Breton Gabriel correspondances d'avril 1918 à juin 1918

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Guerre 1914-1918 57.jpg

Le mardi 2 avril 1918.

Ma chère Maman,
Me voici donc installé dans mon nouveau régiment et je te dirai que j'en suis très heureux parce qu'à la fin j'en avais plein le dos du 9/134. Mon régiment appartient à une division d'as, division de granit, c'est tout vous dire. Nous avons une très grosse cote et de ce fait nous sommes très tranquilles et ça vaut bien mieux que la 15e D.I. Les soldats sont très chics, pas de mauvaises têtes, le régiment est par exemple un peu triste parce que la grande partie du recrutement a comme origine les endroits où l'on se bat, ce qui n'est pas rigolo, mais au demeurant ce sont de bons soldats dévoués et consciencieux, ce qu'il faut.
Nous tenons les lignes, ça [ne] ressemble que de loin au Bois d'Ailly ; chacun tient une petite portion, véritable forteresse percée de trous et de sapes, à 15 ou 20 mètres le tout entouré d'énormes rangées de gros fil de fer et hérissé de mitrailleuses ; chacun est prince de son royaume et se renferme la nuit dans son burg par des moyens appropriés. Nous sommes loin des barrages à 15 mètres que j'ai connus ; du reste les pertes pour ainsi dire n'existent pas. Mon régiment a fait un gros coup de main ces temps derniers : préparation formidable, peu de pertes et 200 prisonniers. Nous avons une très forte artillerie, ce qui fait que les Boches sont très sages, mais on s'y fie à moitié. Mais nous ne savons rien de la bataille de là-bas, il paraît que ça chauffe dur et que les Boches font des efforts terribles, mais ils ne passeront jamais et ça sera sûrement la fin après cette guerre et terrible bataille.
Tu as dû recevoir mes 1000 F ; c'était pour ma permission, mais comme nous ne savons plus rien sur les tours, il vaut mieux que tu me gardes de côté cette petite réserve dont je peux avoir besoin et j'aime mieux que tu l'aies parce que je n'en ai pas besoin pour le moment.
Nous avons un très mauvais temps et nous sommes trempés et pleins de boue, mais on pense que ça empêchera les Boches d'avancer, ça sera toujours ça.
Ne vous en faites pas pour moi, je vous en prie. Je vais bien et me repose mieux qu'au 9/134. J'ai quatre fois moins d'ouvrage ; j'étais trop surmené là-bas. Les copains sont meilleurs camarades que là-bas, tout est donc pour le mieux. Envoyez-moi de vos nouvelles. Il me faudrait des pellicules de Kodak. Je n'en ai, plus. Avez-vous reçu les photos ?
Je vous embrasse bien fort.
G. Breton.

Le dimanche, [lettre postée le 8 avril 1918].

Ma chère maman,
J'ai reçu hier un très grand nombre de lettres et de cartes, tout mon courrier du 9/134 qui revient ; cela m'a bien fait plaisir parce que je n'avais pas de nouvelles depuis 15 jours et que ça m'embêtait un peu.
Nous sommes toujours en secteur et nous aimons autant ; du reste la guerre ne ressemble plus à celle du Bois d'Ailly, j'ai une très jolie cabane en bois et une salle à manger de même, au-dessous une sape de 12 m ; alors on vit la journée dans la cabane ou le bois ; dès que les obus arrivent on se précipite au fond du trou ; tout le secteur est épatant de défense, fils de fer et autres ; alors le Boche ne s'y frotte pas ; peut-être ne resterons-nous pas là mais, en attendant, nous sommes assez tranquilles et il ne faut pas nous plaindre ; nous avons une très bonne popote et les camarades sont assez chics. Le régiment par exemple est un peu triste, la majeure partie des hommes étant du Nord et des régions où l'on se bat mais dans l'ensemble ce sont de bons soldats. Du reste la division a une grosse cote, division de granit et ça vaut mieux à tout point de vue que de draguer dans des régiments où l'on trinque et où l'on reçoit des sottises.
Maintenant je pense que tu as très bien fait pour ton domaine, c'est évidemment le meilleur parti à prendre et ça marchera mieux ainsi ; et puis ce fermier, d'après ce que tu me dis, a l'air d'avoir ce qu'il faut pour remonter le domaine, c'est le point intéressant.
Maintenant nous ne savons pas grand chose des événements ; je pense une fois de plus que les Anglais ne nous valent pas et que malgré tout nous sommes et nous resterons les premiers soldats du monde ; jamais ils n'auraient dû se faire enfoncer de la sorte et sa ma D.I. avait été à la place des Anglais, jamais le Boche n'aurait été si loin. Aujourd'hui dimanche, je vous écris très tranquillement de ma maison ; il y a du brouillard mais ça vaut mieux ; il est 8 h du matin, j'ai mangé un bon café et des tartines de beurre et j'attends les événements ; je travaille dix fois moins qu'au 9/134. Je vais bien. Il faudrait que Guite me trouve des pellicules de Kodak si c'est possible.
 
Je vous embrasse bien fort, écrivez-moi un peu plus parce que je m'embête quand je n'ai pas de lettres.
G. Breton.

Le mardi 9, [lettre postée le 10 avril 1918].

Ma chère Maman,
Nous sommes en plein bouleversement en ce moment, mais nous n'avons pas beaucoup à changer de place et nous restons quand même dans la région ; on ne parle pas de nous déplacer et c'est l'essentiel ; le plus embêtant c'est que je n'ai pas encore une seule lettre de vous, je ne sais pas encore si vous avez mon adresse et si mes lettres vous arrivent bien. Enfin nous ne sommes pas trop malheureux ici et nous ne nous plaignons pas en pensant aux copains de la Somme. Je vais bien mais ce que je voudrais ce sont des nouvelles. J'ai bien reçu toutes vos lettres adressées au ci/134, pas une au secteur 194 – 128e, 5e Cie.
Bons gros baisers.
Gabriel.

Le vendredi 12 [avril 1918].

Ma chère Maman,
J'ai enfin reçu hier votre première lettre et je suis bien content parce que je commençais très sérieusement à avoir le cafard.
Reçu comme je t'ai dit une lettre de mon oncle, il m'exhorte à faire mon devoir en me disant « Tout pour la France ! » mais sa lettre est pleine d'amertume, les provinciaux se refusent, me dit-il, de recevoir les pauvres Parisiens en danger ! Ce sont des égoïstes ! Etc, etc. Enfin on sent bien que vous n'avez pas voulu les recevoir et ils se montrent assez aigris. Un mot de la tata derrière me recommande chaudement le beau-frère de cette brave Annette.
Parlons de moi. Je suis en ligne depuis 14 jours et n'ai eu que 24 heures de repos. Je pense rester sans être relevé encore 20 jours ; du reste je me trouve bien.
J'ai un très beau P.C. (poste de commandement), on y arrive par 35 marches souterraines. Les Boches me marmitent assez le jour, la nuit est assez calme. Je suis protégé par des fils de fer qui s'étagent en nappes sur des mètres et des mètres et mon petit centre forme un petit Douaumont, avec vivres et munitions, je ne communique guère avec l'arrière et seulement par téléphone, et encore. D'où je suis je domine toute l'ancienne frontière et, par les jours de beau temps, un panorama splendide sur les forêts et un petit ruisseau qui porte le nom d'une bête qui coûte très cher et dont les femmes se mettent volontiers la fourrure sur le dos, surtout quand la bête vit dans la mer. Cherchez. Je ne vous dirai plus rien à cause de la censure(1).
Le secteur au temps jadis était calme ; maintenant il est volontiers nerveux, mais ce n'est rien à comparer au Bois d'Ailly où j'ai fait un si long stage.
Maintenant je voudrais bien que ma sœur fasse l'impossible pour trouver des pellicules et qu'elle achète tant qu'elle pourra. On n'en trouve plus nulle part. Ne vous en faites pas pour mon ravitaillement, nous avons une assez bonne coopérative, mais elle ne vend que du vin de Bordeaux, où est mon Mercurey ?
Mon régiment est bien. La division aussi ; elle porte comme blason « d'azur au rocher de granit surmonté du sapin verdoyant » une paille ! Et le titre Division de Granit, excusez du peu. Mes poilus sont chics et dévoués ; ils sont sales par exemple et peu exubérants, mais ce sont des gens braves et de braves gens (Bretons et Picards). Écrivez-moi. Ne vous en faites pas.
Je vous embrasse bien fort.
G. Breton.

