Peines aux 17e et 18e siècles

De Wiki58
Aller à la navigationAller à la recherche

L’échelle des sanctions.

  • L’ordonnance criminelle de 1670 énumère, dans un ordre décroissant, les sanctions applicables(1)
• la mort est donnée par gibet ou échafaud (le supplice de la roue, l’écartèlement et le bûcher font partie de cette dernière catégorie) ;
• des rituels infamants sont prévus après la mise à mort d’un condamné : on brûle son cadavre et on disperse les cendres ; on traîne le cadavre sur une claie à travers les rues ;
• la fustigation, c’est-à-dire battre avec un bâton ou fouetter avec des verges ou des cordes ;
• le pilori, exposition au carcan avec un écriteau expliquant la sanction ou un objet symbolique (par exemple, un condamné pour vol de raisins est attaché avec un collier en bois de vigne) ;
• l’échelle, comportant cinq pertuis pour la tête et les membres, variante du pilori ;
• la marque au fer chaud ; des lettres ou des fleurs de lys sont gravées sur l’épaule ;
• l’amende honorable publique : le condamné est exposé, nu en chemise, à genoux devant une église, tenant une torche ardente au poing ;
• le bannissement hors des terres du bailliage, de la province ; il se double de la confiscation des biens ; il peut être de courte durée (cinq ans) ou à perpétuité ;
• des amendes variables ;
• des peines peuvent frapper la famille du condamné : bannissement collectif, extinction du patronyme, destruction de la maison…

Les transactions.

  • Les peines prononcées par les juges sont souvent très sévères ; aussi n’est-il pas rare de constater que beaucoup de plaignants retirent leurs plaintes assez rapidement, après un arrangement à l’amiable avec la partie adverse. Cela évite avant tout d’importants frais de justice, des déplacements, les honoraires d’un avocat et les épices, les pots de vin et autres faux frais versés aux juges et aux greffiers pour faire avancer le dossier dans la bonne voie. Cela permet aussi d’éviter les rigueurs de la question et le déshonneur d’une condamnation.
  • François Simonnin, marchand voiturier par eau et fermier du port de Decize, a porté plainte auprès du procureur du roi du bureau des finances de Moulins en février 1736. Des pierres ont été lancées sur sa maison ; il aurait essuyé une querelle et des coups sur le pont ; les mauvais plaisants seraient Jean Patroquet et Claude Leblanc, de La Machine. Trois mois plus tard, Simonnin retire sa plainte car les deux prévenus ont été mis hors de cause.
  • Simon Auboy, fermier d’Avril-sur-Loire, est un homme vindicatif, qui a eu plusieurs fois des problèmes avec la justice. Le 8 juillet 1787, il rencontre Guillaume Pallierne de Chassenay ; il l’injurie abondamment et le frappe. Pallierne porte naturellement plainte. Simon Auboy fait intervenir le notaire Guillaume Gabriel Blondat ; ce dernier convoque les deux hommes et rédige une transaction. Simon Auboy se reconnaît « fautif, […] il se repent de ses propos indécents qu’il a pu tenir à M. de Chassenay, ainsy que des voyes de fait auxquelles il a pu se livrer à son égard, […] le tout n’est que l’effet d’un moment de vivacité occasionné par le vin, […]. Il promet à l’avenir d’être plus réservé et circonspect envers ledit seigneur de Chassenay. » Pallierne retire immédiatement sa plainte : Auboy lui remboursera les frais occasionnés par le dépôt puis par l’annulation de cette plainte, et il paiera le notaire.
  • Le 24 août 1777, se présentent devant maître Grenot les trois hommes suivants : Claude Gentil, voiturier par terre demeurant à La Machine, Joseph Ducloistre, exerçant le même métier, et Antoine Tixier, cabaretier à Saint-Léger. Pendant le mois de juillet précédent, les trois compères assistaient deux gardes-forestiers, les sieurs Nicolas Charois et Claude Louis, chargés par les Révérends Pères Minimes de récupérer des bestiaux lâchés dans la coupe de la Rachère. Réveillés en sursaut alors qu’ils se reposaient sous les arbres, Gentil, Ducloistre et Tixier ont roué de coups, insulté et maltraité le dénommé François Chanteriau, journalier demeurant à La Machine. La version des agresseurs est différente de celle de la victime : ils auraient été abusés par l’obscurité et auraient pris Chanteriau pour un voleur de chevaux. « Sur quoy ledit Chanteriau a répondu que quoyque la nuit fût sombre, ils pouvoient néantmoins le reconnaître, mais qu’il imagine bien qu’il peut se faire que son silence les ayt excités. » Une conciliation a lieu : Chanteriau retire sa plainte ; les trois aides gardes forestiers vont payer 132 livres pour tenir lieu d’indemnités, de frais de médicaments, pansements et indemnisation du temps perdu par leur victime. Chacun s’en tire honorablement.

La conciergerie du château de Decize.

  • D’autres justiciables n’ont pas la même chance et se retrouvent en prison. Maître Antoine Pierre, chirurgien à Dienne, a été chargé de collecter les deniers de la taille de son village. Il s’acquitte de son emploi de percepteur jusqu’au moment où les contrôleurs s’aperçoivent qu’il divertit une partie des sommes versées par les contribuables. S’il avait diverti plusieurs millions, on l’aurait applaudi ; sa volerie est modeste : il passe donc deux ans à la conciergerie du château de Decize. Le 27 avril 1737, il est élargi, mais ses biens sont mis en vente pour rembourser l’argent volé, plusieurs amendes et sa pension en prison. Sa femme et ses enfants parviennent à préserver une partie des biens de la communauté, mais Antoine Pierre est proche de la ruine.

