« Dennis Harry correspondances (suite et fin) » : différence entre les versions

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::Le courrier est à nouveau très rare ici. Je n'ai pas reçu de lettre de ma mère depuis plus de deux semaines. Hier j'ai reçu une carte de John. J'ai écrit une lettre à Mary avant-hier.<br> Maintenant, nous avons eu un peu de beau temps pendant plus d'une semaine, mais aujourd'hui le ciel est couvert et nous avons eu de la pluie tout l'après-midi et elle revient encore. Nous avons quitté notre ancien casernement aujourd'hui pour emménager dans de nouveaux baraquements qui viennent d'être installés. Notre ancien logement se trouvait à l'extrémité des baraquements occupés par l'infirmerie. La grippe s'est à nouveau abattue sur notre camp et ils nous ont déplacés pour agrandir l'infirmerie. Ils nous construisent un nouveau baraquement, il faudra donc déménager à nouveau bientôt.<br> Aujourd'hui j'ai récupéré une vieille Sunbeam. Je vais la sortir demain et voir si tout va bien ou non. Je vais partir lundi à Romorantin pour prendre des pièces pour réparer quelques unes de nos voitures. Cet endroit est à environ cent vingt milles d'ici.<br> Nous avons obtenu une permission de trois jours à Paris et si j'ai assez d'argent j'irai, nous aurons aussi sept jours de permission. Quelques uns de nos hommes sont allés à Nice et j'aimerais bien effectuer plus d'excursions mais je devine que je devrai attendre un peu. J'espère que nos permissions seront transformées en un retour aux bons vieux États-Unis et à la maison.<br> Alors, ma chérie, je dois envoyer un mot à John et comme il n'y a rien de plus à raconter maintenant , je vais terminer ; salue bien tout le monde de ma part et embrasse Joe de la part de son papa et dis-lui de bien me faire savoir quand il recevra sa casquette allemande. Je l'expédie au nom de monsieur J.T. Dennis. Dis-lui que quelqu'un d'autre pourrait prendre le colis, mais pas une femme. Avec beaucoup d'amour et de baisers de ton mari qui t'aime.<br>
::Le courrier est à nouveau très rare ici. Je n'ai pas reçu de lettre de ma mère depuis plus de deux semaines. Hier j'ai reçu une carte de John. J'ai écrit une lettre à Mary avant-hier.<br> Maintenant, nous avons eu un peu de beau temps pendant plus d'une semaine, mais aujourd'hui le ciel est couvert et nous avons eu de la pluie tout l'après-midi et elle revient encore. Nous avons quitté notre ancien casernement aujourd'hui pour emménager dans de nouveaux baraquements qui viennent d'être installés. Notre ancien logement se trouvait à l'extrémité des baraquements occupés par l'infirmerie. La grippe s'est à nouveau abattue sur notre camp et ils nous ont déplacés pour agrandir l'infirmerie. Ils nous construisent un nouveau baraquement, il faudra donc déménager à nouveau bientôt.<br> Aujourd'hui j'ai récupéré une vieille Sunbeam. Je vais la sortir demain et voir si tout va bien ou non. Je vais partir lundi à Romorantin pour prendre des pièces pour réparer quelques unes de nos voitures. Cet endroit est à environ cent vingt milles d'ici.<br> Nous avons obtenu une permission de trois jours à Paris et si j'ai assez d'argent j'irai, nous aurons aussi sept jours de permission. Quelques uns de nos hommes sont allés à Nice et j'aimerais bien effectuer plus d'excursions mais je devine que je devrai attendre un peu. J'espère que nos permissions seront transformées en un retour aux bons vieux États-Unis et à la maison.<br> Alors, ma chérie, je dois envoyer un mot à John et comme il n'y a rien de plus à raconter maintenant , je vais terminer ; salue bien tout le monde de ma part et embrasse Joe de la part de son papa et dis-lui de bien me faire savoir quand il recevra sa casquette allemande. Je l'expédie au nom de monsieur J.T. Dennis. Dis-lui que quelqu'un d'autre pourrait prendre le colis, mais pas une femme. Avec beaucoup d'amour et de baisers de ton mari qui t'aime.<br>


[[Image:Guerre 1914-1918 273.jpg|thumb|350px|center|<center>Photo prise par Harry Dennis, coll. Bob Kerr.</center>]]<br><br>
[[Image:Guerre 1914-1918 273.jpg|thumb|350px|center|<center>Photo prise par Harry Dennis, coll. Bob Kerr.</center>]]<br>