Le vendredi matin, [lettre postée le 14 avril 1918].

Ma chère Maman,
Si rien ne vient empêcher les permissions, je pense partir le 30 au soir de ce pays pour prendre mes dix jours ; j'arriverai le jour de Pâques à Paris et j'en repartirai le lundi pour être à Decize le mardi matin, voilà le programme ; mais l'homme propose et les événements disposent. Maintenant je réfléchis qu'il faut donc passer chez Duchemin me commander un habit bleu en gabardine comme celui que j'ai ; voici pourquoi. J'ai mon habit neuf qui est tout à fait bien mais je n'ai guère que celui [de] la tante, toutes les autres affaires sont éreintées par le travail de cet hiver ; je pourrai envoyer un habit neuf pour Pâques, alors Duchemin me le ferait tranquillement ; je ferai comme j'ai fait pour le dernier, mais il vaut mieux que je puisse l'essayer pour ma permission, il ira toujours mieux.
Maintenant il me faut un complet absolument semblable au dernier, sauf que j'aime mieux avoir neuf boutons au lieu des 6 qu'il a mis sur le devant. Je ne peux plus trouver une seule bonne paire des chaussures ; de fatigue, j'ai acheté plus de trois paires, de la camelote de l'armée, et elles sont toutes hors d'usage. Je crois que le bon Wicker ne sait plus faire de bons gros souliers de chasse ; la dernière paire qu'il a vendue du reste ne valait rien ; enfin tâche de le voir, mais il n'a plus ma mesure et surtout il a la déplorable habitude de ne pas faire les tiges et les soufflets assez larges ; mes anciens souliers de chasse de la maison vont bien et, s'il peut m'en faire une paire, tu pourrais lui donner le modèle, mais qu'il tâche de bien me les faire et qu'ils puissent fermer sur le devant.
Je serai donc à Decize la semaine de Pâques. Maintenant, quand Guite va-t-elle retourner à Paris ? Je retournerai avec elle ; je pense que ses études seront troublées par les Gothas, mais je pense que 99% des victimes proviennent de la bêtise des Parisiens, curieux et froussards en même temps, le coup du métro a plus fait que les torpilles des Boches(2).
Rien de neuf ici ; il part constamment des renforts pour l'avant.
Je vais assez bien en ce moment et vous embrasse toutes deux bien fort.
Gabriel.

Le samedi, [20 avril, lettre postée le 22 avril 1918].

Mme Breton et la vieille Marie
Ma chère Maman,
Nous commençons nos pérégrinations demain, nous allons d'abord un jour ou deux à H..., petit pays de la région que je connais très bien puisque j'y suis donc resté trois mois l'an passé avec le capitaine Barreau.
De là je ne sais pas par exemple où l'on va nous diriger, mais tout le monde peut aisément le deviner ; cependant je pense que nous arriverons au moment où la bataille sera moins rude et moins meurtrière. Ce n'est pas que je sois trop fâché de quitter ce secteur, parce qu'il a été assez agité tous ces temps ; le communiqué en parle assez souvent au chapitre coups de main et ce petit jeu énerve assez parce que le Boche inquiet tire sans savoir pourquoi, à droite et à gauche. L'autre jour ils ont tué mon pauvre camarade Valège qui était avec moi depuis plus d'un an, il n'avait du reste jamais bien fait la guerre et ne savait pas trop ce que pouvaient faire les gros obus. Le 210 est tombé en plein sur un tout petit abri où il déjeunait avec deux camarades et ils ont été écrasés dessous ; ils avaient pourtant une bonne sape à côté d'eux, mais ils préféraient le plein air. Moi je préfère beaucoup de mètres de terre et de bonnes galeries de mine avec beaucoup d'entrées et sorties, comme cela je suis bien plus tranquille car je pense qu'il est toujours temps de s'exposer le jour d'une vraie bataille.
Maintenant je suis persuadé que tout va bien se passer et je pense que nous allons sûrement avoir du repos dans un camp pour un peu nous dérouiller, car les tranchées abrutissent. Il commence à faire beau partout par ici ; le printemps est tardif, ce n'est pas plus avancé que chez nous au 25 mars.
Je vais bien, je vous tiendrai au courant de nos villégiatures le mieux que je pourrai, mais sans doute à un moment donné ce sera difficile et les lettres arriveront mal, mais il ne faudra pas, je pense, vous en faire pour cela. J'ai quelques nouvelles des copains qui sont comme moi à droite et à gauche, personne ne s'en fait, on les aura sûrement.
Je continue ma lettre durant cette longue veillée, veillée des armes pour nous. Les camarades ne vont pas tarder de venir se mettre en route pour venir prendre nos places et nous allons vers minuit nous diriger sur H...
Je viens de recevoir trois lettres de la maison mardi et jeudi, un véritable record. Je viens d'apprendre donc la mort de la vieille Cliquet, que va devenir la Ponette ? L'autre sûrement n'ira plus bien loin. Je lui enverrai un mot demain, ce soir je ne suis en veine que pour bavarder comme je pense et non faire une lettre officielle.
Je suis très content que vous ayez fait pincer Bureau et l'autre cochon que je ne connais pas ; on va premièrement les dresser, c'est trop fort aussi, ce sont tous une bande de saligauds qui ne pensent que profiter de l'absence des gens. La pauvre mère Vagne n'a réellement pas de chance, je me demande ce qu'elle veut faire de toute sa forteresse, ce n'est pas ordinaire, certainement que ses enfants ne veulent rien savoir et rien pardonner, sûrement elle va avoir une fin d'existence heureuse, c'est le blé qui mûrit pour elle.
Clémence a dû entendre le gros canon ; sûrement les Parisiens ne trouvent pas ça rigolo, mais ils apprennent aussi à faire la guerre. Les gros obus font un bruit très curieux dans l'air ; tous les journaux ont assez raconté des âneries sur les bombardements, maintenant ils peuvent apprécier, et encore... ce n'est pas le quart de ce que j'ai l'habitude d'encaisser journellement dans mon secteur calme.
Il est vrai que j'ai l'habitude. Je ne sais pas si je vous ai dit que j'ai eu trois jours avec moi un officier américain, plein de confiance, 40000 hommes par semaine, 2, 3, 4, 5 millions s'il le faut ; en attendant ce sont naturellement comme toujours nos poilus qui font la besogne, pourquoi ne sommes-nous pas deux fois plus ?
Je vous terminerai ma lettre demain matin.
Ce soir je vous embrasse bien fort ; je n'ose plus penser à ma pauvre permission, elle viendra peut-être.
G. Breton.