Les prisons de Moulins et de Saint-Pierre-le-Moûtier.

  • En octobre 1758, Jean Chevernay, Bourguignon, seul laquais et seul domestique du sieur Pallierne(2), est en prison à Moulins. Pallierne réclame qu’il soit relâché et il vient deux fois à l’hôtel de ville : la municipalité de Decize appuie sa requête. Pourquoi Chevernay a-t-il été arrêté ? A-t-il été libéré à la suite de ces démarches ? Double mystère qu’aucun dossier judiciaire de Moulins n’a permis d’élucider.
  • Les prévenus et condamnés restent rarement en prison à Decize. Selon l’infraction commise, ils sont conduits au présidial de Saint-Pierre-le-Moûtier ou à la maréchaussée de Nevers. Les conditions de vie en prison sont mal connues ; en revanche, à la suite d’une enquête effectuée par ordre du Premier Président de la Grande Chambre de la Tournelle(3), on connaît les conditions effroyables dans lesquelles s’effectuait la question à Saint-Pierre à la fin du XVIIe siècle. Revenant de Vichy, où il était allé prendre les eaux, ce haut magistrat a eu l’idée de visiter « le lieu où l’on rend la justice. […] Le concierge les ayant menez, entr’autres endroicts en celuy où l’on donne la question à ceux qui y sont condempnez, ils furent extrêmes surpris d’y voir des poids d’une grosseur énorme que l’on attache aux pieds et aux mains des personnes en les eslevant environ vingt-deux à vingt-trois pieds… » Pendant les années précédentes, l’élévation a causé deux accidents : un homme est mort et « une femme a eu la main arrachée et séparée de son bras par la pesanteur des poids ». Ce supplice terrible ne se pratiquait plus depuis plusieurs années dans la plupart des tribunaux du royaume, aussi les juges ont-ils ordonné qu’à Saint-Pierre comme dans les autres bailliages on s’en tienne aux deux tortures tolérées : l’extension de l’eau et les brodequins(4). L’extension de l’eau consistait à faire ingurgiter plusieurs litres d’eau au prisonnier, jusqu’à provoquer l’étouffement ; les brodequins étaient des sortes de sabots que l’on chaussait au prisonnier, le bourreau les serrait comme dans un étau, ou bien il ajoutait des coins, qui avaient pour effet de briser les chevilles.

Un prisonnier condamné aux galères se suicide.

  • Le 26 août 1675, sur plainte de Guillaume Paillard, fermier et marchand de Saint-Saulge, trois hommes sont jugés pour vol. Le 8 mai précédent, dans la forêt des Glénons, ils ont dérobé au commerçant 19 boisseaux de blé qu’il faisait transporter à Decize. Pierre Bailly, le principal responsable du vol, est condamné à neuf ans de galère. Ses complices, Pierre Guyot dit Savignon, et Dominique Frébault sont condamnés à être battus de verges et flétris aux deux épaules, puis bannis pour neuf ans du territoire du bailliage.
  • Le 3 septembre, Pierre Bailly est mort ; les gardes de la prison le trouvent étranglé après « s’estre mis une corde au col dans le cachot appelé l’Haslée de la ville de Nevers, et attaché icelle au gond d’en bas de la porte, et s’estre laissé couler dessus les reins le long des marches dudit cachot, en telle manière qu’il se serait luy-mesme strangulé. » Deux jours plus tard, son cadavre est condamné à être « tresné [sic] sur une claye le long de la ville de Nevers, et ensuite pendu par les pieds à un arbre dans le grand chemin allant de la ville de Nevers à celle de Desize. »

Edme Berry est condamné à la pendaison.

  • Le nommé Edme Berry, « suffisamment atteint et convaincu d’avoir, le 3 septembre 1656, tiré un coup de fusil à Jean Tarin dit Arrault, son beau-frère, et blessé iceluy de plusieurs coups d’espéez, au-delà du ruisseau proche la justice de Faie(5), dans un bois, et pris un pourpoint et trois autres choses appartenant audit Tarin, desquels coups de fusil et d’espéez ledit Tarin serait décédé deux jours après », est condamné le 16 février 1658 « à estre pendu à une potence dressée à cet effet en la ville de Desize, au lieu accoutumé à faire les exécutions et son cadavre à estre porté au lieu où l’assassinat a esté commis(6). »

(1) Ordonnance commentée par André Dupin, illustre juriste et homme politique nivernais du XIXe siècle.
(2) Gilbert Pierre Pallierne, seigneur de Chassenay, Saulx, Chevannes et autres lieux sur la rive gauche de la Loire. C’est le père de Guillaume Pallierne de Chassenay, cité plus haut, et de Jean-Pierre Pallierne de Saulx.
(3) La Grande Chambre de la Tournelle, à Paris, était la plus haute juridiction criminelle du Parlement de Paris. Le Présidial de Saint-Pierre-le-Moûtier dépendait de ce Parlement.
(4) Jugement du 14 décembre 1695, entérinements, A.D.N., cote B 13.
(5) Faie : Faye, seigneurie en face de Verneuil ; la justice de Faye est le lieu où l’on rendait autrefois la justice seigneuriale, généralement un carrefour où l’on plantait le gibet ou le pilori, ou bien un gros arbre.
(6) Registre des affaires criminelles du bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier, A.D.N., cote 1 B 47.


Pierre Volut, CD-ROM Histoire de Decize, Justice d'autrefois