Dans ses lettres à son épouse, Harry fait de nombreuses allusions à des amis, parents, voisins de Bloomington. Pour plus de compréhension, ce sont surtout ses remarques sur sa vie en France qui ont été conservées ci-dessous.<br>
'''2 mars 1919,'''<br>
[[Image:Guerre 1914-1918 276.jpg|thumb]]
::Chers femme et fils,<br>
::Eh bien, j'ai vu Paris. J'ai quitté le camp lundi dernier au soir et je suis arrivé à Paris à huit heures du matin. J'avais soixante-douze heures à passer à Paris alors. Paris est une ville tellement belle et il y a tant à voir qu'il m'est impossible de commencer à en parler. Je vais devoir attendre de revenir chez nous pour te raconter ce voyage merveilleux. J'espère seulement pouvoir obtenir quelques heures afin de pouvoir visiter un peu plus de ces merveilleux édifices. Les deux copains qui m'ont accompagné sont assis là, en extase devant notre voyage, et spécialement devant les « madamoiselles » [sic] car ils sont jeunes tous les deux et pleins d'ardeur et évidemment ces choses-là les intéressent beaucoup.<br> J'ai reçu hier d'autres lettres, avec la photo de Joe en pyjama. Il a vraiment l'air mignon. Je parie que lui et Trilby, ils ont font des belles dans le coin. Je suis si content que tu aies rendu une si longue visite à ma mère et à mon père. Ma mère dit qu'elle a mal aux yeux et qu'elle est incapable de trouver des lunettes adaptées à sa vue. J'espère bien que ses yeux ne lui feront pas plus de mal car ce serait horrible si elle devait perdre complètement la vue. [...]<br> Je t'ai acheté un chapelet à la « Madeline » [sic] et aussi une médaille pour sœur Alberto. Je t'envoie aussi une médaille pour toi et une pour Joe, achetées à Notre-Dame. J'aurais aimé prendre quelque chose en plus, mais je n'ai pas beaucoup de francs. Le commandant de notre compagnie m'a prêté l'argent du voyage, sinon je n'aurais pas pu y aller, et j'avais juste assez pour dépanner pour une petite excursion touristique. [...]<br> Eh bien, ma chère femme, je ne peux trouver rien de plus à te dire à présent, seulement qu'il pleut à nouveau, et qu'elle tombe encore, je devrais dire.<br> Embrasse Joe de la part de son papa et dis-lui que j'ai mis tous mes baisers dans la dernière lettre. Avec beaucoup d'amour et de baisers de ton mari qui t'aime.<br>
::Harry Dennis.<br> 
'''11 mars 1919 :'''<br>
(La première page de la lettre est pratiquement illisible).<br>
::Chers femme et fils,<br>
::Il y aura un an demain soir que je suis parti pour devenir un brave soldat. (…)<br>
::J'ai reçu la grande somme de 58 francs, environ 11 dollars par mois. Cela me tracasse comment la dépenser spécialement, car je n'aime pas tout dépenser en un seul endroit. Ne t'inquiète pas que je me défonce et je ne vais pas avoir assez pour le vin rouge ou le cognac. Je te raconterai tout quand je serai rentré à la maison. Parlons des nouveaux costumes quand je serai chez nous. Je veux que tu nettoies quelques uns des anciens, ainsi je pourrai me changer aussitôt que j'arriverai. Je n'aimerais pas porter ceux-ci [l'uniforme militaire] jusqu'à ce que je puisse avoir un costume neuf et je suis heureux que tu m'aies gardé mes vêtements [civils].<br> […] Eh bien, nous avons eu ce soir une séance de cinéma et la bande de copains vient de revenir. Je n'y suis pas allé car je voulais écrire cette lettre et une autre à John. Ils sont tous en train de faire du brouhaha, de sorte que je devrais finir cette lettre, car c'est presque impossible avec tout ce monde autour et le clairon du couvre-feux vient de retentir. Nous quittons un baraquement pour un autre ; j'ai préparé mon lit et accroché mes vêtements.<br> Dis à Joe que j'ai reçu la lettre et que j'espère qu'il a reçu le casque allemand et les autres petits cadeaux. Embrasse-le pour moi et peut-être n'y aura-t-il pas longtemps avant que je sois à la maison pour te voir, toi et lui et pour rester chez nous.<br> C'est la lettre de ton père que j'ai reçue et j'en ai reçu une de papa l'autre jour. Cela m'a presque frappé de la recevoir.<br> Eh bien, chérie, je te souhaite bonne nuit avec beaucoup d'amour et de baisers de ton mari qui t'aime.<br> 
'''Lettre du 17 mars (?) :'''<br>
