1837

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Rapports et délibérations manuscrits

  • En 1821, le financement consacré aux enfants trouvés est, pour le Conseil Général, un intolérable « fardeau pour le département ».
    Quinze ans plus tard, en 1836, après bien des tergiversations, des menaces restées sans effets, la recherche infructueuse d’un bouc émissaire significatif et des espoirs sans cesse déçus, le Préfet de la Nièvre met en œuvre une double procédure véritablement efficace.
    Jouant à la fois sur les admissions et les enfants admis et placés en nourrice, le succès est garanti. En 1837 les admissions diminuent de 50% ou plus, et le nombre des enfants placés en nourrice de 30 %, certains d’entre eux ayant été déplacés et d’autres repris par leurs mères à l’annonce de leur éloignement programmé.
    Reposant sur le seul jugement souverain d’un agent administratif de la Préfecture et selon des critères non identifiables au vu des documents examinés, la compression drastique du nombre d’admissions est interprétée comme la preuve (par l’absurde), que le soupçon de complaisance abusive de certains maires était fondé.
    Pourtant ces derniers sont nommés par le Préfet(1) et, de ce fait, sous sa dépendance ce qui limite singulièrement toutes velléités de dissidence, à fortiori quand elles représentent un taux d’abus évalué à 50%.
    Très prosaïquement, ils sont surtout soumis à une véritable injonction paradoxale, par définition même ingérable. Ils doivent en effet à la fois contribuer à satisfaire le devoir réputé « sacré » de la nation en faveur des enfants nécessiteux et n’accorder l’admission qu’aux « véritables pauvres » dont l’identification est certainement problématique(2).
    Dans un contexte où la misère domine avec une rare violence, ce que les maires ne peuvent ignorer, ils peuvent aisément se considérer obligés de faire admettre les enfants qui leur sont signalés, sauf à choisir délibérément de ne pas secourir un mineur en danger(3).
    Dans ce sens et mis à part le caractère monstrueux des décisions prises, mieux valait en effet confier l’entreprise à un agent (probablement) étranger au contexte, comme celui de la préfecture n’ayant pour seule mission la diminution des quotas d’admissions(4).
    Tous les résultats concourent au bonheur du Préfet :
- la morale est sauve puisqu’avec une belle hypocrisie la sélection est présumée garantir la prise en charge des enfants réellement dans le besoin, ce qui a contrario, écarte opportunément les présumés faux pauvres et les dépenses qui vont avec ;
- Contrairement aux craintes de certains esprits chagrins, le nombre d’infanticides n’a pas progressé et tend même à régresser de même que le nombre de décès (5)  ;
- Le comportement des enfants déplacés n’a été en rien affecté : ils sont en effet restés indifférents.
  • La félicité du Préfet et des membres du Conseil Général sera cependant de courte durée puisque l’année suivante, lors de la session du Conseil Général, le préfet évoquera dans un long lamento, le mauvais procès qui lui est fait et que confirme un message adressé par le Ministre de l’Intérieur.
    Face aux remous qui se sont manifestés à la Chambre (des députés ?), le Préfet cache d’autant moins son amertume qu’il demeure apparemment convaincu de n’avoir pas démérité concernant les mesures mises en œuvre l’année précédente.
    En termes financiers il peut se prévaloir pour l’année suivante d’une diminution de plus de 25 % du budget prévisionnel.
    Par ailleurs convaincu (ou voulant se convaincre) de l’absence d’innocuité tant pour les enfants, que pour les mères et les nourrices, il considère que les décisions prises ont permis, en cascade, de freiner le libertinage et même, rare miracle, de stopper les procréations et de moraliser les mœurs.
  • Obnubilé par la débauche attribuée aux mères célibataires, menace permanente de la société rêvée, convaincu par ailleurs de la rusticité des nourrices, le Préfet se réfère à une notion monolithique du bien, sans s’attarder sur les contradictions de son discours.
    Ainsi les enfants peuvent à la fois inspirer des discours systématiquement attendris et être « déménagés » comme s’il s’agissait d’objets. De même, selon les circonstances, les nourrices sont susceptibles d’une sensibilité toute maternelle et réputées attendre de l’enfant l’équivalent d’un « retour sur investissement ». D’où leur préférence présumée pour l’enfant de constitution robuste comme s’il s’agissait d’un animal de trait.

(1) En 1882, une loi municipale permet à chaque commune d’élire son maire mais jusqu’à cette date : « Les maires jadis étaient dans la main des préfets, dans l’étroite dépendance de l’administration centrale. Les voici élus par leurs administrés et l’huile sainte de l’élection leur donne la possibilité d’exister face au préfet, de lui résister, de négocier avec lui ». extrait de « Composition Française – Retour sur une enfance bretonne » de Mona OZOUF. Gallimard, collection Folio.2010. page 227.
(2) En 1848, une « Association pour la Distribution de Secours aux Pauvres » détermine une batterie de critères permettant d’identifier trois niveaux de pauvreté. (Voir le dossier « Aide Sociale », page 3-5, Cote : 2 N 202, Médiathèque Nevers).
(3) Le raisonnement est certainement spécieux car durant tout le 19ème siècle et en particulier durant sa première moitié, la mortalité infantile représente régulièrement environ 2/3 de chaque classe d’âge. Les décès se répartissent par tiers : avant 8 jours, avant 1 mois, avant 1 an. A la suite, pour une cohorte ayant la même année de naissance, à l’âge de 2 ans il ne reste plus que 30 à 20 % de l’effectif, les variations étant certainement liées à des épidémies toujours mortifères.
(4) L’archive cotée « 3X 3032 » laisse effectivement penser qu’en 1833, l’admission à l’hospice est une simple formalité, pour Nevers sur un formulaire pré-imprimé et pour les autres communes nivernaises sur papier libre. Les situations décrites illustrent aussi le caractère dramatique de la misère de l’époque.
(5) À titre comparatif : « … le taux moyen de la mortalité infantile de la France de la fin du 18ème siècle (…) est de 25 % ; pour certains enfants allaités par leurs mères dans de bonnes conditions, il peut descendre jusqu’à 18 % ». Cité par Marie-France MOREL, historienne, dans un article intitulé « Aux origines de l’hôpital pour enfants au 18ème siècle ». Catalogue d’exposition du musée de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Exposition 2005. Sur le thème : « XIXe – XXe L’hôpital et l’enfant : l’hôpital autrement ?... ».
Plus tardivement, et pour illustrer l’état des connaissances de l’époque, voir aussi une thèse de médecine présentée et soutenue publiquement par JB. ARNAUD, à la faculté de médecine de Montpellier, le 30.08.1830 et intitulée : « Quelques réflexions sur l’éducation de la première enfance ». Vingt-quatre pages, numérisées. Source : Bibliothèque Inter Universitaire de Médecine (BIUM). PARIS.


  • Sources : AD 58
    COTE : 1N25

Texte fourni par Arlette Nicoloso mis en page par Martine NOËL le 27 juin 2017