« Constitution civile et clergé nivernais » : différence entre les versions

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:''Tous, comme dans les cachots d'Angers, s'étaient prochainement disposés à la mort. Une innocente gaîté, une sérénité parfaite, répandue sur les visages de tous, eût fait croire qu'ils n'avaient rien souffert, si la pâleur n'eût attesté le contraire. Ils firent jouer la pompe et assainirent la galiote..., les plus jeunes s'engagèrent à servir les malades : un d'eux prononçait à haute voix le formulaire de la messe ; le chapelet, la prière du matin et du soir se disaient en commun et on récitait le bréviaire d'Angers, le seul qu'on eût conservé : cette prison devint un oratoire.
:''Tous, comme dans les cachots d'Angers, s'étaient prochainement disposés à la mort. Une innocente gaîté, une sérénité parfaite, répandue sur les visages de tous, eût fait croire qu'ils n'avaient rien souffert, si la pâleur n'eût attesté le contraire. Ils firent jouer la pompe et assainirent la galiote..., les plus jeunes s'engagèrent à servir les malades : un d'eux prononçait à haute voix le formulaire de la messe ; le chapelet, la prière du matin et du soir se disaient en commun et on récitait le bréviaire d'Angers, le seul qu'on eût conservé : cette prison devint un oratoire.
:''Il ne vint pas de pain le premier jour et on ressentit les premières crises de la faim, d'autant plus qu'à peine en avait-on mangé quelques restes les deux jours précédents. Deux expirèrent ce jour-là... On mangeait avidement les mies sèches, des croûtes moisies trouvées clans les cordages, on rongeait des planches de sapin.
:''Il ne vint pas de pain le premier jour et on ressentit les premières crises de la faim, d'autant plus qu'à peine en avait-on mangé quelques restes les deux jours précédents. Deux expirèrent ce jour-là... On mangeait avidement les mies sèches, des croûtes moisies trouvées clans les cordages, on rongeait des planches de sapin.
[[Image:Deportes-Nantes.jpg|right|frame|<center>Les noyades de Nantes</center>]]
:''La seconde journée fut plus cruelle encore que la première; on était sans forces : les maladies putrides, fièvres, dysenterie, se déclarèrent, on ne put dormir, et un vieillard âgé de quatre-vingt-un ans expira, en disant "Je meurs de faim !"
:''La seconde journée fut plus cruelle encore que la première; on était sans forces : les maladies putrides, fièvres, dysenterie, se déclarèrent, on ne put dormir, et un vieillard âgé de quatre-vingt-un ans expira, en disant "Je meurs de faim !"
:''Depuis peu, Carrier avait fait cesser les noyades, et on semblait vouloir se défaire des prêtres en secret et par la faim, pour imposer silence aux rumeurs publiques mais le sort des détenus dans la galiote était connu de tout le monde ; aussi entendait-on sur le rivage des cris répétés : Si on ne veut les nourrir, que ne les égorge-t-on ?
:''Depuis peu, Carrier avait fait cesser les noyades, et on semblait vouloir se défaire des prêtres en secret et par la faim, pour imposer silence aux rumeurs publiques mais le sort des détenus dans la galiote était connu de tout le monde ; aussi entendait-on sur le rivage des cris répétés : Si on ne veut les nourrir, que ne les égorge-t-on ?

Version du 16 mars 2010 à 10:57

Petit rappel historique

  • Le projet de constitution civile du clergé est adopté par la Constituante le 12/07/1790. Parmi les changements importants, on peut citer :
- profond remaniement des diocèses et des paroisses : un diocèse par département
- élection des évêques et des prêtres par le corps électoral
- les évêques s'entourent de vicaires épiscopaux
- les ecclésiastiques sont rétribués par l'État
- les religieux ayant désormais des droits civiques sont autorisés à quitter leurs postes ou communautés.
- un ecclésiastique ne peut pas occuper de fonctions municipales. En revanche, il est électeur et éligible à l'Assemblée Nationale.