Le 20-4-18, [suite de la lettre précédente].

Ma chère Maman,
Il se confirme que nous n'allons plus rester ici et que nous allons partir sous peu ; donc, pendant quelques jours, mes nouvelles en souffriront sans doute. Je pense que nous allons avoir quelques journées pour nous nettoyer et nous préparer, puis sans doute nous ferons de l'exercice pour reprendre du souffle avant de prendre part à une affaire qui ne sera pas une partie de foot-ball. Voilà 22 jours de suite que je suis en première ligne et je suis naturellement comme vous pouvez penser, légèrement éreinté, mais le moral est bon quand même et nous les aurons sûrement ; beaucoup d'Américains arrivent toute la journée et il paraît que ça va barder quand toute l'armée américaine sera prête. Je ne vais quand même pas trop mal.
Je vous embrasse bien fort. Donnez de vos nouvelles.
G. Breton.

Le 25 avril.

Ma chère Maman,
L'homme propose et le Boche dispose et les événements se suivent et tournent en ce moment une sarabande folle. Donc je me prépare à filer dans le Nord et de prendre part à une grande affaire. Après avoir quitté mon secteur, j'ai passé une journée à H... où j'ai vu et causé avec tous les gens de l'année dernière. Là, à six heures, j'ai reçu un ordre m'enjoignant de me diriger sans retard à 30 km de là et où on me donnerait des instructions. Là j'ai rejoint le C.I.D. où on m'annonce que, protégé sans doute par une grâce spéciale, j'étais provisoirement en réserve de commandement pour remplacer les vides éventuels en tant que futur commandant de compagnie. Je me demande ce qui me vaut cet excès d'honneur auquel je n'étais pas préparé ; je pense que ce sont mes notes qui étaient très bonnes, donc pour une fois mon travail m'a rapporté.
Ici je suis donc tranquille, nous avons marché avec notre nouveau groupement deux jours et nous sommes dans un petit pays pas loin du tout d'où j'étais l'année dernière, une vraie chance.
Je me demande ce que l'on va faire de moi, mais je suis heureux car ce mois en première ligne m'avait légèrement fatigué. Maintenant peut-être vais-je aller faire un cours, peut-être pas loin de Paris, peut-être pourrez-vous venir me voir. Peut-être les permissions vont revenir. Mais ici je prends la dernière place de ce qui est moins drôle. Mais je pense que j'aurai plutôt 20 jours ou 15 jours la prochaine période pour compenser ; c'est ce qui me paraît le plus certain.
En tous cas, pour le moment ne vous en faites pas pour moi, je suis tranquille et pas du tout en danger. Naturellement aucune nouvelle de vous, sûrement à cause de ce changement. Bureau a-t-il été condamné ? Nous avons eu assez mauvais temps et nos dernières étapes nous les avons faites dans l'eau. Guite pense-t-elle aller à Paris ? Comment se présente son bachot ? Ma pauvre maman, tu vois que j'ai bien et bien de la chance, surtout je te prie, ne t'en fais pas ; pour le moment j'ai une chance insolente.
Je vous embrasse bien fort toutes deux, donnez-moi des nouvelles, j'ai bien reçu et la pharmacie et les photos. Merci à Guite.
Bons gros baisers.
G. Breton.

Télégramme, 27 avril [?] 1918, 13 h 30. Origine Paris

Arrive Paris mission serai lundi dans journée Decize tout va bien, Gabriel.

T/Le samedi, [lettre postée de Toul le 11 mai 1918.]

Ma chère Maman,
Donc je suis à Toul en ce moment et je n'ai pour l'instant rien à faire ; nous sommes une dizaine comme cela. Maintenant je ne sais pas du tout où est passé mon régiment, ni mon C.I.D., mais ils sont quelque part dans la Somme ou dans les Flandres et je pense que l'on va s'attendre là à une grosse attaque boche.
Donc ici je suis toujours très tranquille et je n'ai pas du tout à m'en faire ; du reste je suis toujours en réserve de commandement et de toutes manières je ne recevrai pas le premier choc de l'ennemi.
Dans ces régions tout est très calme et l'on n'entend parler de rien ; tout est très tranquille, mais je pense que tout le monde passera dans la bataille.
Que fais-tu de bon à Decize ? Je pense que tu dois jardiner un peu en ce moment ; il ne fait pas un temps très bon en ce moment et je pense que les cultivateurs vont encore crier.
Maintenant je pense que tu vas avoir bien des embêtements avec ton domaine ; si tu pouvais le vendre dans les 30 à 35000, c'est ce que tu pourrais faire de mieux ; tu pourrais acheter des valeurs françaises et ça vaudrait mieux que tous les ennuis que tu as avec un domaine qui ne nous rapporte que des ennuis et très peu de profit.
Maintenant voici le terme de mai, je te recommande de ne pas laisser Jarre en retard et de le faire payer ; il le peut et il est inutile de perdre constamment l'intérêt de l'argent, donc il faut le rappeler à l'ordre dans le courant du mois et avant la foire, si ce n'est pas trop tard. Je pense que vers lundi ou mardi tu pourras m'écrire au C.I.D – 47 – Secteur 194.
Maintenant je n'ai pas de politesse à faire à mon oncle et je ne me suis pas peiné d'aller les voir ; tu diras ce que tu voudras, je m'en fous, je leur ai dit que j'étais en permission ; je me débrouille comme je peux et ce n'est pas grâce à lui que j'arrive à me tirer d'affaire, mais c'est grâce à ce que je fais et aux amitiés que je sais me ménager à l'occasion, qu'il se débrouille avec ses fils.
Je t'embrasse bien bien fort.
Gabriel.

Le lundi 13 [mai 1918].

Ma chère Maman,
Rien de nouveau dans ma situation ; nous croyons savoir que la D.I. est quelque part dans la Somme et c'est là que j'irai quand on m'aura assez vu ici.
Pour le moment, je trafique dans Toul et je ne me fais pas de bile, sauf que je dépense de l'argent plus que je veux car il y a plus d'Américains et les prix sont exagérés en proportion, mais on trouve tout.
Je fais un peu de service de place en attendant mieux.
Tu m'enverras 200 F au C.I.D.(3) à l'adresse C.I.D. 41 – Groupe du 128e – Sect. 194. Je pense que j'y serai vers la fin de la semaine, mais c'est une supposition. En tous cas j'ai bien de la chance, donc ne t'en fais pas du tout pour moi.
On pense généralement que les Boches vont faire une attaque quelque part, mais qu'ils en seront encore une fois pour leurs frais, ce qui sera juste.
Ça m'embête bien de ne pas avoir de nouvelles, mais enfin j'en aurai quand j'arriverai au C.I.D.
Vas-tu pouvoir t'arranger une bonne fois avec ton domaine ? Je pense qu'il faut que tu tâches de t'en débarrasser.
Je te donnerai d'autres nouvelles dès que je serai fixé.
Je t'embrasse bien fort. Écris à Guite que je te donne de mes nouvelles.
Bons baisers.
G. Breton.

