Affaires au 19ème siècle

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1828 - Double parricide aux Bruyères-Radon

A l'audience du 22 août 1840, la Cour d'Assises de Nevers examine pour la seconde fois une affaire vieille de 12 ans. Le matin du 1er juillet 1828, dans le hameau des Bruyères-Radon, la petite fille des époux Vincent découvre un horrible carnage : sa grand-mère est étendue morte au milieu de la cuisine, le crâne ouvert ; son grand-père est mort dans son lit, du sang macule draps et vêtements.
L'affaire est jugée une première fois. Deux suspects ont été arrêtés : ce sont Philippe et Jacques Vincent, les fils des victimes, tous deux mariés et résidant dans le hameau. Mais les juges ne disposent pas de preuves convaincantes de leur culpabilité, et ils bénéficient d'un non-lieu.
En 1840, Philippe et Jacques Vincent sont à nouveau arrêtés. Cette fois, la justice a réuni des témoignages accablants. Après un long silence, les voisins ont décidé de parler. Un témoin aurait entendu la conversation suivante : « Je n'ose frapper la mère, aurait dit le plus jeune. Eh bien ! je m'en charge, aurait répondu l'aîné, toi, tu tueras le vieux ! » Pendant la nuit du meurtre, Philippe Vincent serait venu allumer sa chandelle chez un voisin, et celui-ci aurait remarqué des taches de sang sur son gilet. Le lendemain, les villageois auraient trouvé Jacques Vincent bien pâle et bien abattu.
La Cour d'Assises déclare que les deux frères Vincent sont coupables, mais qu'ils bénéficient de circonstances atténuantes. Ils sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité et à l'exposition en place ducale(2).
Ce jugement produit une fâcheuse impression sur le public : si les frères Vincent ont réellement assassiné leurs parents, ils méritent la mort ; le tribunal a craint de trop se désavouer en donnant deux verdicts contradictoires. Pour le journaliste de L'Association, les frères Vincent sont de parfaits criminels : « la figure anguleuse, le front aplati, les yeux de vautour roulant d'une manière effrayante dans leur orbite, le nez aquilin courbé comme le bec d'un oiseau de proie, les lèvres pincées », ils ont toutes les caractéristiques du gibier de potence et ils ne sauraient être punis assez sévèrement(3).
Le 20 décembre suivant, Jacques et Philippe Vincent sont embarqués dans le fourgon cellulaire n° 9 à destination de Toulon.

  • Journal L’Association, 23 août 1840
  • (2) L'exposition est la version moderne du pilori. On attache le ou les condamnés sur une place publique, sous la garde des gendarmes, et la population peut venir les contempler, voire les insulter pendant plusieurs heures.
  • (3) A la suite des travaux de Lavater sur la physiognomonie, certains criminologues du XIXe siècle ont établi des portraits-robots des parfaits criminels ; Achille Guillard prétendait que certains individus étaient dotés, dès leur naissance, de la marque de Caïn ; il faudra attendre la fin du siècle pour que ces hypothèses débouchent sur des techniques plus rigoureuses et moins spectaculaires : l’anthropométrie de Bertillon et l’étude des empreintes digitales.
  • Pierre Volut, Decize et son canton au XIXe siècle et à la Belle Epoque, p. 77.