Pour plus de détails, on peut se référer au texte intégral du projet.

  • Louis XVI donne son accord à contre-cœur à ce projet, le 23/07/1790
  • Le décret d'application est voté le 27/11/1790.
  • Le 04/01/1791, il est demandé aux députés du clergé réunis à l'Assemblée, de prêter serment. Trois jours plus tard, c'est au tour des provinces de se déterminer. La quasi totalité des évêques et la moitié des curés refusent. Les membres du clergé non rattachés à une paroisse, considérés comme inutiles, doivent prendre leur retraite ou prêter serment.
  • A partir de ce moment, il y a deux catégories de prêtres :
- les constitutionnels ou assermentés ou jureurs ou intrus
- les réfractaires
  • Un décret du 29/11/1791 exige des prêtres réfractaires un serment civique et autorise les administrateurs locaux à les déporter en cas de trouble.
  • La déchristianisation se poursuit en 1793 et 1794 avec le développement du « culte de la Raison et de l'Être suprême » ; les églises sont fermées au culte du 31/05/1793 jusque vers novembre 1794. Joseph Fouché et Pierre Gaspard Chaumette sont particulièrement actifs à ce sujet dans la Nièvre.
  • Le régime de la « Terreur » s'installe à partir de l'été 1793 et les prêtres réfractaires subissent alors une sévère répression.

61 prêtres nivernais concernés

  • Le 14 février 1794, la Société populaire de Nevers, aussi féroce et impérieuse que celle d'Autun, exigea du représentant Noël Lapointe la déportation de tous les prêtres condamnés à la réclusion. L'ordre du départ arriva brusquement, et parmi les proscrits, au nombre de soixante et un, vingt-six étaient septuagénaires et douze avaient des infirmités constatées.
  • Les prêtres furent embarqués sur la Loire, à destination de Nantes ou de Brest ; le dix-septième jour après leur départ de Nevers, le 2 mars 1794, ils arrivaient à Angers, où ils furent soumis à de répugnantes perquisitions, dépouillés de tout et écroués pendant trois jours. Le 13 mars à minuit on embarque les prêtres avec quinze compagnons nouveaux du diocèse d'Angers et on reprend la route fluviale de Nantes, où l'on arrive le 16 mars à 10 heures du soir. Une galiote capturée sur les Hollandais et servant de prison aux malheureux destinés à la noyade reçut les prisonniers.
  • Les prêtres concernés ont été répartis sur leurs trois diocèses d'origine (avant la Révolution) :
Autun
Auxerre
Nevers

De Nevers à Nantes

  • Ce qui suit est extrait d'une relation manuscrite, attribuée à m. Imbert (+ 1841)- Relation des prêtres déportés de la Nièvre, dans P. Muguet. — Recherches historiques sur la persécution religieuse dans le département de Saône-et-Loire, pendant la Révolution 1789-1803, in-8° Châlons-sur-Marne. 1897, t. II, p. 402-405.