::J'ai reçu aujourd'hui ta lettre du 9 mars, celle que tu m'as écrite d'Indianapolis.<br> Attends que je rentre à la maison et tu montreras cette petite fille aux yeux bruns, la nôtre. As-tu toujours la même opinion à propos des quatre enfants ?<br> N'oublie pas de te faire prendre en photo quand tu es vêtue de tes nouveaux costumes. Bien sûr, je me souviens où nous étions le dernier 17 mars, j'espère que ce sera différent le prochain 17 mars et c'est une chose certaine. Je me souviendrai du dernier.<br> [...] Je me suis fait plomber une dent l'autre jour et nettoyer les dents. Le plombage s'est sauvé et je dois retourner me faire replomber. Le vieux Baker est assis à côté de moi et je lui raconte qu'un beau jour le téléphone va sonner et qu'il sera à la cantine en train d'attendre son repas. Il dit que je ne le verrai jamais à Bloomington car il n'a pas l'attention d'aller si loin de chez lui.<br> Eh bien, ma chère épouse, je vais fermer cette lettre pour cette fois puisque j'ai épuisé toutes les nouvelles. Dis à Joe que ferait mieux d'arrêter les gros mots sinon je vais ramener à la maison un joli petit enfant français. Embrasse-le pour moi et dis-lui de ne pas ... et d'aller en ville car il pourrait se sauver, il est si petit. Avec beaucoup d'amour et de baisers, je suis ton mari qui t'aime toujours.<br>
'''18 mars 1919 :'''<br>
::Chers femme et fils,<br>
::J'ai reçu hier soir tes lettres du 24 et du 25 février. J'avais passé toute la journée à [[Nevers|<u>Nevers</u>]] et quand je suis revenu et que j'ai reçu tes lettres et remarqué qu'elles avaient été écrites les 24 et 25 février, j'ai été triste jusqu'à ce que les aie lues. Eh bien, ma chérie, nous devrons être patients pendant encore un moment car j'ai peur que nous restions encore un moment, pourtant il y a toutes sortes de rumeurs selon lesquelles nous allons bientôt partir, mais bien sûr nous avons entendu ces sortes de rumeurs régulièrement depuis que l'Armistice a été signé. Ne t'inquiète pas, cependant ce sera bien mieux quand je rentrerai au pays. Tu n'auras plus du tout à t'inquiéter que je vous quitte, toi et Joe. Je suis si désolé que tu te sentes si mal parfois car je sais ce que c'est et quand j'ai reçu tes lettres hier soir j'ai bien eu le cafard.<br> Je joins une petite note que Paul Jabsen m'a fait parvenir par un soldat du génie qui conduisait le train où se trouvait Paul. J'aurais bien aimé l'avoir vu.<br> […] Eh bien, je vais être en grande forme pour conduire quelques passagers et cela ne sera pas mal car plus je passerai de temps à la maison mieux ce sera. Je ne crois pas que je pourrais aller travailler à Roodhouse ou à Springfield. [...] Dis à Joe que papa veut savoir pourquoi il veut peindre en rouge les étoiles.<br> Tous les copains sont regroupés et parlent de leurs excursions à Paris et à Nice. Nice doit être un endroit merveilleux, selon ceux qui l'ont visités.<br> Eh bien, ma chère femme, et mon petit garçon, je vais vous dire bonsoir avec beaucoup d'amour et de baisers de ton mari qui t'aime.<br>
P.S. Donne le bonjour à tous les amis et dis-leur que je vais essayer et obtenir une permission pour aller rendre visite à John. As-tu reçu les petits cadeaux que j'ai envoyés ?<br>
'''22 mars 1919 :'''<br>
::Chers femme et bébé,<br>
::J'ai reçu ta lettre du 4 mars avec à l'intérieur la lettre du vieux Fitz. J'ai reçu la lettre à midi juste et deux ou trois d'entre nous avaient un peu le cafard, mais restaient muets. Tu dois savoir que la lettre n'était d'aucune aide quand tu as décrit les vieilles soirées qui apportent tant de joie. Dis à toute la bande que j'apprécierais beaucoup mieux qu'ils se souviennent encore de moi. Dis à Agnes Judge que lorsqu'elle dit « tous sont revenus sauf Dennis » cela ne fait que dégrader un peu ma considération pour elle. Je vais garder la lettre que Fitz m'a écrite et la rapporter à la maison et la lui faire lire pour moi car je ne peux pas du tout lire (déchiffrer) la fin. Essaie de conserver assez de bonne choses pour mon retour car je veux assister au moins à une ou plusieurs bonnes vieilles soirées. Salue de ma part Hattie et Stamm et dis-leur que je souhaite être là pour voir la « vieille rose ».