Justice de paix à Decize de 1890 à 1892

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La justice de paix de Decize au temps de Gabriel Genevoix

  • De septembre 1890 à mai 1892, le greffier de la Justice de Paix de Decize se nomme Gabriel Genevoix. Il n’occupe cet emploi que momentanément(1), mais pendant son passage à Decize, son épouse donne le jour à un enfant qui deviendra célèbre, Maurice Genevoix.
  • Le 3 juin 1892, Jules Vitte, commis greffier, remplace Gabriel Genevoix qui est retourné dans sa ville natale, Châteauneuf-sur-Loire, afin de gérer le magasin familial.
  • Guillaume Guibert exerce la fonction de juge de paix. Les affaires jugées au cours de ces années sont principalement des conflits de voisinage, des droits de servitude abusifs, des procès pour dettes, des affaires de chiens errants, des voitures circulant de nuit sans lanterne…

La lutte contre l’ivresse publique.

  • De nombreuses infractions sont liées aux cabarets et à l’ivresse. L’aubergiste de Verneuil, Ferdinand Joly, est sanctionné pour avoir ouvert son débit de boisson après l’heure de fermeture prescrite : il doit payer 3,25 francs d‘amende, 8,53 francs de frais de justice et effectuer deux jours de travaux. Même infraction et même sanction pour Madelon Lanoizelée, aubergiste à Saint-Léger (elle récidive et se fait punir à nouveau), pour Simon Toulon à Saint-Léger, pour Jean Vincent à La Machine, pour Léonie Rignaut femme Durand, cafetière à Decize.
  • Le juge condamne des consommateurs qui abusent de l’alcool et se font remarquer par leurs cris, leurs chants, le tapage nocturne, des actes de vandalisme : des ouvriers en goguette, le maçon Jacques Rossi, le couvreur Jean-Baptiste Gonin, les menuisiers Annet et Joseph Chazelle et Léon Bouchard ont parcouru nuitamment les rues en braillant, ils ont cassé un arrosoir, bu un pot de lait et volé quatre harengs. Ils ne reçoivent que des peines légères, un à deux francs d’amende.

Les querelles entre voisins ou entre conjoints.

  • Les disputes, échanges d’insultes et rixes sont fréquentes : Lise Brugeon femme Vellet est condamnée à deux jours de travaux et à 9,78 francs pour avoir jeté de l’eau sale sur la tête de Mlle Tissier, épicière à Decize ; Marie Genoux a tenu des propos injurieux à François Barbarin ; les femmes Augustine Richard et Marguerite Thérol veuve Guillemenot ont échangé insultes et horions. On trouve dans les registres une multiplication de mauvais traitements domestiques : le verrier Jean-Marie Bonnot, coupable de voies de fait sur Annette Jault, est condamné à trois jours de travaux ; le maréchal-ferrant Philippe Raymond a infligé des blessures légères à son épouse Louise Chambert ; Pierre Jarlot a exercé des mauvais traitements sur sa femme et l’a violemment injuriée ; quelques affaires de voies de fait sur des enfants sont beaucoup plus délicates à juger, l’absence de témoins et les contradictions des proches obligent le juge à prononcer des non-lieux.
  • Voici deux déclarations contradictoires copiées par Gabriel Genevoix, à propos d‘une dérisoire dispute entre deux commères :
Déclaration de Mme Augustine Richard, femme Lassauge, 34 ans : « Ce matin, 25 du courant, vers 10 h, mon enfant âgé de huit ans, est allé comme d’habitude chez la veuve Guillemenot ma voisine pour s’amuser avec le sien qui est du même âge. J’ai entendu de chez moi cette femme qui faisait des observations à mon enfant à propos de rien ; mon enfant est rentré chez nous en pleurant et m’a dit ce que je venais d’entendre de la femme Guillemenot, j’ai supposé qu’elle l’avait frappé, et sans réflexion je suis sortie tout d’abord sur le carré qui sépare nos deux logements, et lui ai dit que si elle battait encore mon enfant elle aurait à faire à moi ; sur mes paroles elle est sortie de chez elle en me traitant de vache et de peau de chien, en ajoutant que j’étais une mendiante, je lui ai fait observer que j’étais aussi honnête qu’elle, et je lui ai lancé une gifle par la figure qui ne lui a fait aucun mal, puis je suis rentrée chez moi. »
Rapport des gendarmes à cheval de Decize Charles Clavert et Claude Coppin, 25 septembre 1890, déclaration de la veuve Guillemenot, 48 ans : « Ce matin 25 du courant vers 10 heures, le petit Lassauge âgé de huit ans étant chez moi qui s’amusait avec le mien du même âge, il a appelé le mien Grain d’Orge ; je lui ai fait observer que je ne voulais pas qu’il le surnomme ainsi, que s’il recommençait il aurait à faire à moi ; sur mes observations il est parti chez eux ; un instant après sa mère est sortie en me traitant de vache, vieille peau, ajoutant que je m’étais fait cabrer vielle [sic] partout où j’étais passée ; sur ces propos j’ai ouvert ma porte et lui ai répondu qu’elle était aussi vache que moi, et que si je m’étais fait cabrer, cela ne l’avait pas empêchée de le faire, en même temps elle m’a lancé un coup de poing sur la figure, à la suite duquel le sang m’est sorti de la bouche, et la rixe a été terminée, nous sommes rentrées chacune chez nous. »
  • Le juge suppléant Reboulleau, après avoir écouté les deux plaignantes, leur attribue des torts réciproques et les condamne chacune à 9,83 francs d’amende et une journée de travail.
  • Les suites d’un accident du travail opposent Marie Buguat, veuve Comtal, à deux entrepreneurs, le maître maçon Laurent Foulet Aîné et M. Briffault maître d‘œuvre. Lors de la construction de la nouvelle église de Devay, en février 1881, Charles Comtal, ouvrier de M. Foulet, a été écrasé par l’effondrement des cintres mal fixés et il est mort de ses blessures. La responsabilité de l’accident a d’abord été attribuée au charpentier Jean Rochard et à ses ouvriers : voulant installer les cintres, ils ont fait appel à plusieurs ouvriers présents sur le chantier, dont Charles Comtal (et au curé de Devay) ; l’appareilleur Rey a laissé échapper un coude, ce qui a entraîné l’effondrement. L’affaire se complique puisque des ouvriers apparemment inexpérimentés ont participé à ces travaux et les deux autres entrepreneurs sont englobés dans l’accusation de négligence et imprudence. La justice a condamné conjointement Foulet et Rocard à verser deux mille francs de dommages et intérêts à la veuve Comtal. Mais Briffault refuse la pertinence de l’accusation qui le concerne ; le tribunal civil de Nevers donne raison à ce dernier. C’est maître Meunier, avoué à Nevers, à qui la veuve Comtal a confié sa cause, qui décide de faire appel. L’affaire n’est pas terminée…

(1) Justice de Paix de Decize, A.D.N., cotes 4 U2-32 et 4 U2-112.