Dispensés de dispenses

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Le texte qui suit est plus qu'une anecdote tirée des registres.
Il s'agit d'une véritable enquête menée par Jean-Pierre Taupin, qui, grâce à la consultation des archives judiciaires de Saint Pierre le Moutier, nous livre ce résumé concernant deux de ses ancêtres.

Les malheurs de Jacques Paupert et de Léonarde Bouché Pillon
Un double problème de consanguinité et d’affinité


  • Les frères Paupert, après les décès de leur père Jacques et de leur mère Antoinette Bouché Pillon, restèrent ensemble comme parsonniers de leur communauté taisible sur l’exploitation familiale. Ils vivaient en bonne entente. Aussi Félix Paupert, pour le baptême d’un de ses enfants fit appel à son petit frère Georges, qui allait avoir 20 ans, et à une cousine Léonarde Bouché Pillon, pour être les parrain et marraine de l’enfant.
  • Il semble que les jeunes gens se plurent et exprimèrent le souhait de se marier. Les parents de la fille et Félix Paupert furent d’accord, malgré les remarques de quelques proches, dont la tante par alliance de Léonarde : Toussine Bouché Pillon épouse de son oncle Sébastien.
  • Leur union posait en effet problème sur le plan du droit canon. Ils étaient deux fois cousins issus de germain et, ayant été ensemble parrain et marraine, considérés comme liés par une parenté spirituelle. Soit autant de causes de prohibition de mariage entre eux.
  • Certes il eu été possible de demander dispense à l’évêque d’Autun. Mais la démarche était compliquée et onéreuse car exigeant le recours à des hommes de loi. Par ailleurs le succès n’était pas assuré faute d’un motif suffisant pour justifier cette dispense.
  • Le contrat de mariage fut, malgré ce problème, passé le 18 juin 1654 chez Maître Lefiot notaire royal à Gacogne. La mariée devait amener outre le lit nuptial, un coffre et son trousseau, une génisse et 60 livres payables en plusieurs échéances.
  • Félix invita à la signature du contrat de mariage Félix Paupert son parrain, chanoine de Cervon et curé de Gacogne, tandis que les parents de Léonarde faisait appel à leur curé Pierre Voillot, official de Lormes. Ce sans doute pour solliciter conseil.
  • Visiblement on décida de passer outre au problème de parenté, qui ne devait pas être connu de tout le monde. L’affaire du baptême était publique à Gacogne et trop récente pour être négligée. Il semble que Pierre Voillot ait promis d’en faire son affaire et de voir l’évêque d’Autun à ce sujet. La suite laisse entendre qu’il n’en fit rien. Néanmoins le « sabmedy devant la Saint Jean », soit le lendemain du contrat, il mariait les deux jeunes gens en l’église Saint Aubin de Lormes.
  • Le jeune couple s’installa en la communauté des Paupert à Saugny où le 8 septembre 1655 Léonarde mis au monde un petit Jacques.
  • Mais on jasait à Saugny et le bruit parvint aux oreilles du « fermier du revenu » du lieu, maistre Adrien Lorillard. Une dispense devait être pour lui une occasion de percevoir quelques droits, qui dans ce cas lui avaient échappés. Aussi, « face au scandale publique et au nom des bonnes mœurs » il porta plainte auprès du juge au bailliage de Lormes. Plainte immédiatement relayée par le procureur fiscal chargé de percevoir les amendes.