<br> Je suis heureux que tu sois allée à Indianapolis avec ta mère car je sais que la pauvre Osie attendait cela. Je suis bien triste pour elle. Je ne savais pas que Ben était si mal. Je veux que tu continues à faire ce que tu fais, je ne pense pas que tu iras autant quand je serai à la maison à moins que je te suive.<br> Dis à ta mère que j'ai un bon remède pour les maux de pieds. Je vais rapporter une paire de vieux souliers militaires à semelles cloutées, les souliers les plus confortables. Aussi, ils sont bons pour nous faire lever le matin quand elle fait sa petite visite matinale. A propos de petit-déjeuner, nous avons du bacon, moins les œufs, les toasts et la crème dans le café.<br> Je ne sais pas ce que je vais faire maintenant que Joe demande un casque. Si c'est possible, je vais essayer de m'en procurer un, mais tu ferais mieux de ne pas lui en parler.<br> J'ai le journal qui annonce la mort de Jim Callahan. J'ai changé d'idée à propos de ces gens qui disent que j'étais fou de m'engager ; je vais les faire mettre en rangs pour me donner un coup de pied. Je ne sais pas si je l'ai mérité, à part pour la solitude que je t'ai imposée.<br> Tu m'as parlé de ces frères que l'armée m'a procurés, âgés d'environ dix ans de moins (que moi), et que j'étais un joli garçon avant d'y entrer. S'ils ne veulent pas être salis dans le paysage, ils feraient mieux de faire attention à t'inviter à déjeuner et à la maison, à moins qu'ils soient de très bons amis et très polis, car j'ai hâte de rentrer chez nous.<br> Je t'ai dit que j'ai reçu le mandat et il est venu bien à propos. Je vais essayer d'aller rendre visite à John dans quelques jours. Je sais à peine où je vais trouver l'argent (les francs). Ta dernière lettre m'est parvenue en quinze jours, mais parfois le courrier est mélangé et nous recevons en premier des lettres écrites plus tard.<br> Nous avons trois camions, trois automobiles et deux motos et un conducteur pour chaque véhicule. Pendant quelque temps j'étais occupé comme conducteur supplémentaire. Le capitaine qui censure notre courrier est notre médecin.<br> Tu sais que j'ai manqué un grand nombre des gestes enfantins de Joe et je suis heureux que tu apprécies encore t'occuper des bébés.<br> Hier, je suis allé à Mars (camp de Mars-sur-Allier), tout près de [[Nevers|<u>Nevers</u>]]. Mars était un grand hôpital mais actuellement la plupart des unités sont parties. C'était plein de boue et j'ai rencontré des infirmières qui circulaient vêtues d'imperméables, de chapeaux et de bottes. C'est leur vie, j'imagine.<br> Si tu vois dans la presse que les 26<small><sup>e</sup></small>, 27<small><sup>e</sup></small> et 28<small><sup>e</sup></small> compagnies du Corps des Transports Ferroviaires est sur la liste des unités qui doivent rentrer, tu peux imaginer que nous en ferons partie car je suis au détachement du Quartier Général attaché à ces compagnies. J'espère qu'ils se dépêcheront et donneront l'information.<br> Je joins à ma lettre le programme d'un spectacle qui a été donné à notre Y.M.C.A. Avant-hier. C'était très bon. Hier soir, je suis allé voir un match de basket dans un autre camp à environ dix milles du nôtre ([[Le camp de Sougy|<u>Sougy</u>]]). Notre équipe a perdu. Je devine que j'aurai à m'entraîner et à jouer.<br> Eh bien, ma chérie et mon petit garçon, je vais arrêter pour cette fois et j'envoie beaucoup d'amour et de baisers à mon cher amour, de ton mari qui t'aime toujours et de papa.<br>
P.S. N'oublie pas d'embrasser Joe pour moi.
<small>(1)  Allusion à un vêtement ou à un autre objet que Harry envoie...<br> (2) W.A.A.C. = Women Auxiliary Army Corps, volontaires féminines chargées de tâches administratives, de l'intendance, des communications... En 1917, l'armée anglaise a créé ces unités auxiliaires.</small><br><br>
<small>(1)  Allusion à un vêtement ou à un autre objet que Harry envoie...<br> (2) W.A.A.C. = Women Auxiliary Army Corps, volontaires féminines chargées de tâches administratives, de l'intendance, des communications... En 1917, l'armée anglaise a créé ces unités auxiliaires.</small><br><br>



