Les entreprises d'état

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  • A côté de ces entreprises privées, l'action de l'état est considérable à cette époque dans le Nivernais. C'est dans cette région que la marine et la guerre font leurs principaux marchés. Avec les guerres du règne de Louis XIV, il devient nécessaire de rendre la production plus intense. Colbert crée de nouvelles usines comme la manufacture de fer blanc du Pont St Ours en 1665. Il améliore dans les forges les procédés de fabrication, car le fer du Nivernais est, parait-il, 'aigre' et trop souvent les mousquets et canons éclatent. L'état encourage et soutient une société industrielle dite 'Compagnie de Nivernois', puis comme les résultats ne sont pas satisfaisants, il devient industriel lui-même et prend en régie un certain nombre de forges. Aux environs de Nevers, il afferme les usines d'Harlot, qui appartiennent au duc, celles de Charbonnière, d'Imphy, du Pont St Ours, du Gué d'Heuillon, qui appartiennent à d'autres seigneurs. Une véritable administration royale s'organise à Nevers et à Cosne. Les sieurs Claude Dechartre et Jacques Guiraud dirigent le département de Nevers et s'intitulent directeurs des manufactures royales. Ils passent à l'hôtel des fabriques royales une foule de marchés analogues à ceux de Maslin. En dehors de leur fabrication, ils achètent aux industries privées. Le nivernais devient alors une sorte d'immense arsenal, une fabrique de matériel de guerre et de munitions. C'est de là que partent les mortiers 'à battre poudre', les canons, les mousquets, les boulets, les grenades. Les ancres et les chaines s'en vont aussi à Nantes et de là se répartissent entre les différents ports.
  • Ce trafic détermine en Loire un mouvement de batellerie assez considérable pour que les administrations d'état soient obligées d'avoir leurs bateliers à elles. Le sieur Jean Chapus, de Nevers, se qualifie d'entrepreneur de voitures pour le Roi. Il est enrôlé par les sieurs Guiraud et Dechartre le 12 décembre 1681. Pendant 5 ans, il conduira dans ses bateaux sur Paris et sur Nantes toutes les munitions et autres marchandises, que les directeurs expédieront, pourvu toutefois qu'il y ait 2 pieds d'eau en rivière ou environ les dits 2 pieds. Chapus sera exempt de touts les droits ordinaires de navigation et péages, attendu les privilèges accordés par Sa Majesté pour les dites fabriques. Si le directeurs obtiennent aussi l'exemption des droits du canal de Briare, les pris seront diminués d'autant. Chapus supportera les autres dépenses, pesage des fers et transbordement des marchandises dans les vaisseaux de mer à Nantes. Il recevra 6 liards et 10 sols par millier pesant des marchandises voiturées à Nantes, en pesant les fers à raison de 104 pour 100 et les fontes à raison de 106. Il recevra 9 liards par millier quand il ira à Paris et 10 liards quand il ira jusqu'à Sèvres. Il touchera la moitié de l'argent au départ et le reste à l'arrivée. Le contrat à un caractère exclusif de part et d'autre. Chapus devra se tenir prêt à toute réquisition des directeurs, sauf les cas fortuits de rivière et de guerre, mais les directeurs de leur côté s'engagent à ne pas embaucher d'autres voituriers que Chapus.
  • Dans les années qui suivent, le voiturier conclut de nouveaux contrats avec les administrations royales. Le 2 décembre 1689, il se met au service de Pierre Jonquet, conseiller du roi, commissaire ordinaire de la marine au département de Rochefort. Il s'engage à voiturer et conduire par eau le long de la rivière de Loire jusqu'au port de Nantes tous les boulets et grenades que le sieur commissaire fera fabriquer dans cette province de Nivernais. Les livraisons seront faites sur la Loire à ports chargeables, et les marchandises par lui voiturées incessamment et conduites au dit port de Nantes sans retardement, pourvu toutefois que la rivière soit navigable, pour conduire la charge de ses bateaux et sauf les périls et risques de guerre et de rivière. Chapus est non seulement voiturier mais homme de confiance. Il devra visiter, calibrer et examiner tous les boulets, en telle sorte qu'ils soient conformes aux calibres qui en auront été ou seront fournis par le dit commissaire. Il fera ses convois de munitions à la fin de chaque mois, à condition toutefois qu'on puisse lui livrer 100 milliers pesant de marchandises. Il recevra comme salaire 6 liards 5 sols du millier, à mesure qu'il fera les livraisons à Nantes. Il sera exempt de tous droits, ponts, péages, passages, droits de ville, douanes et de tous autres droits généralement quelconques. Au cas où il serait inquiété ou arrêtée en quelque lieu pour aucun de ces droits, sera tenu se défendre en vertu des pièces que le dit commissaire lui mettra ou fera mettre entre mains. S'il se trouve obligé de payer, on lui remboursera ses frais et on l'indemnisera du retardement de ses équipages, pourvu toutefois qu'il n'y ait rien de sa faute ou de ses préposés.
  • Chapus est enrôlé aussi dans la conduite des corps et bras d'ancres ou même du charbon de pierre de Decize. Il ne suffit pas à des opérations si vastes. Il doit prendre des associés, par exemple son frère Bertrand, poissonnier à Nevers. Dans un contrat d'association du 5 février 1690, Bertrand prend sa part de tous les traités que son frère a conclus avec les administrations de la guerre et de la marine ou avec les entrepreneurs de la charbonnière de Decize. Il aura droit à la moitié des bénéfices, comme il supportera la moitié des pertes, mais il devra rendre compte de toutes ses opérations à son frère, et celui-ci lui retiendra toutes les avances qu'il aura faites en matériel et en équipages. Jean Chapus enrôle aussi des étrangers non seulement à Nevers mais dans tous les ports de Loire. Le 7 avril 1691, il prend à son service Alexandre Brullon, batelier de Touraine, qui mènera dans ses bateaux jusqu'à Nantes les munitions de guerre pour le service de Sa Majesté et la construction de ses vaisseaux, à raison de 100 sols par milliers. Chapus fait ainsi de bonnes affaires, car il reçoit de l'état 6 liards et même davantage. Il se réserve donc au moins 20 sols de bénéfice. Il est vrai que Brullon a plus de bonne volonté que de capitaux. Chapus doit lui avancer 360 liards pour constituer ses équipages. Le même jour notre voiturier nivernais conclut un marché analogue avec Jacques Caillard, autre marinier tourangeau.
  • Après 1694, la régie est abandonnée. Désormais l'état se borne à faire des commandes aux diverses entreprises privées. Cependant au 18e siècle la réputation de Babeau de la Chaussade étant devenue vraiment nationale, la royauté crut avantageux de racheter tous ses établissements et de recueillir le fruit de ses entreprises. Par contrat du 8 et du 31 mars 1781, Louis XVI, moyennant une somme de 3 675 094 liards et 7 d., prenait à son compte un groupe d'usines, qui allaient bientôt péricliter comme toutes les industries nivernaises. Du moins les divers gouvernements qui ont suivi devaient-ils se transmettre cette succession, si bien qu'au début 1900 encore, malgré leur existence un peu factice, les forges de Guérigny continuent à fabriquer les ancres et les chaînes de notre marine de guerre comme au temps de Babeau de la Chaussade.