Le 128e passe de Lorraine en Flandre au printemps 1918. Le 16 mai, il prend position sur le Mont Noir, près de Bailleul. Le 20 mai, il attaque l'ennemi.

Le mercredi 22 [mai 1918].

Ma chère maman,
Donc, après beaucoup de voyages et beaucoup de retard, me voici arrivé dans un pays extraordinaire, où les voitures sont traînées par des chiens, où le moulin du meunier Sans Souci tend ses bras vers le ciel(4), où les gens ne parlent plus français et où les dunes à perte de vue se confondent avec la Mer du Nord. Et pourtant c'est encore la France, mais il n'y a pas de villages plus éloignés que le nôtre. Cela change des horizons de la Meuse ou des prairies nivernaises, mais au moins cette guerre m'aura montré des choses et des pays dont je n'aurais jamais soupçonné l'existence. Tous les soirs après le service, nous allons nous promener sur les dunes et on attend les événements ; je te dirai que partout il y a des soldats de toutes les nations et de tous les uniformes, plein d'avions dans le ciel, plein de canons partout, le Boche peut venir. Nous avons une bonne popote et nous mangeons du poisson et des crevettes ; ce sont les bains de mer.
Tu vois donc que je ne suis pour l'instant pas à plaindre. Maintenant on raconte que le régiment a attaqué et que ça a très bien marché, mais je ne sais rien d'exact à ce sujet. En tous cas, deux jours avant, on nous a donné la fourragère avec une superbe citation. Ceci pour le coup de main de Lorraine. Tout le monde est content. J'ai reçu ici ta lettre du 14, tu peux continuer de m'écrire au C.I.D. jusqu'à nouvel ordre, les lettres arrivent assez bien. Il fait par exemple ici une chaleur très forte et on cuit toute la journée ; je regrette de ne pas avoir mes habits kaki, mais les soirées sont très très fraîches.
Je pense que tu seras restée quelques jours sans nouvelles, mais à partir de maintenant ça va, je pense, mieux marcher. Tu m'as envoyé les deux cents francs demandés, je n'ai plus le sou ici. Je vais bien. Je pense que tu ne t'ennuies pas trop ; fais payer Jarre, il nous embête, je ne veux pas lui faire une seule réparation. Dis-lui bien cela.
Je t'embrasse bien fort. Ne t'en fais pas pour moi.
Gabriel Breton.
Ruines de l'église de Kemmel

Le jeudi 23 [mai 1918].

Ma chère Maman,
J'ai bien reçu hier les 200 F et ça va bien maintenant ; je pourrai très franchement attendre la fin du mois. En effet tous mes voyages avaient très fortement ébréché mes réserves et j'avais encore 10 F quand ta lettre est arrivée. Maintenant je pense que Wicker aura la bonté de presser un peu mes souliers, qu'il faudra faire parvenir à Guite. J'aurai peut-être une occasion et puis je peux retourner à Paris du jour au lendemain ; je ne sais jamais la veille ce que je ferai le lendemain, heureusement que j'ai l'habitude. Maintenant je pense que tu vas pouvoir te débarrasser de ton domaine, c'est ce que tu peux faire de mieux parce que ça devient un embêtement.
Maintenant je vais reprendre mon voyage. Donc partis de T... le 18, nous avons erré dans toute la France de l'arrière-front, [nous sommes] passés par Dijon, puis revenus vers Chalon, puis à Rouen, puis dans la zone de bataille, la nuit charmante dans une gare que l'on bombardait, tous les Gothas étaient en l'air et ronflaient à pleins moteurs et lançaient leurs saletés sur les trains. Pas de casse, mais huit vaches normandes tuées dans un champ près de la voie ferrée. De là, retour vers la Mer près d'où je suis parti pour l'Angleterre, promenade le long des baies anglaises épatantes, c'est dommage que nous n'ayons pas des endroits de repos semblables. De là l'extrême N.-O., deux kilomètres de la mer presque dans les dunes, petite plage encombrée de Belges au repos qui ne s'en font pas, les officiers dans les villas, les hommes dans toutes les dépendances, ça joue au tennis, au ballon, pêche des crevettes, etc. Le poilu français, habitué des boues de Verdun et des somptueux cantonnements de l'arrière-front de Lorraine où la paille disparaît sous les poux, regarde ahuri et légèrement narquois ces gens en villégiature ; pauvre poilu de France, on le flanque à toutes les sauces, partout où ça flanche ; il a entre 20 et 48 ans, le maximum de travail, de souffrance, de batailles, le bien-être et le repos quand ça se trouve, et il est toujours là. Je n'ai jamais eu tant d'admiration pour lui et je me demande ce qu'il ferait si jamais il avait le quart de ce bien-être.
Le régiment vient d'avoir la fourragère ; ça lui suffit, ça a payé de toutes les peines.
Donc dans ce pays nous sommes un petit peu regardés comme des intrus par les gens qui ne parlent pas français ; petit pays de petites gens ; mais avec à l'infini briques rouges, rangées d'arbres, quelques ailes de moulin sous un ciel laiteux. Jamais de bleu sûrement, beaucoup d'auberges où l'on devait boire l'alcool, pas de vin, pas de bière, un peu de mauvais cidre. Par exemple cultures superbes, tout est jardin, chacun cultive son petit bout de terre et s'efforce d'en obtenir un rendement maximum, pommes de terre, haricots, salades, et betteraves surtout, tout cela bien soigné, bien cultivé, bien propre, le tout tiré à la ligne. Amère pays plat, des maisons rouges, des jardins, des arbres, et ça recommence.
Les gens laids, femmes laides, pas de joli type, blond fadasse, œil bleu sans expression, cheveux filasse. Gamines sauvages et sournoises. Voilà mon impression de ce pays dont vous, gens de la Nièvre, de nos belles prairies nivernaises et de notre Loire, vous ne pouvez vous faire une idée ; c'est une autre espèce, une autre race et il est curieux pour nous d'être transplantés des marches de Lorraine à ces Flandres maritimes, quel changement !
La guerre gronde à côté de Kemmel ; tous ces monts sont le théâtre de luttes très sanglantes tous les jours et ces gens-là sont calmes, ternes ; on sent que ce n'est pas une race de soldats, ou une vieille espèce comme les Bretons, les gens du Centre, ou les Lorrains ; ils paraissent indifférents à ce qui se passe et ne parlent même pas de la guerre. Pays d'une espèce où le sang doit être remplacé par du jus de betteraves !
Voilà mes impressions toutes fraîches, garde-les ; j'écris comme je pense ; je ne sais plus écrire mais je sens que c'est ça quand même.
Bons gros baisers.
Gabriel.

Le samedi, [lettre postée le 24 mai 1918].