Version du 14 avril 2019 à 18:08

Guerre 1914-1918 57.jpg

3 février 1919 :
Knights of Colombus, Overseas Service
On active service with American Expeditionary Forces.

A.P.O. Marcy, France
Chers femme et bébé,
J'ai reçu ta lettre du 19 janvier hier et celle du 12 aujourd'hui. Dis à ton père que le mandat vient d'arriver à un moment très opportun, comme il avait raison quand il se figurait que j'étais cassé. J'écrirais plus souvent s'il y avait des sujets à raconter. Avant de recevoir cette lettre, tu auras reçu une carte postale qui a été distribuée à chaque homme pour qu'il la remplisse et l'envoie chez lui. D'après ce que j'ai partout entendu dans le camp, tout doit être rempli dans l'espace intitulé « état de santé ».
Je pense que je t'ai déjà indiqué à quelle Division nous appartenons, mais je vais te l'indiquer à nouveau. Je suis au Quartier Général, détachement 2, 15e Grande Division du Corps des Transports. Selon toutes les indications, il se passera un bon moment avant que tu voies cela imprimé sur les papiers quand nous partirons. Je ne vois pas pourquoi ce n'est pas possible de nous permettre de savoir quand nous partirons pour les États-Unis. Cela nous ôterait un peu du suspense. J'espère seulement que je rentrerai pendant la saison chaude, de façon à ce que nous passions du bon temps dans les collines.
Je ne m'inquiéterais pas à propos de ma dégradation, comme si ce n'était pas la pire chose qui puisse arriver à quelqu'un. Ce capitaine est en permission actuellement et aussitôt qu'il sera de retour, je vais aller le voir pour un petit entretien. Dis seulement à tous ceux qui veulent savoir ce que je fais que je conduis une locomotive sur le réseau P.L.M. en France, de Marcy à Is-sur-Tille. C'est tout ce que font les hommes qui travaillent au chemin de fer. Je pourrais cesser de conduire mais c'est une vraie vie de chien, spécialement par ce (mauvais) temps. J'ai pensé que Kate resterait à Bloomington. Nous avons eu de la neige pendant les dix derniers jours, mais cela va cesser car il a plu à nouveau depuis une heure. Je suppose que Frankie se balade en bombant le torse depuis qu'il est papa. Comment Rose s'en sort-elle après ce grand événement ?
Je suis heureux que tu aies obtenu ton permis annuel comme tu peux passer quelques jours à effectuer des visites. As-tu décidé d'aller dans l'Iowa avec Katie ?
Je suppose que le nouvel emploi entraîne une augmentation de salaire. Je devrais te rendre folle à propos de ce diamant. C'en est sans doute un très joli que la bande a offert à Mr O'Hearne.
La grippe s'étend diablement aux Etats-Unis, spécialement quand les cochons l'attrapent et en meurent. Dis à ta mère qu'elle ne prenne pas le risque d'attraper des rhumatismes quand elle vient le matin dès son lever pour un petit bavardage.
Tu sais que tu m'as donné pour chaque Noël une photo de toi et de Joe. Je cherchais une surprise en forme de jolie photo. Dis à Fitz quand tu le verras que je cherche encore cette lettre. Comment Gavin a-t-il été touché (tué) ? Était-il aviateur ? Il n'a jamais été plus loin que l'Angleterre, n'est-ce pas ? Pancake a vécu une véritable expérience, blessé et embarqué sur un bateau que l'on pensait englouti dans une tempête.
Pauvre vieille madame Seegan. J'aimerais certainement défiler ici. Est-ce que Andy s'améliore depuis qu'il a été libéré ? Il doit être amoureux de l'uniforme s'il le porte encore. Un costume civil me semblera très bien. J'apprécierais bien l'un de ces sacrés gâteaux, même s'il était tombé au milieu [pendant le transport]. Je pense que tu te débrouilles mieux pour faire la cuisine. Je souhaite revenir maintenant pour rafistoler la vieille Haynes. J'ai eu un peu d'entraînement alors que j'ai eu à conduire un camion pendant environ un mois.
Le vaguemestre vient d'arriver, il m'a donné une lettre de John dans laquelle il a joint une lettre que tu as écrite à Mary et qu'elle lui a fait suivre. Alors maintenant je vais te la renvoyer. Elle aura circulé quand tu recevras cela.
Dis à Joe qu'il doit faire attention et ne pas prendre froid au ventre en tombant de sa luge. J'ai pris froid. Je tousse et je suis à moitié malade. Je prends un médicament et je pense que je serai en forme demain ou après-demain.
Ne t'inquiète pas si tu dois attendre longtemps avant de pouvoir aller à des fêtes avec quelqu'un. Dis à ton père que la prochaine fois qu'il ira à Peoria il mette cela(1) et que s'il glisse sur la glace il ne se cassera pas les côtes. Dis à Joe que papa ne porte plus de chemise de nuit ni pyjama, mais je disais seulement l'autre soir que j'aimerais bien porter une chemise de nuit ou un pyjama, me glisser entre des draps blancs bien propres et enfoncer ma tête dans un grand oreiller de plumes.
Je savais que l'ami Lenahan s'était marié quelque temps avant que je m'engage.
Je suis allé l'autre dimanche à une ville à environ soixante milles de notre camp, qui s'appelle Montceau-les-Mines. Il y avait un grand bal et notre petite bande y est allée. Nous nous sommes bien amusés. Les gens ont été gentils avec nous. L'après-midi, nous étions en face du cinéma, attendant l'ouverture, quand des gamins se sont mis à nous bombarder de boules de neige. Bien sûr, nous avons répliqué et il y a eu une grande bataille. Je pense qu'il y avait environ une centaine de gamins contre nous cinq. C'était une sacrée bataille et tu imagines le cirque et l'attroupement que cela a déclenchés dans la ville.
Je joins le programme d'un spectacle qui a été donné au M.J.R.S. - Y.M.C.A. C'était plein de W.A.A.C anglaises(2), venues de Bourges où elles travaillent. Les photos étaient belles et Joe est magnifique avec son manteau et sa casquette. Je parie qu'il s'est bien pavané. J'ai fait suivre un colis pour Joe, contenant une casquette allemande, une série de perles de chapelet qu'un copain m'a donnée. Il était détaché dans un hôpital et les perles se sont échappées d'une veste qui avait appartenu à un pauvre bougre blessé. Il y a aussi un coupe-papier ; je l'ai fabriqué avec un morceau d'obus allemand, et le manche avec une cartouche de fusil allemand  ; tu peux le donner à Tom. Il y a un sifflet dans lequel le chef de gare souffle quand il veut signaler le départ d'un train et un ballon utilisé par les aviateurs quand ils lâchent des bombes.
J'ai aussi fait un joli coupe-papier et je l'ai gravé pour Mary. Eh bien, ma chérie, embrasse Joe pour moi et avec beaucoup d'amour et de baisers, je suis toujours ton mari qui t'aime,
H. Dennis
Hdqtrs Co. 29th R.T.C. Amer. E.F. France A.P.O. 772 Via new York.
P.S. Je n'ai pas beaucoup aimé ton chapeau, mais le reste était ton vieux "sweet siff".

Carte postale préimprimée, à remplir par les soldats :
3 février 1919.

Ma chère femme,
Je me trouve maintenant à Marcy, Nièvre, France avec le 39e Régiment des Transports et je suis en bonne santé.
Je t'embrasse, Harry Dennis.

