Saint Privé les Decize et Brain

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Les anciens lieux de culte de Decize.

  • Decize a eu longtemps quatre paroisses. Sur la rive droite de la Loire : Notre-Dame de Brain et Saint-Privé ; dans l’île et sur une partie de la rive gauche, Saint-Aré ; enfin Saint-Maurice-des-Forains.
  • Deux fusions ont eu lieu aux XVIe et XVIIe siècles : la paroisse de Brain a été regroupée avec Saint-Privé ; le même curé en a reçu la responsabilité. Jusqu’aux alentours de 1730, l’église Notre-Dame de Brain est encore utilisée pour les baptêmes, les inhumations, les mariages. Elle est peu à peu abandonnée. A la veille de la Révolution, elle est en ruines. Le seul curé de Brain dont le nom a été retenu est Jean Gay : le 10 novembre 1456, il dessert Notre-Dame de Brain ; six ans plus tard, il devient l’un des quatre curés portionnaires de Saint-Aré. Il n’y a pas de registre particulier pour Brain.

Saint-Privé-lès-Decize et Brain.

Ancienne église paroissiale transformée en habitation
  • L’église de Saint-Privé, désaffectée pendant la Révolution, nous est connue grâce aux notes du curé d’Arcy. En plus de l’autel principal dédié à saint Privé (ou Privat), elle comptait au moins deux chapelles latérales : celle de Saint-Antoine et celle de Notre-Dame du Mont Carmel. En 1703, la dévotion à la Vierge du Carmel est attestée à la fin d’un registre paroissial ; le curé a copié les noms d’une centaine d’habitants du faubourg, ou de la ville, qui ont donné des sommes de 20 à 50 sols pour faire partie des « confrères et sœurs du Carmel  ».
  • Le dernier livre de fabrique de la paroisse Saint-Privé a été conservé : il permet de connaître, année par année, la vie d’une petite paroisse, de 1746 à 1783. La fabrique est la gestion financière de tout le patrimoine paroissial : l’entretien de l’église, du presbytère, du cimetière, du jardin, des vignes et des terres qui constituent les biens communautaires du curé et de ses paroissiens. Un conseil est chargé de veiller à la fabrique ; il comprend en principe tous les chefs de familles résidant sur le territoire de la paroisse, en réalité les dix ou douze hommes les plus influents, qui savent signer leur nom et tenir un livre de comptes. A Saint-Privé, ce sont les artisans et commerçants, que complètent le seigneur des Caillots, celui de Brain et de rares fermiers. La liste des responsables de la fabrique est éloquente : on trouve le maître tanneur Dougny, les selliers Beaumont, les taillandiers Millon, le couvreur Rat, les commerçants Tixier, Potevin, Dumont, Pillien, Lachaize (ou de La Chèze, famille de cordonniers), les propriétaires terriens Mouzat (ferme de Vauzelle et vignes), Boulat (vignes à Brain et à Foltière) et Meynis (fermes à Champvert et le long de l’Aron). Les autres paroissiens du faubourg, de Brain et des fermes sont absents de ce conseil.
  • Tous les ans, généralement autour de Pâques, le conseil de fabrique se réunit dans l’église et procède à l’élection d’un second fabricien  ; l’ancien second devient premier fabricien  ; on ne reste fabricien que deux ans (des mandats de trois ou quatre ans sont exceptionnels). Le premier fabricien est le chef laïc de la paroisse ; il détient le livre de fabrique, les actes de donations et de fondations qu’il négocie régulièrement auprès des notaires et des familles des défunts. Il rappelle au curé les messes de fondation à dire, il note les dépenses et les recettes de la fabrique. Avant de passer la main au second, il rédige le bilan financier, qu’il lit solennellement devant le conseil, fait vérifier par un assistant et signe.
  • Un autre personnage important de la paroisse est le marguillier ou sacristain ; c’est lui qui balaie l’église, la décore, veille au luminaire (chandeliers), prépare l’encens et les vases sacrés, assiste en témoin aux baptêmes, enterrements et mariages, sert de parrain aux enfants naturels ou trouvés (la marraine est alors la sage-femme). Le marguillier est aussi l’homme de confiance du curé, celui qui convoque les paroissiens en sonnant la cloche, celui qui effectue les petits travaux de réparation de l’église. Hugues Rat exerce cette charge à Saint-Privé de 1780 à la Révolution.
