Petite Histoire de la Forêt Nivernaise

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Il est difficile de se représenter actuellement à quel point la présence des loups a pu faire peser jadis sa menace sur les habitants des régions boisées. Il y avait alors peu de mouvement sur les routes ; les chemins, rares et mal entretenus, ne permettaient pas de pénétrer sans peine au cœur des forêts qui gardaient leur mystère et leur sauvagerie. De plus, sous l'Ancien Régime, la législation sur la chasse avait entraîné la pullulation du gibier, mais aussi celle des loups. Ces fauves prélevaient un lourd tribut sur les bestiaux à la lisière des forêts et, dans les hivers rudes , ils erraient la nuit jusqu'aux portes des habitations . On peut tenir pour certain que les loups firent alors des victimes humaines en Nivernais, quoiqu'aucun écrit n'en fasse mention avant 1747. Le roi Henri III avait bien, en 1583, enjoint aux officiers des Eaux et Forêts « de faire assembler un homme de chaque paroisse avec armes et chiens pour la chasse au loup trois fois l'an au temps le plus propre». Mais il n'est pas douteux que l'édit resta sans effet dans notre province fort secouée par les guerres de religion.

Si l'Ordonnance de Colbert ne contient aucun article concernant l'organisation d'un service de louveterie, un arrêt du Conseil du Roi, de février 1697, reprend à un échelon régional des dispositions analogues à celles de l’Édit de 1583 : « Il est ordonné au Sieur Begon, Grand Maître des Eaux et Forêts au département du Berry, qu'il soit fait des huées et chasses au loup ès endroits de la province de Berry qui seraient jugés nécessaires et qu'à cet effet les habitants des villes et villages situés ès environs desdits endroits seront tenus d'y assister ». C'est l'apparition du principe des battues administratives codifiées par la suite, organisées localement et seulement à la suite des doléances des populations.

A partir du règne de Louis XIV, les méfaits des loups en Nivernais sont mieux connus, notamment au début par les notes portées sur les registres paroissiaux. En avril 1747, un jeune berger fut tué à Montsauche, en lisière des bois d'Argoulais. En 1748, le bilan fut beaucoup plus tragique à Entrains, où une jeune fille fut tuée sur le chemin de Couloutre et un petit berger subit le même sort près de la forêt du Minerais. Deux bûcherons, plus heureux, ne furent que blessés. Les habitants d'Entrains s'émurent et, s'armant de fourches et de bâtons, firent une battue au cours de laquelle un loup fut abattu près de Réveillon. A la Révolution, le service forestier, démantelé, n'entreprit rien pour la destruction des loups. De plus, quoique le droit de chasse eût été accordé à tous les propriétaires de terres et de forêts, bien peu en usaient et les possesseurs de fusils de chasse restaient rares. Pour ces raisons, aucune battue ne fut faite en Nivernais depuis 1786, et les loups se firent de plus en plus agressifs. Leur présence fut signalée de tous côtés en 1794, à Anthien, à Biches, à Saint Révérien, à Azy le Vif où, en une nuit, ils blessèrent les 18 chevaux d'un entrepreneur de roulage. Les municipalités réclamèrent des armes et les administrateurs se décidèrent à monter quelques battues. Celles que menèrent les frères Fournier, d'Arthel, obtinrent des résultats excellents, trop localisés malheureusement pour être vraiment efficaces sur l'ensemble du département. Aussi, les loups continuèrent-ils à se montrer audacieux et menaçants. Les archives des communes et des districts abondent en notes relatant leurs attaques. Le 5 prairial An X, le maire de Varzy fit appel à ses collègues des communes voisines pour chasser les loups qui avaient dévoré une fillette de Migny, alors qu'elle gardait ses vaches aux abords de la forêt de Ronceaux. La même année, en messidor, le maire de La Chapelle Saint André nota, en marge du registre des décès, que depuis le début de l'année les loups avaient attaqué 23 personnes, en tuant six dont deux bûcherons surpris pendant leur travail au Crot de la Charbonnière et à la Reboussière.

Il fallut attendre le Premier Empire pour voir s'organiser une lutte sérieuse. L'administration forestière, reconstituée, fut enfin en mesure de l'entreprendre. La mise en place des lieutenants de louveterie, généralisée en 1827, contribua beaucoup à la disparition progressive des loups dans la Nièvre. En 1830 encore, des bandes existaient dans le Bazois puisqu'une chasse de M. Brière d'Azy dut être interrompue, les chiens ayant été attaqués en pleine action par les loups. En juillet 1862, une note retrouvée sur un registre de la commune de Châtillon relate que les loups ont tué dans les bois d'Aunay des bestiaux échappés d'un pré. Beaucoup plus tard, au printemps de 1910, quatre personnes dignes de foi affirmèrent avoir vu un loup en Bertrange, sur la route des Ducs. Mais rien n'est venu confirmer leurs dires.

On ne saurait préciser la date à laquelle ces hôtes dangereux quittèrent enfin la Nièvre. Sans cesse inquiétés par les bruits fréquents d'une circulation plus intense, ils ne trouvaient plus les conditions favorables à leur genre de vie.


--Patrick Raynal 19 juillet 2014 à 10:32 (CEST)


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