1834 - Assassinat à Verneuil de Pierre RIZOT par André DUMAS

  • Cercy-la-Tour. Dans la nuit du 27 au 28 avril, le sieur Rizot Pierre, laboureur, âgé de 25 ans, a été assassiné à Verneuil ; l'auteur de ce crime est le nommé Dumas André, pionnier, âgé de 26 ans, lequel a été immédiatement arrêté et mis à la disposition de M. le Procureur du Roi à Nevers. On donne sur ce malheureux événement les détails suivants :
Le 27, à dix heures du soir, Rizot, Dumas et deux autres pionniers travaillant au canal du Nivernais, et revenant de Decize, arrivèrent à Verneuil où ils s'arrêtèrent pour dîner dans l'auberge du sieur Rista. Après le repas, et à la suite d'une discussion qu'avait provoquée une chanson, Rizot donna un coup de poing à Dumas qui, de suite, éteignant la chandelle, saisit un couteau, en porta plusieurs coups à Rizot, et s'élança hors de la maison. Le cabaretier ayant rallumé la chandelle, on vit le malheureux Rizot étendu mort et baigné dans son sang, qui coulait à grands flots de trois blessures affreuses, dont deux au menton et une à la gorge. Les témoins de cette horrible scène se sont rendus sur-le-champ chez le maire qui, aidé de la garde nationale, est parvenu à s'emparer du meurtrier. Interrogé s'il était l'auteur du crime, il a répondu affirmativement, en ajoutant qu'il avait agi sans savoir ce qu'il faisait, et en se rejetant sur son état d'ivresse. Les personnes qui connaissent parfaitement Dumas ont déclaré qu'il est d'un caractère violent, emporté, très méchant, et redouté de tous les habitants.
  • (L'Écho de la Nièvre, n°8, dimanche 4 Mai 1834)

Assises : Affaire Dumas à Verneuil

Cour d'assises de la Nièvre. Séance du 5 [août 1834] deuxième affaire.

  • André Dumas, âgé de 26 ans, terrassier, était accusé d'avoir donné la mort à un jeune homme de Cercy-la-Tour nommé Rizot. Le dimanche 27 avril au soir, Dumas et Rizot étaient entrés dans un cabaret de Verneuil. Là, une querelle s'étant engagée entre eux pour un motif assez futile, Rizot donna un coup de poing à Dumas, qui riposta en frappant son adversaire de trois coups de couteau, dont l'un l'atteignit à la gorge, ouvrit l'artère carotide, et occasionna sur-le-champ le décès de Rizot. Déclaré coupable par le jury, Dumas a été condamné à six mois de prison.
  • (L'Écho de la Nièvre, n°31 14 août 1834)
  • Relevé de Pierre Volut

1845 - Jarreau, Marie Meunier et le bébé

Cour d’assises de la Nièvre, audience du 24 février 1845.

Infanticide. Deux accusés.

Marie Meunier était depuis quinze mois au service de Jacques Jarreau, cultivateur à Colméry, lorsque, dans le nuit du 5 au 6 septembre dernier, elle accoucha mystérieusement d’un enfant du sexe féminin.

La grossesse de Marie Meunier était connue de tous, quoiqu’elle l’eût constamment cachée. Son état de pâleur et de faiblesse, le lendemain de l’accouchement, frappa tous les yeux ; on conçut des soupçons, l’autorité fut avertie : une information commença.

Marie Meunier, interrogée par M. le juge de paix de Donzy, essaya d’abord de nier. Mais vivement pressée par le magistrat, elle finit par le conduire dans une cave dépendant de l’habitation de son maître, où l’on trouva enfoui dans la terre, et recouvert de deux grosses pierres, le cadavre de l’enfant qu’elle avait mis au jour. Il était enfermé dans la partie inférieure d’un sac de grosse toile, la tête et les jambes fléchies vers le tronc, et le tout entouré d’une corde.

Cette découverte avait lieu le 20 septembre, et déjà le cadavre était arrivé extérieurement à un état de putréfaction fort avancé. Aussi l’on ne put découvrir s’il existait sur le corps quelque trace de violence. Toutefois, l’autopsie qui fut confiée à un homme de l’art, et l’examen du cerveau, injecté de sang, aussi bien que les expériences hydrostatiques qui furent faites sur le cœur et les poumons amenèrent cette conclusion du médecin que l’enfant était né à terme, viable, qu’il avait respiré, et que la mort avait été nécessairement le résultat d’une asphyxie par défaut d’air respirable.

