Les Cassiat, une famille nivernaise

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par Radu Portocala

  • La tradition familiale veut que les premiers membres de la famille Cassiat, artisans faïenciers, soient venus d’Italie au moment de l’apparition des premières manufactures de faïence à Nevers, et que le nom de cette famille soit d’origine italienne. En est-il vraiment ainsi ? Précisons, d’emblée qu’au fil des siècles, la plus grande concentration de Cassiat se retrouve dans la commune de Cossaye (58300), qui semble être le berceau de la famille, du moins dans sa période nivernaise. Quant à la légende concernant son origine italienne, l’histoire aussi bien que la philologie la contredisent de manière assez catégorique.
  • Le nom, d’abord. S’il ne suggère rien en français et n’a pas une sonorité française, on le retrouve en langue gasconne, signifiant « chênaie, lieu planté de chênes » (Abbé Vincent Foix, Dictionnaire gascon-français, Presses universitaires de Bordeaux, 2003). En revanche, le nom Cassiat n’existe pas en Italie, alors que celui de Cassia est fort rare, étant porté presque exclusivement en Sicile, c’est-à-dire très loin des régions où se trouvaient, au 16e siècle, les manufactures de faïence. Mentionnons, par ailleurs, que dans plusieurs régions au Sud de la France, de nombreuses églises appelées Saint-Cassian étaient souvent désignées dans les écrits d’autrefois comme Saint-Cassiat, ce qui prouve avec force qu’il ne s’agit pas là d’un nom étranger.
  • La chronologie est encore plus catégorique. Le duc Louis IV de Nevers (Louis de Gonzague) a fait venir d’Italie, vers 1585, Augustin Conrade qui a fondé la première manufacture nivernaise de faïence. Outre ses deux frères, seulement quelques artisans – qui allaient devenir les premiers des illustres faïenciers de Nevers – sont arrivés avec lui. Mais c’est bien avant cette date que nous trouvons la première référence à un Cassiat. « Richard Audiger, essayeur de la Monnaie de Bourges, certifie, à la requête de noble homme Pierre Fradet, garde de la Monnaie de Bourges, qu'il a bonne souvenance qu'en la semaine sainte 1562 (1563, nouveau style), deux chanoines de la ville de Nevers, Jean Resmon et Guillaume Cassiat, vinrent à la Monnaie de Bourges et firent apporter par leurs serviteurs de l'argenterie et des reliquaires pour en faire faire des testons et demi-testons; cette argenterie fut apportée en pièces et morceaux; toute dorure avait été enlevée. » (Département du Cher, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, vol. 4, 1908)
  • Ainsi, Guillaume Cassiat était déjà chanoine à Nevers vingt-deux ans avant l’arrivée des premiers artisans faïenciers italiens ! Si les Cassiat étaient italiens, il aurait fallu qu’ils soient arrivés en France au plus tard vers 1520-1530 pour que l’un des leurs, forcément de la deuxième génération, atteigne à cette dignité avant 1562. Or, à cette époque-là, les Italiens n’étaient pas encore venus dans la Nièvre.
  • Les Cassiat sont, en effet, devenus faïenciers, mais bien plus tard. Les premiers membres de la famille dont on trouve des traces sont des ecclésiastiques et des marchands. Guillaume Cassiat, on l’a vu, est chanoine à Nevers en 1562. Simon Cassiat, clerc du diocèse de Nevers, est nommé en 1597 « chapelain de la seconde portion de la chapelle, ou chapellenie de Saint-Luc. » (Bulletin de la Société nivernaise des sciences, lettres et arts, vol. 7, 1872). Il sera ensuite « chanoine de Nevers, prieur, seigneur du prieuré de Varennes-en-Glénon, demeurant à Nevers. » (Bulletin de la Société nivernaise des sciences, lettres et arts, vol. 24, 1913). De 1639 à 1672, Germain Cassiat est, à son tour, chanoine de Nevers. En 1651, Antoine Cassiat devient curé de la paroisse Saint-Benin d’Azy et curé de la chapelle de Saint-Christophe d’Azy. En 1737, François Cassiat est mentionné en tant que clerc tonsuré.
  • Marie Cassiat épouse François Callot (de la famille du grand graveur Jacques Callot). L’un de leurs fils, Jacques Callot, dit le jeune, né vers 1665, deviendra maître orfèvre à Nevers. Le 26 janvier 1666, un contrat de baillage intervient entre François Callot et un certain Guillaume Cassiat, marchand tanneur, époux de Françoise Carimantrand. En mars 1677, Antoine Cassiat, marchand, fait baptiser l’un de ses fils à Saint-Ouen-sur-Loire ; prénommé Antoine, comme son père, l’enfant deviendra « bourgeois de la ville de Nevers ». Étienne Cassiat, marchand à Nevers, époux de Françoise Paulchin, est mort avant 1689. Ajoutons une mention sans date concernant Jacques Cassiat, marchand à Nevers (Département de la Nièvre. Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, vol. 2, 1897).
  • On trouve également, sans pouvoir la dater, une fort intéressante référence à « Michel Cassiat, dit Saint-Michel, chirurgien et carabinier du Roi, de la compagnie du baron de Villemade ». (Inventaire-sommaire des archives communales antérieures à 1790. Nevers, 1876)
  • Curieusement, c’est à Paris qu’on trouve la première référence aux Cassiat en tant que faïenciers. En 1680, Germain Cassiat a une manufacture Grande rue du Faubourg Saint-Antoine, qu’il vendra, en 1693, à un certain Beaucasse. Jean Cassiat, probablement fils du précédent, installé rue Basfroy, est ouvrier en poterie en 1688.