« ... Qu'on se représente soixante-seize infortunés dans ce fond de cale, tous malades, sans pain, respirant l'air le plus infect, dans la nuit la plus obscure, dépouillés, menacés, arrivés au lieu des exécutions barbares dont retentissait toute la France, sentant d'heure en heure l'eau s'accroître sous leurs pieds. Qu'on ajoute à ce trop fidèle tableau la faim, les douleurs, les cris des malades et l'impossibilité de les soulager, et l'on se convaincra que la religion seule pouvait leur donner ce calme, cette résignation qui les soutint constamment... On ne s'attendait pas à voir le jour, et le matin on fut étonné d'exister encore. Des gardes, sur le pont de la galiote, laissaient ouverte ou fermée, selon leur humanité ou leur barbarie, l'écoutille de quinze pouces en carré par laquelle seule respiraient les prisonniers.
Tous, comme dans les cachots d'Angers, s'étaient prochainement disposés à la mort. Une innocente gaîté, une sérénité parfaite, répandue sur les visages de tous, eût fait croire qu'ils n'avaient rien souffert, si la pâleur n'eût attesté le contraire. Ils firent jouer la pompe et assainirent la galiote..., les plus jeunes s'engagèrent à servir les malades : un d'eux prononçait à haute voix le formulaire de la messe ; le chapelet, la prière du matin et du soir se disaient en commun et on récitait le bréviaire d'Angers, le seul qu'on eût conservé : cette prison devint un oratoire.
Il ne vint pas de pain le premier jour et on ressentit les premières crises de la faim, d'autant plus qu'à peine en avait-on mangé quelques restes les deux jours précédents. Deux expirèrent ce jour-là... On mangeait avidement les mies sèches, des croûtes moisies trouvées clans les cordages, on rongeait des planches de sapin.
Les noyades de Nantes
La seconde journée fut plus cruelle encore que la première; on était sans forces : les maladies putrides, fièvres, dysenterie, se déclarèrent, on ne put dormir, et un vieillard âgé de quatre-vingt-un ans expira, en disant "Je meurs de faim !"
Depuis peu, Carrier avait fait cesser les noyades, et on semblait vouloir se défaire des prêtres en secret et par la faim, pour imposer silence aux rumeurs publiques mais le sort des détenus dans la galiote était connu de tout le monde ; aussi entendait-on sur le rivage des cris répétés : Si on ne veut les nourrir, que ne les égorge-t-on ?
La contagion augmentait: les moins malades rendaient aux moribonds les soins de la plus affectueuse charité on n'entendait dans ce séjour de la douleur et de la mort que des gémissements et des cris. Le froid, la gangrène hâtaient la fin de ces malheureux, tandis que des gardes, indignes du nom d'hommes, placés sur le pont de la galiote, insultaient aux cadavres qu'on y montait... Les vivants enviaient le sort des mourants et ceux-ci leur présageaient une prochaine réunion. Tous l'ont éprouvé, tous l'ont attesté : jamais ils ne se sentirent plus forts, plus résignés, que lorsque tous les secours humains leur manquèrent, lorsque tout espoir de retour au monde leur fut ravi, lorsqu'ils n'eurent que le ciel et l'eau pour fixer leurs regards et Dieu seul pour consolateur. Cum infirmor, tunc potens sum.
Le nombre des morts augmentait dans une progression effrayante, jusqu'à quatre par jour. On disait à Nantes que la peste était dans la galiote, et dès lors les gardes refusèrent d'y monter. On ne put obtenir ni chirurgiens, ni remèdes ; les plus jeunes et les plus robustes succombaient comme les vieillards... Seize de Nevers et quatorze d'Angers avaient terminé leur glorieuse carrière avant le 18 avril et les quarante-six survivants étaient plus ou moins altérés. Un d'eux ayant conservé des morceaux de pain à chanter conçut le projet de faire célébrer les saints mystères dans ce cachot, à l'imitation des confesseurs et des martyrs de la primitive Eglise dans les Catacombes. Ce dessein fut communiqué et adopté avec la plus vive satisfaction.
On était alors au commencement de la semaine sainte et cette auguste cérémonie fut fixée au Jeudi saint, jour de l'institution du sacerdoce et du sacrement adorable de nos autels. Tous se préparèrent par le sacrement de pénitence, et l'on doit ici l'hommage le plus glorieux à la mémoire de sept assermentés qui restaient encore : ils acceptèrent avec joie cette occasion de réparer leurs fautes, et leur mort héroïque n'a laissé à leurs confrères édifiés qu'un souvenir consolant et l'assurance de leur béatitude.
L'autel fut dressé sur des tonneaux. On acheta du geôlier du vin de Bordeaux ; un verre servit de calice, une serviette coupée fit les linges sacrés ; le pain à chanter des hosties. Il ne manquait qu'un marbre et des ornements, mais on se crut, avec raison, dans la position même des martyrs des premiers siècles et tous les obstacles furent levés.
M. Mallapart, curé et archiprêtre de Luzy, diocèse d'Autun, assisté de ses deux vicaires (MM. Durand et Saclier), célébra le saint sacrifice et fit un discours des plus pathétiques : plusieurs fois les larmes, les sanglots de ses auditeurs l'interrompirent.
Avant la communion générale, les sept assermentés firent leur rétractation..., on s'attendrit de nouveau avec eux et tous confondirent leurs gémissements et leur componction. Un des prêtres (M. Berthault, curé d'Arleuf, diocèse d'Autun) fit sentinelle sur le pont pendant cette auguste action et revint participer à la sainte communion.
Qu'on se retrace la joie, le courage et l'intrépidité de ces quarante-six confesseurs ! A l'exemple des apôtres au sortir du Cénacle, ils étaient prêts à tout braver pour la foi ; ils se glorifiaient de leurs chaînes, plaignaient ceux qu'ils avaient laissés dans le monde, jouissaient par avance du bonheur des saints et s'estimaient trop heureux d'avoir été jugés dignes de souffrir pour la cause glorieuse de la religion. Rien, oh ! rien n'égala leur contentement dans ce beau jour. Les autres étaient morts dans les mêmes sentiments, à l'exception d'un seul (M. Dugué, curé de Saint-Sauveur et vicaire épiscopal de l'évêque intrus de Nevers). Pourquoi la fidélité de l'histoire exige-t-elle qu'on en parle ?
Le soir de ce jour à jamais mémorable, M. Moreau, curé et archiprêtre de Château-Chinon (diocèse de Nevers), fit le discours d'actions de grâces et captiva l'attention et l'intérêt.
Le lendemain, M Gatey, ex-jésuite, fit le discours le plus touchant sur la Passion, et l'on se proposait de continuer de jour à autre ces pieuses exhortations, lorsque le même jour, à 2 heures, vinrent des commissaires de Nantes annoncer pour ceux qui le voudraient leur translation à Brest. Ils proposèrent aux plus malades de rester dans la galiote, leur promettant de les secourir et de les faire conduire dans un hôpital. Quinze acceptèrent cette condition, la plupart à l'extrémité, et expirèrent sans secours dans cette horrible prison, à l'exception de deux qui furent élargis, lors de la première pacification de la Vendée. »