  • Le curé peut avoir un domestique. C’est le cas de Jean-Baptiste d’Arcy au début du XVIIIe siècle, ou de Philippe Samoël à Champvert en 1790. Ou bien, comme Pierre François Charpin, il a une gouvernante, une femme d’âge canonique qui veille au ménage, à la nourriture et au linge.
  • Les finances de la paroisse Saint-Privé oscillent, ces années-là entre 27 livres (en 1761) et 265 livres et 18 sols (en 1746). Selon les travaux effectués dans l’église et les rentrées d’argent très irrégulières, la fabrique doit être légèrement excédentaire(1). Sinon - ce qui arrive parfois - elle doit aliéner son patrimoine : vendre une vigne, échanger avec Saint-Aré une fondation contre des dettes… Les fondations de messes, comme pour les chapelles de Saint-Aré, sont réputées perpétuelles, mais les sommes léguées sont vite dépensées. La rente de Gabriel Fellonier, commencée en mars 1725, est pratiquement épuisée à la veille de la Révolution ; les descendants se font prier, la famille de La Chaize doit 200 livres et c’est un certain sieur Gardiet qui a racheté cette dette ; le cordonnier Jacques Loizeau, lui-même premier fabricien, verse trois livres et dix sols pour la veuve Lorguereau. Les fabriciens assiègent les notaires, exhibent parchemins, reçus et testaments pour se faire payer des messes dites pour des paroissiens qui sont morts depuis deux siècles.
  • Certaines fondations n’ont pas à être garanties par des rentes, car elles correspondent à des dons importants, des bâtiments ou des terres. Dans ce cas, les curés disent gratuitement des messes pour le repos des âmes des fondateurs. En 1755, l’abbé Moreau, curé de la paroisse toute proche de Devay, énumère trois fondations dues par la paroisse :
- « Une messe le jour de Saint Jacques, 2 may, pour feu messire Jacques Sallonier, pour laquelle il a donné la place où est le presbytère l’an 1683,
- une messe le jour de Saint Claude, le 6 juin, le lendemain une messe de Requiem, le lendemain de Saint Victor un service solennel, le curé assisté de deux prestres, pour feüe Claudine Bernard, pour lesquelles elle a donné à la cure de Devay trois œuvrées de vignes situées au climat des Ouches,
- deux grandes messes de Requiem le 3e jour de novembre, pour feu Martin Mazier, pour lesquelles il a donné à la cure un pré d’un chariau [sic] de foin en l’année 1745 . »
  • Des tarifs très précis réglementent les messes et sacrements : la fabrique de la paroisse reçoit les deux tiers de ces frais, le prêtre prend le reste. Ainsi, un drap de mort est payé entre 10 et 18 sols, l’enterrement complet entre 18 sols et une livre et huit sols. Les mariages sont uniformément facturés deux livres. Les familles aisées louent à l’année leurs bancs, qui sont placés près de l’autel : les bancs de Saint-Aré coûtent entre dix sols et une livre par an.
  • Les paroisses de Saint-Privé et de Saint-Aré ne bénéficient que très partiellement du principal revenu du clergé, la dîme. A Saint-Privé, la dîme est perçue par les moines de Saint-Léonard de Corbigny, qui possèdent le prieuré abandonné de Saint-Privé. A la fin de l’année 1770, le curé François Saint-Eloy explique l’escroquerie dont il a été victime de la part d’un paroissien : « Lors de l’Edit qui porta les portions congrues à 500 livres, les Bénédictins de Corbigny vinrent icy. Se disant prieurs de Saint-Privat, ils voulurent m’abandonner toutes leurs dismes, soit de cette paroisse, Corcelle, Rouetard et Cossaye, pour ma pension, en leur rendant 50 livres et payer toutes les charges comme droit de patronage, décimes, la portion du vicaire de Champvert. Si j’avais été un peu instruit des objets étrangers à ma paroisse, j’aurais traité avec eux ; mais, ne jugeant que de la valeur de ma paroisse, après quinze ans de cure, je voulois qu’ils m’abandonnassent même le titre, ne désirant que faire le bien de tout le bénéfice. N’ayant pu nous arranger, un nommé Boulat qui, pour l’ordinaire, quoique ayant un peu de bien foncier à Brain, réduit aux expédients, était fermier du prioré. J’avais obtenu de ces moines qu’on lui donna [sic] du temps pour payer deux cartiers [trimestres] de la ferme