Ma chère Maman,
Donc, ma pauvre maman, nous voici à la veille de la fin de notre repos ; enfin nous avons toujours été huit bonnes journées tranquilles. Maintenant je pense que nous allons repartir sans doute demain soir et nous ne changerons sans doute pas trop de secteur. Ce sera toujours vers les monts que nous nous dirigerons, car toute cette région est importante à garder à cause de la proximité de la mer et, naturellement, on y colle de bonnes troupes françaises pour être plus tranquille.
J'ai bien reçu ici toutes les lettres et je pense que de ton côté tu as reçu mes lettres, cartes, etc, tant d'un côté que de l'autre (civil et militaire). Maintenant j'ai tout ce qu'il me faut et il ne faut plus rien m'envoyer, ni argent, ni conserves ; nous pouvons très bien nous ravitailler ici et j'ai vécu huit jours comme un petit pacha, et j'ai plus d'argent qu'il ne m'en faut maintenant, car on m'a réglé pas mal de petites choses qui traînaient.
Voilà, ne te fais pas trop de mauvais sang pour moi ; ça va bien pour l'instant - et il vaut mieux que je sois ici que du côté de Château-Thierry.
Maintenant, pour les Américains, fais pour le mieux, mais ne te laisse pas envahir parce que quand ces gens-là ont mis un pied chez vous c'est fini(5).
Maintenant je peux faire toujours valoir ta situation et on ne peut pas te réquisitionner trop de choses, ni trop de locaux.
Pas trop de nouvelles de Guite, elle doit bûcher à outrance, peut-être va-t-elle réussir parce que l'on sera d'une extrême indulgence tous ces temps-ci. Peu de nouvelles de la situation, nos poilus ne grognent pas trop, mais c'est la privation de permissions, ça c'est plus terrible pour eux que tout.
Je tâche de te faire envoyer les faux cols à réparer et deux bobines de pellicules prises par ici et que Guite fera à son retour.
Je t'embrasse bien bien fort et te tiendrai au courant de tout. Écris moi et ne t'en fais pas trop.
Bons baisers et bonjour à tous.
G. Breton.

Le 25, vendredi, [lettre postée le 26 mai 1918].

Ma chère Maman,
Me voici arrivé dans mon nouveau secteur et à ma nouvelle compagnie. Nous sommes venus rejoindre un bataillon qui avait assez souffert et nous allons tranquillement remonter dans le secteur qui est assez calme en ce moment. Les Boches ont fait dans cette région une grosse attaque il y a deux mois, mais nous avons fait des attaques pour arranger les lignes et nous tenons de très bonnes positions maintenant. Je pense du reste que le grand coup ne sera pas de ce côté ; de toutes manières les Boches ne l'auront sûrement pas belle, que ce soit à droite ou à gauche ; qu'ils se présentent, ils seront fort bien reçus. Nous avons beaucoup de canons et de mitrailleuses et sûrement que ça n'ira pas tout seul s'ils veulent faire les malins. Ils tirent un peu à droite et à gauche, mais ils n'y peuvent rien.
Maintenant nous sommes dans un bien joli pays et très fertile, plein de jolies petites maisons, de couvents, de béguinages et d'abbayes. Tout cela sur des petites montagnes. C'est ravagé et dévasté à souhait, le pays est plein d'arbres et de vergers, de jolis jardins ; il y a des petites propriétés partout ; ce sont les environs de Paris, Fontenay-aux-Roses ou Saint-Maur transplantés dans ce pays du Nord. Les gens se sont sauvés aussi vite qu'ils ont pu et ça ressemble un peu aux pays de 1914. C'est tout ce qu'il y a de commun avec la guerre en rase campagne du reste.
Du reste, ce sont les tranchées, mais c'est bien moins dur que le Bois d'Ailly, ça ne se compare même pas. Donc ne t'en fais pas, je pense du reste que nous finirons par être relevés en pas tardant et que la D.I. ira au grand repos.
Voici ma nouvelle adresse : 128e, 3e Cie, secteur 194. Je suis avec de bons camarades et tout va bien. Le ravitaillement est assez facile. Enfin, ma pauvre maman, je pense que tout cela va bien finir un jour et que nous serons tranquilles. Naturellement c'est long, mais ça finira bien. J'ai reçu ta lettre de Pouzy et les 200 F. je n'ai plus besoin de rien. Ne t'en fais pas. Le bonjour à tout le monde. Je t'embrasse bien bien fort.
Gabriel.

Le dimanche [26 mai 1918].

Ma chère Maman,
Je vais monter ce soir pour la première fois en première ligne dans ce nouveau secteur qui commence à être assez tranquille et j'aime autant être là que dans la Somme parce que sûrement il va se donner un grand coup de ce côté, tandis que ça va plutôt se stabiliser de ce côté-ci. C'est dommage de faire la guerre dans un si sale petit pays et on a peine à croire que l'on puisse se tuer par ici. Nous ne sommes pas bien loin de la Belgique par ici et l'on voit même les grandes villes belges quand il fait un peu clair. Naturellement tu seras avec des nouvelles retardées pendant trois ou quatre jours car les lettres ne partent pas de la première ligne et l'on emporte ce qu'il faut pour manger pendant quatre jours, parce que dans ce pays plat on veut autant que possible éviter les allées et venues et ça se comprend bien car ce serait avoir des pertes pour rien.
Que fais-tu de bon en ce moment à Decize et le jardin pousse-t-il bien ? Crois-tu que je puisse penser manger des fraises et des cerises l'année prochaine ? Je pense que nous ferons une huitaine de jours encore par ici ; et après sûrement que nous irons quelque part au repos, probablement du côté de la mer et ça ce serait rudement chic. Il fait assez beau aujourd'hui et il faudra tenir dans les maisons pour ne pas être vus car toutes les saucisses et avions regardent en l'air et il faut faire attention de ne pas se faire repérer. Je vais aller dîner puis je finirai ma lettre ; en attendant je t'embrasse bien fort.
Gabriel.
Il est bientôt huit heures et je vais me mettre en route avec ma besace et mes petites provisions pour 4 jours. Je tâcherai de passer quelques cartes mais ce n'est pas certain que je pourrai. En attendant, je t'embrasse bien bien fort, ma chère maman, en pensant que la relève nous trouvera tranquilles.
Gabriel.

Le mardi 28 [mai 1918].

Ma chère maman,
Cette pauvre lettre faite dans un village rasé, dans une cave où tout tremble sous les obus, vient te dire que je vais bien et que je pense bien m'en tirer comme il faut cette fois. Nous avons eu deux nuits et une journée terribles, nuit du dimanche à lundi, attaque lundi matin par des Boches tout frais et qui ont pris chez nous une forte bûche, et contre-attaque cette nuit par un régiment qui avait légèrement perdu du monde.
En tous cas ce furent deux très belles nuits. Les camarades de Verdun et de la Somme m'ont déclaré n'avoir jamais rien vu de semblable ni d'aussi effroyable comme barrages. Heureusement que nous n'étions pas dessous, mais un peu en avant ; de cette manière nous n'avons attrapé que quelques coups courts et nous n'avons eu que quelques blessés, du gaz, mais pas de l'ypérite, ce n'est pas trop dangereux, avec nos têtes de cochons nous résistons assez bien.
Le Boche est assez calme aujourd'hui ; il est comme nous, il en a sûrement assez avec ces deux nuits mouvementées. Je suis naturellement assez éreinté mais je pense que nous supporterons cela assez bien et que nous finirons bien par avoir un peu de repos et de tranquillité pour nous refaire et nous remettre un peu, car les hommes qui veillent tout le temps sont naturellement très fatigués et très éreintés. Voilà, ma pauvre maman, la vie que nous menons. Je suis assez sale et assez dégoûtant, mais je pense pouvoir me laver d'ici quelques jours, quand nous retournerons nous reposer. Je pense que ça devrait tout de même bien se terminer car c'est actuellement possible. Pas de lettres depuis quelques jours naturellement, j'en aurai peut-être ce soir si elles viennent jusque vers nous.
Que fais-tu, ma pauvre maman ? Ne t'en fais pas trop pour moi, j'ai de la chance tout le temps et je vais bien encore m'en tirer cette fois ; quand tu recevras mes lettres je serai sûrement redescendu.
Je t'embrasse bien ; écris à Guite, je n'ai pas le temps de faire bien des choses dans ma cave.
Bons baisers, ma pauvre maman, et le bonjour à tous.
Gabriel.

