Les Chinois de La Machine

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Journal chinois relatant l'histoire - Crédit photo: Antoine Lainé
  • Au début de l'année 1916, une délégation française est allée négocier avec les autorités chinoises l'envoi de travailleurs pour les usines d'armement, les ports, les mines, les forêts, l'agriculture. 39975 travailleurs chinois, recrutés par des sociétés locales privées, sont venus en France.
  • Un premier contingent arrive à La Machine en mai 1917 : 47 ouvriers et 3 cuisiniers. Ils perçoivent 5 francs par jour pour les mineurs de fond, un peu moins pour les autres ; la direction de la mine effectue une retenue de 40% de leur salaire pour le logement (dans des baraques assez précaires), pour la nourriture et les vêtements.
    En avril 1918, ils sont 106 ouvriers et 4 cuisiniers. Les chefs d'équipe se nomment Tchang Tac San et Ly Foun Min.
    Dans la seconde quinzaine de janvier 1919, ils sont au nombre de 160 ouvriers, 5 cuisiniers, 1 balayeur.
    À partir d'août 1919, ils ne sont plus désignés que par un simple matricule, on oublie Fou Tchou Tac, Ly Tang Chioi, Tchang Tac San, Wai Cheng Mai, Lo Sin Fan, Wan Guo Tin, Gou Ha Kon, Kiang Guo Biou, Tchang Fon Son, Chu Tiai Min...
    En novembre 1921, le nombre de Chinois diminue : 111 ouvriers, 1 interprète, 5 cuisiniers, 2 balayeurs, 1 magasinier et 1 planton.
    Les Chinois ont eu à affronter des brimades, et parfois des coups, de la part des autres ouvriers et de la part de soldats américains, comme en témoigne une lettre du maire de La Machine au préfet de la Nièvre :
''La Machine, 11 octobre 1918,
Monsieur le Préfet,
J'ai l'honneur de porter à votre connaissance la perturbation apportée au bon ordre et à la sécurité de circulation dans les rues de notre commune par des soldats américains cantonnés aux alentours.
Ces soldats dépendant du Le camp de Verneuil et surtout de Riégeot, commune de Champvert, viennent journellement et principalement le soir à partir de cinq heures se distraire dans notre commune et surtout s'enivrer en séjournant très tard, et parfois passent la nuit à circuler dans les rues, chantant, criant, invectivant les passants, troublant ainsi le sommeil de notre population laborieuse.
Dimanche dernier, à 6 heures du soir, un noir a brutalement frappé un Chinois, sans aucune provocation de ce dernier et, si certaines personnes du pays ne s'étaient interposées, il s'en serait suivi une représaille regrettable de la part de l'ensemble des Chinois.
Je vous demanderai, M. le Préfet, de bien vouloir intervenir au plus tôt auprès de l'Autorité Militaire américaine Commandant la Région, pour consigner notre commune aux Troupes Américaines, à moins que nos Alliés puissent organiser un service de police comme il en existe à Decize et dans d'autres localités.
Agréez, Monsieur le Préfet, l'assurance de la considération très distinguée.
Le Maire''.
  • En janvier 1946, il y avait encore des Chinois à La Machine : André, Roger et Robert Tchang naturalisés français et 13 Chinois, dont N'Gan Yen Tchang, Tong Fou Lin, Yuen Tong Ho, Cao Fou Yan et 5 membres de la famille Ly. [not 1]


Témoignage de Roger Tchang:

Roger Tchang à l'âge de 84 ans - Crédit photo: Antoine Lainé
  • « La saga familiale commence forcément par son père, "un beau Chinois", né en 1897. Son prénom c'était Tson - plus tard, il a changé pour "André". Un jour, à 19 ans, il a été attiré par des affiches qui promettaient "la fortune" en France. Rien n'indiquait que c'était la guerre. Alors fils unique, orphelin de père, maçon de formation, il n'a pas eu d'hésitation. Il a passé une visite médicale. On lui a donné un numéro de matricule. Et après plusieurs mois de bateau, il a débarqué à Marseille, en 1917.
    Les contrats étaient précis. Tout était prévu : les doses de thé, de graisse et de sel, 5 francs de salaire par jour, 25 centimes pour les vêtements et les chaussures, autant pour les "frais de maladie" et l'assurance décès. Officiellement, la main-d'œuvre ne devait pas combattre, elle était à la disposition de l'arrière-front. Mais les tâches étaient ingrates : terrassement des tranchées, déminage. André Tchang, lui, fut d'abord docker, puis manutentionnaire à Châlons-sur-Marne, chargé du nettoyage des champs de bataille et du ramassage des cadavres. "Il n'en parlait jamais", raconte Roger.
    C'est seulement à la fin de son contrat, en 1923, alors que la plupart de ses compatriotes rentrent au pays, qu'il rejoint La Machine. Il a entendu dire que quelques Chinois y sont restés. Certains sont venus via Schneider, qui fabrique de l'armement et exploite le gisement. D'autres sont des étudiants en quête de fins de mois, envoyés par le gouvernement chinois. Au Creusot, à 100 km de là, en avril 1921, le plus célèbre d'entre eux, Deng Xiaoping, futur numéro un chinois de 1978 à 1992, a fait un séjour de trois semaines, et c'est là qu'il a découvert le marxisme. » [not 2] [not 3]


Sources

Texte de Pierre Volut http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/index.htm et http://lesbleuetsdecizois.blogspot.fr/


Liens utiles

Portfolio lié à l'article du Monde https://www.lemonde.fr/societe/portfolio/2010/01/06/le-dernier-des-chinois-machinois_1284465_3224.html


Rédaction

Martine NOËL le 25 avril 2018


Notes et références

Notes

  1. Archives du Musée de la Mine de La Machine : cotes 26 J 7701, 26 J 7702, main d'œuvre chinoise, feuilles de paie, 26 J 12832, ouvriers étrangers.
  2. Extrait d'un article du journal Le Monde du 6 janvier 2010.
  3. https://www.lemonde.fr/societe/article/2010/01/06/gueules-noires-venues-de-chine_1288106_3224.html

References