  • Les faïenciers Cassiat de la Nièvre, ainsi que leur généalogie, sont cités par Louis du Broc de Segange (La faïence, les faïenciers et les émailleurs de Nevers, La Société Nivernaise, Nevers, 1863). Ils étaient présents à Saint-Genest, Saint-Laurent, Saint-Sauveur, Saint-Cyr. L’historien évoque une première génération, composée de trois frères : Guillaume, peintre en faïence, marié à Françoise Toret, puis à Gabrielle Beaumier et mort le 12 février 1725 ; Philibert, maître faïencier en 1715, marié à Gabrielle Fauquier ; Gabriel, peintre en faïence, marié à Anne Dubos.
  • Les enfants de Guillaume sont : Pierre (° 19 mars 1707), Gabriel (° 24 septembre 1708, † 29 août 1777, marié le 18 octobre 1729 à Hélène Leblanc), Louis-Marcoul (° 25 novembre 1710), Guillaume (° 4 janvier 1713) et Anne (° 7 juin 1718). Gabriel est celui qui, devenant peintre en faïence, reprendra le flambeau. Et il bougera. Car on le retrouve à Dole, où il est le gérant de la manufacture municipale de la porte d’Arans et où, de 1723 à 1741, il a son propre atelier de faïencerie à Plumont.
  • Sur les 15 enfants de Gabriel, nés entre 1730 et 1751, deux continuent la tradition : Thomas (° 1er juillet 1743, marié à Marie Fleury, puis à Esmée ou Edmée Bard) est peintre en faïence ; Joseph Mathurin (° 15 mars 1751, marié à Anne Dufour) est également peintre en faïence.
  • Thomas a sept enfants, nés entre 1767 et 1780. Parmi eux, Guillaume (° 4 septembre 1776) est, comme son père, peintre en faïence. Deux détails le concernant sont à retenir. Une pièce de faïence produite à Cognac (Charente) le 17 fructidor an X est signée par lui, en tant que peintre, et par Pierre Guichard, tourneur (Adrien Lesur, Les poteries et les faïences françaises, vol. 3, Éd. Tardy, 1969). Donc, à l’instar de son grand-père Gabriel, il a voyagé. En 1811, il entre dans les ordres et devient prêtre habitué de la paroisse Saint-Étienne de Nevers. Il est mort en 1868, à 92 ans. Un manuscrit contenant des recettes pour le travail de la faïence est resté de lui.
  • Le frère de Thomas, Joseph Mathurin, a eu lui aussi sept enfants, nés entre 1778 et l’an V, dont Mathurin (° 27 mars 1782) est devenu peintre en faïence.
  • Deux femmes Cassiat au moins ont épousé des faïenciers. Il s’agit de Gabrielle, mariée vers 1680 à Henri Deselle, dont les ateliers étaient à Saint-Martin et Saint-Genest, et de Madeleine, femme d’Eustache Magny (à Saint-Sauveur) vers 1745.
  • Il semblerait que la lignée des faïenciers s’arrête avec Mathurin, donc probablement durant les premières décennies du 19e siècle.
  • La famille Cassiat a donné également un certain nombre d’hommes de loi. La première trace en ce sens se retrouve dans les « Chartes de Saint-Étienne » (Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts, vol. 22, 1908). Un accord du 20 mars 1646 passé entre Christophe Desprez et le prieur claustral Dom Belin a pour témoins « Guillaume Ferré, practixien, et Michel Cassiat, clerc audit Nevers ». Le 9 mars 1619, est baptisé à Saint-Arigle (Nevers) Simon Cassiat, fils d’Étienne et de Gilberte Sauvageon et frère du chanoine Germain Cassiat, cité ci-dessus. Il deviendra « procureur fiscal en la châtellenie de La Marche, demeurant en la paroisse de Champroux ». (Département de la Nièvre. Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, vol. 1, 1891). Louis-François Cassiat, marié à Thérèse Marguerite Gestat, est « notaire royal et contrôleur des actes à Nevers ». (Département de la Nièvre. Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, vol. 2, 1897). Ce dernier a eu au moins un fils, Étienne. En 1759, un Cassiat était notaire à Arthel (58700). Selon L’Almanach royal de 1827, un Cassiat était greffier au Tribunal de Commerce de Nevers. L’Almanach royal et national de 1833 le mentionne de nouveau, de même que L’Almanach impérial de 1853. Une longue et stable carrière, donc. En 1844, Pierre Edmé Adolphe Cassiat était avocat à Nevers. Il l’était encore 40 ans plus tard. En 1856, il publiait un livre de droit, Du contrat de mariage et de sa publicité. Élie Cassiat (1839-1904) a été avoué à Nevers. Membre très actif de la Société nivernaise des sciences, lettres et arts et auteur, vers 1900, du Petit catéchisme national publié à Nevers.
  • Le dernier membre de la famille nivernaise dont on retrouve la trace est Charles Élie Ferdinand Cassiat, né en 1838 à Nevers, probablement le frère d’Élie, et vivant à Entrain-sur-Nohain (58410). On a tout lieu de croire que c’est lui qui est désigné en 1902, par La Croix du Nivernais en tant que « propriétaire aux Feuillats ». Aujourd’hui, une rue d’Entrain-sur-Nohain porte son nom.
  • On trouve également, dans les Landes, un lieu-dit Cassiat – ce qui renforce la conviction que l’origine géographique du nom est dans le Sud-Ouest –, ainsi qu’une allée Cassiat dans la commune de Candresse (40180).
  • Famille très ramifiée et avec une descendance nombreuse durant les siècles passés, les Cassiat ont disparu de la Nièvre et sont actuellement moins de 30 dans toute la France.