Champvert Archéologie

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La villa romaine de Champvert

Le chantier des fouilles
  • De 1896 à 1901, une importante campagne de fouilles archéologiques a eu lieu sur le territoire de la commune de Champvert, entre le domaine du Port et le village, le long d'un coteau qui domine le Canal du Nivernais et l'Aron. Les travaux se sont déroulés sous la conduite de MM. de Saint-Venant, de Flamare (directeur des Archives Départementales) et Gauthier, tous les trois éminents membres de la Société Nivernaise des Lettres, Sciences et Arts.
  • Trente ans plus tôt, des premières découvertes de « débris de constructions romaines » avaient été effectuées par M. Pény, agent-voyer de Decize et il était venu en rendre compte à la Société Nivernaise lors d'une séance tenue le 12 avril 1866. Louis-Mathieu Poussereau, dans un ouvrage sur l'histoire de Decize publié en 1891, avait cru voir dans ces constructions les « restes d'un palais ».
  • Le propriétaire du champ, M. Alexandre, en aménageant un jardin le long de la route Champvert-Decize, a ensuite mis à jour un mur, plusieurs « chambres » et des éléments de pavage. Gaston Gauthier, instituteur à Champvert, s'est alors intéressé à ces vestiges. Il a demandé une aide financière à la Société Nivernaise et il a entrepris des recherches plus systématiques.
  • Gaston Gauthier a rédigé le rapport de fouilles, qui a été diffusé par le biais d'un Bulletin Archéologique du Comité de Fouilles, de plusieurs communications prononcées devant les adhérents de la Société Nivernaise, puis d'une brochure imprimée.
  • Les fouilles ont révélé qu'une importante villa gallo-romaine avait été bâtie sur ce coteau, reliée à d'autres petites agglomérations ; des dalles qui ont été trouvées au fond de l'Aron, à une centaine de mètres en aval du pont, appartenaient peut-être au pavement d'une voie romaine qui rejoignait l'importante voie Decetia (Decize) - Augustodunum (Autun).
  • La villa primitive, luxueuse, bâtie à la grande époque de l'Empire romain, aurait été détruite ou incendiée au IIIe siècle après J.C., selon Julien de Saint-Venant ; puis elle aurait rebâtie, moins importante, un siècle plus tard.
  • Parmi les nombreux objets retrouvés dans le champ de fouilles, Gaston Gauthier signale des tessons de poteries portant les marques Albini, Livgeni et Atremini (noms des ateliers), la partie inférieure d'une Vénus anadyomène en terre blanche, une cinquantaine de pièces de monnaie, parmi lesquelles trois petites pièces en bronze portant les effigies de Marc-Aurèle (empereur de 161 à 180), Valentinien (deux empereurs de ce nom ont régné de 364 à 392) et Tetricus (chef gaulois qui a saccagé Autun et qui est mort en 275).
Un flacon GFHI
  • Un objet original a été retrouvé le 12 juillet 1899 : la partie inférieure d'un flacon de verre, ornée d'un « curieux dessin ». C'est un carré mesurant 4 cm de côté et un centimètre d'épaisseur. Aux quatre coins figurent les lettres GFHI et au centre un homme drapé, debout, tenant à la main une sorte de vase. Soumis à M. Héron de Villefosse, cette marque de fabrication a été identifiée comme provenant d'Italie ; 18 exemplaires identiques étaient alors répertoriés par M. Froehmer, spécialiste des marques de verriers.


Le plan de la villa
  • Les bâtiments qui ont été fouillés constituaient d'importants thermes. Une vingtaine de pièces diverses ont pu être répertoriées ; leur sol était le plus souvent revêtu d'un pavage en briques ; une seule salle possédait un dallage en marbre blanc (salle X) ; un gros collecteur en céramique récupérait toutes les eaux en suivant la pente vers l'Aron.
    Dans son rapport, Gaston Gauthier nous invite à le suivre et à visiter les bains romains de Champvert. A quinze mètres de la route de Decize, deux petites pièces symétriques (A et B) entourent un corridor C ; ces pièces, dont l'usage n'a pas pu être mis en évidence mesurent 3,10 m sur 2,30 m ; leurs murs sont peu soignés. Dans le corridor, on découvre un fourneau souterrain, ou hypocauste. Par un portail cintré formé de moellons bruts (D), on entre dans la salle E (8 m x 6,50 m), qui est peut-être un caldarium (étuve, salle très chaude). La salle F, contiguë, de 6,10 m par 5,60 m, serait un tepidarium (salle où la température est modérée, tiède).
    Suit une pièce circulaire G, chauffée par un fourneau H ; ce serait une piscine ou une étuve humide.
    La salle I, de dimensions plus grandes (15 m x 10,50 m), est un atrium, sa piscine centrale ou impluvium recevait l'eau de pluie.
    La salle J (6,50 m x 11,50 m) est un apodyterium, ou vestiaire des baigneurs.
    Par un couloir en escalier L, on accède à une salle K, à une petite salle M qui est un elaethesium (salle des parfums) et à la salle N qui est un proefurnium (foyer, chauffage).
    Les bains se prolongent vers l'ouest avec un nouveau caldarium O (4 m x 5 m), des baignoires S, un laconicum ou étuve chaude (P), un autre tepidarium Q, salle circulaire de 9 m de diamètre, des bassins (R et R'), des salles d'usage indéterminé. De nombreux égouts ont été retrouvés  ; l'eau, chaude, tiède ou froide, propre ou sale s'écoulait dans des tuyaux de terre cuite.
  • "Il est heureux que ces ruines de Champvert, toutes masquées par la terre végétale, aient été mises au jour par des cultivateurs inconscients qui, en voulant détruire ces restes gênants pour leurs labours, les ont fait connaître et sauvés, tout au moins de l’oubli". J. de Saint-Venant regrette que le site fouillé ait dû être à nouveau enfoui et que le « nerf de la guerre » ait manqué pour bien mettre en valeur ces vestiges. Il rend hommage aux « propriétaires obligeants et disposés à montrer la plus grande bonne volonté pour concourir à des recherches dont le résultat les passionne peu ; à un maire intelligent, dévoué à sa commune et à un jeune instituteur aussi actif qu’entendu, doublé d’un archéologue de mérite… »