1e ligne, quelque part, dans un pauvre village belge rasé ras. 29 Mai 18.

Ma chère Guite,
Je viens de passer trois terribles journées, mais voici de notre côté la fin de la bataille et je pense que tout va se stabiliser maintenant ; on parle que nous serons bientôt au repos sur le bord de la mer, nous ne l'avons pas volé, nous avons non plus pas volé la fourragère que l'on va nous donner.
Je suis accablé de fatigue, sale, noir, plein de vermine. Je suis en toute 1e ligne, entrée d'un village, dans une cave de maison dont j'ai pu trouver l'entrée dans les ruines. Gaz, bombardement à souhait, je résiste à tout et j'ai toujours un moral excellent ; mes poilus me suivent comme des moutons. Tout va bien ; quand ce petit mot te parviendra, nous serons presque sûrement au repos et tout ira bien. On nous a dit que la bataille était commencée quelque part vers Reims, mais ici nous ne savons rien de rien, parce que nous sommes tellement loin que les journaux arrivent huit jours après.
Comment va ton bachot ? Penses-tu réussir ? Vois-tu les oncle et tante et cousins ? Tu peux dire à mon oncle qu'il peut m'envoyer quelques cigares et que je les ai bien gagnés. Jean fait-il de la course à pied ? Ici il pourrait faire beaucoup de sport, ça serait très intéressant, il y a de beaux plat-ventre à faire sous les barrages de 150 et 210. Je pense qu'il peut tenir sa place. Pauvre maman. Tâche de te montrer méchante quand tu iras le voir, penses que les rescapés d'ici se comptent. Moi j'ai la veine, c'est l'habitude. Dans deux ou trois jours tout sera tassé.
Bons baisers, garde mes souliers. Je te les ferai prendre. Bataille d'avions, 40 de chaque côté, épatant. Midi.

Tranchées de 1e ligne. Quelque part en Belgique. L... Le 30 mars.

Ma chère Maman,
Le secteur commence à se calmer et quand cette lettre parviendra, je serai sûrement au repos, quelque part au bord de la mer.
Je viens de passer quelques jours de pas très curieux, mais si l'artillerie boche est toujours et de plus en plus la chose qui écrase et qui éreinte, l'infanterie par contre en a plein le dos et ne montre plus le brio et le mordant des Bavarois de 14 ou 15. Mais ils ont des canons et des canons et lundi et mardi ils nous ont servi une séance telle que j'ai bien cru qu'ils nous abrutiraient et rendraient sourds ; les gens de Verdun et de la Somme m'ont dit qu'ils n'avaient pas encore vu cela.
Ils ont attaqué mais nous les avons finalement repoussés ; il faut dire aussi que nous avons des canons et des canons, plus peut-être qu'eux, aussi pour une fois nous avons les meilleures positions et nous les arrosons nuit et jour ; ils ne trouvent pas cela rigolo.
Maintenant je suis en première ligne, j'occupe l'entrée d'un pauvre village belge qui est rasé ; la maison où je suis installé n'a plus que ses murs, et surtout sa cave, c'est le plus intéressant ; tout autour j'ai une tranchée assez bonne et tous mes engins sont là, je me suis déjà entouré d'autant de fils de fer que j'ai pu et me voici dans un petit fortin qui peut résister encore pas mal de temps. Surtout qu'ils ne peuvent me bombarder car je me suis mis très près d'eux et ainsi, dès qu'ils essayent de m'attaquer, les forteresses boches qui occupent la maison un peu plus loin lancent leurs fusées pour faire allonger le tir, alors je suis très tranquille.
Par exemple nous avons des gaz, mais j'en ai moins que les autres parce que, s'ils m'en lançaient, ils pourraient rendre malades les leurs aussi ; je suis tranquille de ce côté-là aussi.
Naturellement nous avons souffert, mais il y a peu de tués, c'est le plus consolant. Je t'écris cette lettre dans ma cave sur mes genoux, tu la liras et la feras passer à Guite parce que vraiment je ne peux faire ici une grande correspondance _ R _ Je serai sûrement relevé sous très peu de jours, peut-être avant que cette lettre te parvienne. J'ai reçu cette nuit une lettre du dimanche 19, tu me parles pantalon et souliers et de Pouzy. Fais attention aux Belges, ce sont tous des voleurs extraordinaires, je m'en aperçois tous les jours.
Il fait beau temps. Je suis tout noir de crasse et de barbe, et plein de poux, mais ce n'est plus pour longtemps ; le plus gros est fait maintenant. On lit que l'on se bat à Reims, mais nous n'avons que des nouvelles du 22.
Bons baisers, ma chère maman. Tout va bien.
Gabriel.

Le mercredi.

Ma chère Maman,
Rien de neuf dans notre pauvre trou ; c'est toujours la même chose, nous travaillons comme des nègres en prévision des attaques et des offensives prochaines. J'ai bien reçu hier la lettre et le poulet, tout est venu en même temps.
Maintenant il ne faut pas t'en faire pour moi ; je t'assure que je ne crains rien pour le moment et que, malgré les grenades, j'ai beaucoup de chance d'être où je suis ; du reste une foule de gens en ce moment sont en réserve à droite ou à gauche près d'ici, et on attend que MM. Les Boches veuillent bien frapper le premier coup.
Je vois que le printemps et les émotions ne conviennent pas aux vieilles gens de l'arrière-pays ; cette pauvre demoiselle Cliquet n'ira pas bien loin sans doute, laquelle est-ce ?
Je n'ai pas encore goûté au jaut, ce sera pour demain mon petit-déjeuner. Toujours pas de nouvelles de la caisse de conserves, je ne sais quand elle arrivera. Je vais toujours bien ; je n'engraisse pas trop mais c'est l'exercice qui veut cela et les grenades, je n'arrête pour ainsi dire pas.
Ma pauvre maman, je ne sais pas ce qui va sortir de toutes ces choses ; en attendant je vous embrasse bien fort toutes deux.
G. Breton.
Gabriel et Marguerite Breton

Le 128e R.I. vient de passer quelques jours en première ligne sur le Mont-Noir. La compagnie de Gabriel Breton a maintenant droit à quelques jours de repos à Saint-Pol-sur-Mer, près de Dunkerque.

Le lundi 3 [juin 1918].