Note : Cette carte est fournie à chaque soldat pour lui permettre d'informer sa famille de l'endroit où il se trouve, de son affectation, de ses conditions de santé, sous le contrôle de : G.O. N° 15, c.s., G.H.Q., A.E.F.

13 février 1919 :

Chère femme et bébé,
Le courrier est à nouveau très rare ici. Je n'ai pas reçu de lettre de ma mère depuis plus de deux semaines. Hier j'ai reçu une carte de John. J'ai écrit une lettre à Mary avant-hier.
Maintenant, nous avons eu un peu de beau temps pendant plus d'une semaine, mais aujourd'hui le ciel est couvert et nous avons eu de la pluie tout l'après-midi et elle revient encore. Nous avons quitté notre ancien casernement aujourd'hui pour emménager dans de nouveaux baraquements qui viennent d'être installés. Notre ancien logement se trouvait à l'extrémité des baraquements occupés par l'infirmerie. La grippe s'est à nouveau abattue sur notre camp et ils nous ont déplacés pour agrandir l'infirmerie. Ils nous construisent un nouveau baraquement, il faudra donc déménager à nouveau bientôt.
Aujourd'hui j'ai récupéré une vieille Sunbeam. Je vais la sortir demain et voir si tout va bien ou non. Je vais partir lundi à Romorantin pour prendre des pièces pour réparer quelques unes de nos voitures. Cet endroit est à environ cent vingt milles d'ici.
Nous avons obtenu une permission de trois jours à Paris et si j'ai assez d'argent j'irai, nous aurons aussi sept jours de permission. Quelques uns de nos hommes sont allés à Nice et j'aimerais bien effectuer plus d'excursions mais je devine que je devrai attendre un peu. J'espère que nos permissions seront transformées en un retour aux bons vieux États-Unis et à la maison.
Alors, ma chérie, je dois envoyer un mot à John et comme il n'y a rien de plus à raconter maintenant , je vais terminer ; salue bien tout le monde de ma part et embrasse Joe de la part de son papa et dis-lui de bien me faire savoir quand il recevra sa casquette allemande. Je l'expédie au nom de monsieur J.T. Dennis. Dis-lui que quelqu'un d'autre pourrait prendre le colis, mais pas une femme. Avec beaucoup d'amour et de baisers de ton mari qui t'aime.
Photo prise par Harry Dennis, coll. Bob Kerr.


Dans ses lettres à son épouse, Harry fait de nombreuses allusions à des amis, parents, voisins de Bloomington. Pour plus de compréhension, ce sont surtout ses remarques sur sa vie en France qui ont été conservées ci-dessous.

2 mars 1919,

Guerre 1914-1918 276.jpg
Chers femme et fils,
Eh bien, j'ai vu Paris. J'ai quitté le camp lundi dernier au soir et je suis arrivé à Paris à huit heures du matin. J'avais soixante-douze heures à passer à Paris alors. Paris est une ville tellement belle et il y a tant à voir qu'il m'est impossible de commencer à en parler. Je vais devoir attendre de revenir chez nous pour te raconter ce voyage merveilleux. J'espère seulement pouvoir obtenir quelques heures afin de pouvoir visiter un peu plus de ces merveilleux édifices. Les deux copains qui m'ont accompagné sont assis là, en extase devant notre voyage, et spécialement devant les « madamoiselles » [sic] car ils sont jeunes tous les deux et pleins d'ardeur et évidemment ces choses-là les intéressent beaucoup.
J'ai reçu hier d'autres lettres, avec la photo de Joe en pyjama. Il a vraiment l'air mignon. Je parie que lui et Trilby, ils ont font des belles dans le coin. Je suis si content que tu aies rendu une si longue visite à ma mère et à mon père. Ma mère dit qu'elle a mal aux yeux et qu'elle est incapable de trouver des lunettes adaptées à sa vue. J'espère bien que ses yeux ne lui feront pas plus de mal car ce serait horrible si elle devait perdre complètement la vue. [...]
Je t'ai acheté un chapelet à la « Madeline » [sic] et aussi une médaille pour sœur Alberto. Je t'envoie aussi une médaille pour toi et une pour Joe, achetées à Notre-Dame. J'aurais aimé prendre quelque chose en plus, mais je n'ai pas beaucoup de francs. Le commandant de notre compagnie m'a prêté l'argent du voyage, sinon je n'aurais pas pu y aller, et j'avais juste assez pour dépanner pour une petite excursion touristique. [...]
Eh bien, ma chère femme, je ne peux trouver rien de plus à te dire à présent, seulement qu'il pleut à nouveau, et qu'elle tombe encore, je devrais dire.
Embrasse Joe de la part de son papa et dis-lui que j'ai mis tous mes baisers dans la dernière lettre. Avec beaucoup d'amour et de baisers de ton mari qui t'aime.
Harry Dennis.

11 mars 1919 :
(La première page de la lettre est pratiquement illisible).