De Nantes à Brest

  • On dénombre 17 décès en un mois à Nantes
  • On propose à ceux qui restent de les transporter à Brest pour les soigner
  • Trente-et-un vont partir le 18 avril ; 13, trop affaiblis, vont rester à Nantes.
  • Arrivés à Brest, ils sont transférés à la prison de Pontaniou
-Le bâtiment de la prison n’est pas celui que l’on trouve souvent en photo sur internet ; en effet cette prison bien connue a été édifiée par l’architecte Antoine Choquet de Lindu au fond de l’anse de Pontaniou entre 1805 et 1810 seulement et ce n’est qu’en 1990 qu’elle a été désaffectée.
-Au moment de la Révolution la prison était beaucoup plus petite mais située également dans le périmètre de l’arsenal à l’entrée de l’anse de Pontaniou. Le bâtiment datait de 1743 et comportait une partie encore plus ancienne de 1646, voutée et profonde, et les conditions de détention étaient certainement très médiocres.
-Cette prison était totalement indépendante du bagne de Brest ; les prêtres déportés à Brest n’ont pas séjourné au bagne.
  • Les décès des prêtres sont enregistrés à l'hôpital de la Marine ou hôpital Saint Louis après qu'il y aient été transférés depuis la prison de Pontaniou pour raison de santé.



--m mirault 16 mars 2010 à 08:21 (UTC)
Article réalisé grâce à la collaboration de Brigitte Foudrier, Christiane Delarras, Christian Bouchoux, Alain et Jo Trinquet qui se sont exprimés sur la liste GenNièvre dès juillet 2006.