Ma chère Maman,
Ouf ! Ouf ! Nous voici relevés et je t'assure que j'en suis bien content ; nous avons bien peiné et nous avons bien laissé des plumes en haut, mais nous venons aux bains de mer et maintenant j'entends de ma fenêtre le bruit des vagues et je vois les fermes et les vaches, les bateaux. Je suis bien content d'être dans cette division ; on travaille fort, c'est sûr, mais on nous laisse reposer après. Le plus triste c'est que nous revenons sans notre pauvre général qui est resté tué là-haut ; tout le monde l'aimait bien(6). Je reçois à l'instant ta lettre du 30 ; tout va bien, nous en avons vu de grises, mais nous voici pour quelques jours tranquilles. L'ombre c'est la ruée boche, mais nous les auront. À demain une grande lettre. Bons baisers.
Gabriel.

Le mardi, [lettre postée le 5 juin 1918].

Ma chère Maman,
Me voici donc aux bains de mer et je t'assure que nous ne l'avons pas volé ; ma pauvre maman, j'ai passé huit journée terribles dans la paille et sous les gaz. Mais maintenant tout est oublié. Le régiment avait attaqué le 20 et je suis venu remplacer vivement le bataillon d'attaque ; le dimanche soir je suis monté avant les autres aux tranchées, ou du moins dans les trous d'obus, pour tâcher de me rendre compte de nos positions, placer la compagnie qui devait venir le lendemain soir ; quand je suis arrivé, j'ai trouvé un vieux copain et il faisait assez bon dans le secteur ; tout à coup, vers une heure, tous les canons boches se sont mis à tirer sur nous, ça tombait de plus en plus fort et de toutes les espèces ; il a fallu mettre les masques ; on ne voyait plus rien dans la fumée, les éclatements d'obus et les fusées de toutes couleurs qui demandaient pour nous le barrage de notre artillerie ; il est vrai de dire qu'en face les Fritz qui se préparaient à attaquer encaissaient dur ; nos 75 et nos 155 ne s'arrêtaient pas, cela miaulait, hurlait, sifflait ; ceux de Verdun et de la Somme convenaient même que c'était mieux. J'étais en toute première ligne et c'est ce qui nous a sauvés du bombardement car les Boches avaient peur de tirer sur leurs fantassins et ils [ne] tiraient que sur nos deuxièmes lignes.
Vers trois heures c'est devenu affreux. J'ai pensé que c'était fini ; nous avons brûlé les papiers, les cartes, et nous avons pris nos revolvers et nos grenades. À trois heures trente, brusquement, le barrage s'est fait en arrière, et j'ai vu les Boches qui essayaient de sortir de leurs trous pour venir nous attaquer, mais de tous les coins des tranchées et des maisons en ruines est partie une telle fusillade et les grenadiers lançaient tellement de grenades et les 75 tapaient tellement sur les Fritz qu'ils se sont sauvés vivement ; de notre côté on a donc bien marché ; un peu plus à gauche ils ont pris quelques bouts de tranchées ; mais tout cela ne valait pas la peine, ce fut tout. Toute la journée naturellement le canon ne s'arrêta pas. Le soir, la relève ne put venir ; le lendemain ceux qui avaient perdu des tranchées ont contre-attaqué, mais nous qui étions sur nos positions nous n'avions qu'à nous tenir tranquilles. Le soir la relève vint. Je suis resté encore cinq jours avec ma compagnie, nous avons creusé et organisé le secteur et nous avons été relevés par des troupes toutes fraîches pour venir au repos qu'on ne donne qu'aux divisions fameuses, c'est-à-dire les bains de mer.
Depuis hier tout le monde est dans l'eau et mange des crevettes. Je suis naturellement éreinté mais je suis content d'être sorti de là et d'être ici. Je viens de recevoir toutes mes lettres en retard, les deux petits paquets, le pantalon et les bonbons. J'ai des nouvelles de Guite qui me raconte la Bertha et les avions ; on dit que nous avons beaucoup de troupes fraîches et que nous allons faire une terrible contre-offensive ; tout le monde est confiant et peut-être que la paix serait avancée de toutes ces batailles. J'ai reçu aussi les 200 F, je n'en avais guère besoin parce que aujourd'hui j'ai touché plein d'argent ; il est vrai que nous ne faisons que manger de la sole et du turbot et boire du bon vin. J'ai acheté hier deux belles soles et un superbe turbot, il y a plein de pêcheurs, je fais de la photo la journée sur la plage. Enfin je te raconte tout cela un peu décousu parce que j'ai la tête encore qui bourdonne, mais je pense que demain tout ira bien ; mais je ne pense pas encore dormir comme je voudrais, je suis trop énervé.
Les permissions sont suspendues et, vu les circonstances, elles sont déjà dans l'ensemble retardées de trois mois, c'est-à-dire que la période d'octobre est repoussée à décembre. Mais enfin moi je ne suis pas à plaindre et je suis plus favorisé que ceux qui sont depuis le mois de novembre sans avoir vu leurs familles.
Ma pauvre maman, tu as dû te faire bien du mauvais sang, mais enfin c'est passé et nous allons rester un peu tranquilles. En tous cas, c'est moins meurtrier qu'en 14-15, c'est incontestable, car l'infanterie boche n'a pas tant de mordant. Te voilà donc avec une grande lettre, j'écrirai demain à Guite parce que je ne peux pas faire tout d'un coup.
Je t'embrasse bien fort, ma maman chérie, ne t'en fais pas. Le bonjour à tout le monde.
Gabriel.

Le jeudi 6 [juin 1918].

Ma chère Maman,
Me voici donc un peu en repos, et les nerfs commencent à se calmer un peu, tout va donc bien. Du reste voilà le beau temps qui s'en mêle, plus de vent desséchant du Nord ; tout est pour le mieux. Donc j'ai bien reçu toutes tes lettres, tout l'argent et tous les paquets ; le pantalon blanc est naturellement arrivé à pic et tu as bien fait de l'envoyer. Maintenant les permissions sont finies et personne n'y compte plus. Moi je ne me plains pas et je trouve que j'ai eu beaucoup de chance dans toutes ces affaires.
Maintenant, depuis notre arrivée ici, nous ne faisons rien, on se chauffe et l'on se baigne et l'on mange tant que l'on peut des turbots et des soles ; aussi je pense que je vais sûrement avoir l'urticaire. Tous les soirs les bateaux arrivent de la pêche et l'on installe les poissons sur le quai ; alors on achète aux enchères ; mais c'est aux enchères descendantes, par exemple on dit 150, et le crieur se dépêche d'annoncer 149, 148, 147, 146, 145, etc ; il faut trouver le truc pour arrêter à ce que l'on estime. Hier j'ai acheté pour la compagnie 60 F de poissons, il y avait bien 50 kg de carrelets et 7 ou 8 kilos de soles, un turbot et une raie. J'ai fait un très bon marché, aussi les gens étaient bleus et tout le monde riait de me voir faire, et les poilus étaient rudement contents d'avoir de la bonne friture et nous, à la popote, nous avons plein de soles. Voici les petits amusements ; aussi le commandant veut me faire acheter pour tout le monde ; il est vrai que pendant trois jours j'avais questionné tout le monde des vendeurs et revendeurs ; eux pensaient que c'était par curiosité, mais maintenant ils ne rigolent plus, parce que l'on n'achète plus rien aux revendeurs qui sont comme partout des voleurs.
Tout cela nous sort des gaz et des gros obus.
Maintenant nous n'allons pas rester longtemps ici car d'autres camarades ne rigolent pas là-haut ; il est vrai que le secteur est beaucoup plus calme depuis quelques jours et que l'on sent bien que la bataille s'apaise un peu ; mais les Boches peuvent bien essayer un effort sur les monts, ça ne serait pas étonnant, je crois qu'ils tomberaient sur un bec, et voilà tout.
Ma chère Maman, je t'embrasse donc bien fort. Ne t'en fais pas pour moi, tout ira bien. Le pauvre Scaff n'est pas près de chasser, je pense?
Bons baisers.
Gabriel.
Dans l'enveloppe a été glissée une coupure de journal sur les récents combats en Flandre.