Chers femme et fils,
Il y aura un an demain soir que je suis parti pour devenir un brave soldat. (…)
J'ai reçu la grande somme de 58 francs, environ 11 dollars par mois. Cela me tracasse comment la dépenser spécialement, car je n'aime pas tout dépenser en un seul endroit. Ne t'inquiète pas que je me défonce et je ne vais pas avoir assez pour le vin rouge ou le cognac. Je te raconterai tout quand je serai rentré à la maison. Parlons des nouveaux costumes quand je serai chez nous. Je veux que tu nettoies quelques uns des anciens, ainsi je pourrai me changer aussitôt que j'arriverai. Je n'aimerais pas porter ceux-ci [l'uniforme militaire] jusqu'à ce que je puisse avoir un costume neuf et je suis heureux que tu m'aies gardé mes vêtements [civils].
[…] Eh bien, nous avons eu ce soir une séance de cinéma et la bande de copains vient de revenir. Je n'y suis pas allé car je voulais écrire cette lettre et une autre à John. Ils sont tous en train de faire du brouhaha, de sorte que je devrais finir cette lettre, car c'est presque impossible avec tout ce monde autour et le clairon du couvre-feux vient de retentir. Nous quittons un baraquement pour un autre ; j'ai préparé mon lit et accroché mes vêtements.
Dis à Joe que j'ai reçu la lettre et que j'espère qu'il a reçu le casque allemand et les autres petits cadeaux. Embrasse-le pour moi et peut-être n'y aura-t-il pas longtemps avant que je sois à la maison pour te voir, toi et lui et pour rester chez nous.
C'est la lettre de ton père que j'ai reçue et j'en ai reçu une de papa l'autre jour. Cela m'a presque frappé de la recevoir.
Eh bien, chérie, je te souhaite bonne nuit avec beaucoup d'amour et de baisers de ton mari qui t'aime.

Lettre du 17 mars (?) :

J'ai reçu aujourd'hui ta lettre du 9 mars, celle que tu m'as écrite d'Indianapolis.
Attends que je rentre à la maison et tu montreras cette petite fille aux yeux bruns, la nôtre. As-tu toujours la même opinion à propos des quatre enfants ?
N'oublie pas de te faire prendre en photo quand tu es vêtue de tes nouveaux costumes. Bien sûr, je me souviens où nous étions le dernier 17 mars, j'espère que ce sera différent le prochain 17 mars et c'est une chose certaine. Je me souviendrai du dernier.
[...] Je me suis fait plomber une dent l'autre jour et nettoyer les dents. Le plombage s'est sauvé et je dois retourner me faire replomber. Le vieux Baker est assis à côté de moi et je lui raconte qu'un beau jour le téléphone va sonner et qu'il sera à la cantine en train d'attendre son repas. Il dit que je ne le verrai jamais à Bloomington car il n'a pas l'attention d'aller si loin de chez lui.
Eh bien, ma chère épouse, je vais fermer cette lettre pour cette fois puisque j'ai épuisé toutes les nouvelles. Dis à Joe que ferait mieux d'arrêter les gros mots sinon je vais ramener à la maison un joli petit enfant français. Embrasse-le pour moi et dis-lui de ne pas ... et d'aller en ville car il pourrait se sauver, il est si petit. Avec beaucoup d'amour et de baisers, je suis ton mari qui t'aime toujours.

18 mars 1919 :

Chers femme et fils,
J'ai reçu hier soir tes lettres du 24 et du 25 février. J'avais passé toute la journée à Nevers et quand je suis revenu et que j'ai reçu tes lettres et remarqué qu'elles avaient été écrites les 24 et 25 février, j'ai été triste jusqu'à ce que les aie lues. Eh bien, ma chérie, nous devrons être patients pendant encore un moment car j'ai peur que nous restions encore un moment, pourtant il y a toutes sortes de rumeurs selon lesquelles nous allons bientôt partir, mais bien sûr nous avons entendu ces sortes de rumeurs régulièrement depuis que l'Armistice a été signé. Ne t'inquiète pas, cependant ce sera bien mieux quand je rentrerai au pays. Tu n'auras plus du tout à t'inquiéter que je vous quitte, toi et Joe. Je suis si désolé que tu te sentes si mal parfois car je sais ce que c'est et quand j'ai reçu tes lettres hier soir j'ai bien eu le cafard.
Je joins une petite note que Paul Jabsen m'a fait parvenir par un soldat du génie qui conduisait le train où se trouvait Paul. J'aurais bien aimé l'avoir vu.
[…] Eh bien, je vais être en grande forme pour conduire quelques passagers et cela ne sera pas mal car plus je passerai de temps à la maison mieux ce sera. Je ne crois pas que je pourrais aller travailler à Roodhouse ou à Springfield. [...] Dis à Joe que papa veut savoir pourquoi il veut peindre en rouge les étoiles.
Tous les copains sont regroupés et parlent de leurs excursions à Paris et à Nice. Nice doit être un endroit merveilleux, selon ceux qui l'ont visités.
Eh bien, ma chère femme, et mon petit garçon, je vais vous dire bonsoir avec beaucoup d'amour et de baisers de ton mari qui t'aime.

P.S. Donne le bonjour à tous les amis et dis-leur que je vais essayer et obtenir une permission pour aller rendre visite à John. As-tu reçu les petits cadeaux que j'ai envoyés ?

