril 1562, quatre hommes de la compagnie du maréchal de Saint-André, gouverneur du pays et oncle du sieur d'Achon, entrèrent dans la ville et se logèrent à l'enseigne de la Fleur de Lys, près de la porte Saint-Pierre. Leur intention était d'entrer en profitant de l'assemblée des protestants qui se tenait en dehors des murs suivant l'édit du roi. mais Issertieux avait prévenu le danger en faisant tenir l'assemblée dans la ville. Les hommes du maréchal de Saint-André accompagnés de 60 à 80 brigandeaux, à pied et à cheval, avec deux de la troupe laissés en arrière s'avancèrent avec un cornet de poste jusque près de la porte feignants d'être courriers et de demander des chevaux. Mais un de ceux de la garde ayant découvert la troupe le long du chemin allant de la Charité à un lieu appelé Raucau, fut cause que le pont-levis fut levé à temps et qu'il leur fut répondu que le maître de poste n'avait pas assez de chevaux pour eux. Se voyant découverts ils prétendirent encore avoir commission du roi mais il ne furent pas mieux reçus et se sentant découverts il se retirèrent en tirant quelques coups de pistole et ils furent chassés à coups d'arquebuse. En partant ils pillèrent un bateau qui descendait par la rivière, plein de marchandises et surprirent aussi le sieur de Greviers, s'en allant à Orléans, qu'ils emmenèrent prisonnier à Saint-Pierre-le-Moûtier lui ayant pris ses chevaux de service et ses armes (4).
La ville de La Charité resta pour la première fois sous le gouvernement des réformés jusqu'en juin 1562. Le ministre Jean Papillon, dit des Roches, y fut un audacieux propagateur du calvinisme. Il avait prêché en 1561 à Sancerre, Cosne, Entrains et La Charité, et en 1562 à Nemours, Lorris et Montargis (5).

(3) Jean-François Née de la Rochelle, Mémoires pour servir à l'Histoire civile, politique et littéraire, à la Géographie et à la Statistique du Département de la Nièvre et des contrées qui en dépendent, 1827, Bourges, Paris
(4) Théodore de Bèze (1519-1605), Histoire ecclésiastique des églises réformées au royaume de France, 1883-1889, Paris, Fischbacher
(5) Paul Gache, Histoire de Bonny-sur-Loire, des origines à la Révolution, 1991, Bonny-sur-Loire


Alain Raisonnier 29 janvier 2020