Le mardi 12, [lettre postée le 13 juin 1918].

Ma chère Maman,
Je suis un peu tranquille ce matin, beaucoup d'officiers sont partis en ville pour un service pour le général et les soldats tombés dans les Flandres ; moi je reste surveiller les hommes qui jouent dans le pré à côté de la maison.
Ma lettre que je commence le 12 ne partira que demain et, comme il lui faudra bien six ou sept jours pour arriver à Decize, ça sera donc la lettre qui va souhaiter la sainte Alice.
Ma pauvre maman, quand l'époque des fêtes arrive, chacun depuis quatre ans s'évertue à penser que la prochaine verra tout le monde ensemble et les bouquets en cachette préparés dans la cour par les mains vigilantes de la Fertasse et tous les ans nous retrouvent un peu plus mal en point, sans que l'on puisse voir un indice quelconque de paix ; bien au contraire, je pense que la maison te paraîtra encore plus grande et plus vide ce jour-là ; mais enfin Guite ne sera pas longue à revenir.
Maintenant je n'ai pas de fleurs, il n'en pousse plus sur les champs de bataille, les obus retournent trop la pauvre terre et les gaz se chargent du reste, mais il y a des petites étoiles qui se promènent et que l'on accroche aux rubans de ceux qui, malgré les mois et les mois de guerre, font quand même ce qu'ils peuvent pour défendre n'importe où notre pauvre pays. L'une d'elles est venue se fixer sur mon ruban, croix de guerre, je te l'offre pour ta fête. Je ne peux pas te faire, je suis bien certain, plus grand plaisir et ça vaudra tous les bouquets des jardins.
Voici déjà quelques jours que je sais que j'ai une nouvelle citation ; en voici le motif, mais je ne voulais pas te le dire avant ta fête.
Le lieut/col. Berthoin cite à l'ordre du 128e R.I. (n°336)
Breton Gabriel, lieut. 3e Compagnie
« Officier d'une rare énergie. Le 27 mai 1918, chargé de la reconnaissance du secteur que devait occuper le soir sa compagnie, s'est trouvé en première ligne au moment d'une attaque ennemie sur nos positions, s'est mis immédiatement à la disposition du commandant de la compagnie attaquée. Pendant le séjour de sa compagnie aux tranchées, s'est dépensé sans compter pour mettre en état de défense un point délicat du secteur. ».
C'est bien long pour le peu de choses que j'ai fait cette nuit du 27 au 28 et les quelques cinq jours qui ont suivi, mais j'ai été content que personne ne me reconnaissait et que ce sont les hommes et les camarades qui m'ont fait avoir en somme cette citation. Maintenant tu sais que je ne veux pas que l'on fasse comme les Latrasse et autres(7) ; on ne bluffe pas quand on sait tout ce que représente une nuit de la bataille, d'autres bien plus méritants sont tombés à leur poste de combat et n'ont rien eu. J'ai écrit hier à Guite, je veux bien qu'elle fasse un peu bisquer la famille Petitjean, je veux bien que l'on dise cela en douce aux bons amis, mais ça ne doit pas dépasser cela.
Maintenant nous sommes toujours au repos et assez tranquilles dans notre grosse ferme flamande ; j'aime mieux cela que Grand Fort Philippe, l'air de la mer ne me vaut rien, surtout la mer du Nord ; il y a bien trop de vent et trop d'air et beaucoup de gens sont malades et ne jouissent pas d'une bonne santé.
Les cigares, pipes, tabac sont arrivés juste à point ; tous mes poilus se sont promenés le cigare au bec pendant la soirée d'avant-hier. Ce sont de bons, de très bons soldats, moins fidèles peut-être ou moins dévoués que ceux du 56, mais bien plus guerriers, et ceci compense un peu cela. Au demeurant, très bon régiment d'une très bonne division, dont les trois régiments portent la fourragère et totalisent je ne sais combien de citations collectives.
Où nous irons, je n'en sais rien, peut-être va-t-on embarquer pour revenir sur Paris (hypothèse 1). Peut-être restera-t-on près des monts de ce pays (2). Peut-être retournerons-nous en Lorraine (3). La vérité : on ne sait rien et l'on a raison, il vaut mieux vivre au jour le jour et attendre.
Je n'ai absolument besoin de rien, les fraises et cerises que j'aimerais manger n'arriveront pas... Alors, inutile. Guite m'écrit qu'elle n'a pas peur du canon, ni des gothas, je pense que son bachot arrive au bout.
Bonne fête. Bons baisers, ma maman, je pense qu'après une bataille ou deux tout va se tasser. Le bonjour à tout le monde.
Ne t'en fais pas. Je t'embrasse encore bien fort pour ta fête.
Gabriel.

(1) La Loutre Noire est une petite rivière qui arrose Réchicourt, Arracourt, Bezange-la-Grande, à l'Est de Nancy.
(2) Le 11 mars 1918, dans la station de métro Bolivar, convertie en abri, la foule affolée par un bombardement se bouscule et s'écrase sur les grilles : 66 victimes.
(3) C.I.D. = Centre d'Instruction Divisionnaire. Le régiment appartient en 1918 à la 41e Division d'Infanterie.
(4) Le Meunier Sans Souci est une fable en vers de François Andrieux, poète et dramaturge (1759-1833).
(5) En mai 1918, les premiers militaires américains arrivent à Decize, Verneuil, Champvert et Sougy. Madame Breton a sans doute été contactée pour loger un officier chez elle.
(6) Le général Pierre Aimable Guignabaudet, né en 1859, commandant de la 41e Division d'Infanterie, a été tué le 31 mai au Mont Kemmel (Belgique).
(7) Le sous-lieutenant du 134e R.I. Albert Latrasse, de Decize, reçoit la croix de guerre pour avoir maintenu sa section dans un abri en partie effondré, malgré un violent bombardement (La Tribune Républicaine, 17 mars 1916 et Le Nivernais, 19 mars 1916). Albert Latrasse est lieutenant en février 1918 ; il se distingue par une brillante contre-attaque qui dégage le flanc d'un bataillon attaqué, il délivre une section, fait huit prisonniers et conserve des positions avancées sous le feu de l'ennemi (La Tribune Républicaine, 12 mars 1918).


Texte de Pierre Volut http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/index.htm et http://lesbleuetsdecizois.blogspot.fr/ mis en page par Martine NOËL (discussion) 27 avril 2018 à 15:03 (CEST)