  • Sur cette plainte le juge Grosjean décida immédiatement de procéder à une enquête, et le jour même, le 25 septembre 1655, accompagné de son greffier, alla s’installer chez l’aubergiste de Saugny pour y entendre les témoins.
Le premier, Jean Robelin, manouvrier à Saugny lui confirma que Georges et Léonarde avaient été se marier à Lormes et que depuis ils vivaient ensemble à Saugny et y avaient eu un enfant. Ce, bien qu’à sa connaissance, ils soient cousins issus de germain du fait de Marguerite et Emiland Bouché Pillon leurs ayeuls, qu’il avait bien connus, et qui étaient frère et sœur. Il dit aussi qu’ils étaient alliés spirituellement puisque parrain et marraine de l’enfant de Félix Paupert, frère de Georges.
Françoise Leret de Saugny confirma le mariage à Lormes, la cohabitation et la naissance de Jacques, ce malgré la parenté spirituelle. Mais elle ne dit mot de leur cousinage.
André Thevenin tisserand à Saugny et Jeanne Dubelin femme du charpentier de Saugny confirmèrent tous les propos de Robelin.
Philibert Donné, laboureur à Sonné, paroisse de Lormes, fut plus précis et plus incisif. Selon lui Marguerite Bouché Pillon mère de Nicolas Paupert (le père de Georges), était sœur d’Emiland Bouché Pillon père de Marguerite Bouché Pillon (la mère de Léonarde). Mais aussi Denis Bouché Pillon père d’Antoinette Bouché Pillon (la mère de Georges), était frère de Philibert Bouché Pillon père de François (le père de Léonarde). Il y avait donc double parenté au 3° degré à laquelle il ne manqua pas de rajouter la parenté spirituelle susdite. Il affirma en outre avoir tenté de dissuader Georges et Léonarde de se marier. Conseil dont ils ne tinrent pas compte.
La déposition de Jeanne Appeneau de Sonné est aussi complète et accusatrice que la précédente. De même que celle de Toussine Pillon, femme de Sébastien Bouché Pillon, le propre oncle de Léonarde.

  • Suite à l’audition de ces témoignages le procureur fiscal demanda au juge la prise de corps des époux et la convocations des témoins du mariage sous peine de 100 livres d’amende aux défaillants.
  • Ce qui fut décidé par le juge, qui procéda sur place à un premier interrogatoire des accusés amenés par Bouché sergent royal. Mais il ne convoqua pas les témoins du mariage. Lors de ce premier interrogatoire Georges répondit de son mieux, mais prétendit ignorer le nom de ses grands parents et l’existence d’une parenté entre lui et son épouse. Il admit avoir été parrain avec son épouse du petit de Félix, mais prétendit que le curé de Lormes, qui les avait mariés, avait réglé le problème avec l’évêque d’Autun, à la demande de qui ? il ne savait. Interrogée a son tour, Léonarde fit des réponses analogues. Le juge se référant aux témoignages leur reprocha de ne pas avoir dit toute la vérité et leur demanda de reconnaître leur degré de parenté, ce qu’ils refusèrent.
  • Ils furent donc conduits à Lormes et incarcérés avec le petit Jacques en la conciergerie de la tour Bourbon. Le lendemain ils subirent un second interrogatoire par le juge et le lieutenant Jean Duchas. Cette fois, devenus méfiants ils furent beaucoup moins coopératifs refusant de répondre à la plupart des questions, craignant d’être pris en défaut. Pour couper court à l’interrogatoire Léonarde prétexta même que son bébé avait faim. La présence du bébé gênait visiblement le juge qui malgré l’heure tardive se lança dans un troisième interrogatoire en présence cette fois de l’official, mais sans plus de résultats.
  • Il fallait conclure. Constatant que les accusés reconnaissaient s’être mariés, avoir vécu ensemble et fait un enfant, restait le problème de la validité du mariage. Ce qui relevait de l’officialité et non du tribunal royal. Il les condamna donc ….. à aller se faire juger par l’official.
  • La suite, c’est comme dans les contes de fée. .…. « Et ils eurent beaucoup d’enfants ». ( 8 en tout). Ils ont donc dû obtenir la fameuse dispense de l’évêque, qui du fait de la présence du petit Jacques ne pouvait guère faire autrement que de l’accorder, après pénitence symbolique et sans doute amende.
  • Leur mariage fut probablement réhabilité en l’église de Lormes et l’affaire a peut être laissé des traces aux archives de Saône et Loire dans les papiers de l’officialité d’Autun. (actes et pièces à rechercher)


Texte transmis par JP Taupin, par l'intermédiaire de la liste GenNièvre