qu’il devoit pour reconnaissance. Le susdit Boulat, planté debout à la cuisine, ayant entendu toutes mes propositions, et surtout qu’après vespres je traiterois avec ces moines, il sortit de chez moy avec nous tous, moy allant à l’église satisfaire aux devoirs parochiales [sic] ; eux allèrent en ville. Chemin faisant, le nommé Boulat leur offrit 800 livres du tout. Ils luy demandèrent cotion ; il la trouva chez un Blondat demeurant en ville, car à Saint-Privé aucuns des habitants ne l’auroient fait. Cependant, dans l’entrevue que j’eus avec ces moines, je leur proposay d’abandonner leur maison priorale pour en faire la maison curiale. Ils y consentirent pourveu que la communauté fist une rente à leur profit, même modique. La communauté refusa. C’est un animal bien difficile à conduire quelquefois . » Le curé Saint-Eloy n’obtient ni la dîme ni le presbytère ; il est amer envers ses paroissiens. Son successeur Charpin connaîtra les mêmes déboires en 1790...
  • Le dernier livre de la fabrique de Saint-Privé se termine en 1781. Le fabricien Loiseau note en haut de la page : « Reçu de Jean Batiste Millon pour la Confrérie de St Eloy pour l’année 1780 quatorze sols dix deniers . » La page a ensuite été réutilisée par le curé Pierre-François Charpin, fidèle rapporteur des faits et gestes de ses contemporains ; plusieurs notes s’ajoutent à celles qu’il a écrites dans ses registres paroissiaux(2).
« Le ven. 17 et sam. 18 août 1781 les habitans du fauxbourg St Privé ont par ordre de la police démoli les auvents, c’est-à-dire les petits toits d’ais dans la rüe au-dessus des boutiques.
Le lundy 10 7bre 1781 l’augmentation du sel fut publiée à Decize à quatorze sols la livre pour la ville au lieu de treize sols ; et à quatorze sols un liard pour la campagne au lieu de treize sols un liard.
La plus grosse des cloches de l’église St Aré a été fondue le 2 août 1783 et a été bénite le dimanche suivant de ce mois par le Sr Decray curé dudit lieu après vespres. Mgr le Duc de Nevers, parrain représenté par Sr Hugues Grenot, notaire royal, et la marraine la femme de Mgr Masirot intendant à Moulins, représentée par la femme du Sr Grenot subdélégué. Cette cloche pèse, dit-on, trois milliers environ.
En cette même année on a finit [sic] le pont de bois construit sur la rivière qui passe en Crotte.
L’année 1783 a été très sèche, le foin en très petite quantité, valant près de 100 livres le millier en des endroits, et même plus en d’autres. »
  • Pierre François Charpin évoque ses débuts difficiles, dix ans plus tôt, dans la paroisse Saint-Privé : « Le sieur Saint-Eloy est mort le 21 avril 1773. Depuis son décès, sa paroisse a été desservie par un père carme qui s’appeloit Fulbert de Saint Jean-Baptiste. L’arrivée du sieur Charpin ne lui fut pas agréable, car il se promettoit la cure, et les paroissiens l’avoient demandé à M. l’Evesque, du moins quelques uns de ses meilleurs amis. Il fut donc obligé de retourner à Nevers dans son couvent, à son grand regret, où il est resté quelques mois. Il eut ensuite son obédience pour une autre maison éloignée. »
    « Le vendredy 1er octobre dernier [1773], Mr Pierre François Charpin, fils de Maître Philibert François Charpin, de son vivant notaire royal à Cercÿ-la-Tour, et de dame Jeanne Dessertenne, fut mis en possession de la cure Saint-Privé par Mr Pierre Dessertenne, curé dudit Cercÿ, son oncle et parrain, chez qui il est demeuré en qualité de vicaire pendant près de deux ans. Ledit Sieur Dessertenne est mort le 25 décembre 1784, âgé de 79 ans environ. Il a été curé de Cercÿ 54 ans. Non omnibus fatum est [cela n'a pas été donné à tous](3) . »

    (1) Le livre des comptes de la fabrique de Saint-Aré pour les années 1755 à 1786 fait apparaître des sommes bien plus importantes ; une moyenne de 932 livres de recettes annuelles, contre 600 livres de dépenses annuelles. Il est vrai que Saint-Aré a quatre fois plus d’habitants que Saint-Privé.
    (2) Cf. Decize, le Rocher et la Révolution , chapitre IV.
    (3) Fin du registre paroissial de 1773, écriture de P.-F. Charpin.


Texte et image communiqué par Pierre Volut http://histoiresdedecize.pagesperso-orange.fr/
Février 2014