22 mars 1919 :

Chers femme et bébé,
J'ai reçu ta lettre du 4 mars avec à l'intérieur la lettre du vieux Fitz. J'ai reçu la lettre à midi juste et deux ou trois d'entre nous avaient un peu le cafard, mais restaient muets. Tu dois savoir que la lettre n'était d'aucune aide quand tu as décrit les vieilles soirées qui apportent tant de joie. Dis à toute la bande que j'apprécierais beaucoup mieux qu'ils se souviennent encore de moi. Dis à Agnes Judge que lorsqu'elle dit « tous sont revenus sauf Dennis » cela ne fait que dégrader un peu ma considération pour elle. Je vais garder la lettre que Fitz m'a écrite et la rapporter à la maison et la lui faire lire pour moi car je ne peux pas du tout lire (déchiffrer) la fin. Essaie de conserver assez de bonne choses pour mon retour car je veux assister au moins à une ou plusieurs bonnes vieilles soirées. Salue de ma part Hattie et Stamm et dis-leur que je souhaite être là pour voir la « vieille rose ».
Je suis heureux que tu sois allée à Indianapolis avec ta mère car je sais que la pauvre Osie attendait cela. Je suis bien triste pour elle. Je ne savais pas que Ben était si mal. Je veux que tu continues à faire ce que tu fais, je ne pense pas que tu iras autant quand je serai à la maison à moins que je te suive.
Dis à ta mère que j'ai un bon remède pour les maux de pieds. Je vais rapporter une paire de vieux souliers militaires à semelles cloutées, les souliers les plus confortables. Aussi, ils sont bons pour nous faire lever le matin quand elle fait sa petite visite matinale. A propos de petit-déjeuner, nous avons du bacon, moins les œufs, les toasts et la crème dans le café.
Je ne sais pas ce que je vais faire maintenant que Joe demande un casque. Si c'est possible, je vais essayer de m'en procurer un, mais tu ferais mieux de ne pas lui en parler.
J'ai le journal qui annonce la mort de Jim Callahan. J'ai changé d'idée à propos de ces gens qui disent que j'étais fou de m'engager ; je vais les faire mettre en rangs pour me donner un coup de pied. Je ne sais pas si je l'ai mérité, à part pour la solitude que je t'ai imposée.
Tu m'as parlé de ces frères que l'armée m'a procurés, âgés d'environ dix ans de moins (que moi), et que j'étais un joli garçon avant d'y entrer. S'ils ne veulent pas être salis dans le paysage, ils feraient mieux de faire attention à t'inviter à déjeuner et à la maison, à moins qu'ils soient de très bons amis et très polis, car j'ai hâte de rentrer chez nous.
Je t'ai dit que j'ai reçu le mandat et il est venu bien à propos. Je vais essayer d'aller rendre visite à John dans quelques jours. Je sais à peine où je vais trouver l'argent (les francs). Ta dernière lettre m'est parvenue en quinze jours, mais parfois le courrier est mélangé et nous recevons en premier des lettres écrites plus tard.
Nous avons trois camions, trois automobiles et deux motos et un conducteur pour chaque véhicule. Pendant quelque temps j'étais occupé comme conducteur supplémentaire. Le capitaine qui censure notre courrier est notre médecin.
Tu sais que j'ai manqué un grand nombre des gestes enfantins de Joe et je suis heureux que tu apprécies encore t'occuper des bébés.
Hier, je suis allé à Mars (camp de Mars-sur-Allier), tout près de Nevers. Mars était un grand hôpital mais actuellement la plupart des unités sont parties. C'était plein de boue et j'ai rencontré des infirmières qui circulaient vêtues d'imperméables, de chapeaux et de bottes. C'est leur vie, j'imagine.
Si tu vois dans la presse que les 26e, 27e et 28e compagnies du Corps des Transports Ferroviaires est sur la liste des unités qui doivent rentrer, tu peux imaginer que nous en ferons partie car je suis au détachement du Quartier Général attaché à ces compagnies. J'espère qu'ils se dépêcheront et donneront l'information.
Je joins à ma lettre le programme d'un spectacle qui a été donné à notre Y.M.C.A. Avant-hier. C'était très bon. Hier soir, je suis allé voir un match de basket dans un autre camp à environ dix milles du nôtre (Sougy). Notre équipe a perdu. Je devine que j'aurai à m'entraîner et à jouer.
Eh bien, ma chérie et mon petit garçon, je vais arrêter pour cette fois et j'envoie beaucoup d'amour et de baisers à mon cher amour, de ton mari qui t'aime toujours et de papa.

P.S. N'oublie pas d'embrasser Joe pour moi.

(1) Allusion à un vêtement ou à un autre objet que Harry envoie...
(2) W.A.A.C. = Women Auxiliary Army Corps, volontaires féminines chargées de tâches administratives, de l'intendance, des communications... En 1917, l'armée anglaise a créé ces unités auxiliaires.


Texte de Pierre Volut http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/index.htm et http://lesbleuetsdecizois.blogspot.fr/ mis en page par Martine NOËL (discussion) 11 avril 2019 à 12:28 (CEST)