Le journal de route du soldat Gunter Faust

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Gunter Faust, né le 22 avril 1925, soldat de la 4e Cie du 221e Régiment de Grenadiers, a rédigé son journal lors du repli et des premiers mois de captivité. Texte traduit et repris par Pierre Demongeot, Les F.T.P. du Groupement Cher-Nièvre, p. 76 et sq.

  • « Aujourd'hui, 23 août 1944, nous quittons notre point d'appui après avoir détruit toutes les installations militaires. Nous nous mettons en route à 22 heures. Notre route nous conduit successivement par La Roche [sur-Yon], Parthenay, Poitiers, Chartero [sic pour Châteauroux] jusqu'à ce que nous atteignions enfin Decize le 9 septembre.
    À Decize nous nous heurtons à une résistance ennemie accrue. En effet, à part cela, le voyage, en dehors de quelques incidents, s'était effectué sans difficultés.
    À Decize se trouve un pont qui devait nous permettre de passer la Loire, mais il était fortement défendu par les terroristes(1). Nous disposions de cinq mitrailleuses de D.C.A. et en plus de quelques canons anti-chars, mais il est impossible de traverser le pont car l'ennemi l'a pris sous son feu.
    Après un assez long échange de coups de feu, on enregistre une période calme que l'ennemi utilise pour faire sauter le pont. Nous devons alors nous retirer et établir nos quartiers ailleurs. Ce pont aurait d'ailleurs certainement pu être tenu par nous si notre commandement n'y avait renoncé.
    Nous installons donc de nouveaux cantonnements à Saint-Germain [Chassenay] le 10 septembre ; là je me suis présenté comme volontaire pour une unité de choc.
    Nous avons encore un certain nombre de maisons et un morceau de forêt à nettoyer. Après avoir perquisitionné dans plusieurs maisons, nous avons reçu des coups de feu venant de la forêt, mais les bandes armées qui nous avaient ainsi attaqués furent prises sous un feu violent. Nous pensions alors être un peu tranquilles mais, dans le courant de la journée, quelques terroristes cherchèrent à nouveau à nous attaquer. Le soir, nous nous sommes retirés tous dans un village et nous avons porté en terre le corps de nos camarades. […]
    On nous dit alors que plusieurs colonnes avaient été lancées dans plusieurs directions afin de reconnaître une nouvelle route, mais tout devait bientôt changer. C'est alors que j'ai vécu la période la plus triste de ma vie. Nos officiers nous ont vendus pour pas cher aux bandes de terroristes. C'était le 11 septembre 1944, le soir, que nous avons dû déposer nos armes et que nous sommes tombés près de Saint-Pierre-le-Moûtier aux mains de ces bandes. Le 12 au matin, les Français nous ont emmenés sur des charrettes qui nous conduisaient en captivité. Nous avons traversé ainsi les faubourgs de Nevers, puis la ville elle-même. C'est alors que l'on a pu voir la haine que les Français nourrissaient contre nous. »

(1) Le terme « terroriste » est habituellement utilisé par l’occupant, comme par tous les occupants de toutes les guerres d’invasion ou des guerres coloniales. Quelques jours après sa capture, Gunter Faust a entendu de la bouche du colonel de Champeaux : « On vous a dit que vous aviez affaire à des terroristes, nous sommes simplement des Français. » Cf. La Nièvre Libre, n°2, jeudi 14 septembre 1944, discours prononcé devant les prisonniers allemands.

La situation le 9 septembre au soir, croquis Colonel Jean Schneider, Le Sens de leur combat

Texte communiqué par Pierre Volut.