Ceci démontré, restait à obtenir de la fille Meunier l’aveu de son crime. Elle nia encore.

Suivant elle, quand elle fut surprise par les douleurs de l’enfantement, elle appela à son aide Jacques Jarreau, le père de son enfant, couché près d’elle dans la même chambre. Jarreau se serait levé, elle l’aurait vu couper le fond d’un sac, et à peine accouchée, y placer l’enfant et disparaître avec lui. Vainement depuis elle lui aurait redemandé son enfant :

Il est mort, ne t’en occupe plus : voilà la réponse qu’elle obtenait. Ce n’était qu’au bout de quelques jours qu’il lui apprenait dans quel lieu son enfant était enseveli.

Jarreau, à son tour, tout en avouant ses liaisons avec sa servante, nie avoir eu connaissance de sa grossesse, nie avoir assisté à son accouchement. Si elle est accouchée dans la chambre qu’il occupe, c’est pendant son premier sommeil, et il n’a rien entendu. Et puis, dans le trajet de Colméry à la prison de Cosne, la fille Meunier lui a fait l’aveu qu’elle était sortie de la chambre pendant qu’il dormait, et était allée accoucher dans la grange. Impossible pour lui dès lors qu’il eût pris part à l’infanticide reproché à tous deux.

Telles sont les versions contradictoires des deux accusés, version qui ont servi de base à leurs différents systèmes de défense.

Mais l’accusation répondit à Marie Meunier :

Vous aviez conçu par avance la pensée du crime, car vous avez constamment celé votre grossesse. Vous, déjà mère d’un premier enfant qui absorbe toutes vos ressources, vous n’aviez rien préparé pour recevoir le second, qui devait être pour vous un fardeau bien lourd, et cette négligence implique de votre part le projet de vous en défaire.

Enfin, dans votre lit, sur les linges qui s’y sont trouvés, on a reconnu des traces de méconium. Donc l’enfant a séjourné dans votre lit ; donc il n’a pas été emporté à votre insu pendant que vous étiez au milieu de la chambre livrée aux douleurs de l’enfantement.

L’accusation répondait à Jarreau :

Vous n’avez pu ignorer la grossesse de Marie Meunier, puisque vous cohabitiez avec elle ; vous n’avez pu l’ignorer lorsque sans cesse on vous en avertissait par des propos railleurs.

Vous n’avez pu ignorer l’accouchement, car il a eu lieu en votre présence, dans un lit qui touche presque le vôtre, dans le cours d’une nuit, où vous-même avouez vous être levé deux fois.

Vous n’avez pu ignorer le crime, car ce n’est pas Marie Meunier seule qui a pu, au milieu des souffrances et de la faiblesse inséparables de sa position, placer l’enfant dans un sac, le couper, le lier, le porter dans la cave, lui creuser une fosse, après avoir arraché deux pierres pesantes et les replacer sur le cadavre.

M. Baille de Beauregard, avec une logique serrée mais empreinte de modération, a développé toutes les charges de l’accusation.

Me Girard et Me Lebas, à leur tour, dans l’intérêt des accusés, ont réfuté avec leur talent connu tous les arguments du ministère public. Leur ministère était d’autant plus difficile et pénible que les accusés se rejetaient le crime l’un à l’autre.

Après un résumé qui n’a pas duré moins de trois quarts d’heure, les jurés sont entrés dans la chambre de leurs délibérations. À sept heures un quart, ils ont rapporté un verdict affirmatif sur la question relative à Jacques Jarreau, et négatif sur les questions concernant Marie Meunier. En conséquence, cette dernière a été mise sur-le-champ en liberté.

Quant à Jarreau, déclaré coupable avec circonstances atténuantes, il a été condamné à quinze ans de travaux forcés, sans exposition.

  • (L’Écho de la Nièvre, samedi 1er mars 1845)
  • Relevé par Pierre Volut