- Gaston-Charles-Raoul GAUTHIER, est né à Rogny (Yonne) le 12 juillet 1860. Instituteur à Champvert, il a fait preuve d'une infatigable activité de recherches historiques et archéologiques. Secrétaire-adjoint de la Société Nivernaise des Lettres, Sciences et arts, associé correspondant national de la Société des antiquaires, membre de la Société Artistique de la Nièvre, de la Société Eduenne et de plusieurs sociétés savantes, collaborateur de plusieurs revues scientifiques, Gaston Gauthier a publié des monographies sur les communes de Beaumont-la-Ferrière, Saint-Martin-d'Heuille, Rogny et Champvert, sur le Château de Dompierre-sur-Nièvre, une étude sur Jeanne d'Arc en Nivernais (1897), Jeanne d'Arc à Saint-Pierre-le-Moûtier, des Lettres inédites de Marie de la Grange d'Arquian, reine de Pologne, de son père et de son frère, plusieurs études sur la justice seigneuriale en Nivernais, sur les droits de salage, saunage et minage de sel à Nevers...
- Louis-Henri Adam de FLAMARE, né à Sens le 26 février 1851, archiviste du département de la Nièvre, diplômé de l'Ecole des Chartes, correspondant honoraire du Ministère de l'Instruction Publique, vice-président de la Société Nivernaise.
- Julien BARRE de SAINT-VENANT, né à Paris le 4 septembre 1847, inspecteur des eaux et forêts à Nevers, ancien officier (guerre de 1870), correspondant du Ministère de l'Instruction Publique. Spécialiste des mégalithes, M. de Saint-Venant a publié des travaux sur les Gaulois et les Wisigoths, sur les voies romaines, sur la céramique antique (Dictionnaire, Annuaire et Album de la Nièvre, Paris, Ernest Flammarion, 1900)


  • A la même époque, les ruines d'une autre villa gallo-romaine sont mises à jour près de la ferme de Mont, commune de Béard. Les fouilles sont effectuées par M. Henry d'Assigny. M. de Lespinasse, responsable de la Société Nivernaise, visite le champ de fouilles en janvier 1894 et il en rend compte dans le Bulletin de l'année 1896. Les vestiges sont beaucoup moins importants que ceux de Champvert : des débris de tuiles, des pierres étrangères au terrain, des parois de murs en briques, de petits pilastres, un fragment de colonne (60 cm de diamètre sur 60 cm de hauteur), deux rosaces à double rang de huit feuilles.


Bibliographie :
Bulletin de la Société Nivernaise, tome VI, 1896, pp. 171-177
Bulletin de la Société Nivernaise, tome VII, 1898, pp. 392-424
Bulletin de la Société Nivernaise, tome , 1901...
Gaston GAUTHIER, Remarques complémentaires sur la villa de Champvert, tiré à part du B.S.N., Nevers, Vallière, 1897, 35 p.
Gaston GAUTHIER, Note sur un culot de vase en verre romain trouvé à Champvert, extrait du Bulletin Archéologique, Paris, Imprimerie Nationale, 1900, 7 p.
Gaston GAUTHIER, Les Bains de la Villa gallo-romaine de Champvert, tiré à part du B.S.N., Nevers, Vallière, 1902, 22 p.
Pierre VOLUT, Decize et son canton au XIXe siècle et à la Belle Epoque, Decize, 1999, pp. 239-240.
Pierre VOLUT, Un Siècle à Decize et aux environs, DVD-ROM, 1901-A.



Article proposé par Pierre Volut et mis en page par m mirault 26 juillet 2015 à 09:26 (CEST)